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La portée juridique des engagements de consolidation et de réduction des droits de douane

§2 : Les engagements de consolidation et de réduction des droits de douane

B. La portée juridique des engagements de consolidation et de réduction des droits de douane

Les « Modalités » ayant servi de guide à l’élaboration des Listes de concessions avaient pour objet de « faciliter le processus de vérification qui [a abouti] à l'établissement des Listes formelles […] annexées au Protocole de l'Uruguay Round »345.

La question de la portée juridique des engagements de consolidation et de réduction des droits de douane est résolue dans les Dispositions finales de l’Accord sur l’agriculture. En effet, l’article 21 alinéa 2 de l’Accord dispose que

« les Annexes du présent accord font partie intégrante de cet accord ». Il s’agit par conséquent de s’interroger sur la portée juridique de l’Accord sur l’agriculture

340 Ibid., paragraphe 15.voir également LUFF (D), op.cit., p. 221.

341 Ibid., paragraphe 16.

342 SHIROTORI (M.), op. cit., p. 165; CHINOTTI (L.), op cit., p. 51.

343 BUTAULT (J.-P.), Les soutiens à l’agriculture : théorie, histoire, mesure, Editions QUAE, Paris, 2004, p. 134.

344 HOEKMAN (B.) et OLARREAGA (M.), «Une proposition pour l’OMC : la super clause de nation plus favorisée », in Reflets et Perspectives, XLI, 2002/2, p. 81.

345 « Modalités », Doc.MTN.GNG/MA/W/24, 20 décembre 1993, Préambule, alinéa 1.

Section 1 : Les règles d’accès aux marchés agricoles

lui-même. À ce sujet, l’article 2 alinéa 2 de l’Accord instituant l’Organisation Mondiale du Commerce dispose que « les accords et instruments juridiques connexes repris dans les Annexes 1346, 2 et 3 […] font partie intégrante du présent accord et sont contraignants pour tous les Membres ». De par cette annexion, l’Accord sur l’agriculture accède au statut de traité. Le traité est défini par la Convention de Vienne sur le droit des traités comme tout « accord international conclu par écrit entre Etats et régi par le droit international, qu’il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination particulière »347.

La question de la portée juridique des engagements de consolidation et de réduction des droits de douane – et donc celle de l’Accord sur l’agriculture – est tranchée en définitive par l’article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités qui pose le principe de la pacta sunt servanda. En effet, selon cette disposition « tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi »348, la bonne foi consistant à « s’abstenir de tout acte visant à réduire à néant l’objet et le but du traité »349. Cette règle est fermement établie en droit international. Elle est abondamment commentée par la doctrine350, et confirmée par une jurisprudence constante351.

La règle de la pacta sunt servanda est pleinement applicable à l’Accord sur l’agriculture. Les Membres de l’OMC ont donc l’obligation de respecter les engagements par eux pris dans les Listes d’engagements. Poser la question de la portée juridique des engagements de consolidation et de réduction des droits de douane revient alors à poser la question de la valeur juridique des Listes des Membres, et par conséquent celle du rapport entre ces Listes et l’Accord sur l’agriculture.

Cette question est résolue par l’application cumulative l’article 21 de l’Accord sur l’agriculture et de la Note interprétative générale relative à l’Annexe 1A de l’Accord sur l’OMC. L’article 21 de l’Accord sur l’agriculture dispose que « les dispositions du GATT de 1994 et des autres Accords commerciaux multilatéraux figurant à l’Annexe 1A de l’Accord sur l’OMC seront applicables sous réserve des dispositions du présent accord ».

Quant à la Note interprétative, elle indique qu’« en cas de conflit entre une disposition de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 et une disposition d'un autre accord figurant à l'Annexe 1A de l'Accord instituant

346 L’Annexe 1A contient, entre autres accords, celui sur l’agriculture.

347 Article 2.1.a) de la Convention de Vienne.

348 Article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, 23 mai 1969. Entrée en vigueur le 27 janvier 1980. Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1155, p. 331.

349 Article 18 de la Convention de Vienne.

350 N’GUYEN (Q. D), op. cit, pp. 218-121.

351 C.I.J., Différend territorial entre la Libye et le Tchad, Arrêt du 3 février 1994, Réc. pp.19-28 ; C.I.J., Gabcikovo- Nagymaros, Arrêt du 25 septembre 1997, Réc., p. 68.

l'Organisation mondiale du commerce (dénommé dans les accords figurant à l'Annexe 1A l'"Accord sur l'OMC"), la disposition de l'autre accord prévaudra dans la limite du conflit ». Notons par ailleurs que l’Accord sur l’agriculture fait partie de l’Annexe 1A de l’Accord instituant l’OMC, et qu’en vertu de l’article 3.1 de l’Accord sur l’agriculture, les Listes des Membres font partie intégrante du GATT de 1994. Les deux dispositions précitées tranchent les conflits éventuels entre l’AsA et le GATT de 1994 au profit de l’AsA. Par conséquent, les Listes des Membres doivent être conformes à l’AsA. Cette approche est confirmée par la jurisprudence qui affirme clairement que « conformément à l’article 21 de l’Accord sur l’agriculture, les dispositions de l’Accord sur l’agriculture prévalent sur la note de bas de page 1 […] »352. Mieux, l’Organe d’appel ajoute qu’il ne note « dans l’Accord sur l’agriculture aucune disposition autorisant les Membres à s’écarter, dans leurs Listes, de leurs obligations au titre de cet accord »353.

