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LES DONNÉES RELATIVES À L’INTÉGRATION D’UNE NOUVELLE MANIÈRE D’ÊTRE EN RELATION

6.3 L ES DONNEES RELATIVES A LA CONSTRUCTION D ’ UN NOUVEAU RAPPORT A L ’ AUTRE

6.3.3 Ligne pointillée entre triangle dramatique et dynamique d’attachement

Le travail final du cours Dynamique d’attachement et rapports aux affects dans les processus d’accompagnement du changement humain, comprenait deux parties : un résumé de lecture (livre, chapitre ou article en lien avec le sujet) et une série de questions.

Je choisis de porter mon choix sur le chapitre VII du livre Notre histoire, ma trajectoire : Jusqu’à quel point notre vie est-elle influencée par les générations qui nous ont précédés ? (Langlois et Langlois, 2001 : 127-138).

17 Accueil : cérémonie ou prestation réservée à un nouvel arrivant consistant généralement à lui souhaiter la bienvenue et

Ce chapitre du livre porte sur les notions de coalition, d’alliance, de trajectoire transgénérationnelle, d’identification, mais aussi sur le triangle dramatique qui explique certains scénarios relationnels toxiques.

Le triangle dramatique est une notion qui permet de mieux comprendre le scénario relationnel psychologique dans lequel sont engagées trois personnes. La triangulation est au cœur des relations d’alliance et des relations de nature conflictuelle. Le triangle permet d’identifier le jeu de manipulation entre ces personnes, lesquelles sont représentées par des rôles symboliques à chaque pointe du triangle. Les rôles « joués » sont : persécuteur, victime et sauveteur (Langlois et Langlois, 2001 : 132, 133).

 Le persécuteur qui se spécialise dans l’accusation, l’agression des autres ou la négligence ;

 La victime qui se spécialise dans la faiblesse ;  Le sauveteur qui protège la victime du persécuteur.

Le triangle peut se dérouler entre deux, trois ou même plus de personnes engagées dans une relation, et ce, même s’il n’y a que trois pointes à un triangle. Une personne passe habituellement d’un rôle à un autre dans ce jeu de manipulation. Elle peut assumer plusieurs rôles à la fois dans certaines situations.

Une fois que s’engage la dynamique entre les acteurs du triangle, tout se met à tourner. On assiste alors à une permutation surprenante des rôles (Langlois et Langlois, 2001 : 133).

Je trouvais fort intéressant que le chapitre choisi mette en évidence qu’une personne qui adopte le rôle de sauveteur (au sein du triangle dramatique) puisse s’attacher à une personne en fonction de la représentation qu’elle se fait de l’autre comme en étant une victime qu’elle pense pouvoir sauver. C’est, en quelque sorte, ce qui motive l’attachement que Bowlby décrit « comme étant le produit des comportements qui ont pour objet la recherche et le maintien de la proximité d’une personne spécifique » (Bowlby, 1969 : 10).

Voici la définition du sauveteur selon les auteures :

[Le] sauveteur éprouve une grande facilité à saisir et comprendre les problèmes de l’autre. De là, il devient très fragile au piège insidieux de la triangulation. Lorsqu’il se retrouve en contact avec des personnes qui vivent des difficultés relationnelles, il a spontanément tendance à se joindre à ce qu’il considère comme la victime pour la défendre du persécuteur. En participant à cette

dynamique, souvent sans le vouloir, le sauveteur confirme à la victime sa fragilité, son grand état de dépendance et son manque de pouvoir sur elle-même et sur la situation. […] Puis le sauveteur prend sur lui de résoudre les situations problématiques en se surinvestissant, car, au fond, il accorde parfois une confiance limitée dans la capacité de l’autre. (Langlois et Langlois, 2001 : 133)

Bien entendu, je me reconnais dans cette description. Je considère d’autant plus important de rester en contact avec cette information afin que mes choix relationnels ne portent pas sur la base d’un sauvetage inconscient.

Maintenant au fait que j’adopte un état d’esprit anxieux insécurisant évitant lorsque je me sens insécurisée, je réalise que tout comme le sauveteur, l’évitant se croit fort et seul capable de prendre le monde sur ses épaules. Cela m’amène à me demander si une personne qui adopte le rôle de sauveteur peut avoir un état d’esprit préoccupé ou désorganisé. Ce mélange de rôle et d’état d’esprit me semble non compatible.

