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Section préliminaire : De la nécessité et de la place de l’Accord sur l’agriculture dans le système

juridique de l’OMC

La reconnaissance du particularisme de l’agriculture s’est faite lentement mais sûrement dans le système commercial multilatéral. Les nombreux conflits qui sont nés des insuffisances des règles du GATT de 1947 en matière agricole ont sans doute contribué à faire accepter cette spécificité. Cette reconnaissance s’est matérialisée d’une part, par l’adoption d’un Accord sur l’agriculture (§1) dont la mise en application est soumise à la surveillance d’un Comité (§2).

§1 : Présentation de l’Accord sur l’agriculture

La place de l’AsA dans la structure juridique de l’OMC

Il convient de rappeler que la principale préoccupation des négociateurs du Cycle d’Uruguay était d’éviter la fragmentation des obligations prises par les Membres au titre des différents Accords. Pour atteindre un tel objectif, ils ont dû recourir au concept d’"engagement unique" qui a été initié dès la Déclaration de Punta Del Este. La transcription en termes juridiques de ce concept a consisté en l’annexion de tous les accords à l’Accord instituant l’OMC, lequel accord reste le principal instrument juridique du Cycle d’Uruguay. De par cette annexion, tous les accords font partie intégrante de l’Accord instituant l’OMC et sont donc obligatoires pour tous les Membres270, exception faite des accords plurilatéraux qui ne sont obligatoires que pour les seuls Membres qui les ont acceptés.

La structure juridique de l’OMC comporte donc l’Accord instituant l’OMC et quatre annexes. L’Annexe 1 contient les accords multilatéraux et se subdivise en trois : l'Annexe 1A comprend les Accords sur le commerce des marchandises271 et l'Annexe 1B contient l'Accord sur le commerce des services.

Quant à l'Annexe 1C, il contient l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. L'Annexe 2 est relative au règlement des différends et l'Annexe 3 au Mécanisme d'examen des politiques

270 Article II:2 de l’Accord instituant l’OMC.

271 Il s’agit du GATT de 1994, de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires, de l’Accord anti-dumping, de l’Accord sur les sauvegardes, de Accord sur les textiles et les vêtements et Organe de supervision des textiles, de l’Accord sur l’agriculture, de l’Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires, de l’Accord sur les obstacles techniques au commerce, et d’autres accords.

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commerciales. L'Annexe 4 contient les accords plurilatéraux. L’Accord sur l’agriculture fait partie des Accords de l’Annexe 1A272.

Le contenu de l’Accord sur l’agriculture

Les règles de l’Accord sur l’agriculture sont beaucoup plus élaborées en matière agricole que celles du GATT de 1947 qui n’encadraient pas efficacement le commerce des produits agricoles.

De la définition des produits de l’agriculture : le premier apport de l’AsA est la détermination du champ d’application de l’Accord, autrement dit, la définition des produits de l’agriculture. Même si l’Accord se garde de donner une définition générale des produits agricoles, l’on peut néanmoins noter qu’ « un

"produit agricole initial" […] est défini comme le produit aussi près du point de la première vente que cela est réalisable »273. L’application d’une telle définition n’est pas évidente. En effet, elle reprend les insuffisances qui ont été relevées dans la définition du "produit de l’agriculture" sous l’Accord général. A titre illustratif, l’expression "aussi près du point de la première vente que cela est réalisable" est une reprise de l’expression "stade de transformation peu avancé ". Étant donné que cette expression occupe une grande place dans la définition de l’article 1er, b) de l’AsA, il convient d’admettre qu’elle connaît inévitablement la même limite que celle élaborée sous le GATT de 1947.

Les rédacteurs de l’Accord se devaient d’aller plus loin dans la détermination du champ d’application de l’Accord, de sorte à éviter les discussions sur la notion de produit de l’agriculture. Il n’était pas aisé d’élaborer une définition générale. L’on se rappelle que « some sort of tacit consensus has developed at the level of both tariff negotiation rounds as well as dispute settlement panels that products falling under chapters 1 to 24 in the Customs Co-operation Council Nomenclature could in principle be regarded as agricultural products »274. Les rédacteurs de l’Accord sont restés dans cette option et ont consacré l’Annexe 1 aux produits visés par l’Accord. La liste de l’Annexe 1 est quasi identique à celle du Conseil de Coopération Douanière275.

Les questions de fond : le contenu de l’Accord sur l’agriculture peut se diviser en trois. La doctrine parle couramment des trois piliers, à savoir l’accès aux marchés, les programmes de soutien interne et les subventions à l’exportation.

