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Chap. III : Méthodes Tridimensionnelles

V.1 Inventaire et descriptions des pièces osseuses attribuées à Biache-Saint- Biache-Saint-Vaast 2

V.1.1 L’os frontal de Biache-Saint-Vaast 2

Seul le torus supra-orbitaire et la base de l’écaille frontale cérébrale ont été conservés. Latéralement, la portion frontale des sutures fronto-malaires est intacte. Il ne subsiste que la partie médiane de la suture naso-frontale qui présente un aspect en pointe (figure 77) avec le nasion au sommet. La suture entre les os propres du nez n’est plus visible entre les fragments supérieurs de ces deux os fusionnés sur les 5 millimètres conservés. L'espace inter-orbitaire restant mesure 23 mm. La suture métopique est entièrement résorbée sur les portions conservées.

V.1.1.1 La face exocrânienne de l’os frontal de Biache-Saint-Vaast 2

L’arcade sourcilière droite est manquante. Celle de gauche, totalement soudée, permet de dire que le torus est de type III selon la classification de Cunningham (1908). Le caractère massif de ce torus est accentué par l’absence du reste du crâne (figure 77).

Figure 77 : Biache-Saint-Vaast 2 ; Os frontal ; Vue antérieure ; Echelle : 10 mm.

Figure 78: Biache-Saint-Vaast 2 ; Os frontal ; Vue supérieure ; Echelle : 10 mm.

G D

Figure 79 : Biache-Saint-Vaast 2 ; Os frontal ; Vue inférieure ; Echelle : 10 mm.

Figure 80: Biache-Saint-Vaast 2 ; Os frontal ; Vues latérales droite et gauche; Echelle : 10 mm.

La partie supérieure des cavités orbitaires (figure 77) a un contour circulaire, qui diffère ainsi de celui des spécimens d’Homo heidelbergensis comme Arago 21.

Les fractures sont multiples et ne présentent pas d’axe privilégié (figures 77, 78, 79, 80). La fracture supérieure qui a rompu l’écaille frontale cérébrale s’étend transversalement depuis le point fronto-temporal droit jusqu’au tiers gauche de l’écaille puis se prolonge obliquement vers la suture coronale. Une fracture profonde (D) s’étend au tiers droit du bord supérieur à la partie postérieure de la fosse supercilière. Une portion surfacique de l’écaille est manquante sur le bord gauche de cette fracture. Celle-ci se scinde alors en deux. Le fragment médian n’a pas été retrouvé. Le bord gauche de cette fracture est franc, rectiligne antéro-postérieurement jusqu’à la suture naso-frontale. Le bord droit de la fracture s’avance obliquement vers la droite, suivant un angle de 45° depuis le point de scindement. Le plan de fracture passe entre l’échancrure frontale interne et l’échancrure sus-orbitaire

Une autre fracture (G) s’étend depuis le bord supérieur, au niveau du tiers gauche, là où la fracture transversale devient oblique postérieurement. Cette fracture est oblique antéro-postérieurement et rejoint l’arcade orbitaire sur son tiers gauche.

Deux autres fractures obliques suivent un axe postérieur droit à antérieur gauche entre les deux fractures principales (D et G) décrites précédemment. La fracture passe de l’arcade orbitaire au niveau de l’apophyse orbitaire interne vers la glabelle qu’elle coupe longitudinalement.

L’étude de l’arcade orbitaire et de l’apophyse orbitaire externe droite permet de constater une particularité de la surface osseuse, la surface vermiculée (TAPPEN, 1978). L’os présente sur sa portion la plus antérieure un aspect finement rainuré (figure 81). Cette surface se retrouve sur le côté gauche, mais n’y est plus visible que sur l’apophyse orbitaire externe du fait des altérations de l’os. Tappen (1978) a précisé qu’elle caractérisait le torus frontal des Néandertaliens adultes, bien que quelques individus modernes ainsi que certains Homo erectus puissent présenter ce type de surface. L’étude des autres fragments de cet individu montre que cette particularité surfacique ne se trouve que sur le torus frontal (TAPPEN, 1978). La surface vermiculée présente une disposition antérieure, supérieure et latérale sur l’arcade, mais s’arrête au niveau de l’orbite proprement dite.

Figure 81 : Zone vermiculée au niveau de l’arcade orbitaire droite de Biache-Saint-Vaast 2. La crête latérale de l’os frontal est mousse et assez courbée sur le bord gauche. La crête est séparée de l'écaille par une dépression longitudinale dont on ne retrouve pas la base sur le bord droit. Les deux crêtes latérales rejoignent les apophyses orbitaires externes en formant postérieurement une gouttière. Il ne reste des sutures fronto-malaires que le bord frontal. La facette temporale du frontal est assez large et profonde. Le décalage entre la crête latérale gauche et la partie la plus interne de cette facette est de plus de 10 mm. Ce décalage ne peut être évalué sur le coté droit.

