lorganisationdelactivité
5.2.1.1. Dans le second degré. Cas de Florence
Florence souhaite faire émerger les conceptions initiales des élèves et les classer dans un tableau. Elle convoque deux schèmes : le schème A « Classification des propositions des élèves en relation avec le poids et la masse » et le schème B « Connaissance des conceptions initiales des élèves sur le poids et la masse » (§ 4.3.4.).
Dans les invariants opératoires des deux schèmes (Tableau 10, p. 109 et Tableau 11, p. 109) nous identifions une connaissance scientifique, de type SMK, sur les concepts de poids et de masse. Analysons alors les propositions correspondant aux théorèmes-en-acte.
a. Invariants opératoires du schème A
Schème A : Classification des propositions des élèves en relation avec le poids et la masse
Invariants opératoires
Je sais que tous les élèves ne seront pas daccord Je sais que kilogramme sera dans le poids
Je sais que le mot balance nira pas forcément avec masse Je sais que certains mots ne sortiront pas au bon endroit
Je sais que classer les propositions en tableau, avec une colonne masse et une colonne poids, permet de mettre en évidence les erreurs et les doutes des élèves
Tableau 10 : Année 1. Invariants opératoires. Schème A « Classification des propositions des élèves » . Cas de Florence
Nous observons, dans ces théorèmes-en-acte, deux types de connaissances propres
à lenseignement du poids et de la masse: dune part des connaissances sur les élèves que
nous notons PCK/é et, dautre part, une connaissance sur les stratégies, PCK/stratégie. Cette dernière connaissance est présente dans la proposition « Je sais que classer les propositions en tableau, avec une colonne masse et une colonne poids, permet de mettre en évidence les erreurs et les doutes des élèves ». Cest une stratégie car cest bien par le
classement que les problèmes se posent et que les conceptions initiales peuvent être discutées. Cest une PCK/stratégie qui entre dans la sous-catégorie « Connaissances des
stratégies dans lenseignement des sciences». Nous pensons quelle peut se retrouver dans lenseignement dune autre notion scientifique. Les quatre autres propositions sappuient sur des connaissances que Florence a des élèves à propos de lenseignement de
poids et masse. Elle sait les confusions qui sont faites généralement entre le poids et la
masse et tout ce qui sy rapporte.
b. Invariants opératoires du schème B
Schème B : Connaissance des conceptions initiales des élèves sur le poids et la masse Invariants
opératoires
Je sais quil y a des choses à casser !
Jattends lourd/léger car je lai eu dans une autre classe Je sais que jaurai le kilogramme et la balance
Je sais quil faut faire émerger les conceptions initiales des élèves au début de la séquence pour pouvoir construire des apprentissages par la suite Je débute la séquence en posant une question à toute la classe
Tableau 11 : Année 1. Invariants opératoires. Schème B « Connaissance des C.I. des élèves ». Cas de Florence
Nous retrouvons les deux types de connaissances observées dans le paragraphe précédent : des PCK/é et des PCK/stratégie. La stratégie de Florence est de débuter par
110 Chapitre 5 : Les connaissances professionnelles dans lorganisation de lactivité
une question de type « que savez-vous sur.. » pour faire émerger les conceptions initiales des élèves. Pour nous, cette PCK/stratégie appartient au sous-groupe « connaissances des
stratégies dans lenseignement des sciences» car elle nest pas spécifique à lenseignement de lélectricité. Puis elle expose ses connaissances de certaines conceptions des élèves à propos du poids et de la masse. Il apparaît cependant une autre
catégorie de PCK dans la proposition « Je sais quil faut faire émerger les conceptions
initiales des élèves au début de la séquence pour pouvoir construire des apprentissages par la suite ». Florence fait référence aux programmes et, plus précisément, à la démarche
dinvestigation. En effet, nous avons souligné dans le chapitre précédent que ce moment de la séance correspond à la situation-problème qui vise, notamment, à « identifier les conceptions ou les représentations des élèves, ainsi que les difficultés persistantes
(analyse d'obstacles cognitifs et derreurs)15 ». Cette démarche permet aux élèves de réaliser des investigations dont « la recherche dexplications ou de justifications débouchent sur lacquisition de connaissances, de compétences méthodologiques et sur la
mise au point de savoir-faire techniques » (Ibid.).
