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Les règles de fond des mesures compensatoires

§2 : Les mesures compensatoires

A. Les règles de fond des mesures compensatoires

Au regard de la logique de fonctionnement de l'OMC qui repose sur le multilatéralisme, il n'est pas étonnant que le recours aux contre-mesures soit encadré de façon stricte. S’agissant des deux catégories de subventions que l'on retrouve dans l'Accord, les règles495 consacrées à ces deux types de subventions traitent déjà des conditions d’imposition des mesures compensatoires. Mais c'est surtout la Partie V de l'Accord SMC qui traite de façon détaillée des conditions d'imposition des mesures compensatoires (1).

Ceci étant, cette Partie V de l'Accord, en donnant autant de précisions sur les conditions à remplir pour l'imposition de ces mesures, ne fait que reprendre et améliorer l'Article VI du GATT de 1994 (2).

1. Le recours à l'Article VI du GATT de 1994

La question des subventions n'est pas nouvelle, celle des contre-mesures non plus. Le GATT de 1947 avait, en effet, prévu une contre-mesure de nature douanière. Cela consistait en une "surtaxe douanière" qui était une sorte de dérogation à la règle générale de la consolidation des tarifs douaniers496, mais justifiée à titre de contre-mesure. Pour l’article VI:6, « aucune partie contractante ne percevra de droits antidumping ou de droits compensatoires à l'importation d'un produit du territoire d'une autre partie contractante, à moins qu'elle ne détermine que l'effet du dumping ou de la subvention, selon le cas, est tel qu'il cause ou menace de causer un dommage important à une branche de production nationale établie, ou qu'il retarde de façon importante la création d'une branche de production nationale »497. Cette disposition, qui a sans doute l'avantage de traiter en une seule fois de la subvention et du dumping, est cependant quelque peu vague et ne résout certainement pas certaines questions qui auraient pu se poser.

494 Voir également l'article 2, l'article 21 sur la surveillance de la mise en œuvre des recommandations et décisions, l'article 22 sur les compensations et suspensions de concessions.

495 Voir Article 4 sur les subventions prohibées et Article 7 sur les subventions donnant lieu à une action.

496 Article 2 du GATT. Voir également CARREAU (D.) et JUILLARD (P.), op. cit., pp 91 et s.

497 Article VI:6. a) du GATT de 1994.

Toutefois, il est remarquable de noter que l'imposition de droits compensateurs ne peut se faire que si le Membre qui s'estime victime prouve que les effets de la subvention causent ou menacent de causer un dommage à une branche de production nationale établie ou en devenir. L'esprit de cette disposition est intéressant, mais la lettre n'est pas généreuse pour autant.

L'article VI ne va pas jusqu'au bout de son œuvre et des questions – et pas des moindres – ne sont pas traitées. Il s'agit notamment de la définition de certains termes498, ainsi que des procédures à suivre en vue de l'imposition de droits compensateurs. Par contre, il est prévu que dans « des circonstances exceptionnelles où tout retard pourrait causer un tort difficilement réparable, une partie contractante pourra percevoir, sans l'approbation préalable des PARTIES CONTRACTANTES, un droit compensateur »499. Cette mesure est intéressante de par son caractère pratique et sera, comme, c'est le cas pour l'ensemble de l'article VI du GATT, reprise par l'Accord SMC.

Mais quels rapports existent-ils entre cet Article VI du GATT et le nouvel Accord SMC ? La question a été soulevée dans l'affaire Brésil-Mesures visant la noix de coco desséchée500. Il s'agissait de savoir si l'article VI du GATT devait recevoir application dans cette affaire ou si l'Accord SMC devait prévaloir.

Contrairement au Groupe spécial qui soutenait que l'article VI du GATT n'était pas applicable, l'Organe d'appel souligne que « any countervailing duty may be imposed only in accordance with the provisions of part V of the SCM Agreement and Article VI of the GATT 1994 »501. Mais puisque la Partie V de l'Accord SMC est une reprise améliorée de l'article VI du GATT, il est évident que dans la pratique, préférence sera donnée au nouvel accord.

2. Les conditions d'imposition des droits compensateurs

En matière de droit compensateur, l'Accord SMC a précisé toute la réglementation mise en place par le GATT. Si l'Accord général prohibe de façon globale le recours aux contre-mesures, l'imposition des mesures compensatoires est autorisée aussi bien par le GATT que par l'Accord SMC, à condition toutefois que certaines conditions soient remplies. Aucun Membre ne pourra, de façon unilatérale, imposer des mesures compensatoires avant de rapporter l'existence d'importations sur son territoire de produits subventionnés par un autre Membre. De plus, un dommage doit être déterminé ainsi qu'un lien de causalité entre l'importation des produits subventionnés et le dommage.

498 Idem.

499 Article VI:6. c) du GATT.

500 Brésil-Mesures visant la noix de coco desséchée, WT/DS22/AB/R, rapport de l'Organe d'appel.

501 Ibid., pp. 13-14.

Section 1 : L’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires

Existence d'importations de produits subventionnés

L'imposition de droits compensateurs est une réaction légitime à l'allocation de subventions illégales. Comme telle, elle ne saurait exister que si, au préalable, l'existence – même des subventions en cause est prouvée. Comme le prévoit l’Accord SMC, « une demande présentée au titre du paragraphe 1 comportera des éléments de preuve suffisants sur l'existence a) d'une subvention et, si possible, de son montant »502. Il devra être rapporté une « description complète du produit dont il est allégué qu'il fait l'objet d'une subvention, les noms du ou des pays d'origine ou d'exportation en question, l'identité de chaque exportateur ou producteur étranger connu et une liste des personnes connues pour importer le produit en question »503. Il devra également être rapporté « les éléments de preuve concernant l'existence, le montant et la nature de la subvention en question »504.

