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2.1.)Schizophrénie)et)cognition):)déficit)spécifique)ou)généralisé)?)U)

2. ) L A) S CHIZOPHRENIE ): ) U N) T ROUBLE) D E) L A) C OGNITION )?)

Véritable caractéristique intrinsèque de la pathologie, les troubles cognitifs ne s’expliquent ni par les traitements pharmacologiques, ni par les effets de l’institutionnalisation, ni par une moindre motivation ou participation de la part des sujets (Fioravanti et al., 2005), ou par le stade de la pathologie (premier épisode versus évolution chronique) (Saykin et al., 1994 ; Elliot et al., 1994 ; Albus et al., 1996 & 1997 ; Censits et al., 1997 ; Hutton et al., 1998 ; Seidman et al., 2002). Quand bien même ces éléments ne manquent pas d’interférer avec la cognition, ils ne sont pas pour autant la source des troubles observés et rapportés.

La multiplicité des domaines affectés et l’impact de ces déficits, présents chez 75-85%

des patients (Palmer et al., 1997), sur leur devenir socioprofessionnel notamment, confèrent cependant à la schizophrénie le statut de « trouble de la cognition » (Bilder et al., 1996 ; Heinrichs & Zakzanis, 1998 ; Green & Nuechterlein, 1999 ; Marczewski & Van de Linden, 1999 ; Rund & Borg, 1999), et à l’examen de la cognition, celui de véritable outil de pronostic, les déficits cognitifs représentant en outre une priorité absolue en matière de réadaptation.

Toutefois, la nature des dysfonctionnements observés soulève deux questions : (i) S’agit-il plutôt d’un trouble qui affecte un ou plusieurs facteurs cognitifs généraux tels que la vitesse de traitement ou une réduction des ressources de la mémoire de travail ? Ou au contraire, (ii) les déficits cognitifs observés affectent-ils spécifiquement tel ou tel système ou processus cognitif ?

2.1.)Schizophrénie)et)cognition):)déficit)spécifique)ou)généralisé)?)U)

Dans une méta-analyse portant sur 204 études, Heinrichs et Zakzanis (1998) se sont focalisés sur 22 variables cognitives prenant en compte la quasi totalité des fonctions cognitives, dont la mémoire verbale, la mémoire non verbale, les habiletés motrices uni et bilatérales, les modalités visuelle et auditive de l’attention, les habiletés spatiales, les fonctions exécutives, le langage et le quotient intellectuel.

La mémoire était évaluée à l’aide d’épreuves standardisées telles que le California Verbal Learning Test (CVLT - Delis et al., 1987), la Mémoire Logique (Wechsler, 1987), l’épreuve de Buschke (Buschke et Fuld, 1974) ou encore la figure complexe de Rey-Osterrieth (Osterrieth, 1944). Les différences de performances observées entre patients et témoins sont exprimées en

« taille d’effet » : la différence, en termes de performances, entre patients et témoins est d’autant plus importante, que la taille de l’effet est grande.

Les résultats de cette méta-analyse soulignent deux points importants : d’une part, quelle que soit la variable cognitive considérée, les performances des patients sont systématiquement et significativement plus faibles que celles des témoins, argument qui, selon les auteurs, plaide en faveur d’une altération globale de la cognition dans la schizophrénie. Cependant, ce travail a mis en exergue l’atteinte de certaines fonctions qui seraient plus affectées que d’autres, les plus altérées étant celles qui évaluent la mémoire, indépendamment du fait qu’il s’agisse de ce que les auteurs appellent la mémoire globale verbale (évaluée par le rappel immédiat des épreuves mnésiques), de la mémoire verbale sélective (évaluée par le rappel à long terme des épreuves mnésiques, les réponses correctes, les oublis, les intrusions et la reconnaissance), ou de la

