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Le critère de la "spécificité"

§1 : Règles de base et définition

A. Les éléments de définition de la subvention

2. Le critère de la "spécificité"

L'Accord SMC, de par sa clarté, est le fruit d'une ingénierie juridique qui se détache de toutes autres réglementations sur la question des subventions. Mais cette belle œuvre resterait sans application concrète chaque fois que sera en cause une "contribution financière", conférant un "avantage", mais non spécifique. En effet, selon l'article 2 de l'Accord SMC, seule la subvention spécifique serait prise en compte. Cette disposition donne quelques principes ou indices qui doivent être pris en compte dans la détermination de ce qui est spécifique. Ainsi, il y a subvention spécifique lorsque l'autorité qui accorde la subvention ou la législation qui lui en donne compétence « limite expressément à certaines entreprises la possibilité de bénéficier de la subvention »441. Est également considérée comme spécifique toute subvention accordée à des entreprises qui exercent à l'intérieur d'un espace géographique déterminé et dans lequel l'autorité donatrice a compétence442. Par contre, il n'y a pas de spécificité si l'octroi de la subvention est subordonné à des critères ou conditions objectives clairement inscrites dans la législation, mettant toutes les entreprises concernées sur un pied d'égalité443. Une certitude existe cependant pour les subventions à l'exportation qui sont automatiquement considérées comme spécifiques444.

437 Canada-Aéronefs, WT/DS70/R, paragraphe 9.112.

438 Brésil-Aéronefs, WT/DS70AB/R, op. cit., paragraphe 154.

439 Idem.

440 Idem.

441 Article 2. 1. a) de l'Accord SMC.

442 Article 2.2 de l'Accord SMC.

443 Article 2.1 b) de l'Accord SMC.

444 Article 2.4 de l'Accord SMC.

Section 1 : L’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires

Mais pourquoi une obligation de spécificité dans la réglementation des subventions ? À ce sujet, le Groupe spécial dans l'affaire États-Unis-Restrictions à l'exportation explique qu'il est « clair que l'objet et le but de l'accord445 sont de soumettre à des disciplines les subventions qui faussent les échanges, cet objet et ce but ne peuvent que concerner les "subventions" telles qu'elles sont définies dans l'Accord.

Cette définition, qui inclut les notions de "contribution financière", "avantage" et

"spécificité", a été dans un but exprès de faire en sorte que les interventions des pouvoirs publics sur le marché n'entrent pas toutes dans le champ d'application de l'Accord »446. Cette préoccupation est justifiée car il serait sans doute dangereux de priver des Membres de toute marge de manœuvre dans l’octroi des subventions. Pour cette raison, l'introduction dans l'Accord du concept de

"spécificité" est fort utile.

On peut toutefois faire à l'Accord SMC le même reproche qui a été fait au GATT relativement à la définition des concepts clefs que sont la "subvention"

et le "préjudice grave" par exemple. On peut s'étonner, en effet, que l'Accord ne donne aucune définition d'un concept aussi important que celui de la

"spécificité", même s'il dote par ailleurs le terme "branche de production" d'une définition intéressante447. Le concept de la spécificité préoccupe depuis de longues années déjà les acteurs du commerce international et notamment les Parties contractantes du GATT qui avaient pris conscience que « le concept de la spécificité est un des éléments clés de l'Accord sur les subventions et les mesures compensatoires de l'OMC. Il est généralement reconnu depuis maintenant près de 20 ans que ce concept important mériterait d'être précisé pour ce qui est de son application »448.

Au regard de l'Accord SMC, trois principaux concepts peuvent donc poser problème. Comme l’a soutenu le Canada, « l'expression "entreprise ou…branche de production ou … groupe d'entreprises ou de branche de production" pour lesquels la spécificité doit être établie, correspond à un champ d'analyse vaste. Pourtant, il n'y a pas d'indication claire dans l'Accord SMC sur le sens des termes "entreprise" et

"branche de production", ni sur les façons dont les différents groupements sont délimités »449. Si l'on peut partager le point de vue du Canada en ce qui concerne les expressions "entreprise" et "spécificité", tel n'est pas le cas pour la

"branche de production" puisque l'Accord prévoit que la branche de production nationale est « l'ensemble des producteurs nationaux de produits

445 Accord SMC.

446 Etats-Unis-Mesures traitant les restrictions à l'exportation comme les subventions, Rapport du groupe spécial, WT/DS194/R, 23 août 2001, paragraphe 8.63.