Comme on peut le constater, la charge de la preuve incombe à la victime, car la demande d'enquête en vue de déterminer l'existence d'une subvention est présentée par le requérant qui devra y faire figurer les renseignements qui sont raisonnablement à sa disposition. En réalité, au-delà des autorités nationales, ce sont les producteurs locaux qui sont surtout mis à contribution dans toute procédure visant à déterminer l'existence de subventions. Toute

« enquête visant à déterminer l'existence, le degré et l'effet de toute subvention alléguée sera ouverte sur demande présentée par écrit par la branche de production nationale ou en son nom »505. Mais la notion de branche de production nationale ne fait pas toujours l'unanimité, même si, on peut admettre qu'il s'agit de l'ensemble des producteurs de produits similaires. Pour la détermination de l'existence de subventions, la demande d'ouverture d'enquête doit être soutenue par « les producteurs nationaux dont les productions additionnées constituent plus de 50 pour cent de la production totale du produit similaire produite par la partie de la branche de production nationale »506. La simple existence de subventions ne suffit pas à permettre l'imposition de droits compensateurs. Il faut en plus déterminer que de telles subventions ont causé des dommages et en sont la cause réelle

Détermination d'un dommage et d'un lien de causalité

La détermination d'un dommage et d'un lien de causalité constitue une étape importante pour tout Membre qui voudrait se voir reconnaître le droit d'imposer des droits compensateurs en matière de subvention. En effet, un tel Membre devra apporter des « éléments de preuve selon lesquels le dommage dont il

502 Article 11.2, Accord SMC.

503 Article 11.2. ii), idem.

504 Article 11.2. iii), idem.

505 Article 11.1, Accord SMC.

506 Article 11.4, Accord SMC.

est allégué qu'il est causé à une branche de production nationale est causé par les importations subventionnées, par les effets des subventions ; ces éléments de preuve comprennent des renseignements sur l'évolution du volume des importations dont il est allégué qu'elles font l'objet d'une subvention, l'effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché intérieur et l'incidence de ces importations sur la branche de production nationale démontrés par des facteurs et indices pertinents qui influent sur la situation de cette branche, tels que ceux énumérés aux paragraphes 2 et 4 de l'article 15 »507.

La question est délicate, car d'elle dépendent la suite et la portée de l'enquête. L'on comprend aisément que l'Accord ait entrepris de préciser508 au mieux les questions qui peuvent être soulevées. Ainsi, s'agissant du terme

"dommage", l'Accord précise qu'il s'entendra en l'espèce, et sauf indication contraire, d'un « dommage important causé à une branche de production nationale, d'une menace de dommage important pour une branche de production nationale ou d'un retard important dans la création d'une branche de production nationale »509. Une telle définition a l'avantage de distinguer dommages importants et dommages négligeables pour lesquels toute enquête doit être immédiatement close tout comme c'est le cas lorsque le montant des subventions est de minimis510.

Dans tous les cas, la détermination de l'existence d'un dommage doit se faire sur la base d'éléments de preuve positifs et objectifs qui devront comprendre l'examen a) du volume des importations subventionnées et de l'effet des importations subventionnées sur le prix des produits similaires sur le marché intérieur, et b) de l'incidence de ces importations sur les producteurs nationaux de ces produits511. Il s'agit pour les autorités locales de déterminer s'il y a eu une augmentation du volume des importations subventionnées ou s'il y a eu, pour les importations subventionnées, sous-cotation notable du prix par rapport au prix d'un produit similaire du Membre importateur512. La situation devient plus complexe lorsque les produits incriminés sont importés de plusieurs pays et dans cette hypothèse, l'évaluation cumulative des effets de ces importations ne pourra se faire que sous certaines conditions513.

Lorsqu'il sera démontré que les importations subventionnées causent ou menacent de causer un dommage important, il faudra au surplus établir l'existence d'un lien de causalité514 entre les importations subventionnées et le

Section 1 : L’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires

dommage causé à la branche de production nationale. L'examen de ce lien de causalité devra se fonder sur tous les facteurs pertinents et les dommages causés par ces facteurs ne devront pas être attribués aux importations subventionnées. Seront pris en compte pour cet examen, les volumes et prix des importations non subventionnées, la contraction de la demande ou les modifications de la configuration de la consommation, l'évolution des techniques, etc. C'est seulement lorsque cet ultime lien de causalité sera établi que l'application de mesures compensatoires sera envisagée et décidée avec le plus grand soin. Il est possible toutefois, au regard de l'importance du dommage présent et à venir, qu'il soit permis au Membre plaignant de recourir à des mesures provisoires en vue de se prémunir d'un dommage encore plus grand ou irréparable. De telles mesures ne sont admises que a) s'il a été établi une détermination préliminaire positive de l'existence d'une subvention et d'un dommage causé à une branche de production nationale par les importations subventionnées ; et b) les autorités concernées jugent de telles mesures nécessaires pour empêcher qu'un dommage ne soit causé pendant la durée de l'enquête515. Toute procédure ouverte pour cause de subvention peut cependant se terminer autrement que par l'imposition de mesures compensatoires. En effet, et contrairement au GATT, l'Accord SMC prévoit que lorsque le Membre mis en cause aura volontairement pris des engagements en vue d'éliminer ou de limiter les subventions ou de prendre d'autres mesures en ce qui concerne ses effets, ou envisage de réviser ses prix pour limiter les effets des subventions, la procédure pourra être close sans imposition de droits compensateurs516. Quoiqu'il en soit, la détermination de l'existence d'une subvention illégale, d'un dommage et d'un lien de causalité se fait dans le respect de certaines procédures réglementées par l'Accord SMC.

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