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Chap. III : Méthodes Tridimensionnelles

III.1 Méthodes d’acquisition des données tridimensionnelles

III.1.1 Scanner médical ou Tomodensitométrie à Rayons X

III.1.1.1 Historique et principes

Le scanner à rayonnements X, en anglais computerized tomography (C.T.) est apparu à la fin des années soixante. En radiologie classique, le faisceau de rayon X projette sur une plaque radiographique les ombres des organes traversés en les confondant. Les zones entourées par des tissus plus denses (comme les os) ne sont donc pas visibles. Le scanner X pallie à cet inconvénient. Son principe est en effet de choisir un plan de coupe et d'effectuer de multiples projections sous différents angles afin de connaître le coefficient d'atténuation en chaque point du plan.

Les rayons X sont atténués par les milieux biologiques traversés suivant une loi exponentielle tenant compte de l'absorption photoélectrique et de la diffusion par effet Compton. Soit I0 le flux incident de rayons X pénétrant suivant l'axe x un milieu hétérogène de coefficient d'atténuation µ(x), et I le flux émergeant, nous avons la relation suivante :

I = I0.exp(-∫µ(x)dx)

Le scanner X est basé sur la mesure des différents coefficients d'absorption des tissus traversés par un faisceau de rayons X. Chaque tissu a son coefficient d'absorption propre qui dépend de la densité du tissu et de l'énergie du faisceau du rayon X le traversant.

La réalisation la plus simple d'un scanner X nécessite donc un émetteur de rayons X et un détecteur qui lui est solidaire. Le corps étudié est bien sûr placé entre l'émetteur et le détecteur. En animant simultanément d'un mouvement de translation le faisceau de rayons X et le détecteur, on connaît les projections des coefficients d'absorption en plusieurs points pour un angle donné par rapport à l'objet. Ensuite on fait tourner le système de quelques degrés, et on recommence une série de mesures lors de la nouvelle translation. Cette opération est répétée sur 180 degrés, et la connaissance des profils d'absorption suivant les différents angles permet de calculer la valeur de l'absorption en chaque point du plan (figure 10).

Les calculs sont réalisés par ordinateur pour reconstituer une image plane numérique en donnant à chaque pixel un niveau de gris correspondant au coefficient d'absorption. Cette image pourra alors être stockée ou traitée informatiquement.

Figure 10 : Principes du Scanner médical à rayonnement X.

Les systèmes tomodensitométriques à rayonnement X ont beaucoup évolué depuis le premier prototype, constitué uniquement d'un tube à rayons X et d'un détecteur entre lesquels était placé la cible. Dans les scanners de deuxième génération, au lieu d'envoyer un pinceau de rayons X vers un seul détecteur, le tube envoie un faisceau plus ouvert capté par plusieurs détecteurs. Ceci permet de réduire le nombre de déplacements de l'ensemble tube – détecteur lors des translations mais aussi de réduire le nombre de pas angulaires. Ceci se traduit par une amélioration de la vitesse de balayage. La troisième génération a vu disparaître la translation, la barrette détectrice étant suffisamment longue pour accepter tout le champ de mesure et tournant de façon synchrone avec le tube à rayon X. Toujours afin de réduire les temps d'acquisition et d'améliorer la qualité des images, de nouveaux scanographes utilisant des chaînes de détection à multi-détecteurs ont fait leur apparition. C'est le cas pour les scanners X de la quatrième génération : le tube tourne seul dans une couronne comprenant de nombreux détecteurs fixes (de l'ordre de 800 à 1000).

De nouvelles technologies sont apparues récemment (cinquième génération). Afin de réduire l'effet de pénombre par une meilleure focalisation et augmenter la distance patient –

couronne est animée d'un mouvement de nutation, les détecteurs proches du tube s'effaçant pour laisser passer le rayonnement incident.

Dernier développement de la technologie : les scanographes à acquisition hélicoïdale rapide. Cette technique requiert un scanographe à rotation continue et rapide de la source radiogène ainsi qu'un puissant multiprocesseur qui assure simultanément des tâches d'acquisition, de reconstruction et de visualisation. A la suite d'opérations d'interpolation, le processeur reconstruit une série de coupes axiales qui présentent entre elles un certain degré de chevauchement.

III.1.1.2 Acquisition des données tridimensionnelles par CT Scan La numérisation des originaux et moulages de crânes fossiles et historiques issus de la collection du laboratoire d’anthropologie de la Faculté de Médecine, secteur Nord, Marseille (2003) a été effectuée dans les services du Professeur Agostini, à l’hôpital Sainte-Marguerite à Marseille, ainsi que dans les services du Professeur Cabanis, C.H.N.O. des Quinze-Vingts, Paris.

Les spécimens (43) ont été sélectionnés en fonction de leur état et de manière à avoir au moins deux individus de chaque espèce (sauf pour le gorille). La population historique est composée de 9 individus (4 hommes et 5 femmes). La liste des individus numérisés par tomodensitométrie à rayon X est présentée en Annexe 1.

