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En quel sens la raison peut-elle être dite instinctive ? 100

Dans le document Raison et empirisme chez David Hume (Page 101-110)

Chapitre 2.   La raison-instinct 89

II. En quel sens la raison peut-elle être dite instinctive ? 100

Il nous semble possible de dégager trois significations du motif de la raison-instinct, qui permettent à Hume d’exhiber trois caractéristiques du raisonnement expérimental. Nous désignerons ces significations par les expressions d’« opacité épistémique », d’« infra- réflexivité » et de « valeur vitale ». La première envisage la raison et l’instinct en tant que causes, la seconde les considère du point de vue de leur phénomène, tandis que la dernière a trait à leurs effets131.

1. L’opacité épistémique

Les deux premières caractéristiques susmentionnées découlent respectivement de ce que l’instinct des animaux les porte à agir, comme nous l’avons vu, « sans le savoir » (ignorantly) et « sans le vouloir » (casually). Commençons par envisager le premier point, qui permet à Hume de mettre en évidence l’opacité épistémique de la raison :

À considérer la chose comme il le faut, la raison n’est qu’un instinct merveilleux et inintelligible présent dans notre âme, qui nous conduit à travers un certain enchaînement d’idées qu’il dote de qualités particulières, en fonction de leurs situations et relations particulières. Cet instinct, il est vrai, naît de l’observation et de l’expérience passées ; mais quelqu’un peut-il donner la raison ultime du fait que l’expérience et l’observation passées produisent cet effet, plutôt que la nature à elle seule ? La nature peut certainement produire tout ce qui peut naître de l’habitude ; mieux, l’habitude n’est que l’un des principes de la nature et elle tire toute sa force de cette origine.132

Ce texte, qui clôture les analyses de T.1.3 consacrées à la raison empirique, entreprend de délivrer la juste conception qu’il faut s’en faire (« À considérer la chose comme il le faut »), et mérite de ce fait que l’on s’y attache de près.

Sa première phrase opère deux renversements, qui synthétisent les acquis fondamentaux de l’étude de l’entendement conduite par le premier livre du Traité. Celui,

131 Deborah Boyle (« Hume on animal reason », p. 11-12) avance que la référence à l’instinct souligne la

régularité d’opération de la raison expérimentale : cette dernière serait instinctive en tant que toutes ses opérations se fondent sur la supposition de l’uniformité du cours de la nature, c’est-à-dire sur une généralisation (par où la raison rejoint effectivement une caractéristique de l’instinct, qui opère toujours de la même façon). Si l’entendement peut être considéré comme un instinct, ce n’est pourtant pas tant en vertu de sa régularité d’opération que du fait de l’opacité épistémique à laquelle cette régularité s’adosse, de l’irréflexion qui très souvent l’accompagne, et des effets adaptatifs maximaux qui en découlent.

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d’abord, de l’activité rationnelle en passivité du sentir, à laquelle se ramènent ultimement nos conclusions causales : raisonner sur les faits ne revient pas à conduire ses idées, mais à être « conduit à travers un certain enchaînement d’idées ». Celui, ensuite, de la généralité en particularité. Alors que le raisonnement expérimental était jusque-là envisagé à l’aune de sa généralité (en tant qu’il s’appuie sur la supposition d’une uniformité du cours de la nature), cet extrait affirme qu’un instinct dote nos idées « de qualités particulières, en fonction de leurs situations et relations particulières » (nous soulignons). La raison échouant à fonder le caractère de généralité de nos inférences causales, la référence à la particularité a pour fonction de renvoyer l’entendement à son mode de fonctionnement réel, c’est-à-dire au hic et nunc du transfert de vivacité qui détermine la croyance causale. On notera que cette particularité prend deux visages, qui renvoient respectivement à l’effet et à la cause de ce mécanisme. La référence aux « qualités particulières » dont se voient dotées les idées désigne le surplus de vivacité qui leur est conféré ; la mention des « situations et relations particulières » des idées en fonction desquelles cet avivement s’opère, souligne que celui-ci n’est pas causé par le contenu intrinsèque des idées, c’est-à-dire par une connaissance bien fondée des propriétés générales de l’objet, mais par un facteur extrinsèque, à savoir le lien associatif unissant les idées à certaines impressions, particulières par définition : la croyance causale procède, non d’une appréhension rationnelle de la généralité, mais de la présence ici et maintenant d’un objet particulier (cette boule de billard qui se dirige vers une autre, cette flamme vers laquelle j’avance ma main, etc.), c’est-à-dire d’une certaine situation. Les relations en quoi consistent nos inférences causales, loin d’être établies par une saisie intellectuelle de la généralité, naissent de ce que l’esprit est placé dans un contexte particulier. Il y a là un point commun à la raison empirique et à l’instinct, dans la mesure où ce dernier détermine des actions dont la généralité n’est l’objet d’aucune cognition (c’est ainsi que l’oiseau qui construit son nid répète un schéma qui est le même pour l’ensemble de son espèce sans pour autant avoir conscience de se conformer à un modus operandi général).