L’autre question qui mérite d’être posée est celle de l’interprétation des Listes des Membres. Le principe de l’interprétation des Liste est posé par l’Organe d’appel qui rappelle que « les règles applicables pour l’interprétation des dispositions du GATT de 1994 sont les “règles coutumières d’interprétation du droit international public” »354. Cette approche découle de l’analyse précédente qui indiquait que les Listes font partie intégrante du GATT de 1994, donc du traité instituant l’OMC. L’Organe d’appel a estimé par conséquent que « les dispositions de la Liste d’un Membre faisant “partie des termes du traité”, elles sont assujetties aux mêmes règles d’interprétation des traits […] »355.

La position de l’Organe d’appel est constante sur cette question. Dans une autre affaire qui lui était soumise, il avait déjà estimé que « les concessions tarifaires reprises dans la liste d’un Membre sont réciproques et résultent d’une négociation mutuellement avantageuse entre Membres importateurs et Membres exportateurs. Une liste devient partie intégrante du GATT de 1994 en vertu de l’article II:7 du GATT de 1994. En conséquence, les concessions reprises dans cette liste font partie des termes du traité. De ce fait, les seules règles qui peuvent être appliquées pour interpréter une concession sont les règles générales d’interprétation des traités énoncées dans la Convention de Vienne »356.

De façon pratique, interpréter la Liste d’un Membre revient à appliquer les articles 31 à 33 de la Convention de Vienne sur le droit des Traités. Ainsi, devront s’appliquer le principe fondamental qui dispose qu’un « traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans

352 CE-subventions à l'exportation de sucre, WT/DS283/AB/R, 28 avril 2005, paragraphe 222.

353 Ibid., paragraphe 220.

354 Ibid., paragraphe 167.

355 Idem.

356 CE-Matériels informatiques, WT/DS68/AB/R, 5 juin 1998, paragraphe 84.

Section 1 : Les règles d’accès aux marchés agricoles

leur contexte et à la lumière de son objet et de son but »357, de même que les moyens complémentaires d’interprétation. L’interprétation ayant pour objet de rechercher l’intention commune des parties, il devra être tenu compte des circonstances dans lesquelles le traité a été conclu en tant que moyen complémentaire d’interprétation au titre de l’article 32 de la Convention de Vienne358. En tout état de cause, l’interprétation des Listes ne devra pas avoir pour conséquence de modifier les engagements des Membres au titre de l’AsA.

Cette analyse est confirmée par l’Organe d’appel qui a estimé que dans l’affaire sucre que « la note de bas de page 1 relative à la section II de la Partie IV de la Liste des Communautés européennes n'accroît pas ni ne modifie d'une autre manière les niveaux d'engagement des Communautés européennes spécifiés dans cette liste »359.

357 Article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des Traités.

358 CE-Matériels informatiques, op. cit., paragraphe 92.

359 CE-Subventions à l'exportation de sucre, WT/DS283/AB/R, 28 avril 2005, paragraphe 346.

Section 2 : La consécration de la spécificité de l’agriculture dans le système OMC

L’Accord sur l’agriculture est bien intégré au système juridique de l’OMC et constitue une prise en compte du particularisme du secteur agricole dans le commerce multilatéral. Les rapports de cet Accord avec l’Accord SMC et le GATT de 1994 sont bien clarifiés au point que l’on retient que cette lex specialis prédomine les deux autres accords. Si plusieurs éléments contribuent à faire de l’agriculture un secteur particulier à l’OMC, on notera que c’est essentiellement l’institution d’un système de protection spéciale pour l’agriculture (§1) ainsi que la mise en place d’un système de contingents tarifaires (§2).

§1 : L’institution d’un système de protection conditionnelle pour l’agriculture

La mise en place d’un système de protection spéciale pour l’agriculture est une conséquence de l’effort de libéralisation du commerce des produits agricoles.

En effet, les Membres craignaient que la tarification des obstacles non tarifaires n’expose leurs producteurs locaux à une forte et brusque concurrence extérieure. Ils ont donc prévu la possibilité de se prévaloir d’une clause de sauvegarde spéciale pour l’agriculture (A). Cette clause n’est pas nouvelle pour autant. Une disposition similaire existait dans le GATT de 1994. Elle a été relue et améliorée lors de l’élaboration de l’Accord sur les sauvegardes. Les relations entre ces trois normes méritent donc d’être explicitées (B).

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