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4.2 Les composantes de ScnVir PYV

4.2.2 Les êtres de ScnVir PYV

Donnons un aperçu des êtres de ce projet. Les êtres sont un ordre d’existence complexe que nous ne définirons pas. Malgré cela, notez que notre concept d’être est inspiré de la théorie de l’acteur- réseau, pour sa prise en compte des objets « non-humain », s’inspirant notamment des écrits de Bruno Latour (Latour, 2012). Il y a l’auteur, l’équipe de recherche et de production, les participants, les badauds, les agents virtuels. Nous n’aborderons pas les détails de la diversité biologique de PYV qui n’est pas pertinent dans notre étude (par ex. : les écureuils). Nous nous concentrons sur les individus pouvant avoir une influence directe sur l’expérience du projet. Nous retenons donc les êtres qui

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occupent ou circulent dans l’espace ou qui ont une présence sonore. Nous présenterons les avatars, les agents virtuels, les participants et les collectivités.

4.2.2.1 Les avatars de ScnVir PYV : le corps rouge

Les participants sont personnifiés dans l’application par un avatar rouge. L’idée du corps rouge nous est venue après une conférence64 de Bernard Andrieu. Selon Andrieu65, l’action du corps vivant

précède la conscience, car « le délai de transmission de l’information produite par le corps » entraîne la subjectivation de l’expérience sensorielle. Dans certaines conditions extrêmes, le cerveau produit même une vision double du corps (Andrieu, L’externalisation du soi par la décorporation sensorielle, 2010). Cette expérience inexplicable déclenche alors un choc émotif et donne lieu à des interprétations mystérieuses, parfois transcendantales, de sortie du corps. Cette notion d’externalisation de soi a eu un fort écho sur l’auteur, car elle expliquait certaines sensations ressenties en jouant de la musique, semblables à une impression de détachement dans une écoute active.

D’autre part, le corps rouge évoque une peinture que nous avons réalisée vingt ans auparavant. Il s’agit de la silhouette d’un homme peinte en rouge sur une porte. Nous décrirons cette toile ainsi : là, quelqu’un, par un effet de présence, attend au seuil de la réalité.

Pour ces raisons à la fois théoriques et personnelles, nous avons donné à notre avatar l’image du corps rouge (CR). L’image du corps rouge symbolise dans cette recherche-création notre inextricable contact au monde.

Techniquement, le personnage CR a été réalisé avec l’application Makehuman66. Il s’agit d’un

logiciel libre permettant la génération paramétrique de personnages 3D. Nous avons exploré ces fonctions et avons personnalisé notre avatar en modifiant ses proportions corporelles.

L’apparence des avatars est abstraite, minimale. Le rendu de CR est non éclairé. Il n’a donc pas de relief, ce qui le met en aplat sur un environnement 3D. Les reliefs de sa forme 3D sont rendus perceptibles par ses mouvements, dans le découpage de sa silhouette. Cette opposition entre profondeur 3D et surface 2D ajoute une distanciation avec la réalité qui rend l’avatar encore plus irréel. Cette esthétique signifie pour nous l’abandon du réalisme pour un traitement laissant plus de place à

64 Andrieu, B. (8 mars 2013) « Les arts immersifs : quelles expériences des corps », groupe de recherche sur la performativité et les effets de présence, UQAM.

65 Bernard Andrieu, « Sentir son corps en première personne : une écologie prémotrice », Movement & Sport Sciences 2013/3 (n° 81), p. 91-99.

79 l’interprétation visuelle.

Les participants, s’ils le veulent et le peuvent, s’identifient donc à un être abstrait, que l’on perçoit par ses mouvements. Du fait que tous les avatars rouges sont identiques, les participants confondent souvent leur avatar avec ceux des autres participants.