La deuxième phrase de notre texte fait état d’une différence majeure séparant la raison et l’instinct (différence qui, à première vue, ôte toute pertinence à la caractérisation de la première par le second), et entreprend ensuite de la réduire. Comment qualifier d’instinct ce qui « naît de l’observation et de l’expérience passée » ? Hume admet la différence génétique, tout en déplaçant l’interrogation vers un examen épistémique de celle-là. On pourrait spontanément arguer d’un surplus d’intelligibilité de la raison au regard de l’instinct, dans la mesure où les opérations de la première ne procèdent pas de nulle part, comme celles du second, mais résultent de façon manifeste d’un mécanisme de rétention-protention de

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l’expérience passée. Tout l’effort de Hume est de mettre au jour le caractère superficiel de ce prétendu surcroît d’intelligibilité : les opérations de la raison expérimentale consistent certes à reconduire l’expérience passée et, dans cette mesure, leur origine ne fait pas mystère ; mais cette origine assignable de nos raisonnements causaux ne délivre pas leur « raison ultime ». Nous sommes en effet incapables d’expliquer pourquoi nos conclusions causales naissent de l’expérience passée, et non de la nature à elle seule, c’est-à-dire d’un instinct au sens courant du terme. La nature aurait pu nous porter à croire, préalablement à toute expérience, que nous nous brûlerons si nous approchons notre main d’une flamme, ou que nous serons nourris en ingérant tel ou tel aliment. Que de telles conclusions découlent chez l’homme d’un apprentissage empirique, et non de tendances innées, n’est pas explicable : le fait même qu’elles relèvent de l’expérience acquise et non d’une tendance innée échappe à la raison. L’illusion d’un surplus d’intelligibilité de la raison au regard de l’instinct doit donc s’effacer au profit de l’idée de leur commune opacité épistémique, en tant que nous ne pouvons rendre raison de l’existence d’un mécanisme fondé sur l’expérience là où un mécanisme relevant de l’instinct (au sens courant du terme) aurait été possible.

Une fois opéré le nivellement épistémique de la raison et de l’instinct, la troisième et dernière phrase de notre texte fait retour vers le plan de l’analyse génétique. Alors que cette perspective avait pu sembler distinguer la raison expérimentale et la nature, il s’agit désormais pour Hume de ramener le principe sur lequel repose la première à une modalité de la causalité de la seconde : « l’habitude n’est que l’un des principes de la nature et elle tire toute sa force de cette origine ». Il n’y a là, à première vue, rien de très surprenant. L’introduction au Traité affirmait nettement que la logique, dont le principal but est d’« expliquer les principes et les opérations de notre faculté de raisonnement »133, dépend comme toutes les autres sciences de

la connaissance de la nature de l’homme. Cependant, d’une part la nature invoquée n’est plus ici propre à l’homme, puisqu’elle se déploie comme l’origine commune de la raison des hommes et de l’instinct des animaux, d’autre part, et comme le souligne Michel Malherbe, le terme « renvoie à l’idée, très banale au XVIIIe siècle, d’une puissance qui agit dans l’esprit

humain et le détermine à certaines croyances ou comportements, malgré toute la critique philosophique »134. La nature constitue donc moins une explication positive de la raison

expérimentale qu’un point d’achoppement pour la pensée. Cela est d’autant plus vrai que le livre III du Traité souligne l’indétermination de la notion : « il n’y a pas de mot plus

