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Un secteur éclaté et segmenté

Chapitre 2. Recruter dans l’hôtellerie-restauration : comment attirer ?

1. Un secteur éclaté et segmenté

Le secteur des hôtels-cafés-restaurants (HCR) est particulièrement dynamique en matière d’emploi : ses effectifs salariés ont augmenté de 47 % entre 1994 et 200730, ce qui représente une croissance

annuelle deux fois plus importante que dans l’ensemble de l’économie. Mais il est dominé par les petits établissements : près des trois quarts (72 %) des salariés travaillent dans des entreprises de moins de cinquante personnes31. Il présente en outre 40 % d’établissements sans salarié, qui se composent, pour l’essentiel, d’exploitations familiales tenues par des couples32. On ne s’étonnera donc pas que la part des artisans et chefs d’entreprise y soit deux fois plus élevée que dans l’ensemble de l’économie33, la mise à son compte constituant un horizon de promotion sociale par- ticulièrement prisé : neuf établissements sur dix présentent moins de dix salariés.

28 Turnover que leur mode d’organisation ne manque pas d’entretenir. Voir sur ce point Nkouitchou Nkouatchet (2005). 29 Nous préférons cette expression de Boyer (2009) à celle de « marche externe ».

30 Source : Unedic, exploitation Céreq-PSB, secteur HCR.

31 Contre 44 % dans l’ensemble de l’économie hors activités financières. Source : Insee Ficus, exploitation Céreq-PSB, secteur HCR. 32 Source : Fafih, hors restauration rapide. Le Fafih gère les fonds de la formation de l’hôtellerie-restauration (NAF 551 A/C/E :

hôtels et hôtels restaurants ; 554 A/B : cafés, tabacs et débits de boisson ; NAF 555 A-C : restauration collective ; casinos, bowling, thalassothérapie.

Au royaume des segmentations

La structure des emplois donne à voir la part prépondérante – de 10 points supérieure à la moyenne nationale – des catégories d’exécution (près des deux tiers [63 %] des salariés sont ouvriers et em- ployés). Les employés représentent plus de 45 % des emplois du secteur et se distinguent par leur jeunesse, puisqu’ils rassemblent les deux tiers des salariés de moins de 30 ans. Cette main-d’œuvre juvénile est particulièrement volatile : elle représente à elle seule la moitié des salariés ayant moins d’un an d’ancienneté34. De fait, le secteur HCR présente un turnover spectaculaire, avec des taux de

rotation de 117 % par an et le renouvellement des employés est au cœur des enjeux du recrutement. Si le secteur peine à retenir les jeunes, il présente cependant une part non négligeable de salariés fi- dèles et stables. Ainsi, la moitié des seniors (50 ans et plus), qui représentent 20 % de ses salariés, présentent dix ans d’ancienneté et plus dans l’emploi. Et 50 % d’entre eux occupent des postes d’encadrement (profession intermédiaires, cadres ou artisans-chefs d’entreprise). De fait, la stabilité de l’encadrement, dont un tiers n’est pas salarié, tranche avec la volatilité des employés : plus de la moitié des cadres ont plus de dix ans d’ancienneté. L’expérience acquise dans le métier représente un vecteur de promotion pouvant compter plus que le diplôme. On trouve ainsi plus de deux fois plus de cadres sans diplôme (niveau VI) dans l’HCR que dans l’ensemble de l’économie35. L’âge est donc au

cœur des segmentations verticales, mais les variables sexuées ne sont pas en reste.

De fait, d’importantes segmentations horizontales s’observent parmi les emplois d’exécution. Ce sec- teur, où les femmes sont majoritaires (65 %) parmi les employés, est le théâtre d’une affectation diffé- rentielle et sexuée dans les emplois : 72 % des cuisiniers et commis de cuisine sont des hommes, quand 63 % des serveurs sont des femmes (Monchatre, 2010a, p. 51). Et en dehors de la maîtrise d’étage [gouvernant(e)s] où la parité est de mise, l’encadrement de l’hôtellerie-restauration est mascu- lin à plus de 70 % (jusqu’à 92 % en cuisine et 87 % en gestion des établissements de restauration). Mais le sexe n’est pas seulement un opérateur de segmentations verticales et horizontales, il discri- mine également les temps de travail. Si 84 % des cuisiniers travaillent à temps complet, c’est le cas pour seulement 52 % des serveurs, activité la plus féminisée avec les emplois d’étage.

Un double marché du travail d’exécution

Pour les non cadres, le secteur hôtelier présente un double marché du travail. Son segment « profes- sionnel », qui concerne les indépendants et les chaînes de prestige, offre des emplois plutôt à temps plein. L’apprentissage est ici deux fois plus souvent utilisé comme mode d’accès à l’emploi des jeunes que dans les autres secteurs de l’économie (4 % contre 2 %), ce qui rend bien compte de cette logique de « métiers ». En parallèle, sur le segment des emplois de service, marqué par la « flexibilité de marché », le temps partiel est plus répandu. Il concerne 32 % des emplois de la branche HCR, qui sont concentrés, pour les trois quarts d’entre eux, dans la catégorie des employés et occupés, sans surprise, deux fois plus souvent (43 % contre 20 %) par des femmes que par des hommes (Céreq-PSB-HCR).