Les scanners à rayonnement X ont été réalisés et enregistrés sous format DICOM sur une machine Général Electrique LightSpeed 16. Nous avons réalisé une hélice en coupes de 1,25 mm reconstruites tous les 0,625 mm avec un temps de rotation de 0,7 tour/s. Nous avons utilisé une matrice 512*512 pixels, un SFOV (Field of view) de 250 mm, soit une résolution de 0,48mm. Les Kv et mA changent à chaque patient. La taille des pixels varie à chaque numérisation, en fonction de la taille générale du crâne.

Le choix de la taille et de l’épaisseur des coupes a été fait en fonction de différents paramètres. Afin d’obtenir une reconstruction virtuelle avec un rendu surfacique de bonne qualité, il est nécessaire de réaliser des coupes les plus fines possibles (figure 11). Plus les coupes sont fines et nombreuses, plus nous pouvons obtenir et restituer les informations. L’empilement des coupes fines permet de lisser un peu plus le contour de l’objet reconstitué sans générer trop d’aberrations.

Figure 11 : Lien entre le nombre de coupes, leur taille et le rendu surfacique. III.1.1.3. Exploitation des données et reconstruction virtuelle

La taille des pixels ou « slice thickness » (en mm) a été systématiquement déterminée au moyen du logiciel Ezdicom. Celui-ci a permis de chaque fois lire le « header », c'est-à-dire les informations concernant chaque coupe numérisée, et de déterminer pour chaque scanner la taille des pixels. Cette valeur revêt son importance lors du rendu des images dans l’espace. En effet, plus la taille rendue par les pixels est grande, plus la marge d’erreur est grande. Braüer et al. en 2003 expliquaient que pour des pixels de 0,41 mm et pour une épaisseur de coupe de 1 mm, l’écart maximal entre la position d’un point modélisé par un voxel et le vrai point était alors de 1,1 mm. En moyenne, nous avons eu une taille de pixels équivalente à 0,44 mm. Le bon réglage de la taille des pixels lors de la modélisation virtuelle est très important. En effet, sans cela, la reconstitution apparaîtra déformée dans certains plans (figure 12). Dans l’exemple présenté, les deux crânes modélisés possèdent la même longueur apparente, mais diffèrent nettement au niveau des hauteurs.

Figure 12 : Distorsion extrême de la reconstruction tridimensionnelle du crâne de Skhul 5 (gauche) et reconstruction correcte (droite).

III.1.1.3.1 Nombre de sommets délimitant le crâne à modéliser Pour modéliser un crâne numérisé, les différents logiciels de modélisation tridimensionnelle utilisent des sommets de triangles constituant la surface du crâne. Plus le nombre de sommets est élevé, plus ceux-ci sont proches les uns des autres et permettent une modélisation plus fine et plus proche de la réalité. Nous présentons en figure 13 un contour à modéliser (bordure extérieure en noir). Les différents carrés représentent des sommets. La mise en place d’un seul point central (carré), en plus des extrémités, converti la courbure en triangle. L’ajout de deux autres sommets intermédiaires permet de rapprocher la modélisation de la courbure réelle. Le volume non modélisé diminue (arc de cercle blanc dans le cas de trois sommets, et zone grise et blanche dans le cadre d’un seul sommet).

Figure 13 : Difficulté du rendu d’un contour crânien. Le contour réel est en noir; les segments correspondent aux contours modélisés

Nous présentons en figure 14 différentes reconstructions virtuelles d’un crâne d’Homo sapiens issu de la population historique de Notre-Dame-du-Bourg. Les différentes reconstitutions volumiques permettent de mettre en évidence l’importance du choix du nombre de sommets à modéliser. Un nombre faible ne permet pas de modéliser correctement les structures crâniennes : à 1000 sommets, seul l’expérimentateur travaillant sur la reconstitution peut dire qu’il s’agit d’un crâne virtuel. A partir de 10 000 sommets, la forme générale du crâne est nette et les différentes cavités sont identifiables. Selon la morphologie des individus, il est même possible de distinguer les tracés de certaines sutures crâniennes (suture coronale). La valeur de 100 000 sommets donne un résultat virtuel proche de la réalité. Les sutures sont toutes visibles tout comme les cuspides des dents. Utiliser 500 000 sommets n’apporte que peu de modifications et se trouve être une source de problèmes techniques. Paradoxalement, un grand nombre de sommets s’avère nécessaire pour travailler correctement et avoir une représentation quasi fidèle de la réalité, mais ce grand nombre de sommets est responsable d’une lenteur d’affichage du crâne. En effet, chaque mouvement appliqué à la reconstitution nécessite un calcul permanent des données affichées à l’écran. Plus le nombre

de données (sommets et triangles) à afficher sera élevé, plus le processeur calculera et l’affichage nécessitera plus de temps et apparaîtra saccadé.

Un autre problème apparaît dans le choix du nombre de sommets. Au-dessus d’une certaine valeur, l’utilisateur se heurte à la résolution des données numériques. Par exemple sur notre crâne modélisé, les 500 000 sommets entraînent l’apparition de la distinction des coupes scanners au niveau du sommet du crâne.