Les deux échancrures sus-orbitaires sont ouvertes antérieurement. L'échancrure frontale interne du coté gauche n’existe que sous forme d’un canal. Celle de droite n'a pas été conservée.

Les sinus frontaux (figure 82) sont visibles au niveau des deux arcades et la profondeur peut être jugée au niveau de l’arcade droite où le sinus pénètre longitudinalement au-delà de l’échancrure sus-orbitaire. Le sinus frontal pénètre moins à gauche (il n’atteint pas l’échancrure sus-orbitaire). Verticalement, seule la partie gauche du sinus pénètre dans l'écaille frontale et ceci sur près de 6 mm.

Figure 82: Modélisation virtuelle des cavités sinusales frontales de Biache-Saint-Vaast 2 ; Vue frontale.

La suture coronale pourrait avoir été conservée sur quelques millimètres, en dessous de la région du stéphanion. Mais seuls des essais de reconstruction permettront de confirmer ou d’infirmer cela.

La portion de l’écaille frontale cérébrale est assez bombée. Son épaisseur va en diminuant depuis sa base jusqu’au point le plus postéro-supérieur préservé. L’épaisseur de l’écaille fracturée oscille entre 6 et 7 mm. En vue supérieure, l’écaille se distingue du torus par une constriction post-orbitaire très marquée (largeur minimale : 102 mm ; largeur maximale du torus : 128 mm).

V.1.1.2 La face endocrânienne de l’os frontal de Biache-Saint-Vaast 2

La crête frontale interne mesure plus de 40 mm de long. La base inférieure et le trou borgne n’ont pas été préservés. La crête est effilée au niveau de sa partie inférieure et va en s’épaississant et en s’élargissant dans sa partie supérieure. Sa profondeur maximale est de 10 mm. Rectiligne dans sa partie inférieure, elle dévie vers la droite dans la portion supérieure de l’écaille cérébrale. La base de la gouttière du sinus longitudinal n’a pas été conservée tout comme le sommet des cavités orbitaires (bosses orbitaires). Les empreintes des circonvolutions cérébrales frontales sont visibles, mais peu nombreuses.

V.1.1.3 Proposition de nouvelle articulation des fragments de l’os frontal de Biache-Saint-Vaast 2

Nous avons constaté en examinant les pièces originales de Biache-Saint-Vaast 2 un défaut d’articulation des fragments de l’os frontal, défaut lié à la fracture D et à l’angulation

appliquée entre les fragments. Le positionnement du bord droit dans le plan frontal est trop incliné vers le bas au niveau de l’apophyse orbitaire externe et de la suture fronto-malaire.

Nous avons modélisé (figure 83) l’axe point fronto-malaire orbitaire interne – échancrure sus-orbitaire pour les deux arcades sus-orbitaires. Nous constatons le net décalage du point de croisement de ces axes par rapport au plan sagittal médian, décalage lié à la trop forte inclinaison de l’arcade droite.

Figure 83 : Mise en évidence de la mauvaise articulation des fragments frontaux de BSV 2 ; Traits : axes point fronto-malaire orbitaire interne – échancrure sus-orbitaire.

Afin de réaligner le bord droit, nous avons symétrisé l’hémi-frontal gauche suivant le plan sagittal (défini par le nasion, la glabelle, et le point supraglabellaire) afin d’avoir une position de référence pour replacer le fragment droit.

Nous avons ensuite séparé virtuellement les deux blocs frontaux en suivant le plan de fracture D. Le bord externe du fragment frontal droit est relevé jusqu’à obtenir le croisement des axes point fronto-malaire orbitaire interne – échancrure sus-orbitaire au niveau du plan sagittal médian (figure 84). Nous avons utilisé le plan de fracture comme axe d’inclinaison et d’articulation du fragment droit par rapport au bord gauche. Le bord externe de la portion droite est positionné plus haut dans l’espace (figures 84 et 85). Ce mouvement modifie les largeurs de l’os frontal (tableau 16).

Figure 84 : Nouveau frontal de BSV 2 après reconstitution ; traits : axes point fronto-malaire orbitaire interne – échancrure sus-orbitaire.

Figure 85 : Superposition en transparence de l’os frontal original et de la portion droite remaniée.

Tableau 16 : Nouvelles mesures relevées sur l’os frontal de Biache-Saint-Vaast 2.

Largeurs Original Reconstruction Virtuelle

Fronto-malaire orbitaire interne 111 mm 115,4 mm

Maximale du torus sus-orbitaire 126,4 mm 128,7 mm

Minimale frontale 102,6 mm 104,4 mm

Entre les extrémités postérieures 104,1 mm 108,4 mm

Entre les extrémités inféro-postérieures 91,3 mm 97,5 mm

Notre proposition de reconstruction de l’os frontal présente une plus grande ouverture postérieure (entre 4 et 6 mm de plus).