133 Introduction au Traité, §5, p. 33 (Clar. p. 4).

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équivoque et ambigu »135 que celui de nature. Que la raison se voit reconduite à la force

productive de la nature implique donc tout à la fois la perte de son statut de cause sui generis et le redoublement de son opacité épistémique. L’analyse de la raison causale se clôt dans le Traité sur une notion dont Hume souligne de façon récurrente le caractère épistémiquement trouble, de sorte qu’il ne reste plus, pour la caractériser, que la mention extra-épistémique de sa productivité, c’est-à-dire de sa « force ». Ainsi que le souligne Claire Etchegaray, « la notion de nature n’est pas vide, parce qu’elle est remplie par l’expérience vécue de la force et par la croyance qui y voit un pouvoir »136. Si la raison peut être dite instinctive, c’est donc

d’abord parce que ses opérations s’ancrent ultimement non dans des raisons, mais dans la productivité de la nature, en tant que celle-ci lui est opaque. Sous la présence à l’esprit que manifeste la possibilité de choisir voire d’inventer certains moyens pour atteindre certaines fins, la raison se caractérise, de même que l’instinct, par une absence de pensée.

2. L’infra-réflexivité

Venons-en maintenant à la seconde caractéristique qui justifie de présenter la raison comme un instinct, et que nous introduisions plus haut sous le titre d’infra-réflexivité. Par cette expression, nous ne désignons plus la cause de nos raisonnements expérimentaux (à savoir la force anté-rationnelle de la nature), mais leur phénomène psychique. De ce point de vue, la croyance causale est souvent décrite par Hume comme immédiate, insensible, involontaire et irrésistible – et c’est cette nébuleuse de caractères que nous synthétisons sous le vocable d’infra-réflexivité137. Dans l’Enquête sur l’entendement humain cette

caractéristique amène Hume à rapporter le raisonnement expérimental à un instinct : celui-là

135 T.3.1.2.7, p. 70 (Clar. p. 304). La septième partie des Dialogues sur la religion naturelle formulera une

remarque similaire : « peut-être le mot vague et indéterminé de nature, auquel le vulgaire rapporte toutes choses, n’est pas en son fond plus inexplicable » (DRN.7, p. 217). La science de la nature humaine s’attache pourtant à déterminer la signification rigoureuse du concept mais, loin de pouvoir référer celle-ci à une impression-source, elle est contrainte de l’appréhender de façon négative, par le biais d’une triple différence (avec les trois idées de miracle, de rareté et d’artifice). Voir à cet égard T.3.1.2.7-9.

136 Claire Etchegaray, « Le concept de croyance naturelle », dans L’invention philosophique humienne :

actes du colloque de l’université de Grenoble II, les 13-15 mars 2008, sous la dir. de Philippe Saltel, Grenoble, Département de philosophie de l’université Pierre Mendès France, 2009, p. 113. Claire Etchegaray ajoute : « qu’il y ait là l’effet d’un pouvoir de la nature est une thèse qui ne dit rien sur ce qu’est essentiellement la nature : elle ne fait effectivement que supposer dans la cause ce qui est nécessaire pour produire son effet, cette force éprouvée dans notre comportement mental » (ibid.).

137 Nous rejoignons par là la catégorie de « croyance naturelle ». Voir à cet égard Claire Etchegaray, art.

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« n’est rien qu’une espèce d’instinct ou de force mécanique [mechanical power] qui agit en nous à notre insu [that acts in us unknown to ourselves] »138.