1000 Sommets 10 000 Sommets 100 000 Sommets

500 000 Sommets

Figure 14 : Rendu volumique des reconstitutions en fonction du nombre de sommets générés. En raison de tous ces éléments, et après étude de tous les crânes numérisés, nous avons choisi de générer pour chaque crâne 150 000 sommets, valeur permettant d’avoir un rendu volumique et surfacique précis tout en conservant une grande fluidité d’affichage et de manipulation de l’image virtuelle.

III.1.1.3.2 Le rendu surfacique des modélisations

Les logiciels (Yav++, Magics, RapidForm2004) permettent différents rendus surfaciques (4 principaux, figure 15). Nous allons présenter les 4 principaux rendus utilisés : 1/ Le mode Wireframe constitue le rendu surfacique de base des logiciels. Il peut être traduit par mode « fil de fer » : les sommets sont reliés aux sommets voisins par des segments constituants les arêtes de triangles transparents. 2/ Le mode Flat consiste à appliquer un revêtement coloré sur les triangles précédemment définis. 3/ Le mode Gouraud permet de lisser les sommets des triangles. Ce mode a tendance à estomper les sutures et autres structures fines qui sont bien rendues par le Flat. Un grand nombre de sommets modélisés permet de lisser le rendu Flat en générant des triangles plus petits et plus nombreux. 4/ Le mode Transparent permet d’observer (pour les crânes osseux) les structures internes telles que les cavités sinusales. Ce mode est intéressant lorsqu’il s’agit d’afficher ensemble deux crânes et de les superposer.

Wireframe Flat Gouraud

Transparent

III.1.1.3.3 La notion de seuillage

Les données numérisées ne contiennent pas de valeurs de couleurs permettant de dissocier les différentes matières ou textures détectées par le scanner. Le système a été conçu de manière à retranscrire ces différences (Echelle de Hounsfield, figure 16) par des niveaux de gris. Chaque matière possède une valeur caractéristique permettant de la différencier d’une autre.

Figure 16 : Echelle de Hounsfield.

Le logiciel Yav++ (principalement utilisé) prend en compte ces niveaux de gris mais avec sa propre échelle et permet de reconstituer un objet en sélectionnant la valeur minimale à afficher. Toutes les matières possédant une valeur inférieure sur l’échelle de Hounsfield modifiée ne seront pas prise en compte dans la reconstitution et ne seront pas affichées. La réalisation d’un bon seuillage est importante (figure 17).

Niveau min 300 Niveau min 1697 Niveau min 0

Niveau max 4095 Niveau max 4095 Niveau max 4095

Dans l’exemple présenté une portion du crâne ne sera pas reconstituée lors du choix d’une valeur minimale de 1697. Il s’agit des parties les moins épaisses ou les moins denses. Dans le cadre de la valeur minimale 0 ou d’une valeur trop basse (figures 17 et 18), le support sera lui aussi modélisé ainsi que la cavité d’acquisition du scanner elle-même, ce qui sera source d’inconvénients pour exploiter correctement le modèle virtuel.

La valeur idéale (non modélisation du support sans altération de la surface crânienne) moyenne relevée pour les crânes osseux et une partie des moulages était de 300. Pour certains moulages et supports utilisés, la valeur minimale a pu monter à 700.

Figure 18 : Exemple de mauvais seuillage (crâne de Sambungmacan 3)

III.1.2 Acquisition spatiale des points craniométriques au moyen d’un digitaliseur portable : MicroScribe®3DX

Nous avons utilisé l’outil d’immersion et de capture tridimensionnel MicroScribe, conçu par le groupe Immersion Corporation, le modèle MicroScribe®3DX (figure 19).

Cet outil de relevé de points de contours consiste en un bras digitaliseur articulé muni d’un contrepoids, déplaçable manuellement. Le bras est prolongé à son extrémité par une pointe de lecture, métallique servant à pointer précisément des repères dans l’espace (figure 20).

Le logiciel permettant d’utiliser cet outil, calcule en permanence la position spatiale de l’extrémité de la pointe par rapport à un référentiel de base dans les trois directions euclidienne (x, y, z). Une fois la pointe appliquée sur la zone à numériser, l’utilisation d’un déclencheur (pédale) permet d’enregistrer la localisation tridimensionnelle de la pointe. Le logiciel implanté sur la station de travail PC permet d’enregistrer les coordonnées spatiales des points sous différents formats d’exploitation. Notre préférence est allée aux fichiers Excel afin de posséder une base de donnée facilement échangeable sans obligation de conversion. La résolution moyenne de cet outil est de 0,13 mm (données du fabricant) pour une précision moyenne de 0,38 mm. La vraie variabilité des mesures provient de l’expérimentateur et de sa manière de placer la pointe de lecture. Le rayon de portée du bras du MicroScribe®3DX est de 632 mm.

Figure 20 : Mouvements possibles du MicroScribe®3DX.

Dans le cadre de l’élaboration d’une base de données MicroScribe®3DX sur les populations fossiles et modernes mises à notre disposition, un travail commun a été réalisé avec Elise Jeusel. 101 points de repères craniométriques ont été sélectionnés et digitalisés. Ce travail commun a permis une vérification permanente des points sélectionnés. Chaque point a été acquis 3 fois et la moyenne a été retenue.