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1.1.) Les) approches) actuelles):) Des) études) à) visée) expérimentale,) aux) études)à)visée)clinique)

A.) Leurs)objectifs):) )

Les objectifs peuvent être soit à visée restauratrice des fonctions cognitives perdues ou déficitaires, soit à visée compensatoire, par l’intermédiaire notamment d’apprentissage de stratégies efficaces à mettre en œuvre.

Dans les approches à visée restauratrice, on privilégie l’amélioration des performances diminuées au moyen de tâches hiérarchisées qui permettent d’entraîner une ou plusieurs fonctions cognitives déficitaires, considérant que la pratique intensive peut améliorer le fonctionnement des processus cognitifs en jouant sur la plasticité cérébrale.

Dans les approches à visée compensatoire, deux stratégies sont envisagées : soit (a) un apprentissage sans erreur, soit (b) un aménagement ergonomique de l’environnement du sujet.

a. L’apprentissage( sans( erreur (Terrace, 1963) est une approche compensatoire qui consiste, pour le sujet, à limiter les erreurs et à s’approprier des automatismes comportementaux destinés à pallier les conduites inadaptées. Le programme est basé sur l'hypothèse théorique selon laquelle le fait de faire des erreurs pendant un processus d'apprentissage est particulièrement problématique pour les personnes souffrant de schizophrénie (O’Carroll et al., 1999 ; Pope & Kern, 2006). Au cours d’un apprentissage sans erreur, la tâche est décomposée en éléments en partant du plus élémentaire, pour aller au plus complexe. Chaque composante de la tâche est sur-apprise par le biais de la

répétition. Deux procédés sont principalement utilisés : (i) la prévention des erreurs au cours de la phase d'apprentissage, et (ii) l’automatisation d’une exécution parfaite de la tâche.

Kern, Green, Mintz, et Liberman (2003) ont examiné l’efficacité d'une méthode basée sur l'apprentissage sans erreur pour compenser les déficits neurocognitifs dans l'enseignement de deux tâches auprès d’un échantillon de 54 chômeurs souffrant de troubles schizophréniques et étant cliniquement stables. Les participants ont été assignés au hasard à deux groupes de formation différents : (1) technique d'apprentissage sans erreur, versus (2) instruction conventionnelle de type essai-erreur. Avant la randomisation, tous les sujets ont été évalués sur le plan cognitif. Le rendement au travail a été évalué par les scores de précision de pourcentage immédiatement au terme de la formation.

La première tâche à laquelle étaient confrontés les participants impliquait le dépôt de 40 fiches. Les sujets apprennent que chaque carte contient des informations relatives à une personne qui avait acheté une voiture, à savoir : (1) la ville d’achat, (2) le constructeur automobile, et (3) le nom du propriétaire imprimés en caractères gras de grande taille.

Les sujets déposent les cartes dans des boîtes de classement en fonction (i) de la ville d’achat du constructeur automobile, (ii) de la section alphabétique de nom de famille du propriétaire (p.ex : AF, GL), et (iii) par ordre alphabétique selon le nom de famille du propriétaire. Les variables dépendantes comprenaient (a) des mesures de précision ([nombre total de cartes déposées correctement / nombre total de cartes déposées] × 100), (b) la vitesse (nombre total de cartes déposées par unité de temps), et (c) la productivité globale (nombre total de cartes déposées correctement moins le nombre total de des cartes mal classées).

La seconde tâche consistait à assembler le type de réservoir de toilette trouvé couramment dans les magasins de la commune. Un kit de montage de 31 pièces comprend (i) une vanne de purge, (ii) une vanne de remplissage et (iii) un ensemble de bras de levier. Les sujets étaient chargés de terminer l'assemblage de l'ensemble du kit.

Les variables dépendantes pour l'ensemble du réservoir comprenaient (a) des mesures de précision ([nombre total de pièces correctement assemblées / nombre total de pièces complètes] × 100), (b) la vitesse (nombre total de réservoirs remplis par unité de temps), et (c) la productivité globale (nombre total de pièces correctement assemblées moins le nombre total de pièces manquantes ou mal montées).