Si la raison peut être dite instinctive c’est donc, en un deuxième sens, parce qu’il n’est pas rare que nous tirions des conclusions causales sans même le remarquer. Comme le soulignait déjà le livre I du Traité, « la coutume agit avant que nous ayons le temps de réfléchir »139 : quand nous avons été accoutumés à la conjonction constante de deux

événements, nous inférons le second à partir du premier « par une transition naturelle qui précède la réflexion »140. C’est ainsi qu’un homme arrivant devant une rivière interrompt

mécaniquement sa marche, sans réfléchir expressément à l’évidence léguée par l’expérience passée (l’immersion totale et prolongée dans l’eau s’est toujours révélée fatale pour l’être humain) ni opérer consciemment son report vers l’expérience future (tomber dans la rivière engendrera la mort par noyade). Nos inférences causales, qui sont médiates (en ce qu’elles requièrent l’expérience des conjonctions causales correspondantes), se donnent souvent à l’esprit comme immédiates. La raison, considérée du point de vue, non plus de sa cause, mais de son phénomène, s’apparente ainsi à une tendance irréfléchie. C’est donc en un deuxième sens que nos raisonnements expérimentaux peuvent être dits instinctifs : ils se donnent comme de purs automatismes141.

La fin de la première partie de la section 5 de l’Enquête sur l’entendement humain insiste sur le caractère d’irrésistibilité de tels raisonnements non remarqués :

[…] s’étant trouvé qu’en de nombreux cas deux espèces d’objets, la flamme et la chaleur, la neige et le froid, ont toujours été jointes ensemble : quand une flamme ou la neige se présente de nouveau aux sens, l’esprit est porté par la coutume à attendre de la chaleur ou du froid et à croire que de telles qualités existent et se découvriront à l’approche de ces objets. Cette croyance est le résultat nécessaire des circonstances où l’esprit se trouve placé. C’est une opération de l’âme aussi inévitable quand nous sommes dans une telle situation [when we are so situated], que d’éprouver de l’amour ou de la haine quand on nous couvre de bienfaits ou d’offenses. Toutes ces opérations sont de l’espèce des instincts naturels qu’aucun raisonnement ni aucune conduite de la

138 E.9.6, p. 136 (Clar. p. 81). 139 T.1.3.8.13, p. 169 (Clar. p. 72). 140 T.1.3.13.8, p. 221 (Clar. p. 100).

141 Pour reprendre une éclairante distinction de Wayne Waxman, la coutume engendre, d’un point de vue

introspectif, un sentiment de facilité, caractérisé par l’absence d’hésitation et de réflexion, et produit, d’un point de vue dispositionnel, une détermination nécessaire de la croyance et de la conduite. Voir Wayne Waxman, Hume’s theory of consciousness, Cambridge, Cambridge university press, 2003, p. 166.

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pensée ou de l’entendement [process of the thought and understanding] ne sont capables de causer ou d’empêcher.142

Relativement à la genèse de nos croyances causales, Hume affirme la priorité des « circonstances où l’esprit se trouve placé » sur l’initiative de l’esprit. La « situation », dont l’extrait du Traité susmentionné faisait déjà mention, n’est plus envisagée à la lumière de sa particularité (c’est-à-dire par opposition à la généralité qui sous-tend tout raisonnement causal), mais de la détermination irrépressible à croire qu’elle induit (c’est-à-dire par opposition à la maîtrise que l’esprit croit avoir de ses propres représentations) – au point que le raisonnement est ici présenté comme impuissant, non plus à justifier la croyance causale, mais à la produire ou à l’empêcher.

Les jugements causaux sont donc présentés par Hume comme des inférences non remarquées par l’esprit, et de ce fait nécessaires : après l’opacité épistémique, l’infra- réflexivité est une seconde forme d’absence de pensée qui vient affecter la raison empirique. En affirmant que le raisonnement expérimental « agit en nous à notre insu », et de façon par conséquent « inévitable », Hume renverse l’affinité de la raison et des notions de conscience et de volonté, affinité qui, sur le terrain anthropologique, constitue le principal critère de la distinction de la raison et de l’instinct. Alors que l’un des extraits précédemment cités affirmait que la raison diffère de l’instinct en ce qu’elle n’opère pas « sans le savoir » (ignorantly) ou « sans le vouloir » (casually), ces deux mêmes caractéristiques justifient, à un autre niveau d’analyse, de rapporter la raison à un instinct.

