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LES DONNÉES RELATIVES À MES COMPORTEMENTS RELATIONNELS INTÉGRÉS

5.1.3 Case 3 – La courtepointe

5.1.3.3 Je me sens transparente

À leur retour en couple, moi aussi je veux que ça marche. Je me retire pour leur laisser leur intimité. Enfin, ça, c’est l’histoire que je me suis racontée jusqu’à récemment. En accompagnement de fasciathérapie, il m’a été donné de rétablir les faits. Voici un extrait de résumé de cet accompagnement qui remonte à décembre 2013.

Nous discutons des effets ressentis à la suite de l’accompagnement de la semaine dernière. Je reviens sur ma sensation d'être seule, de ne pas avoir eu la possibilité de vivre cette expérience de déposer ma tête sur l'épaule de quelqu'un.

L’excès de souffrance commence par isoler. Peu importe de quel côté il vient : trahison, abandon, surdité de l’entourage… Elle génère une certitude : on doit se débrouiller tout seul.

(Basset, 2014 : 233)

L’accompagnant me fait parler de ma relation avec mes enfants, puis me souligne que je viens de nommer que mon fils m'a pris dans ses bras, où je me suis abandonnée.

Je suis stupéfaite. Je suis capable de faire, je sais faire. Révélation. Je rends grâce. J'ai envie de pleurer de joie.

Je lui parle de ma peur intense de vivre l'euphorie d'un nouvel amour. Un nouvel amour représente pour moi de la souffrance à l'état brut puisque cette période euphorique chez mon père, puis des années après chez mon ex-conjoint leur a fait perdre contact avec la réalité. Ces expériences d’euphorie ont eu des conséquences importantes pour l’entourage immédiat et pour moi.

Ma voix flanche, mon larynx s’étrangle. Les mots ne veulent plus sortir. Encore cette période souffrante de ma vie qui me revient en pleine face. Après toutes ces thérapies, ces prises de conscience, le pardon à mon père et le travail actuel pour pardonner à mon ex-conjoint, je me sens encore à la case départ. Je suis découragée, abattue.

L’accompagnant m'invite à faire un exercice avec lui. Trois murs de la salle sont identifiés avec des sujets précis. Je dois les toucher, puis nommer instinctivement un animal, un adjectif ou autre.

 Mur no 1 - mettre ma tête sur une autre épaule (en l’occurrence celle de mon fils Alexandre) : chat, douceur, couverture enveloppante ;

 Mur no 2 - comment je me sens devant mes parents à la suite de leur séparation puis de leurs retrouvailles : transparente (personne ne me voit ni ne voit ma souffrance, ma solitude) ;

 Mur no 3 - nouvel amour : hibou, curieuse, envie.

Cet exercice, surnommé le mur des Lamentations, est extrêmement déstabilisant pour moi. Je ne voulais pas approcher le mur numéro 2, j’étais paniquée. Ressentir la présence et le soutien physiques de l’accompagnant pour arriver à faire cet exercice est une révélation en soi.

L’exercice révèle enfin à ma conscience comment je me suis réellement sentie après la réconciliation de mes parents. Par période, je me suis sentie « transparente » à leurs yeux et plus tard aux yeux de mon ex-conjoint.

Cet accompagnement me permet de réaliser à quel point le corps est une voie de contact avec les souffrances qu'on a enfouies au plus profond de soi, pour se protéger, niant une réalité trop douloureuse.

Interprétation des données : Comment ai-je pu vivre toutes ces années sans me sentir vue, soutenue, considérée et importante par l'autre ? Voilà une question qui me ramène à des souffrances

terribles. Une question qui effleure aussi ma peur de vivre une nouvelle relation parce que plus jamais je ne veux vivre ça, préférant vivre seule.

[Grandir] à l'intérieur de soi suppose d'affronter et de traverser quelques épreuves et d'avoir la confirmation que la pire des solitudes n'est pas d'être tout seul, c'est la solitude à deux, cette solitude qui donne la sensation d'être enfermé dans un système relationnel où l'on a du mal à se reconnaître. (Salomé, 2015 : 133)

Cette forme de violence sournoise, la négligence affective, a des répercussions importantes sur mon développement, entre autres, sur ma capacité à développer un lien de confiance à l’autre.

Selon le modèle du milieu humain d’É. Dessoy, les « sauts » entre rupture et fusion sont à l’origine de situations paradoxales, freinant, voire bloquant, les membres dans leur évolution. […] des sauts semblent se produire non seulement dans la relation de couple, mais aussi dans la relation parent- enfant. L’enfant risque alors d’être perdu entre ce qu’il entend, voit et vit, ou encore entre ce qu’il comprend, perçoit et sent, ce qui atteint inévitablement sa confiance relationnelle. (Haxhe, 2013 : 106)

Alors que j’étais encore en couple, une de mes belles-filles me demanda comment je composais avec le fait que mon conjoint ne me porte aucune marque d’affection. Je lui répondis qu’il n’avait jamais été à l’aise avec les démonstrations d’affection et que son amour pour moi passait par l’attention qu’il avait offerte à nos enfants, maintenant devenus adultes. Ce partage reflète assez fidèlement la citation suivante :

Quand une personne exclut que son équilibre affectif dépende en partie des autres, elle n’est plus réceptive à leur estime ou à leurs compliments même à profusion. Elle confond autonomie et indépendance, et elle court après une invulnérabilité mythique sans jamais assumer qui elle est vraiment au fond de ses tripes, composée d’un savant alliage de forces et de fragilités, comme si cela revenait à être Achille désignant à son adversaire son talon. (Levert, 2011 : 146)