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Les auteurs ont constaté que lors de l'exécution des tâches professionnelles, les patients qui avaient bénéficié de la technique d’apprentissage sans erreur, n’avaient plus de déficits cognitifs et obtenaient un score élevé pour le rendement au travail, contrairement à ceux qui ont bénéficié de méthodes d’apprentissage plus conventionnelles (type essai-erreur), chez lesquels a été observée une relation étroite entre le rendement au travail et le degré de déficience neurocognitive. Ces résultats sembleraient fournir la preuve que l’apprentissage sans erreur pourrait efficacement compenser les déficits cognitifs chez les personnes souffrant de schizophrénie.

b. Dans le Cognitive(Adaptation(Training (CAT – Velligan et Bow-Thomas, 2000), autre approche compensatoire, il s’agit d’aménager l’environnement du sujet pour compenser ses déficits cognitifs. Les stratégies de traitement mises en œuvre sont basées sur une évaluation globale du fonctionnement cognitif, comportemental (niveau d’apathie et de désinhibition), environnemental (réalisé au domicile du sujet pour s’assurer, par exemple, de la disponibilité de fournitures nécessaires à la vie quotidienne comme les produits d’hygiènes) et fonctionnel (questionnaire évaluant le fonctionnement dans les activités de la vie quotidienne). Cette évaluation globale permet de comprendre la manière dont le dysfonctionnement cognitif affecte le fonctionnement quotidien de la personne.

Cette approche est basée sur l'idée selon laquelle le dysfonctionnement exécutif est à l’origine de comportements inappropriés qui s’expliquent par des troubles de l'initiation et/ou de l’inhibition. Des aménagements sont mis en place pour éviter les comportements inappropriés, les distractions, et maintenir une activité axée sur les buts. En outre, les adaptations sont personnalisées en fonction des forces et faiblesses cognitives des sujets dans des domaines spécifiques tels que l'attention, la mémoire et le contrôle de la motricité fine. Il s’agit par exemple de remettre au patient ses vêtements dans des sacs qui indiquent le jour où les porter, ou encore de rappeler certaines tâches à effectuer en affichant des post-it dans des endroits stratégiques au domicile du sujet.

Velligan et al. (2000b ; 2002) ont étudié l’efficacité du CAT en affectant, par randomisation, un total de 90 individus atteints de schizophrénie, à trois conditions expérimentales consistant en trois groupes de traitement différents : (a) la condition CAT (Cognitive Adaptation Therapy), (b) une condition contrôle impliquant des visites à domicile et des aménagements environnementaux non reliés au fonctionnement cognitif, et (c) une condition simple suivi classique. Au terme de trois mois d’intervention, les sujets ayant participé à la condition CAT ont vu la sévérité de leurs symptômes, leur qualité de vie, et leur niveau de fonctionnement adaptatif s’améliorer, par rapport aux

deux autres groupes. De l’avis des auteurs (Velligan et al., 2006), les tailles d'effet pour l'amélioration du fonctionnement adaptatif étaient considérables (d de Cohen > 8,0).

Les prises en charge peuvent également varier par rapport au : B.)Type)d’approche)

Les prises en charge cognitives se différencient également selon leur type) d’approche):

(i) « bottom-up », ou (ii) « top-down ». Le premier type d’approche implique une hiérarchie d’habiletés allant des domaines cognitifs « élémentaires », tels que l’attention, la MdT et la vitesse de traitement, à des habiletés plus complexes, telles que le raisonnement abstrait et la résolution de problèmes. Dans le second type d’approche,

« top-down », la méthode d’apprentissage est basée sur des stratégies de haut niveau.

Dans ce type d’approche le but est d’apprendre au sujet à réguler son comportement et à apprendre à appliquer une même stratégie à plusieurs contextes possibles, de sorte à favoriser un possible transfert aux diverses situations rencontrées dans la vie quotidienne du sujet (Medalia et Richardson, 2005).

1. La Neurocognitive Enhancement Therapy (NET – Bell et al., 2001) est un programme de prise en charge à visée restauratrice de type « bottom-up » dans lequel l’accent est mis sur la réadaptation au travail. Des exercices informatisés de complexité croissante ciblent séparément l’attention, la mémoire et les fonctions exécutives. 90 % de réponses correctes sont requises pour passer d’un niveau de complexité au suivant. En outre, les bénéficiaires de ce programme participent à un groupe d’expression orale censé faire intervenir les habiletés sociales (reconnaissance des émotions et sensibilité interpersonnelle).

