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Influence de l’épaisseur du film sur la microstructure et les propriétés des films PU

H. Saturation de l’activité électromécanique

La saturation de déformation sous champ électrique fort reste un phénomène difficile à interpréter. Peu d’études ont été effectuées sur l’effet de l’épaisseur sur l’activité électromécanique du polyuréthane [Dia2008] [Guy2011a] [Guy2011b]. Une hypothèse intéressante très argumentée concerne la saturation des dipôles dirigés sous champ électrique fort, nommée polarisation saturée [Guy2011b]. Guyomar et al. ont essayé de modéliser le mécanisme de saturation du même PU88A sur la base de la polarisation saturée [Guy2011b]. Dans l’élastomère, ils supposent qu’il n’y a pas de polarisation rémanente après avoir subi l’application du champ électrique. Lors de l’application du champ électrique, la polarisation est supposée atteindre une saturation à partir d’un certain champ.

Figure IV-26 : Déformation maximale à la saturation Ssat en fonction de l’épaisseur des films des trois PUs : PU88A, PU75A et PU60D.

Au plateau de saturation sous un champ électrique fort, on définit la déformation maximale par Ssat ou déformation saturée. Celle-ci diminue significativement avec l’épaisseur croissante pour les 3 PUs, comme le montre la Fig. IV-25. Les 3 PUs semblent présenter chacun une Ssat constante à partir d’une certaine épaisseur. Par contre, les films minces conduisent à des Ssat très élevées. Par exemple, un film mince de PU88A d’épaisseur 11 µm montre une très forte Ssat remarquable de -39,8 % sous un champ électrique de 50 V/µm. Il faut noter que ces Ssat ne sont pas produites sous un même champ électrique. Pour les trois PUs, un film épais produit une déformation saturée toujours sous un champ plus faible que celui trouvé dans le cas d’un film mince. Ce dernier présente un coefficient M plus petit.

Concernant le champ électrique de saturation Esat, nous réfléchissons à des explications sur l’origine du phénomène de mécanisme de saturation. Tout abord, nous essayons de relier le champ de saturation Esat et l’épaisseur des films de PU88A.

Figure IV-27 : Représentation schématique de la détermination du champ de saturation Esat à partir de la déformation quadratique -SZ en fonction du carré du champ E2.

La détermination du champ électrique de saturation est schématisée sur la Fig. IV-27. Les deux traits linéaires se croisent en un point qui représente le changement de comportement électromécanique depuis la zone d’activité électromécanique quadratique c’est-à-dire linéaire au carré du champ, et la zone de saturation au plateau à champ fort. A partir de ce point, nous pouvons déterminer précisément Esat initial et ensuite recalculer la tension de saturation Vsat en fonction de l’épaisseur des films. La relation expérimentale entre Esat et Vsat , et l’épaisseur des films de PU88A est présentée sur la Fig. IV-28.

A partir de la Fig. IV-28, nous observons que Esat diminue quand l’épaisseur augmente mais que Vsat ne dépend quasiment pas de l’épaisseur. Nous pouvons donc nous poser les questions suivantes :

(i) Pourquoi un film de PU voit-il son activité électromécanique stagner à partir d’un certain champ de saturation ? Est-ce dû à la saturation de la polarisation induite sur les dipôles contenus dans les chaînes polymères ? Quel est le mécanisme possible qui explique cette manifestation ?

(ii) Bien que le film épais semble présenter davantage de chaînes mobiles électroactives, pourquoi son activité présente-t-elle un plateau pour un champ électrique plus faible que dans le cas d’un film mince ?

(iii) Existe-t-il une relation entre la tension de saturation proche de 450 V et l’épaisseur des films de PU88A ayant une conductivité électrique complexe de σ* ≈ 1,10±0,25.10-10

S/m ?

La réponse à ces questions va nécessiter davantage d’investigations, tout d’abord des études bibliographiques mais également d’autres expérimentations, notamment des mesures in-situ des divers paramètres sous sollicitations externes.

I. Conclusion

IV-(i) : Influence de l’épaisseur sur la microstructure et les propriétés mécaniques et électroniques d’un cas particulier de PU, l’ Estane® 58888 NAT 021 (PU88A).

Afin de mieux suivre l’effet de l’épaisseur des films sur les propriétés microstructurales, calorimétriques, mécaniques, et électriques, nous avons préparé des films d’épaisseurs comprises entre 10 et 200 µm à partir d’une même solution de polymère.