447 Article 16.1 Accord SMC.

448 Voir Doc. JOB (04)/54, communication du Canada du 21 mai 2004 sur la spécificité ; Voir également le "Projet de directives pour l'application du concept de spécificité dans le calcul du montant d'une subvention autre qu'une subvention à l'exportation", Doc. SCM/W/89 du 25 avril 1985.

449 Idem.

similaires […] constitu[ant] une proportion majeure de la production nationale de ces produits »450.

Et pourtant, nonobstant les dispositions de l'article 16.1, la jurisprudence semble être de l'avis du Canada et un Groupe spécial a reconnu que « l'Accord SMC ne définit pas ce qu'est une "branche de production" et ne comporte aucune autre règle permettant de savoir quelles entreprises pourraient être considérées comme formant une branche de production aux fins de l'article 2 de l'Accord SMC ni concernant la question de savoir si un groupe de branches de production doit produire certains produits similaires pour être considéré comme un "groupe" »451. Alors que l'on croyait, en ce qui concerne cette expression, obtenir de l'Article 16.1 un éclairage intéressant, le Groupe spécial vient jeter un flou et ramener la

"branche de production" au même degré d'incertitude que les expressions

"entreprise" et "spécificité". Qu'à cela ne tienne, des initiatives sont prises çà et là pour apporter un éclairage à ces termes. Le Canada propose par exemple que l'article 2.4 soit amendé et soit réécrit comme suit : « toute détermination de spécificité en vertu des dispositions du présent article se fera conformément à la classification internationale type par industrie et sera clairement étayée par des éléments de preuve positifs »452. L'avantage de cet amendement serait de faire un renvoi exprès à la Classification Internationale Type par Industrie de toutes les branches d’activités économiques (CITI)453 qui est largement reconnue au plan international et qui est déjà utilisée par l'OMC pour l'établissement des statistiques du commerce mondial. Elle permettrait alors d'asseoir un consensus ou du moins des indices intéressants sur le sens à donner aux termes "entreprise" et "branche de production", car « elle constitue l’interprétation internationale la plus utilisée des concepts de "branche de production"

et d'"entreprise" »454. Tentant de donner un sens à la CITI, la Division de la statistique de l'ONU dira que c'est « a classification according to kind of economic activity, and not a classification of goods and services »455, et d'ajouter, s'agissant de la "branche de production", qu'elle est « defined as the set of all production units engaged primarily in the same or similar kinds of productive economic activity »456. Cette définition n'est pas vraiment différente de celle donnée par l'article 16 de

450 Article 16.1 Accord SMC ; Voir également les paragraphes 2, 3 et 4.

451 Etats-Unis-Bois de construction résineux, Rapport du groupe spécial, WT/DS257/R, 17 février 2004, paragraphe 7.119.

452 Doc. JOB (04) /54, p. 3.

453 Classification Internationale Type par Industrie de toutes les branches d’activités économiques (CITI) établie par la division statistique de l'ONU. Il s'agit d'une classification de toutes les branches d'activités économiques et qui est révisée périodiquement. La version en vigueur est celle de 2002, CITI Rev. 3.1, ESA/STAT/SER.M/4/Rev. 3.1. Sa prochaine révision est prévue pour 2007 ; Voir le Bulletin d'information de la Division statistique de l'ONU, n°8, avril 2002 ; Voir également www.unstats.un.org.

454 JOB (04)/54, op. cit., p. 3.

455 ESA/STAT/SER.M/4/Rev.3.1, paragraphe 15.

456 Idem.

Section 1 : L’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires

l'Accord SMC et vide donc l'amendement du Canada de toute portée substantielle. De même, la définition qui est donnée de "entreprise"457 reprend dans l'essentiel la même notion que l'on peut retrouver en économie. En fin de compte, les incertitudes sur la "spécificité", "l'entreprise" et la "branche de production" persistent et la charge est désormais laissée aux Groupes spéciaux et à l'Organe d'appel de les clarifier au gré des litiges. Pour l'instant, cela n'entrave pas de façon significative la discipline des subventions qui, pour une meilleure gestion, font l'objet d'une certaine classification.

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