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Chapitre 2. Qu’est-ce donc que la Ticéitude alors?

2.2. Une nouvelle définition du concept de littératie en Ticéitude

Avec les nouvelles technologies, le concept de littératie doit être redéfini. Littéralement, c’est la capacité d’une personne à lire et écrire (l’alphabétisation de base). Ce concept est issu du mot anglais

literacy (alphabétisation). La définition du terme littératie ne cesse de s’enrichir. L’OCDE le définit

ainsi:

«l’aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre des buts personnels et d’étendre sa connaissance et ses capacités».

Nous sommes dans une période de transition. Les politiques d’éducation et les curriculum ne se sont encore pas adaptés aux changements qui se sont produits grâce aux médias numériques qui sont de plus en plus implantés dans la vie des apprenants du monde entier. Il existe aujourd’hui une contradiction entre les évaluations qui sont pratiquées dans les écoles. En effet, ces évaluations sont encore imprimées (text-based materials). On parle aujourd’hui de littératie visuelle, de nouvelle littératie, de littéraire numérique, de multimodalité ou de multilitératies (Kress &Van Leeuwen, 2001) ou encore de littératies multiples (Simpson & Walsh); cela réfère à des compétences de communication dans le monde contemporain. La littératie multimodale réfère à la recherche du sens à travers la lecture, la lecture visuelle, la compréhension, la capacité de répondre en produisant et en interagissant avec des médias et des textes numériques. La littératie médiatique multimodale conjugue différents modes tels que l’image (iconique), le texte, le son (auditif), le mouvement dans un document spécifique (hypertexte) peuvent apparaître simultanément and de manière synchrone. Le mot hypertexte a été inventé en 1967 par Théodor H. Nelson pour désigner des écrits non-linaires. Un produit hypertextuel aujourd’hui désigne un ensemble de données textuelles accessibles au lecteur par navigation intérieure. L’hypertexte utilise le multifenêtrage (exemple du dictionnaire électronique

Le Robert). Un hypermédia est un ensemble organisé d’informations appartenant à plusieurs types de

médias (textes, images, son). Il est généralement interactif. On parle parfois de parcours de lecture. Notez que cette notion n’est pas nouvelle puisque Diderot dans son livre Jacques le Fataliste imagine que l’histoire se construit grâce à l’intervention plurielle des acteurs et du lecteur. Souvent l’élément visuel peut être dominant dans les podcasts ou les vidéos par exemple. Cela bouleverse les certitudes de la pédagogie et de la pédagogie des langues en particulier. Kress et Leeuwen (2001, p 1-2) définisent la multimodalité ainsi: «l’usage, en contexte réel de communication médiatique, de plus d’un mode sémiotique pour concevoir un objet ou un événement sémiotique».

Il a été démontré que le niveau littéraire d’une personne influe sur son degré d’utilisation des TIC (Massé et, 1998). Un niveau de littératie minimal est primordial à l’acquisition de compétences numériques. Même si la vidéo et son traitement se développent de manière importante sur Internet, la plus grande partie de l’information accessible reste fondée sur le texte (Stewart, 2000). Leu (2000)

nouveau concept de littératie implique aussi une compétence informatique chez les apprenants comme chez les professeurs. L’association américaine des bibliothèques (American library Association) définit la compétence dans l’usage de l’information comme «savoir reconnaître quand émerge un besoin d’information et que l’on est capable de trouver l’information adéquate; ainsi que de l’évaluer ou l’exploiter». Le grand dictionnaire terminologique de la langue française de l’Office québécois de la langue française parle de culture de l’information.

C’est un écrivain anglais, Samuel Johnson (18 September – 13 December 1784), qui disait il y a longtemps que «ce qu’il y a de mieux en dehors de savoir quelque chose, c’est de savoir où le trouver» (The next best thing to knowing something is knowing where to find it). Une récente étude en Grande Bretagne (United Kingdom Literacy Association, UKLA) a démontré que des apprenants de 3 à 16 ans utilisaient une variété de compétences et stratégies pour la lecture de texte sur écran. La navigation sur un texte sur écran implique une lecture qui est très différente de la lecture traditionnelle linéaire de gauche à droite. Les élèves furent capable «d’éplucher» la langue, les images et la musique tout en mettant l’accent sur les sections clés pour en retirer l’information essentielle. Si on considère l’écriture en ligne (sur écran), on sait qu’elle existe depuis longtemps avec l’avénement des logiciels de traitement de texte, mais de nos jours, les nouveaux logiciels permettent une sophistication qui n’existait pas auparavant (graphics, photographies, images, documents sonores). Le design fait partie intégrante de la notion de littératie. Les apprenants pourront ainsi développer leur créativité. De nos jours, professeurs et apprenants vont devoir constamment s’adapter aux nouvelles technologies. Une expérience à Sydney en Australie impliquant 16 professeurs des écoles dans 9 écoles primaires a montré que les enfants obtenaient très rapidement une compétence suffisante avec des textes numériques (Walsh, 2008, 2009). On a noté en particulier qu’une richesse d’apprentissage s’est développée du fait que les apprenants étaient entièrement impliqués dans ce qu’ils entreprenaient aussi bien en lecture qu’en écriture grâce à l’interaction qui existait (cela impliquait la discussion, l’écoute des autres, l’observation, l’analyse visuelle de certains matériels imprimés ainsi que des textes numériques). Il existait une interaction constante entre leur expérience sensorielle et leur expérience de l’écriture sur écran avec images et textes. Avec l’aide du professeur, les apprenants ont mis en place un agenda en ligne à l’aide de la plateforme VoiceThread; cela a encore renforcé l’interaction entre les apprenants et leur professeur ainsi que leur compétence de recherche.

