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Chapitre 2. Qu’est-ce donc que la Ticéitude alors?

2.11. Le savoir publier en Ticéitude

En Ticéitude, il est clair que les apprenants sont de plus en plus impliqués dans leur processus d’apprentissage. Bien plus, on les voit réfléchir sur des stratégies d’apprentissage qu’ils inventent chaque semaine pour être plus à même de progresser et de s’investir davantage dans un processus d’immersion dans la langue et la culture française. De ce fait, ils développent petit à petit une nouvelle compétence que nous appelons «savoir publier». On aura compris que dans une perspective ticéitudinale, l’apprenant est de plus en plus autonome. Cette autonomie confère un savoir-faire nouveau, celui de mettre en ligne des documents sonores, vidéo et textuels, voire même des photos actives en utilisant la plateforme ThingLink, dont nous avons parlée plus haut qui permet de faire de belles images actives avec liens textuels, audio ou vidéo. L’apprenant est de plus en plus appelé à créer lui-même/ elle même ses propres productions. Cela est extrêmement motivant. Nous sommes en plein dans la pédagogie du projet ici. Le savoir publier est un élément essentiel de l’école d’aujourd’hui et de demain. Le monde n’est pas en voie de devenir numérique, il est numérique et les adolescents d’aujourd’hui le savent bien, mais l’école est en voie de devenir numérique. Il s’agit véritablement d’un passage à l’action. Les finalités de l’apprentissage et les rôles de chacun se transforment (La relation professeur-élève, apprenants-apprenants, parents-élèves). Le savoir publier est essentiel dans la perspective ticéitudinale parce qu’il permet aussi de partager ses productions. Nous ne pouvons résister à citer Jacques Cool32, Technopédagogue québécois qui l’exprime ainsi:

«l’élève produit et partage. Savoir publier, c’est savoir explorer, créer, collaborer, raconter, débattre, interagir, résoudre des problème avec toutes les possibilités qu’offre le numérique dans un réseau

Figure 22 - Savoir publier de Jacques Cool

On voit bien avec le schéma de Jacques Cool que le savoir publier requiert bon nombres de compétences que l’apprenant devra acquérir. Notons que ces compétences ne s’acquièrent pas du jour au lendemain, mais que les jeunes d’aujourd’hui sont très motivés par ce genre d’expérience. Nous avons parlé de productions un peu plus haut. Eh bien, c’est bien de cela qu’il s’agit: l’apprenant devient producteur, metteur en scène et designer. Nous ne pouvons pas résister également de citer David Price, auteur et futuriste de l’apprentissage (Senior Associate at the Innovation Unit in London, England: How we’ll Work, Live and Learn in the Future, 2013):

«Les jeunes aujourd’hui, en proportion de plus en plus grandissante, apprennent socialement et de façon informelle.»

Il y voit plusieurs critères essentiels qui attestent d’une motivation différente aujourd’hui:

1le faire soi-même; 2 le faire maintenant; 3 le faire avec des amis; 4 le faire pour le plaisir; 5 le faire pour les autres;

6 le faire pour que le monde puisse le voir.

Tous ces critères représentent à nos yeux la façon dont les jeunes fonctionnent aujourd’hui. Dans notre perspective ticéitudinale, les élèves qui ont participé à notre projet ont développé tous ces savoir-faire et publient chaque semaine leurs propres productions que ce soit de simples enregistrements Mp3 avec Garage Band, Audacity, voire même leur Smartphone, ou de véritables productions comme un petit film sur leur quartier, leur maison, leurs dernières vacances, les problèmes des jeunes aujourd’hui, voire même l’intolérance dans notre société (Niveau avancé, Extension en Nouvelle Galles du sud) ou créations de wikis sur le réchauffement climatique (Niveau avancé, Extension). Toutes ces productions sont bien sûr partagées sur le réseau social de la plateforme. Cela correspond à ce que Claire Bourguignon (2009, pp.49-77) appelle l’approche communic’actionnelle. La communication est action:

«C’est à travers l’accomplissement de la tâche que se fait l’apprentissage et c’est à travers la réalisation d’activités communicative que se fait l’action.»