Dans une étude impliquant 65 patients souffrant de schizophrénie ou de troubles schizo-affectifs, évalués sur le plan cognitif, classés en fonction du niveau de leurs déficits cognitifs, et assignés au hasard soit au programme NET couplé à une thérapie par le travail, soit à un programme de soutien à l’emploi seul (Bell et al., 2001), les participants ont bénéficié d’un entraînement cognitif informatisé allant jusqu’à 5 heures par semaine, pendant 26 semaines.

La thérapie par le travail consistait en : (1) le paiement de l'activité de travail au taux de 3,40 dollars par heure, pour un maximum de 15 heures par semaine avec un bonus (3,90 à 8,40 dollars) à partir de la seizième à la vingtième heure ; (2) un suivi dans un centre médical ; (3) des conseils individuels en cas de problèmes ; (4) l’offre d’un groupe de

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au travail fondé sur l'inventaire du comportement au travail, et les objectifs fixés ; (5) un

« coatch » professionnel pour les difficultés liées à l'emploi ; (6) un certificat de participation au programme, et (7) une orientation vers d'autres services de formation professionnelle. Les chantiers les plus répandus étaient le département diététique, la salle du courrier, le service d'entretien, le transport des patients et l'administration médicale.

Les fonctions occupées étaient similaires à celles des employés débutants encadrés par le personnel du centre médical régulier.

L’entraînement cognitif se composait de : (1) des commentaires au sujet de l'évaluation cognitive et fonctionnelle dans le groupe de soutien ; (2) des exercices cognitifs pendant un maximum de 5 heures par semaine pendant 26 semaines, et (3) un traitement social hebdomadaire. Les patients ont été payés pour faire des exercices cognitifs (3,40 dollars par heure avec une augmentation progressive pour atteindre un maximum de 5 heures d'entraînement cognitif). Ils pouvaient également travailler de 15 à 20 heures maximum pendant la thérapie par le travail.

Au terme du programme, les sujets assignés au programme NET couplé à une thérapie par le travail ont obtenu des améliorations significativement plus importantes que ceux assignés à la thérapie par le travail seule au niveau du fonctionnement exécutif, de la MdT, et de la reconnaissance des affects. Environ 60 % des participants du groupe NET couplé à une thérapie par le travail ont amélioré leurs performances neurocognitives et étaient 4 à 5 fois plus susceptibles d’améliorer leur fonctionnement cognitif que les participants du groupe de comparaison (taille d'effet importante : d de Cohen > 0,80).

L'amélioration de la MdT était la plus impressionnante. Le pourcentage de patients présentant des performances de MdT dans la norme, a évolué de 45 % à 77 % dans le groupe assigné au programme NET couplé à une thérapie par le travail ; dans le groupe assigné au programme de soutien à l’emploi seul, la diminution des troubles est moindre et passe de 56 % à 45 %.

Les auteurs suggèrent que la NET a entraîné des habiletés cognitives qui ont pu être pratiquées, renforcées et généralisées dans le contexte professionnel fourni par le service de soutien à l’emploi. Toutefois, ils n’ont inclus aucune mesure de fonctionnement professionnel en lien avec le soutien à l’emploi dans cette étude.

2. La Neuropsychological Educational Approach to Remediation (NEAR – Medalia et al., 2001, 2002a, 2008) est une approche « top-down » basée sur des techniques d’entraînement intrinsèquement motivantes, développée au sein de la psychologie de

l'éducation et conçue pour rendre les tâches agréables et convaincantes. Le programme comporte des exercices cognitifs présentés par l’intermédiaire d’une interface informatisée, ainsi qu’un groupe de discussion hebdomadaire au sein duquel les opinions favorisant le transfert de l’apprentissage à des expériences réelles sont sollicitées afin de faciliter la contextualisation et la socialisation. Les séances sont proposées à des groupes de deux à douze patients, et assurées par un ou deux professionnels spécialisés en remédiation cognitive. Ce programme a démontré des résultats satisfaisants (Medalia &

Lim, 2004 ; Medalia & Richardson, 2005 ; Choi & Medalia, 2005 ; Mogami, 2007).