L’observation microscopique montre une structure bicouche. Si on admet que les régions des films proches de la surface libre perdent plus rapidement le solvant (par évaporation), et que cette évaporation empêche la séparation de phases de se prolonger jusqu'à l'équilibre thermodynamique à cause de l'augmentation de la viscosité, on peut pour simplifier, considérer que les films sont constitués de deux couches. Le faciès de fracture de la zone supérieure des films apparaît comme celle d'un caoutchouc qui ne se trouvait pas complètement à l’état vitreux pendant la cryofracture dans l’azote liquide. Cette zone structurée comme une "phase partiellement démixée" contenant des domaines plus petits que les DSS et DSR correspondant à l'équilibre, et moins contrastés en composition (SS/SR). Les clichés de microscopie indiquent un ordre de grandeur de l'épaisseur de cette couche superficielle compris entre 20 et 40µm.

Par contre la zone inférieure des films montre une surface de fracture lisse et une structuration différente.

Les thermogrammes DSC des films de PU88A confirment l’effet de l’épaisseur. Les DSS dans un film mince contiennent plus de SR isolés qui influent sur la température de transition vitreuse des DSS. Avec l’épaisseur croissante, la séparation de phases en DSS et DSR apparait plus complète.

Cette hypothèse de structuration des films en 2 couches est cohérente avec les mesures de propriétés mécaniques et diélectriques. Dans la couche superficielle non totalement démixée, les domaines plus petits jouent le rôle de nœuds de réticulation en grand nombre, ce qui conduit à un module plus élevé que dans le matériau complètement démixé.

Un modèle microstructural de film bicouche montre que la zone supérieure présente une épaisseur de l'ordre de 20 µm. Cette épaisseur est indépendante de l'épaisseur totale du film.

La constante diélectrique augmente avec l'épaisseur, ce qui indique que les DSR ont une constante diélectrique plus proche de celle des segments SR purs. En considérant là aussi que les films sont constitués de deux couches ayant des constantes diélectriques différentes mais indépendantes de l'épaisseur totale des films, nous avons modélisé leur comportement diélectrique par un circuit parallèle de 2 condensateurs. Nous avons comparé les valeurs expérimentales aux valeurs calculées et trouvé que la couche inférieure possède une constante diélectrique moyenne plus forte que la couche supérieure. Celle-ci a la même épaisseur de 20 µm, ce qui confirme la relation entre la microstructure (état de démixtion) et les propriétés mécaniques et diélectriques.

IV-(ii) : Influence de l’épaisseur des films sur l’activité électromécanique du PU88A et de ses PUs voisins : Estane® X-4977 (PU75A) et Estane® ETE60DT3 (PU60D)

La déformation électromécanique des films d'épaisseurs différentes des trois types de PU dépend du temps d'organisation. Sous un champ électrique faible en dessous de la saturation, la déformation électromécanique dépend de l'épaisseur et montre un plus grand coefficient électrostrictif apparent pour les films épais. Mais très curieusement, la saturation du phénomène intervient pour un champ électrique moins élevé pour les films épais. Par contre, les films minces conservent leur activité électromécanique jusqu'à un champ électrique très fort et conduisent à des déformations à saturation élevées.

Ainsi les coefficients électrostrictifs apparent M et absolu Q augmentent en valeur absolue de la même manière avec l'épaisseur croissante. De plus, les relations théoriques d'estimations proportionnelles des coefficients confirment bien la forte influence de l'épaisseur sur ces facteurs électromécaniques. L'interprétation donnée à la fin du chapitre III, qui indique que l'activité électromécanique des matériaux est essentiellement liée à l'existence de gradients de champ qui s'y développent, est tout à fait cohérente avec ces observations. En effet, une démixtion plus complète conduit à des hétérogénéités de constante diélectrique plus importante et donc à des gradients de champ plus forts. Les films les plus épais sont donc plus électroactifs. Par ailleurs, leur souplesse plus grande va aussi dans le même sens.

Le phénomène de saturation de l'activité électromécanique reste difficile à interpréter. Des interrogations concernent notamment le mécanisme électromécanique des chaînes polyuréthanes contenant des unités dipolaires. Des mesures expérimentales complémentaires doivent être imaginées et pourraient probablement permettre de répondre à ces interrogations.

Chapitre V :

Amélioration de la performance