3. La valeur vitale

Le troisième attribut commun à la raison et à l’instinct est la valeur vitale. Du raisonnement expérimental dépend en effet toute la conduite de la vie, dans la mesure où l’action la plus anodine présuppose des conclusions portant sur les propriétés causales des objets impliqués dans la réalisation de ladite action (l’action de manger une pomme doit ainsi s’appuyer sur la croyance que cette pomme aura un goût et une valeur nutritive comparables à ceux des pommes que j’ai mangées dans le passé). Au même titre que l’instinct, la raison empirique constitue en ce sens un mécanisme nécessaire à la survie des individus et des espèces. C’est dans l’Enquête sur l’entendement humain que la valeur vitale de la raison, déjà

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soulignée dans le Traité143, se voit exprimée par le biais de l’instinct. Après que l’avant-

dernier paragraphe de la section 5 a souligné la valeur pratique du fondement coutumier de la raison, qui permet à l’homme d’agir alors même qu’il n’a aucune connaissance des pouvoirs à l’œuvre dans la nature, Hume poursuit :

J’ajouterai, pour confirmer encore ma théorie, que cette opération de l’esprit par laquelle nous inférons des effets semblables à partir de causes semblables, et vice versa, est trop essentielle à la conservation de tous les êtres humains pour qu’on suppose qu’elle ait pu être confiée aux déductions trompeuses de notre raison, qui est lente dans ses opérations, qui n’apparaît aucunement dans les premières années de l’enfance et qui, au mieux, est à tout âge et toute époque de la vie extrêmement sujette à errer et à se tromper. Il est plus conforme à la sagesse ordinaire de la nature d’assurer un acte aussi nécessaire de l’esprit par un instinct ou une tendance mécanique [some instinct or mechanical tendency] qui soit infaillible dans ses opérations, qui se découvre à la première apparition de la vie et de la pensée et qui reste indépendante de toutes les laborieuses déductions de l’entendement. De même que la nature nous a enseigné l’usage de nos membres sans nous donner la connaissance des muscles et des nerfs qui les meuvent, de même a-t-elle implanté en nous un instinct qui entraîne en avant la pensée, dans un cours correspondant à celui qu’elle a établi entre les objets extérieurs, sans nous instruire des pouvoirs et des forces dont dépend entièrement ce cours régulier des objets, ainsi que leur succession.144

Dans ce texte, la raison expérimentale est présentée comme un instinct en tant qu’elle partage avec celui-ci trois caractéristiques, qui fondent sa valeur vitale : l’infaillibilité, la précocité d’apparition et la facilité. Pour être plus précis, le motif de la raison-instinct renvoie à l’avantage vital procuré par le caractère hors raison de nos raisonnements sur les causes et les effets : si l’entendement est un mécanisme efficient pour la vie de l’individu et de l’espèce, c’est en vertu de son opacité épistémique et de son infra-réflexivité – et non malgré elles145. En troisième lieu, la raison peut donc être considérée comme un instinct en ce que les deux caractéristiques précédemment étudiées (opacité épistémique et infra-réflexivité) induisent une efficacité pratique, indispensable à la conservation de la vie même.

143 La section T.1.4.4 déclare par exemple que nos raisonnements causaux « sont le fondement de toutes nos

pensées et de toutes nos actions, de sorte que leur disparition conduirait immédiatement la nature humaine à la ruine et à sa propre perte », T.1.4.4.1, p. 312 (Clar. p. 148).

144 E.5.ii.22, p. 91 (Clar. p. 45).

145 Selon Barbara Winters, les inférences instinctives présentent deux avantages majeurs : d’une part, ces

croyances constituent une part essentielle de notre nature (bénéfice de la naturalité) ; d’autre part, elles sont plus stables, plus faciles et plus constantes que les autres (bénéfice de l’efficacité). Barbara Winters, « Hume’s argument for the superiority of natural instinct », dans David Hume : critical assessments, ed. Stanley Tweyman, vol. III, p. 262-270.

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Le texte se clôt sur une comparaison du raisonnement causal et de l’instinct gouvernant l’usage de nos membres. Ce que la nature a fait pour le corps, elle l’a fait également pour l’esprit : non contente de nous avoir dotés d’une tendance instinctive à

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