En 2001, Medalia et al. ont examiné la possibilité d'utiliser des techniques pédagogiques de résolution de problèmes développées au sein de la psychologie de l'éducation pour remédier aux déficits de résolution de problèmes des patients hospitalisés souffrant d’une schizophrénie ou de troubles schizoaffectifs. Ces techniques reposent sur la motivation intrinsèque et l'engagement au travail, et sont favorisées par la contextualisation, la personnalisation et le contrôle des activités d'apprentissage. Un échantillon de 54 patients chez lesquels ont été mis en évidence des déficits de résolution de problèmes et de mémoire, ont été assignés au hasard soit (1) à un groupe de résolution de problème, soit (2) à un groupe de remédiation cognitive de la mémoire, ou (3) à un groupe de contrôle.

1.)Le)groupe)de)résolution)de)problèmes.

Les sujets de ce groupe ont travaillé avec un logiciel appelé « Où est Carmen Sandiego aux Etats-Unis ? ». Ce logiciel est utilisé dans les écoles pour enseigner le raisonnement déductif, la planification, l'organisation, et, comme le suggère le titre, la géographie. La validité du contenu de ce logiciel pour la restauration de la résolution de problèmes (planification, organisation, raisonnement déductif) dans la schizophrénie a été confirmée par 72 cliniciens en réadaptation.

Le but de l’activité est de résoudre une affaire criminelle simulée en interprétant l'information donnée pour identifier et suivre un suspect afin de procéder à une arrestation. Les sujets entrent dans le programme en tant que novices et sont promus à des grades supérieurs au fur et à mesure qu’ils parviennent à résoudre des cas de plus en plus complexes.

Des questions structurées telles que « Quels sont vos choix et options ? » ; « Quels sont les indices et les preuves ? » et « Que feriez-vous différemment ? », avaient pour but de faciliter la résolution de problèmes en favorisant des stratégies d'auto-surveillance.

Chaque séance de 25 minutes a été entièrement consacrée à travailler sur la tâche.

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été sauvegardé et ils ont repris le cas lors de la prochaine session.

2.)Le)groupe)de)remédiation)cognitive)de)la)mémoire.

Cinq activités ont été sélectionnées à partir de l'ensemble : (i) rappel de paires de mots, (ii) rappel de séquences auditives et visuelles, (iii) rappel d'images, (iv) reconnaissance d'images, et (v) apprentissage de listes. Les sujets ont appris des techniques mnémoniques (p.ex : acronymes ou appariement auditivo-verbal) pendant l’exécution de ces tâches.

3.)Le)groupe)contrôle.

Tous les sujets du groupe contrôle ont participé à des activités de routine (p.ex : les arts et l'artisanat) ou à des services centralisés (p.ex : les temps de loisirs). Ils n’ont bénéficié d’aucune activité de remédiation informatisée pendant la période de l'étude.

Alors que les patients qui ont bénéficié d’une dizaine de séances de remédiation pour la résolution de problèmes se sont significativement améliorés dans ce domaine, les performances de résolution de problèmes des patients qui, eux, ont reçu une dizaine de séances d'entraînement de la mémoire n’ont pas évolué. Ces résultats suggèrent que les patients atteints de troubles du spectre de la schizophrénie sont sensibles aux techniques de formation en résolution de problèmes qui favorisent la motivation intrinsèque.

En 2002, Medalia et al. utilisent le même protocole pour évaluer la durée de l’effet de ce type de thérapie. Les patients inclus dans cette étude (n = 54) ont été évalués (i) avant leur affectation à un groupe de traitement ou de contrôle, (ii) au terme de 5 semaines de traitement, (iii) puis à nouveau 4 semaines plus tard. L'évaluation finale a permis de déterminer la durée de l’effet du traitement. Les auteurs ont constaté que les gains réalisés par le groupe de résolution de problèmes ont persisté 4 semaines après l'arrêt de la thérapie et concluent que ces résultats fournissent une preuve supplémentaire du bénéfice thérapeutique des programmes visant à améliorer la résolution de problèmes ; programmes qui favorisent la motivation intrinsèque.

Des différences, dans les prises en charge, sont encore observées au niveau de :

C.)L’orientation : vers les habiletés, vers les processus, implémentation d’aides externes et/ou aménagement de l’environnement du sujet ;

D.)Du)mode)d’application : duelle, en groupe, mixte, assistée par ordinateur (pour une revue voir Levaux et al., 2009b) ;