Le triangle dramatique est caractérisé par l’intensité des émotions qu’il engendre et par la dépression, les remords, la colère et l’épuisement auxquels il mène ses acteurs à plus ou moins long terme. Pour les sauveteurs, la combinaison conduit habituellement tout droit au surmenage ou à l’épuisement professionnel puisqu’il est le résultat d’un combat intérieur sans issue. (Langlois et Langlois, 2001 : 134)

Je sais maintenant que je peux choisir et que j’ai le pouvoir de me sécuriser lorsque je me sens insécurisée. Ainsi, je n’adopte pas systématiquement un état d’esprit anxieux insécurisant évitant dans ces situations, ce qui représente pour moi le combat intérieur sans issue. C’est définitivement un réflexe à développer pour éviter de me refermer sur moi-même, comme je le fais habituellement en cas d’insécurité.

Lorsqu’un parent se retrouve dans un triangle dramatique, et ne dispose pas des moyens pour en sortir ou ne prend pas les moyens, il y implique finalement ses enfants. Ces derniers, placés dans une position de vulnérabilité parce qu’ils n’ont ni le pouvoir ni la responsabilité de changer la situation, subiront les enregistrements auxquels ils seront exposés.

(Langlois et Langlois, 2001 : 134)

Je relate dans mes écrits antérieurs comment je me suis sentie en danger quand mon père est parti, lui qui était le sauveteur de la famille. Qui donc allait prendre soin de maman et moi ? J’ai repris le collier du sauveteur sans trop le réaliser, sans doute parce que j’avais inconsciemment enregistré que maman avait besoin de quelqu’un pour en prendre soin.

De plus, je crois qu’avant toute chose, le parent doit réaliser dans quelle dynamique relationnelle il se trouve, sans quoi il n’a aucun pouvoir de trouver des moyens pour s’en sortir. À mon avis, c’est ce qui rend le triangle dramatique si facile à transmettre à la génération suivante. Je crois que je suis malheureusement porteuse de cette réalité.

Cette forme de triangulation se joue très fréquemment à l’intérieur d’une même génération et se transmet, tout comme les autres dynamiques, d’une génération à l’autre. En somme, elle fait souvent partie de l’héritage relationnel. (Langlois et Langlois, 2001 : 134)

Même si j’avais intuitivement identifié le triangle dramatique au sein de ma famille (père, mère et moi), je découvre que cette forme de triangulation correspond à un réel héritage relationnel, ancré en moi. De plus, je me souviens m’être plusieurs fois fait la réflexion – avec une certaine fierté d’ailleurs - que mes enfants volaient rapidement au secours des victimes de leur entourage (amis, collègues de groupe ou de classe). Je touche là à un possible héritage relationnel faisant en sorte qu’ils adoptent facilement un rôle de sauveteur à leur tour.

Je le sais depuis longtemps, mais maintenant je m’autorise à écrire pour la première fois combien le rôle de victime me rebute. À quel point je ferais n’importe quoi ou presque pour ne pas me sentir dans cet espace. Pourtant, il est évident que j’y ai déjà figuré parce qu’on change de rôle dans le triangle dramatique. Je sais qu’il est très difficile pour moi de me permettre de pleurer parce que justement j’associe pleurer à être une victime.

Lors de la formation sur la Dynamique d’attachement et rapports aux affects dans les processus d’accompagnement du changement humain, j’ai été étonnée d’entendre d’autres personnes se reconnaissant dans un état d’esprit anxieux insécurisant évitant exprimer comment pleurer représentait un défi pour elles aussi. Comme j’ai eu plusieurs occasions d’entendre ces personnes parler de leur vie familiale et qu’elles me donnaient l’impression de jouer ou d’avoir joué au sauveteur avec un de leurs parents, je trace une fois de plus une ligne pointillée entre triangle dramatique et la dynamique d’attachement.

Tout comme il est possible d’entrer dans le triangle dramatique par l’une des positions de persécuteur, de victime ou de sauveteur, il est possible de s’en libérer. Cela passera par la reconnaissance adéquate de sa vulnérabilité, la mise en action de son affirmation et de sa part de responsabilité. (Langlois et Langlois, 2001 : 138)

Je suis heureuse de découvrir que je peux sortir du triangle dramatique afin de m’engager dans des relations plus saines. Je ne suis plus troublée, à cette étape de mon processus de transformation, de constater que la reconnaissance de ma vulnérabilité est une pierre qui pave la voie de mon chemin de guérison.

En présence d’êtres chers, avec qui je me sens en sécurité, comme avec mes enfants et certaines personnes, je peux exprimer ma vulnérabilité, l’incarner. Je crois que ça peut avoir un effet bénéfique pour défaire l’image du sauveteur « sans faille », et ce, aussi bien pour ces êtres chers que pour moi. Parfois, je peux lire sur leur visage leur surprise de me voir ou sentir vulnérable. L’entourage aussi doit apprivoiser ma personne en transformation.

Oui, je quitte peu à peu un rôle que je ne souhaite plus assumer, m’ouvrant ainsi à un nouvel espace relationnel.