Voicethread (littéralement fil de voix) est un logiciel en ligne qui permet d’enregistrer des

commentaires écrits au clavier, enregistrés avec un micro ou une webcam, sur des textes, des images, des extraits sonores ou des vidéos, pour aboutir à un diaporama multimédia. Grâce à cette plateforme, les élèves sont capables de voir le travail et les réponses d’autres apprenants de manière synchrone puis de participer ou de répondre à leur tour. Les données recueillies dans cette étude confirment la nécessité de redéfinir le concept de littératie dans le contexte actuel en Australie surtout à la veille de

l’émergence d’un nouveau curriculum national. La lecture (lecture hypertextuelle) proprement dite et la lecture visuelle sont interchangeables, l’élève doit apprendre à décoder, à analyser, à faire des liens, à interpréter, à naviguer et à répondre en ligne. Une telle interactivité grâce à la communication en ligne a mis en place des pratiques sociales nouvelles et a redéfinit le concept de «parler» et «écouter» pour apprendre. En ce qui concerne l’écriture, l’apprenant apprend à composer, à planifier et à créer (Design). L’importance de la mise en page et de la mise en forme renforce la dimension picturale du texte. On quitte la linéarité de l’écriture grâce aux outils métatextuels de la représentation (Marty, 2005). Un tel mode d’apprentissage développe les compétences suivantes chez les apprenants: 1. compétence de collaboration;

2. compétence de recherche (d’investigation); 3. compétence de négociation;

4. compétence de réseaux (la capacité d’établir des réseaux); 5. autonomie de l’apprenant;

6. esprit critique de l’apprenant;

7. compétence à apprendre une démarche structurante (être capable de repérer les mots clés d’un texte par exemple).

Ici, on peut dire que le clavier concurrence le stylo.

Tout ce que nous venons d’écrire correspond à ce que Richardson (2008) a appelé «la naissance de la littératie réseau» (apprentissage connectiviste).

Les élèves de Toowoomba Grammar qui ont participé à notre étude en utilisant notre plateforme dans le cadre de l’apprentissage du français langue étrangère ont bénéficié de l’approche hybride que nous avons mise en place avec l’aide de leurs professeurs. Cette approche hybride en Ticéitude se formulait ainsi:

1. base du cours en ligne (Modules choisis par le professeur avec ou sans les apprenants dans un système de calendrier);

2. cours en présentiel (classe normal) avec renforcement de l’oral et passage à l’écrit;

3. apprentissage et participation collectifs des élèves sur le réseau en place de la plateforme (Sorte d’agenda en ligne comme VoiceThread): participation individuelle et collective (y compris celle du professeur), écrit, enregistrement oral, commentaires et vidéos;

4. évaluation formative régulatrice (centrée sur le processus, texts de progrès auto-corrigés), exercices qui apparaissent constamment dans les modules de la plateforme;

5. discussion hebdomadaire entre les élèves d’une classe pour analyser leur progrès (métacognition), participation de chacun et participation de l’enseignant ainsi que discussion pour

En Ticéitude, l’apprenant développe des stratégies d’apprentissage individuelles et collectives organisées autour d’un dispositif numérique en ligne avec l’aide d’un accompagnateur pédagogique. Il travaille seul et avec les autres. Il est en quelque sorte «accompagné». Cette notion d’accompagnement est essentiel pour comprendre les stratégies d’apprentissage en Ticéitude. On peut parler d’accompagnement multiple puisque le professeur accompagne l’élève mais aussi ses pairs. Nous reparlerons de la notion d’accompagnement un peu plus loin.

Figure 19 -Approche hybride en Ticéitude