4.2.2.2 Les agents virtuels (bots) de ScnVir PYV : les silhouettes noires

Un agent virtuel est une unité informatique qui possède une ontologie définissant ses motivations, ses actions, ses représentations, sa capacité d’interaction, et sa capacité d’évolution (List, & Petit, 2011, p. 3). Les agents virtuels se définissent par leurs tâches dans la simulation située, par exemple, informer. Une autre tâche des agents est de perturber les participants. Les tâches de l’agent virtuel restent en accord avec les objectifs du projet, et leur fonctionnement répond à leur tâche en corrélation avec leurs caractéristiques balisées par l’esthétique.

La modélisation de l’agent et son apparence sont guidées par l’esthétique du projet et doivent rendre leur comportement convaincant. Les participants doivent comprendre les motivations d’un agent d’après son apparence et son fonctionnement. Les agents virtuels, autrement nommés les bots, ont un modèle 3D identique aux avatars rouges. Ils partagent le même « corps polygonal » : seulement la texture est différente. Ils symbolisent visuellement l’ombre du compositeur de l’œuvre.

Les agents virtuels ont une fonction musicale importante, car ils personnifient les intentions musicales du compositeur dont ils sont les « clones ». Ils courent en rond comme un échantillon sonore qui joue en boucle. Leur fonctionnement n’est pas assez complexe pour incarner un interprète. Nous parlons simplement d’intentions musicales.

Les agents virtuels ont des comportements, qui sont un ensemble vaste de signes visuels, sonores, corporels et langagiers, qui indiquent un état intérieur de l’agent, sa condition dans la situation. Le comportement est une réponse de l’agent à sa relation ontologique à la situation présente. Le comportement d’un agent peut servir à informer le participant de ses tâches et guider ses actions, à informer des intentions de l’auteur et de la mission à accomplir dans la situation.

4.2.2.3 Les participants de ScnVir PYV

Tous les participants sont des individus différents, avec leurs propres déterminations qui influencent leur compréhension : il y a autant d’interprétations du projet et des intentions de l’auteur que de participants. De plus, chacun partage à différents degrés les intentions de l’auteur : ils cherchent

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à connaître les motivations du projet et ont besoin pour cela d’un niveau plus ou moins élevé d’information; ils ont des stratégies d’exploration personnelle, plus ou moins nombreuses et efficaces. La majorité des participants proviennent de l’Université Laval et un petit nombre d’entre eux sont des artistes.

4.2.2.4 Les collectivités du territoire de ScnVir PYV

Les collectivités sont une source de référence sur le territoire qui doit être pris en compte. Il n’y a pas une collectivité unique sur un territoire, mais une circulation d’individus qui varie selon les périodes et les événements. Les personnes qui sont présentes sur les lieux d’expérimentation des simulations situées, sans y participer, peuvent devenir des obstacles à l’effet d’immersion. Plus rarement, ils provoquent des amorces de narrativité par l’effet de synchronicité de leur passage.

La place D’Youville n’est pas une zone résidentielle. Il y a très peu de résidents permanents. Les bâtiments sont donc très majoritairement commerciaux et occupés par des travailleurs. Nous avons organisé la description qui suit par zone géographique. Le centre de la PYV est très actif : on retrouve des sportifs qui patinent ou font de la planche à roulettes. L’été, pendant les concerts, la place est bondée de spectateurs et de mélomanes. En périphérie, les bancs offrent des points de vue sur la place, propices aux contemplatifs. Dans la zone des restaurants chics, à l’heure du diner, il y a des garçons de café et des gens d’affaires et le soir, des couples remplissent les tables pour profiter de la vie. Dans la zone de l’hôtel, des vacanciers trainent leurs valises et leur carte touristique alors que le groom surveille. Dans la zone des taxis et des autobus, des journaliers et des travailleurs des tours de bureaux circulent, indifférents. Dans la zone à proximité du théâtre Montcalm et de l’emplacement secret de la boule disco se retrouvent les artistes, les amateurs de musique et des fumeurs de cigarettes. Enfin, sur le dessus du stationnement de PYV, loin des regards, des marginaux peuplent ce tiers paysage (Clément, 2005).