Tableau 2 : Taille moyenne de l’effet pour les troubles cognitifs, et pourcentage des patients sous la médiane - Heinrichs et Zakzanis (1998). M : moyenne de la taille de l’effet ; Patients sous médiane (%) : pourcentage de patients sous la médiane faisant référence à l’estimation de la proportion de patients obtenant un score sous la

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Dickinson et al. (2004), quant à eux, ont essayé de déterminer de façon plus directe si les déficits cognitifs observés dans la schizophrénie pouvaient être caractérisés de « généralisés », ou s’ils reflétaient des déficits indépendants dans des domaines cognitifs spécifiques. Pour ce faire, ils ont utilisé une analyse en équations structurelles2 pour explorer l’importance relative des déficits généraux versus des déficits cognitifs spécifiques dans la schizophrénie.

Les auteurs ont inclus 18 scores des sous-tests des échelles d’intelligence (WAIS-III) et de mémoire (MEM-III) de Wechsler, représentant 6 indices cognitifs (compréhension verbale, organisation perceptive, Mémoire de Travail (MdT), vitesse de traitement, mémoire verbale/auditive, mémoire visuelle) préalablement définis par Tulsky et al. (2003) - Figure 3.

Ils ont analysé les données de 97 patients schizophrènes stabilisés, (74 hommes, 23 femmes) et de 87 sujets témoins (61 hommes, 26 femmes). Les deux tiers de l’effet du diagnostic de schizophrénie sur les performances cognitives étaient le reflet d’un seul facteur commun. Les scores aux échelles de la MEM-III et de la WAIS-III ont tous montré une relation robuste avec ce facteur. Dans l’ensemble, ces données plaident en faveur d’un déficit cognitif généralisé dans la schizophrénie.

Figure 3 : Diagramme de chemin illustrant une modélisation par équation structurelle – Dickinson et al., 2004.

Les flèches pleines du diagramme de chemin représentent les liens directs entre le facteur commun et les différents sous-tests et indices cognitifs des batteries ; les flèches en pointillés représentent des liens indépendants du facteur commun. Les valeurs des coefficients sont indiquées au niveau des flèches.

2 Il s’agit d’une technique statistique qui permet de tester et d’évaluer des relations causales à l’aide d’une combinaison de données statistiques et qualitatives. Cette technique permet la modélisation à la fois de confirmation et d'exploration ; la modélisation de confirmation commençant généralement avec une hypothèse représentée dans un modèle causal.

Fioravanti et al. (2005) ont confirmé l’existence d’un déficit cognitif généralisé dans la schizophrénie, précédemment suggéré par Heinrichs et Zakzanis (1998), et mis en évidence par Dickinson et ses collaborateurs (2004).

Leur méta-analyse a porté sur 113 études (4365 patients et 3429 sujets témoins), et s’est focalisée sur 5 domaines cognitifs (QI, mémoire, langage, fonctions exécutives et attention).Si chacun des cinq domaines cognitifs étudiés dans cette étude a abouti à des différences significatives entre patients et sujets sains d’âge comparable, les données basées sur le QI (74 études pour 6280 participants), la mémoire (88 études pour 6628 participants), le langage (36 études pour 3111 participants), les fonctions exécutives (38 études pour 2671 participants) et l'attention (72 études pour 3649 participants) ont montré une importante hétérogénéité entre les études. Les auteurs signalent toutefois qu’en dépit de cette hétérogénéité, c’est bien la mémoire qui présente la plus forte différence moyenne entre les patients et les témoins (p <0,00001).

En synthèse, cette analyse des résultats de la littérature confirme une déficience cognitive généralisée dans la schizophrénie. Cependant, tous les domaines ont été associés à un haut niveau d'hétérogénéité. Bien que ces résultats soulignent l'importance d'examiner la pertinence et les caractéristiques des troubles cognitifs associés à la schizophrénie, ils montrent aussi la nécessité d'une approche plus coordonnée et méthodologique pour entreprendre ce type de recherche.

2.2.)Schizophrénie)et)cognition):)Hétérogénéité)des)troubles)cognitifs) )