Le service concentre les emplois de « transition professionnelle » (Rose, 1996), notamment dans la restauration rapide où dominent les jobs d’appoint pour étudiants, mais plus globalement dans les chaînes d'hôtellerie-restauration de type économique. Bien que minoritaires au sein du secteur, les chaînes sont en progression constante de +5 % en moyenne annuelle depuis 2000 et le degré de ra- tionalisation de l’activité qu’elles pratiquent les amène, en matière de recrutement, à élargir leur

sourcing. Les chaînes, de moyenne gamme notamment, offrent des conditions d’emploi favorables

pour le secteur (CDI, 13e mois, etc.) mais peinent à attirer des professionnels autrement qu’en se- conde partie de carrière et se tournent volontiers vers une main-d’œuvre d’appoint non spécialisée. Elles retrouvent des logiques professionnelles de « métier » lorsqu’elles montent en gamme.

34 47 % des anciennetés de moins d’un an sont le fait d’employés sur la période 2006-2008. Source : Ibid. 35 14 % contre 6 % sur la période 2006-2008. Source Ibid.

Cette dynamique sectorielle a des incidences directes sur la problématique du recrutement. Les mo- bilités externes sont intenses, marquées par la recherche d’une amélioration des conditions d’emploi qui profite aux chaînes. L’hôtellerie-restauration est, en effet, le secteur qui enregistre le plus de démissions, la pénibilité du travail et les horaires décalés pouvant s’avérer dissuasifs pour les tranches d’âge intermédiaire en charge de famille (Amira, 2001). Mais la mobilité externe peut éga- lement s’inscrire dans une perspective d’évolution en quête d’établissements toujours plus presti- gieux, l’expérience et les réseaux se trouvant alors au cœur des pratiques de recrutement. Les mobi- lités sont enfin marquées par des logiques de transition professionnelle, où l’enjeu du recrutement est alors de détecter la fiabilité (souvent formulée en termes de « motivation ») de salariés dont le savoir-faire est à construire ou à parfaire.

Quelques spécificités locales

Nous présentons ici la situation de l’hôtellerie-restauration pour l’Alsace, sur la base d’éléments fournis par l’Oref Alsace et l’Observatoire national de l’hôtellerie et de la restauration du Fafih, l’OPCA de l’hôtellerie-restauration, ce dernier ayant notamment réalisé en 2009 un portrait secto- riel ainsi que des portraits régionaux. L’ensemble de ces données confirme que le secteur reste for- tement recruteur, avec des besoins particulièrement importants dans la restauration. Par ailleurs, nous avons collecté des articles, de la presse professionnelle et du journal régional, qui mettent en évidence l’importance des restructurations opérées dans ce secteur au niveau alsacien dans la pé- riode récente.

L’Alsace présente un secteur hôtelier en expansion mais dans une moindre mesure qu’à l’échelle nationale : le nombre de salariés a augmenté de 13 % entre 1997 et 200736, sachant que la restaura-

tion de type traditionnel s’y distingue par une augmentation plus importante de +22 %. Signe du mouvement de concentration du secteur, les établissements avec salariés ont augmenté de +3 %, en particulier dans la restauration traditionnelle (+10 % entre 1997 et 2007). Les besoins de recrute- ment se traduisent par une majorité d’offres d’emploi de plus de six mois (63 % en 2008), un tiers d’offres d’emplois temporaires de un à six mois et une minorité d’offres d’emploi occasionnel (4 %)37, essentiellement pour des serveurs et cuisiniers.

Tableau 13. Les emplois de l’hôtellerie-restauration en Alsace

Offres d’emploi (2008) % % cumulé Serveurs en restauration 2410 29% 29% Cuisiniers 2186 26% 55% Aides de cuisine 1041 13% 68%

Employés polyvalents de restauration 1158 14% 82%

Employés d’étages 497 6% 88%

Réceptionniste 345 4% 92%

Autres 665 8% 100%

Total 8302 100%

Source : Pole emploi (2008) extraits de l’Oref Alsace (2009).

Nos terrains régionaux d’enquête présentent en outre deux autres caractéristiques. D’une part, l’Alsace présente des établissements de restauration traditionnelle en part relative légèrement plus faible que la moyenne nationale (51 % contre 56 %), tout comme l’Île-de-France d’ailleurs (52 %).

36 Source : Oref Alsace, « Éléments de réflexion sur l’hôtellerie-restauration », Emploi-Formation n°7, mai 2009. 37 Source : Pôle emploi 2008, présenté dans Oref Alsace (2009), p. 3.

En revanche, la part d’hôtels et hôtels-restaurants y est nettement plus élevée que la moyenne natio- nale (30 % contre 18 %), ce chiffre s’élevant à 24 % en Île-de-France. D’autre part, pour les jeunes en formation professionnelle initiale, l’apprentissage se montre, en Alsace comme en Île-de-France, davantage mobilisé que dans le reste de la France métropolitaine. Les jeunes sortants de formation initiale se répartissent entre 53 % de scolaires et 47 % d’apprentis, tandis qu’en moyenne nationale, ces taux sont respectivement de 58 % et 42 %. Cette importance de l’apprentissage se vérifie en Île- de-France, où les apprentis représentent 50 % des sortants.