272 Accords sur les marchandises.

273 Article 1er, b) de l’Accord sur l’agriculture.

274 Japon-Restrictions à l’importation de certains produits agricoles, L/6253, paragraphe 5.1.3.2, 2 février 1988 (ci-après Japon-Agriculture) ; Canada-Crème glacée, op. cit., paragraphe 64. DESTA, op. cit., p. 37.

275 Officieusement Organisation Mondiale des Douanes depuis 1994.

L’accès aux marchés est un sujet fondamental dans le commerce international et est traité comme tel par l’Accord sur l’agriculture. En la matière, les Membres de l’OMC ont pris l’engagement de convertir tous les obstacles au commerce en tarifs, de les consolider, puis de les réduire ultérieurement, et enfin d’assurer un accès minimal et courant. Le soutien interne est une caractéristique importante des politiques agricoles de certaines Parties contractantes, notamment l’Union européenne et les États-Unis. Ainsi que nous l’avons précédemment discuté, l’AsA classe les mesures de soutien interne en trois catégories et leur consacre une règlementation stricte. Quant aux subventions à l’exportation, elles connaissent une règlementation différente de celle des produits industriels. Alors que pour ces derniers, les subventions à l’exportation sont interdites, les obligations des Membres en ce qui concerne les produits agricoles sont fonction de leurs engagements dans les Listes.

L’Accord sur l’agriculture accorde un traitement spécial et différencié aux PED. Il dispose qu’« étant donné qu'il est reconnu qu'un traitement différencié et plus favorable pour les pays en développement Membres fait partie intégrante de la négociation, un traitement spécial et différencié en matière d'engagements sera accordé conformément à ce qui est indiqué dans les dispositions pertinentes du présent accord et énoncé dans les Listes de concessions et d'engagements »276.

En d’autres termes, l’Accord sur l’agriculture prévoit une série de mesures devant permettre à ces pays de mettre en œuvre plus aisément les règles de l’Accord. Il leur permet277 :

- une dérogation aux délais (les pays en développement peuvent mettre en œuvre leurs engagements sur une période de dix ans alors que le délai est fixé à six ans pour les pays développés, et les PMA sont exemptés de tout engagement de réduction dans tous les secteurs de l’Accord) ;

- des seuils plus favorables pour les engagements de réduction (les pays en développement pouvaient s’engager sur des réductions représentant deux tiers seulement de celles des pays développés) ;

- une limite « de minimis » plus élevée pour les engagements de réduction du soutien interne ; et

- une souplesse accrue en matière d’obligations et de procédures.

La prise en compte de la situation particulière des PED dans la règlementation du commerce des produits agricoles est sans doute une bonne chose. Il se pose cependant la question de l’adéquation du traitement spécial et différencié à la situation de ces pays. Comme le relève SHIROTORI, « l’accord

276 Article 15.1 de l’Accord sur l’agriculture.

277 SHIROTORI (M.), op. cit., p. 183.

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sur ce [sujet] n’était pas fondé sur une analyse [adéquate] des besoins et préoccupations spécifiques des pays en développement »278. Il s’agit d’un premier pas qui sera certainement renforcé au cours du Cycle de Doha.

§2 : La surveillance de l’Accord sur l’agriculture

La création du Comité de l’agriculture

Le Comité de l’agriculture est un organe institué par l’article 17 de l’Accord sur l’agriculture et qui est chargé de son administration.

Le Comité de l’agriculture a pour mission de surveiller la mise en œuvre de l’Accord sur l’agriculture qui ne lui consacre cependant qu’un article279. L’Accord est cependant muet sur la composition et les règles de fonctionnement du Comité. Malheureusement, seule une comparaison avec les autres Accords permet de déduire que le Comité de l’agriculture réunit les représentants de chacun des Membres de l'OMC. Une telle composition est néanmoins surprenante, car cela revient à faire du Comité un « Conseil Général bis ». Le Comité de l’agriculture ainsi composé élit son président. Il tient au moins deux réunions par an ainsi que chaque fois qu'un Membre en fera la demande. Le secrétariat du Comité est assuré par le secrétariat de l'OMC, ce qui est sans doute intéressant car cela permet d'assurer la continuité du Comité dans l'exécution de ses tâches.

La mission du Comité de l’agriculture est capitale et se résume en la gestion pratique dudit Accord. Plus concrètement, l’Accord donne deux missions au Comité sur l’agriculture : d’abord, examiner l'état d'avancement de la mise en œuvre des engagements négociés dans le cadre du programme de réforme issu du Cycle d'Uruguay280 ; et servir ensuite de cadre permanent de discussion en permettant aux Membres de tenir chaque année des consultations au sujet de leur participation à la croissance normale du commerce mondial des produits agricoles dans le cadre des engagements en matière de subventions à l'exportation281.