Daprès le modèle de Magnusson et al. (1999), cette connaissance est une « PCK programme ». Elle correspond aux connaissances des buts et des objectifs dans les programmes officiels. Notons cette catégorie PCK/pgrm.
5.2.1.2. Dans le premier degré. Cas dAndré
a. Mise en commun suivant une activité expérimentaleAndré souhaite que les élèves décrivent avec un vocabulaire scientifique
lexpérience nécessaire pour allumer une lampe à laide de la pile. Il convoque un schème A « Identification des points de contact entre la pile et la lampe » (§ 4.4.2.) dont le but se décline en deux sous-buts. Analysons les invariants opératoires du schème A (Tableau 12, p. 111).
Schème A : Identification des points de contact entre la pile et la lampe Invariants
opératoires
Je sais quune pile est composée de deux lames de longueurs différentes Je sais que le plot doit toucher une lame et le culot lautre lame
Je sais que la lampe est un dipôle non polarisé
Je sais quil ny a pas de risque délectrocution si les élèves touchent des
15
parties métalliques du montage électrique
Je sais que la lumière est produite par le filament car il chauffe pendant le passage du courant électrique
Je sais que les élèves lont déjà appris lannée dernière
Jexpérimente en même temps que les élèves me décrivent leur action passée. Le résultat observé constitue une preuve
Je schématise le montage pile/lampe au tableau avant que les élèves ne répondent pour mieux conceptualiser laction décrite
Je construis le schéma légendé de la lampe au tableau au fur et à mesure que le vocabulaire scientifique est identifié
Je prends lexemple dun élève absent à qui lon va devoir expliquer où brancher la lampe avec la pile quand il reviendra
Tableau 12 : Invariants opératoires. Schème A « Identification des points de contact ». Cas
dAndré
Nous retenons une première catégorie qui concerne les connaissances scientifiques du professeur (SMK). André mobilise les concepts de dipôle polarisé et non polarisé ainsi que celui de courant électrique. Il a aussi des connaissances scientifiques concernant les risques électriques.
Ensuite, nous trouvons des connaissances qui sont propres à lenseignement du
circuit électrique. André sait que les élèves ont déjà appris à réaliser ce montage lannée précédente : cest une PCK/é. Cest aussi le cas lorsquil expérimente en même temps que les élèves décrivent lexpérience à faire ou lorsquil schématise le montage. André dit que « les élèves ont besoin de voir / certains élèves comprennent mieux avec un schéma ». Il ajoute que« lexpérience cest du concret je mets lampoule je mets la pile pof ça sallume ». Il sait que des propos trop abstraits mettent les élèves en difficulté. Donc il schématise, il reproduit des expériences.
André mobilise aussi une PCK/pgrm à propos du matériel pédagogique et de son fonctionnement. Cest une sous-catégorie issue du modèle de Magnusson, Krajcik, et Borko (1999) (§ 2.7.5.).
Enfin, nous classons la dernière proposition concernant lexemple que prend lenseignant dans les stratégies. Cest une stratégie que nous avons retrouvée à dautres moments de la séquence. Elle consiste, pour lenseignant, à montrer concrètement aux
élèves que leur réponse ou leur proposition nest pas assez précise. Nous ne la classons pas dans les PCK car nous pensons quAndré sen sert dans la plupart des matières scolaires quil enseigne. Ce serait une connaissance de type pédagogique (PK).
112 Chapitre 5 : Les connaissances professionnelles dans lorganisation de lactivité
b. Lancement dune activité expérimentale
Les élèves ont effectué la synthèse du montage pile/lampe et doivent maintenant réaliser un circuit électrique simple. André présente et décrit le matériel à utiliser pour effectuer ce montage. Puis il donne une consigne qui comporte à la fois laspect
manipulatoire et la trace écrite à produire. Nous étudions plus en détail cette particularité au paragraphe 6.3.3.2. (p. 162).
