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CONSTRUCTION DE MON INDIVIDU ET INTÉRIORISATION DE CERTAINS PHÉNOMÈNES SOCIAU

2.3 L A SOCIETE QUEBECOISE , LA PLACE DES FEMMES DANS CELLE CI ET LE FEMINISME

Je me suis inspirée et j'ai choisi quelques extraits du livre Le féminisme québécois raconté à Camille (Dumont, 2008) pour dresser un portrait de la société québécoise, sous l'angle de la place des femmes dans celle-ci. Historienne d'expérience, Micheline Dumont est une pionnière des recherches en histoire des femmes au Québec. Elle a enseigné l'histoire à l'Université de Sherbrooke.

Avant d'esquisser un portrait de la société québécoise, il m’apparaît capital de nommer deux événements qui auront une incidence sur les femmes pendant plus de cent ans, rendant à toutes fins utiles impossible l’accès à la scolarisation et au droit de parole relatif aux décisions sociétales.

La première : en 1834, les femmes se font retirer leur droit de vote. L'intérêt public, la décence et la modestie sont à la source de cette décision des députés (Dumont, 2008 : 15).

La seconde : en 1867, il a été écrit dans la Constitution canadienne que les femmes s'occupent de la famille tandis que les hommes, qui sont des personnes, s’occupent eux de la politique, des affaires et d’autres sujets tels que la commission scolaire (Dumont, 2008 : 15).

Le portrait dressé porte sur la période correspondant à la fin des années quarante jusqu’au milieu des années soixante. Puisque ma recherche revêt un élément auto- ethnographique, je me suis permis d’introduire quelques dates repères familiales à l’intérieur de ce portrait de la société québécoise.

Ma mère, née en 1940, année glorieuse où les femmes ont enfin récupéré leur droit de vote, a grandi au sein de la société québécoise traditionnelle. Elle a entre autres été forgée par l'image et le discours de l’église et de la société au sujet du rôle et de la place des filles et des femmes dans celle-ci.

Avant 1943, l'instruction n'était pas gratuite. De ce fait, elle n’était pas accessible à l’ensemble des enfants québécois. Par la suite, le gouvernement de l’époque ne subventionnait que les écoles ménagères, s’assurant ainsi que les femmes continuent d’assurer leur rôle auprès de leur famille (Dumont, 2008 : 84).

De toute façon, comme le salaire des femmes était (et est toujours dans bien des cas) nettement inférieur à celui des hommes et qu’elles perdaient leur emploi une fois mariées, comme le voulait la tradition, se faire instruire – comme on disait à l’époque – semblait

quasi inutile. Dans ce contexte, être ou même vouloir être autre chose que la reine du foyer n’était pas à la portée de toutes (Dumont, 2008 : 84).

Entre la fin des années quarante et le début des années cinquante, les tenants de l'éducation traditionnelle pour les filles et les partisans de l'instruction supérieure des filles opposent leurs points de vue. Plusieurs femmes en profitent pour s’exprimer sur le sujet. Dès lors, un débat de société est lancé (Dumont, 2008 : 97).

Dans les milieux éducationnels, certaines de ces femmes commencent à voir le travail féminin comme un droit et s’insurgent contre le désir des autorités universitaires d’imposer un programme de baccalauréat spécifique aux femmes. Elles protestent contre les iniquités entre les sexes qui perdurent dans les établissements d’enseignement. Elles désirent un accès aux mêmes professions que les hommes, obtenir une juste rémunération ainsi qu’une éducation similaire et équivalente à celle des hommes (Dumont, 2008 : 98).

D’un autre point de vue, plusieurs raisons font en sorte que les jeunes femmes des années cinquante chérissent le même rêve, soit se marier, fonder une famille et habiter une jolie maison de banlieue (Dumont, 2008 : 100).

Tout d’abord, il y a le discours traditionnel qui poursuit la valorisation de la femme au foyer. Il y a aussi les médias qui ont une influence considérable en affichant la reine du foyer à pleines pages dans les magazines. Les salaires dérisoires réservés aux femmes et les emplois aucunement ou peu valorisants y sont certainement aussi pour quelque chose. Malgré tout, le nombre de femmes qui travaillent s’accroît continuellement (Dumont, 2008 : 100).