L’apprentissage et l’accomplissement de la tâche sont concomitants. Nous nous situons en plein dans la logique de l’usage de la langue ou plutôt l’apprentissage-usage de la langue. La focalisation n’étant plus sur ce qui est appris mais sur l’utilisation faite de ce qui est appris. Pour reprendre Claire Bourguignon, l’apprentissage est alors «accumulatif». Nous ne sommes plus aujourd’hui dans une logique d’accumulation des compétences, mais plutôt dans une logique d’usage de ces compétences.

Le savoir publier se situe bien dans la paradigme de la compétence. Le rôle de l’enseignant a changé. Il ne constitue plus à transmettre des savoirs, mais à faciliter l’appropriation des connaissances. C’est la construction d’un projet qui donne du sens aux connaissances.

2.11.1. Deux application pour le Story telling (raconter des histoires)

Les apprenants de nombreuses écoles qui utilisent notre plateforme ont créé des projets avec l’application Periscope qui est une application Iphone (IOS) qui implique que les apprenants aient un compte Twitter. Cette application a vu le jour dans le «Apple Store» en mars 2015. Il s’agit d’une application qui permet d’explorer le monde à travers les yeux de quelqu’un d’autre. Cette application de vidéo-diffusion en direct permet à l’apprenant de devenir un reporter amateur. La diffusion peut être captée par l’apprenant et les pairs. C’est une application excellente qui permet de raconter des histoires (Story telling); il suffit de lire l’excellent livre de Ekaterina Walter et Jessica Gioglio pour s’en convaincre. 33 Cette application favorise la rétroaction à travers une communauté d’apprentissage. L’usage de cette application comme facilitateur de rétroaction peut:

(i) consolider les liens apprenants, enseignants, parents;

(ii) être une aide aux devoirs (leadership pédagogique, discussions animées par les apprenants eux- mêmes).

La rétroaction est participative de l’apprentissage. L’enseignant qui participe peut émettre une rétroaction immédiate.

Il y a véritablement une mise en valeur de la coconstruction des savoir. L’apprentissage devient un phénomène continu qui éclate les murs de la classe pour s’ancrer dans le quotidien de l’apprenant. La spontanéité est alors au service de la pédagogie qui met en lumière une démarche active de l’apprenant offrant des possibilités de collaboration. A l’évidence, une diffusion Periscope doit contenir une idée principale, voire un projet. S’il le souhaite, l’enseignant peut rejoindre les étudiants en dehors de la classe pour les inviter à rejoindre la communauté, il crée une alerte sur leur appareil mobile. En outre, l’application permet aussi à l’étudiant de se mettre en position de leadership pédagogique en offrant, lui aussi, des commentaires, des feedback spontanés grâce à l’animation de discussions orientées vers des thématiques vues en classe. Meerkat est une autre application Android qui permet de faire exactement la même chose, mais ici, il faut avoir un compte Facebook. On peut poster ses vidéos directement sur Facebook. L’avantage, peut-être, comparé à Periscope, c’est qu’on peut planifier son émission en direct 24 heures à l’avance; ce que Periscope ne permet pas encore. Certains étudiants ont même acheter un pied pour téléphone pour rendre le tournage plus professionnel encore (joby.com).

2.11.2. La Twictée des mobinautes

Deux professeurs, Régis Forgione et Fabien Hobart ont eu l’idée de créer un compte Twitter pour la classe (Twittclasses). Ils ont créé un compte @Twictéeofficiel. On pourrait dire qu’il s’agit d’un blog Twitter dédié à la classe. Il s’agit de demander aux élèves de faire des mini-dictée de 140 caractères. Les élèves écrivent d’abord sur un morceau de papier: ils sont divisés en petits groupes et doivent créer un seul Twitt par groupe. Chaque Twictée est envoyée à la classe qui se chargera de sa correction. Il s’agit ensuite de la création collective de ce qu’on pourrait appeler un «Twoutil» expliquant les erreurs de la classe scribe. Nous avons repris cette idée à notre compte et l’avons proposé aux écoles qui utilisent notre dispositif. Nous avons remarqué après plusieurs essais que cela développe une grande vigilance orthographique; ce qui n’est pas un luxe en français langue étrangère. L’avantage de Twitter, c’est que les élèves peuvent s’organiser eux-mêmes pour faire cet exercice.