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Le préalable à la mise en place d’une remédiation cognitive est, après un inventaire et une analyse détaillés des fonctions cognitives déficitaires et de celles qui sont demeurées préservées, une analyse cognitive rigoureuse du ou des troubles identifiés. Cette analyse consiste à essayer d’interpréter le(s) trouble(s) en se basant sur un modèle théorique issu de la recherche qui décrit les différentes étapes de traitement sensées rendre compte de l’activité cognitive analysée. Selon Seron (1999), ceci revient à éprouver, avec des épreuves appropriées, le fonctionnement des différentes composantes d’un modèle.

Le thérapeute élaborera ainsi un traitement sur une base individuelle à partir de l’inventaire détaillé des fonctions cognitives. Cet inventaire a plusieurs objectifs, il permet notamment de : (1) procéder à une évaluation pour déterminer les cibles sur lesquelles intervenir, (2) préciser les mesures appropriées pour évaluer le changement attendu, (3) évaluer la gravité et la fréquence du problème du sujet avant la mise en œuvre de toute intervention spécifique (par un autre moyen que la simple écoute des plaintes du sujet) et (4) établir un rapport qui formule l’ensemble de ces données.

La principale fonction de cette évaluation de base est de fournir au thérapeute des informations pertinentes sur l'objectif du changement visé, afin de prendre les décisions cliniques qui permettent de statuer sur : (a) la nécessité, (b) la pertinence ou non et (c) l’orientation d’une intervention. Au terme de cette analyse, les options thérapeutiques seront définies en fonction des objectifs visés.

La question primordiale à laquelle le thérapeute se trouvera confronté lors de l’administration d’un traitement est celle du changement et de l’efficacité engendrés par ce traitement (Seron, 1995 ; Seron et al., 2008) : « Cette personne est-elle en évolution et, si oui, est-ce le résultat de l'intervention, ou cela serait-il advenu de toute façon ? »

La méthodologie spécifique du cas unique est l'un des principaux moyens qui nous permette de répondre à cette question. Un changement significatif des performances du sujet après introduction d’un traitement et après une ligne de base de départ stable constitue la preuve de l’efficacité du traitement.

Du point de vue de Seron (1995) : « Un traitement efficace est un traitement qui permet d’améliorer la situation de la personne considérée dans sa globalité ».

2.!Le!paradigme!de!base!:!les!lignes!de!base!multiples!

2.1.!Lignes!de!base!

Trois types de lignes de base sont nécessaires pour interpréter les effets du traitement et déterminer trois variables clés d’une intervention :

2.1.1.! Les! Lignes! de! Base! Spécifiques! (LdBS) correspondent aux aspects qui seront directement travaillés tout au long de la thérapie. Leur évolution significative au terme de la thérapie permettra d’attester de l’efficacité de la prise en charge.

2.1.2.!Les!Lignes!de!Base!Intermédiaires!(LdBI)!correspondent à une variable qui ne fait pas l’objet de l’intervention, mais qui est définie a priori comme pouvant s’améliorer en raison des liens qu’elle entretient avec la variable cible.

Une progression positive dans ce domaine attestera des capacités des participants à une remédiation cognitive à identifier des situations proches de celles travaillées en thérapie et d’y appliquer les stratégies transmises au cours de la prise en charge, ce qui attestera donc d’une généralisation de ce qui a été acquis au cours de la thérapie.

2.1.3.! Les! Lignes! de! Base! aSpécifiques! (LdBaS) correspondent aux aspects qui ne seront pas traités pendant la remédiation cognitive, auxquels la procédure entraînée n’est pas applicable et pour lesquels est posée l’hypothèse que la variation des performances des sujets ne devrait pas atteindre le seuil de significativité au terme de la thérapie. La stabilité des performances des participants à une remédiation cognitive d’une phase à l’autre (Pré, Post-Thérapie) mettra en évidence une absence d’amélioration de cette variable contrôle qui est l’équivalent d’une condition contrôle dans les études de groupes. Cette stabilité des mesures attestera de la spécificité de la prise en charge proposée aux participants.

En effet, selon Seron (1995), « si le traitement administré est l’unique source de changements et si ses effets sont spécifiques, on s’attend à la présence de progrès observés aux tâches faisant l’objet de la rééducation et à l’absence de progrès pour les autres tâches ».

Les Lignes de Base d’un protocole à cas unique servent de condition-contrôle au même titre qu’une condition sans intervention sert de contrôle dans un protocole de groupe employé dans les méthodes de recherche inter-groupes (Lundervold et Belweel, 2000).

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2.2.!Critères!à!respecter!pour!la!construction!de!ces!lignes!de!base!:!

2.2.1.!Contenu!des!lignes!de!base!

Le contenu des lignes de base constitue une donnée clé dans l’examen de l’efficacité et de la spécificité des prises en charge. Dans la majorité des études de remédiation cognitive rapportées dans la littérature, la mesure des effets du traitement consiste en une ré-administration, après traitement (remédiation), de la batterie d’épreuves psychométriques qui a servi à établir le diagnostic pré-thérapeutique des déficits du patient.