Mais pour l'essentiel, c'est à la surveillance du respect par les Membres de leurs obligations que le Comité consacrera la plus grande partie de son action.

En vertu de l’Accord sur l’agriculture, en effet, les Membres s'engagent à notifier à l'Organisation les subventions spécifiques maintenues sur leur territoire. Même si la disposition ne le précise pas, ces notifications sont

278 Idem.

279 Article 17 de l’Accord sur l’agriculture.

280 Article 18.1 de l’Accord sur l’agriculture.

281 Article 18.5 de l’Accord sur l’agriculture.

adressées au Comité de l’agriculture, ce qui est d'ailleurs logique si l'on garde à l'esprit qu'il appartient à ce Comité d'assurer le fonctionnement de l'Accord.

La mission du Comité va cependant au-delà de la simple réception et de l'archivage des notifications.

De la portée des actions du Comité de l’agriculture

Le Comité de l'agriculture, nonobstant les traits communs qu’il partage avec les Comités institués au titre des divers Accords de l’OMC, se différencie fondamentalement de ceux-ci du fait même de la dynamique de l'Accord sur l'agriculture. En effet, plus que les autres accords, celui sur l'agriculture se veut un accord en devenir et résolument tourné vers le long terme.

Dans cet ordre d’idée, l'article 20 de l'Accord sur l'agriculture reconnaît que « l'objectif à long terme de réductions progressives substantielles du soutien et de la protection qui aboutiraient à une réforme fondamentale est un processus »282. Cette approche dynamique de l'Accord sur l'agriculture déteint sur le rôle et les attributions du Comité de l'agriculture. Assurément, la poursuite du processus de réforme dépend en partie du respect par les membres de leurs engagements, et donc de l'efficacité du travail de gestion du Comité de l'agriculture. Il appartient par conséquent au Comité, à travers les différents examens qu'il fait des engagements des Membres de renseigner l'Organisation sur l'efficience de la réglementation sur les notifications, étant entendu que ce système devrait être revu si le Comité le déclarait inopérant.

En clair, la poursuite du processus de réforme sera fonction de ce qu'aura donné la mise en œuvre des engagements de réduction, des effets de ces engagements sur le commerce mondial283. L’on comprend alors pourquoi la mission du Comité de l'agriculture est si vaste et importante. En tant qu’enceinte permanente de discussions, il travaille à rapprocher les points de vue des Membres lors des réunions ordinaires. Les actions du Comité sont essentielles au processus de réforme et il ne semble pas qu’une modification de ses missions soit à l’ordre du jour.

282 Article 20 de l’Accord sur l'agriculture.

283 Idem.

Section 1 : Les règles d’accès aux marchés agricoles

Section 1 : Les règles d’accès aux marchés agricoles

L’observation de l’évolution du commerce des produits agricoles permet de constater que, nonobstant la pleine application des règles du GATT de 1947, ce secteur a bénéficié de la part des Parties Contractantes de mesures protectionnistes. Ce protectionnisme était surtout l’œuvre des pays occidentaux284. Il s’agissait pour eux d’endiguer la baisse des prix agricoles285 consécutive au « […] ralentissement de la demande intérieure et l’amélioration spectaculaire de la productivité en agriculture [...] »286. Le protectionnisme ainsi pratiqué prenait des formes diverses, notamment la prise de mesures administratives, l’octroi de soutiens internes ou de subventions à l’exportation.

Les effets néfastes de telles mesures sont bien connus et expliquent que les Parties Contractantes aient décidé de réglementer cette matière.

Globalement, l’objectif visé était de « mettre en relations plus directes et plus ouvertes les marchés internes de chaque pays ou groupes de pays et les marchés internationaux »287. Autrement dit, les Parties Contractantes se donnaient pour mission de lutter contre le protectionnisme et de rendre les marchés agricoles plus ouverts et interdépendants. Pour atteindre un tel objectif, l’Accord sur l’agriculture qui fut adopté à l’issue du Cycle d’Uruguay a initié un processus de tarification des mesures non tarifaires (§1). Parallèlement à ce processus, les États ont pris l’engagement de consolider et de réduire des droits de douane issus de la tarification (§2). Si ces engagements visent à combattre le protectionnisme, il se pose cependant la question de leur impact sur le régime juridique de l’agriculture sous l’OMC. Une telle question ne peut recevoir de réponse qu’à la suite d’un bilan de l’application des nouvelles règles sur l’accès aux marchés (§3).

§1 : La tarification des mesures non tarifaires et la

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