• Aucun résultat trouvé

La scène virtuelle dans l’espace public de la ville et des communautés intelligentes

Aujourd’hui plus que jamais, dans la société numérique, la population a besoin d’expériences collectives. « Le phénomène des événements et des festivals occupe de plus en plus une part importante dans l’animation des milieux de vie »35. Sans entrer dans l’actualité, nous prendrons la

perspective de l’espace public dans la ville et de ces communautés intelligentes. La ville intelligente met en œuvre les technologies de l’information et des communications (TIC) « dans ses différents secteurs dans le but d’optimiser l’utilisation des infrastructures existantes. Que ce soit en matière de transport, de bâtiment, de gouvernance ou d’environnement, les nouvelles technologies peuvent contribuer à répondre aux défis urbains actuels »36, et ce pour le bien-être des membres de cette

communauté urbaine, qui sont appelés à prendre une part active dans ces affaires. « Dans la ville intelligente, le citoyen est l’acteur central. Elle se construit autour de lui, en prenant véritablement en compte ses besoins, ses préoccupations et le vivre-ensemble37. Le vivre-ensemble regroupe les

conditions de constitution d’une société humaine. Il s’exprime sous des comportements et des rites culturels dont l’être-ensemble fait partie. La ville intelligente implique de nouveaux modes de vivre- ensemble, de nouveaux comportements sociaux « d’être-ensemble » qui émergent particulièrement sous l’effet des technologies mobiles qui, comme l’avance Adam Greenfield (2007, p.20). C’est dans ce contexte d’innovation que s’inscrit un nouveau modèle de développement urbain, démocratique et humain (Doran, 2014). Nous allons brièvement nous concentrer sur le rôle et la place de la culture dans cet espace public, parce qu’ils concernent directement notre projet de recherche et son dispositif

34 Traduction libre de : « existential connectedness ».

35Chaire de Tourisme de l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (2005). Analyse de l’environnement externe ( benchmarking ) des expériences étrangères dans le domaine des festivals et événement, p.13.:

https://chairedetourisme.uqam.ca/upload/files/publications2005_janvier_benchmarking.pdf (consulté en septembre 2017) 36 Institut technologies de l’information et sociétés (ITIS). (2012). Villes intelligentes : un bref survol :

https://www.itis.ulaval.ca/cms/site/itis/page81388.html (consulté 2016).

37« Le vivre-ensemble est une notion utilisée pour identifier des catégories d’expérience ou d’interaction (…) dans des contextes comme ceux de la mémoire, du patrimoine ou de la performativité culturelle, en sus de ceux de l’interculturalité ». Centre interuniversitaire d'études sur les lettres, les arts et les traditions (CELAT) http://www.celat.ulaval.ca/wp-

28 d’interaction de groupe dans la rue.

L’espace public urbain est le théâtre des représentations du vivre-ensemble. C’est le lieu de contact des forces tentant de le définir. Par sa participation à l’espace public, l’individu y inscrit sa subjectivité, qui se communique aux autres notamment par les technologies mobiles. L’individu y exprime sa liberté par des gestes symboliques singuliers, qui l’inscrivent alors dans un « rapport de force illustré par les diverses représentations constituant l’espace public […] qui n’existe pas en soi, mais s’actualise nécessairement pour un individu qui lui donne un sens, par ses actes, dans le présent toujours renouvelé des représentations » (Bonenfant, 2008).

Fréquemment, l’expression du vivre-ensemble dans l’espace public s’incarne par une expérience de l’être-ensemble au cours d’événements culturels, participatifs, selon Alex Beim38. La

prolifération de ce type de divertissement comme Pokémon Go, par exemple, souligne le succès de cette approche. Cependant, l’être-ensemble ne se limite pas à la participation à un événement dont la structure classique reproduit les rapports de force de la société, par la séparation de la scène et par la figure de la vedette, car trop souvent les spectacles sont organisés selon une scène à l’italienne, sous le régime normatif du simulacre.

Poursuivant son évolution, l’être-ensemble s’adapte à la société numérique pour répondre au même besoin de participation démocratique et de paix sociale. Dès leurs origines, Fred Turner souligne que les communautés virtuelles et l’Internet ont été influencés par les idées communautaristes des hippies (Turner, 2013) : un régime idéologique. Du fait que bon nombre d’ingénieurs et de concepteurs informatiques de cette période partageaient alors cette manière de vivre, la société numérique d’aujourd’hui s’est construite en partie sur les utopies de la contre-culture américaine des années 1960 et 1970. Cela nous conduit aujourd’hui à des réseaux sociaux clivants, car ils recréent les anciennes séparations identitaires basées sur une figure de communauté éthique et exacerbent les antagonismes. Par la faute de cette condition, le besoin de paix sociale se ressent dans le cyberespace. Notre projet tente d’apporter une piste de réponse à ce mécontentement, par une expérience numérique du régime esthétique : l’être-ensemble numérique, une conjonction esthétique. De nouveaux modèles d’expérience de l’être-ensemble sont rendus possibles par le numérique. Nous en proposons un, ScnVir, une scène ouverte et virtuelle en simulation située. Une

38 Beim, A. (2014, janvier) Designing and living with technology. Communication présentée à la conférence « Design principles and Practices : Design as collective intelligence », Université de la Colombie-Britanique, Vancouver, Canada.

29

forme d’événement artistique semblable à un carnaval : « une sorte de vie au second degré plus vraie que la vie ordinaire, parce qu’elle s’avère non seulement sans rampe et sans spectateurs, mais sans acteurs et sans scène, bref, dépourvue d’artifices » (Michaud, 2003, p. 82), où l’on peut avoir l’impression de se joindre physiquement à d’autres, dans une liaison esthétique communiquée informatiquement, un être-ensemble numérique.

30

3 Chapitre 3 : La démarche de recherche-création

Cette recherche-création s’est développée graduellement suivant un parcourt non-linéaire, sinueux, parsemé de découvertes, de rencontre, d’essais et d’erreurs. Son récit rétrospectif suit une succession d’étapes qui ont permis de préciser et développer le projet. Bien que imprécises et trop générale, ces étapes peuvent être sont schématisées (figure 3-1).

Figure 3-1 Schéma des étapes de notre recherche-création. © Jean-Ambroise Vesac

Pour étudier l’être-ensemble numérique dans les réalités mixtes, il nous faut élaborer une expérience artistique participative dans l’espace numérique. Le recours à l’informatique nous demande de formaliser des composantes de l’être-ensemble pour l’opérationnaliser au sein d’un dispositif de simulation située artistique d’interaction gestuelle musicale. Nous chercherons à savoir si la formalisation de l’être-ensemble numérique favorise l’implication et prolonge l’expérience d’interaction dans l’espace public. Cette formalisation de l’être-ensemble numérique s’inscrit dans le design d’interaction par l’agentivité systémique de groupe.

31

conceptuelle et théorique, comment l’être-ensemble numérique se réalise, en trois phases. Nous déterminerons des indices comportementaux, des gestes et des mouvements suggérant l’être- ensemble numérique. Nous préciserons que l’être-ensemble numérique s’accomplit par l’agentivité de groupe en lien avec l’interaction gestuelle. Nous exposerons la capacité de la simulation située à mettre en œuvre l’agentivité de groupe et l’interaction gestuelle dans un dispositif. Ensuite, nous présenterons notre démarche de création d’un dispositif artistique de simulation située et les spécifications de celui- ci. Puis, nous présenterons notre méthodologie hybride de validation de notre hypothèse de recherche et de notre approche de création.