Or, il s’agit là d’une manière inadaptée de voir les choses, à plus d’un titre. En effet, (1) la majorité des outils utilisés pour établir un diagnostic ont été créés dans le but d’adresser les patients à une catégorie taxinomique et non dans celui de mesurer de manière fine et sensible les composantes cognitives intactes et celles déficitaires faisant l’objet du traitement (Seron, 1995). Ensuite, (2) la mesure obtenue n’est souvent que le reflet d’un simple effet test-retest non représentatif des effets de la prise en charge et qui ne permet en aucun cas de se prononcer sur les effets de cette dernière. (3) Les résultats des sujets sont le plus souvent comparés à la moyenne d’une population référente (normes). Cependant, la moyenne de cette population est un paramètre qui ne permet pas de déterminer si le changement observé dans les performances du(es) patient(s) est significatif ou non. C’est l’écart-type qui permettrait de se prononcer sur cette donnée (Michael, 2007). Enfin, (4) un changement observé au niveau des performances aux épreuves psychométriques ne signifie pas pour autant qu’il y ait eu une évolution aux niveaux clinique et fonctionnel. Il est donc essentiel que le contenu des évaluations et des lignes de base soit en lien avec le projet thérapeutique, plutôt qu’avec une démarche classificatoire, afin de permettre une mesure pertinente d’un changement entre le début et la fin de la thérapie (Seron,

répétées. Selon Barlow et ses collaborateurs (2009), un minimum de trois observations est recommandé ; moins de trois observations rendant difficile toute interprétation des données et des relations de cause à effet observées. La stabilité des mesures de base permet d’assurer qu’un progrès post-thérapeutique ne sera pas attribué à tort aux effets de la thérapie, alors qu’en réalité il n’est que le simple reflet d’une oscillation naturelle de la performance du sujet.

2.2.3.!Lignes!de!base!et!sensibilité!des!mesures!

Souvent négligé, cet aspect permet néanmoins d’adapter la durée et la nature du traitement et d’éviter la présence d’ « effets plancher » ou « plafond » dans les mesures observées, ce qui interdit la mise en évidence d’une quelconque progression dans les performances du sujet.

En effet, un traitement peut paraître cliniquement efficace, alors qu’au terme de celui-ci les scores du sujet aux évaluations restent inchangés. Il est alors nécessaire de s’interroger sur les signes cliniques qui ont suscité le sentiment de l’existence d’un progrès afin de contrôler s’ils sont pris en compte soit dans le contenu même des lignes de base proposées, soit dans la manière de les coter (Seron, 1995). !

2.2.4.!Lignes!de!base!et!mesure!du!transfert!

Les lignes de base servent également à mesurer le transfert des apprentissages enseignés au cours de la thérapie (Seron, 1995). L’analyse du transfert permet de répondre à des questions d’ordre plus fonctionnel en liaison avec la mise en œuvre des processus cognitifs dans les activités quotidiennes et/ou professionnelles des sujets.

2.2.5.!Lignes!de!base!et!suivi!à!long!terme!

La question du choix du moment de contrôle de l’efficacité de la thérapie est cruciale, étant bien entendu que l’objectif des thérapeutes est d’améliorer le comportement/processus cible de façon stable et sur le long terme. Dès lors, quel est le moment le plus opportun pour évaluer les effets de la thérapie ?

Les études rapportées dans la littérature se contentent souvent d’évaluer l’efficacité des traitements à très court terme et avec du matériel non approprié comme nous l’avons évoqué plus haut. Rares sont celles qui proposent des mesures à long, voire à très long terme. Or, ceci contitue un problème de taille, dans la mesure où il a été

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montré que les effets positifs dus à certains traitements sont souvent fragiles et éphémères (Seron, 1995). Dans d’autres cas, il est possible que, pour certaines mesures au moins (mesures subjectives effectuées par auto-questionnaires présentées au bénéficiaire de la prise en charge), le très court terme ne soit pas le moment qui traduise au mieux l’efficacité de la thérapie, certaines réorganisations des processus cibles pouvant parfois intervenir de manière plus tardive.

Aussi, de façon générale, un suivi régulier sur le plus long terme (au minimum un an) semble souhaitable pour apprécier les effets des traitements proposés. Ces évaluations différées devraient en outre également prendre en compte des aspects fonctionnels afin de faire la part des choses entre une réelle acquisition et une simple adaptation du sujet à son environnement.

3.!Limites!et!avantages!des!études!de!cas!unique! !

Un des soucis des études de cas unique est que les études qui ne montrent pas d’amélioration au terme d’un traitement sont rarement, voire jamais, signalées. Ainsi, il manque la donnée fondamentale des taux d'échec dans ce type de protocole.

Dans de nombreux cas cependant, la solution semble résider dans la découverte des effets du traitement sur les individus, y compris en ce qui concerne les éventuels ajustements nécessaires et les conditions optimales d'apprentissage, avant d'appliquer le traitement à une population plus importante.

Malgrès ces limites, aujourd’hui encore, la seule approche qui permette une analyse en profondeur est celle du cas unique, qui « reste une voie essentielle de la recherche au moins si l’on désire comprendre le détail des architectures et des fonctionnements cognitifs. » (Seron, 2011).

En effet, en partant de l’ensemble de ces observations, les études de cas unique devraient être considérées comme des études pilotes utiles qui permettent de déterminer, à partir d’une surveillance étroite et rigoureuse, les aspects importants du traitement. Une fois que ceux-ci sont identifiés, les études de groupe peuvent alors apporter un nouvel éclairage sur la mesure spécifique à partir de laquelle le traitement est généralisable.

C’est précisément à partir de la réflexion nourrie par nos deux études de cas unique présentées dans les parties suivantes, que nous avons conçu une troisième prise en charge effectuée selon la méthodologie du cas multiples.

Cette démarche nous paraît d’autant plus importante, qu’à notre connaissance il n’existe pas à ce jour de guide pratique qui permette d’identifier les facteurs qui rendraient efficaces les prises en charge de groupe.

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