V.1.2 L’os pariétal

V.1.2.1 La face exocrânienne

Seule la face latérale de l’écaille pariétale a pu être reconstituée à partir des 6 principaux fragments retrouvés (figure 86). La plus grande portion intacte, plus ou moins rectangulaire, correspond au bord postéro-inférieur de l’os pariétal et permet d’étudier l’astérion. Nous constatons la présence d’une structure assimilable à un torus angularis (figure 86) dans cette région. Ce torus est assez large en son extrémité postérieure, mais relativement aplati en son milieu. Cette structure est moins robuste que celle d’Arago 47, mais plus saillante que celle de Biache-Saint-Vaast 1. Nous n’avons pas trouvé de structures similaires chez les Hominidés fossiles que nous avons pu consulter (collection du laboratoire d’Anthropologie, Faculté de Médecine Nord, Marseille, 2003). Les involutions du bord lambdatique ont été conservées, tout comme la suture pétreuse. Les lignes temporales supérieure et inférieure (fracturées antérieurement) encadrent dans la région postéro-inférieure

un épaississement assimilable à un torus angularis. Toute la portion d’écaille au-dessus des lignes temporales est absente, ainsi que la portion coronale de l’os. La ligne inférieure pourrait réapparaître sur l’un des fragments antérieurs, à proximité de la zone coronale mais l’état du fossile ne permet pas de trancher.

Deux portions de la table externe de l’os ont disparu au niveau de la fracture antérieure de ce principal fragment. A l’exception de ces pertes osseuses et de quelques lacunes au niveau des croisements entre les fragments, les fractures entre les six fragments pariétaux sont franches avec peu de bordures émoussées.

L’épaisseur minimale (5 mm) de l’os pariétal se trouve au niveau antérieur, à proximité de la zone coronale. La plus grande épaisseur se situe au niveau du torus angularis (12 mm). On retrouve une épaisseur identique au niveau de l’angle postéro-supérieur. L’épaisseur diminue graduellement vers l’avant. Au niveau de la suture pétreuse, l’os mesure 7 mm d’épaisseur.

V.1.2.2 La face endocrânienne

Le réseau vasculaire méningé moyen a été relativement bien préservé au niveau de la zone postérieure (figure 87). Antérieurement, les empreintes des vaisseaux ont constitué des points de moindre résistance pour l’os. Certaines fractures suivent le grand axe de ces empreintes.

Le rameau postérieur est bien conservé. Plusieurs collatérales se sont individualisées. Les empreintes des circonvolutions sont nettes dans la portion antérieure du pariétal.

Figure 86 : Bloc pariéto-temporsphénoïde gauche de BSV 2, vue supérieure (A), latérale (B)

C A

Figure 87 : BSV 2 ; Bloc pariéto-temporal-sphénoïde, vue endocrânienne ; En gris sur le bord antérieur : fragments en position incertaine ; Echelle : 10 mm.

V.1.2.3 Présence d’un chignon occipital sur Biache-Saint-Vaast 2

La non conservation de la portion sagittale de l’écaille pariétale et l’absence de l’os occipital empêchent d’affirmer la présence d’un chignon occipital.

Nous émettons l’hypothèse que Biache-Saint-Vaast 2 possédait un chignon occipital avec une dépression pré-lambdatique pour deux raisons :

1/ Le spécimen Biache-Saint-Vaast 1 est contemporain de Biache-Saint-Vaast 2 (TUFFREAU, 1988) et présente un chignon occipital (ROUGIER, 2003) ;

2/ Le bord postéro-supérieur du fragment pariétal de BSV 2 présente un changement de courbure au niveau de la suture lambdatique gauche (figure 88).

Nous ne pouvons affirmer que BSV 2 ait possédé un chignon occipital, mais il est aussi impossible d’affirmer qu’il n’y en ait pas eu. L’attribution de ce caractère à BSV 2 est liée à son appartenance phylétique. Alors que sa présence correspondrait à une apomorphie néandertalienne (HEIM, 1986) son absence correspondrait à un Homo heidelbergensis, chez qui ce caractère n’est pas tout le temps présent (absence chez Sima de los Huesos 5, mais présence chez Petralona).

Nous validerons ou invaliderons cette hypothèse lors de la reconstruction du crâne du spécimen, après avoir comparé ces fragments à des spécimens des deux espèces.

Figure 88: Début de la dépression pré-lambdatique de Biache-Saint-Vaast 2.

V.1.2.4 Suggestion de modification de l’assemblage de l’os pariétal gauche de Biache-Saint-Vaast 2

Tout comme pour l’os frontal, nous estimons que l’assemblage des fragments de l’os pariétal a généré une mauvaise articulation des deux fragments antérieurs de la portion reconstituée. Ceci est observable avec un changement marqué de la courbure longitudinale au niveau antérieur de la reconstruction. Les deux fragments concernés présentent une

orientation antérieure trop externe (figure 89). Nous remédierons à cette déformation lors de la reconstitution virtuelle de Biache-Saint-Vaast 2.

Figure 89 : Bloc pariéto-temporal-sphénoïde de Biache-Saint-Vaast 2, vue inférieure. Fragments mal articulés.