Nous analysons les invariant opératoires (Tableau 13 p. 112) du schème A « Réalisation dun circuit élémentaire » (Annexe 36) convoqué par André. Nous inférons une connaissance de type SMK sur les circuits électriques à partir de la première proposition. Nous identifions des PCK/stratégie concernant la distribution du matériel et la consigne double ; des PCK/é sur les difficultés à utiliser certains matériels spécifiques comme les pinces crocodiles et le support de lampe.
Schème A : Réalisation dun circuit élémentaire Invariants
opératoires
Je sais quil faut fermer le circuit avec les fils pour que la lampe sallume Je sais que la présentation du matériel avant de donner la consigne permet aux élèves de suivre sa description et de se projeter dans le travail à faire
Je sais que les élèves peuvent ne pas savoir le fonctionnement dune pince crocodile et comment utiliser le support de lampe
Je sais que donner les deux consignes (manipulatoire et trace écrite) en même temps évite de couper les élèves pendant leur manipulation et permet de réguler les plus rapides
La feuille blanche permet de mettre les travaux des élèves en valeur et dobserver le travail accompli par chacun des groupes en lien avec la consigne de travail.
Je sais que laffichage des feuilles blanches au tableau permet un travail pluridisciplinaire de lecture et de compréhension
Le dessin sur la feuille de synthèse préformée permet aux élèves de garder une trace de ce quils ont réalisé avec leurs erreurs. Il me permet danalyser les productions et de revenir sur certaines.
Je donne la durée de lactivité en montrant lhorloge
Tableau 13 : Invariants opératoires. Schème A « Réalisation dun circuit élémentaire ». Cas dAndré
La trace écrite individuelle (feuille blanche) est affichée au tableau car, nous dit Francis, « elle permet de construire la trace écrite collective qui constituera la synthèse ». Nous pensons que cette orientation pour lenseignement nest pas spécifique à lenseignement des sciences (§ 5.3.1.3., p. 125). Les enseignants
fonctionnent de la même manière dans dautres domaines denseignement, dès quil sagit de construire un écrit de synthèse à partir dune production de recherche individuelle ou
de groupe. Pour Alain, cest un dispositif qui « comporte un caractère pluridisciplinaire dans le sens où ( ?) on va pas simplement se contenter de produire quelque chose on va être capable aussi d'analyser quelque chose de voir un peu ce que les autres ont fait si on le garde ou si on le garde pas donc ( ?)capacité d'analyse des enfants capacité de lecture etc. ».
Nous relevons ici un élément qui nous paraît spécifique au premier degré (dans notre étude) : le rôle des traces écrites dans les apprentissages et plus spécifiquement la
construction dune trace collective pour apprendre des notions en sciences. Pour nous, il y
a des connaissances professionnelles en jeu pour lesquelles le cadre danalyse des PCK noffre pas de catégorie.
Dans notre exemple, André demande aux élèves de dessiner leur montage sur une feuille blanche qui sera ensuite exposée au tableau. La synthèse sera construite à partir de ces traces. Les enseignants se situent dans lnterdisciplinarité au service de la construction de connaissances en sciences. André décrit dans lentretien un exemple filmé en classe concernant lécriture. Un élève prononce [pil] le mot quil a écrit /pille/. Dans laction,
lenseignant fait une correspondance entre la phonie et la graphie des sons [il] et [ij] par rapport à un mot connu : bille.
Lorsquil corrige lélève, lenseignant mobilise, entre autres, des connaissances de
type PCK concernant lapprentissage de lécriture et de la lecture. Notre cadre danalyse ne nous permet pas didentifier ces connaissances qui sont dun autre domaine que les sciences. Nous pensons quelles sont des PCK/é concernant lapprentissage du français.
Lerreur dorthographe et de prononciation de cet élève constitue un incident critique. André sait que laffichage des productions individuelles au tableau permet un
travail interdisciplinaire mais il ne peut pas anticiper sa nature. Pour nous, cest dans le traitement dun lincident critique quun enseignant peut mobiliser des connaissances de type PCK dun autre domaine denseignement. Il semblerait que ce soit une spécificité des enseignants de lécole primaire car, dune part, ils enseignent différents domaines aux
mêmes élèves et, dautre part, les apprentissages « fondamentaux » comme la lecture sont
114 Chapitre 5 : Les connaissances professionnelles dans lorganisation de lactivité