Mais qu’en est-il vraiment de la satisfaction des reines du foyer ? Dumont attire notre attention sur un livre américain, The Feminine Mystique (Friedan, 1963). Ce dernier met en lumière que la plupart des femmes se morfondent à la maison. Se limiter à l’univers de sa famille et ne tenter de se réaliser que par le bonheur de celle-ci est un leurre véhiculé par le système, elles en sont de plus en plus conscientes (Dumont, 2008 :107).

Monique Bédard, première docteure en psychologie au Québec insiste pour que l’on porte un intérêt accru au sort des femmes célibataires. Elle s’oppose et proteste contre le fait de vendre aux jeunes femmes de l’époque la maternité comme un gage de bonheur (Dumont, 2008 : 97).

Mes parents se marient en 1962. Ma mère qui a terminé ses études en coiffure travaille jusqu'en début de grossesse puis devient la « reine du foyer ».

L'année de ma naissance, 1964, marque une année importante pour le changement des droits civils des femmes mariées. En effet, après plus de soixante ans d’attente et deux commissions d’enquête, les féministes ont réussi à faire supprimer la subordination légale des épouses (loi 16) (Dumont, 2008 : 107).

Les épouses sont dorénavant égales à leur mari dans la famille. […] elles ne sont plus obligées de demander la signature de leur mari pour tous les actes de la vie civile. Elles peuvent signer elles-mêmes un bail, faire un emprunt à la banque, par exemple. (Dumont, 2008 : 107)

Cette loi ne fera évidemment pas l’unanimité, certains considérant qu’elle porte atteinte à l’autorité masculine au sein de la famille. D’ailleurs, plusieurs personnes s’entêtaient à obtenir la signature du mari, loi 16 en vigueur ou non. Ce n’est malheureusement pas parce qu’une loi a été votée que les mentalités sont prêtes à changer !

Ce bref portrait relatif à la place des femmes au sein de la société québécoise jusqu’aux années 1960 met en relief les principaux facteurs qui ont réduit les femmes au rôle de reine du foyer. Le besoin de fonder une famille nombreuse pour assurer l’ensemble des tâches sur la ferme, comme en témoigne la recherche de Wright, demeure en amont des facteurs précédemment mentionnés. Cette même recherche met en évidence que la femme chargée du ménage devait assumer les tâches de la ferme en l’absence de son mari parti au chantier pour s’assurer de la subsistance de la famille (Wright, 1997 : 22).

Pour ma part, je ne savais pas trop où me situer par rapport au terme féminisme, parfois galvaudé à tort et à travers, trop souvent collé comme une étiquette médisante sur le

dos de certaines femmes militantes du milieu québécois. Plus jamais je n’aurai peur de me faire questionner sur la question du féminisme, ne sachant quoi répondre. Je suis définitivement de celles qui croient et agissent pour l’égalité homme – femme. Pourtant, avant même la lecture de ce livre, mon corps m’avait plusieurs fois révélé que je porte cette valeur. Voici une anecdote assez récente qui en fait foi.

Un enseignant racontait pendant un dîner de groupe que, lors de son voyage au Japon, il avait remarqué que les femmes n’allaient généralement pas prendre un verre après le travail, mais qu’elles rentraient à la maison. Cette réalité sociale avait pour conséquence que les hommes se retrouvaient quasi exclusivement entre eux lors des soirées. Un collègue de classe me fit alors remarquer que ma respiration avait changé de rythme, laissant transparaître, malgré mon silence, qu’au plus profond de mon être j’ai la conviction que les femmes ont les mêmes droits que les hommes.

Ce n’est qu’au fil de ma lecture du livre de madame Dumont que j’ai ressenti une profonde gratitude envers ces femmes qui ont parfois joué gros à se révolter et à contester la place subordonnée des femmes imposée par la société et la culture. Leurs convictions profondes et entêtements ont des répercussions indéniables sur ma qualité de vie. En effet, si j’occupe aujourd’hui un poste-cadre et que je possède une propriété à mon nom, c’est qu’elles ont fait évoluer la société et la culture québécoise. Il s’agit de poser un regard sur la place des femmes dans d’autres sociétés pour reconnaître la valeur de leur héritage.

Elles veulent donc faire modifier les lois, les règlements, les traditions qui sont responsables de ce qu'on appelle la subordination des femmes. […] Elles veulent changer la société sur plusieurs fronts ; instruction, travail, lois. (Dumont, 2008 : 20)