• Aucun résultat trouvé

Chapitre I : Etude Bibliographique

A. Matériaux "intelligents"

Dans ce chapitre, on se limite brièvement aux sollicitations de type électrique. Du point de vue de l'utilisation, les sollicitations électriques sont en effet particulièrement simples à mettre en œuvre. Les matériaux électroactifs peuvent être associés à des composants électroniques en tant qu’éléments électro-transducteurs : l’électro-transduction peut être de type électrothermique, électromagnétique, électro-rhéologique, électro-lumineuse, électrochimique, et notamment électromécanique. Ici, nous nous limiterons aux polymères électroactifs présentant un couplage électromécanique par la manifestation d’effets électrostatiques, de piézoélectricité, ou d’interactions dipolaires, etc. La piézoélectricité et l’électrostriction ont été étudiées dans des cristaux piézoélectriques et des céramiques pour fabriquer des éléments électromécaniques tels que transducteurs à ultrasons (sonar, etc.), capteurs de contrainte et de pression, filtres à haute fréquence, actionneurs divers et comme éléments dans les systèmes micro-électromécaniques (MEMS) [Xu2008b] [Wan2009]. Le comportement électromécanique a été également mis en évidence dans certains types de polymères électroactifs [Pel2000]. De plus, les matériaux polymères présentent des avantages remarquables tels qu’une haute flexibilité et une haute résistance au choc mécanique ; ils sont relativement simples à élaborer à basse température et ils sont légers et peu coûteux. Grâce à ces avantages, ils pourraient potentiellement améliorer la performance électromécanique des MEMS.

A-1 Polymères électroactifs (EAPs)

Parmi ces polymères, certains sont capables de répondre par un changement dimensionnel aux stimuli électriques externes et dans certains cas de façon réversible sur de nombreux cycles, c'est à dire sans déformation permanente. Ces avantages ont inspiré depuis quelques décades de nombreux programmes de recherche et développements dans des disciplines très différentes du fait de la simplicité de mise en œuvre de sollicitations électriques.

En 2000, Bar-Cohen a classé les EAPs (voir la Fig. I-1), en deux grandes familles distinctes selon l'origine physique de leur action.

Ainsi, ces matériaux appartiennent à l'une des deux familles suivantes :

(i) "la famille électronique" : les EAPs soumis à un champ électrique sont soumis à des forces résultant de la polarisation électrique (forces intrinsèques), et la force de Coulomb qui s'exerce sur les électrodes (forces extrinsèques) ;

(ii) "la famille ionique" : les EAPs exploitent la mobilité et la diffusion d’ions, induites par le champ électrique [Bar2000b] [Bar2002] ;

Dans les deux cas, la déformation macroscopique peut se traduire par un changement de courbure, une élongation ou une contraction, en fonction de l'application de la sollicitation.

Figure I-1 : Démarche globale pour la réalisation "by design" des EAPs selon deux grandes catégories d’EAPs, ionique et électronique [Bar2000a].

A-1.1 Polymères électroactifs ioniques, "EAPs ioniques"

Nous ne ferons qu'évoquer cette classe de matériaux, qui sont très éloignés de notre sujet, qu'il s'agisse des mécanismes physicochimiques à l'origine de leur comportement, ou de leurs applications. Ces polymères électroactifs peuvent se présenter en pratique sous forme de "gel électrolyte" ou de "polymère liquide". Ce type de polymères consiste en un réseau de polymères réticulés et un fluide situé entre les chaines polymères. Les gels polymères sont des solides très souples qui peuvent présenter de grandes déformations via des phénomènes de gonflement induits par la mobilité des ions : les contractions du gel induites électriquement sont dues au transport des ions hydratés et à l’eau dans le réseau polymère. Les EAPs ioniques sont conducteurs et subissent toujours des réactions d’électrophorèse ou des mécanismes électro-osmotiques par des réactions électrochimiques au niveau des électrodes. Le principal inconvénient de ce type de système est donc le contrôle délicat de l’électrolyte et du déplacement de l’actionneur. En effet, les réactions pouvant être d’oxydation ou de

réduction, la présence des deux électrodes de chaque côté favorisent ou gênent le mécanisme d’actionnement. Les changements de forme peuvent être provoqués par de faibles tensions de 1 – 2 volts.

A-1.2 Polymères électroactifs électroniques, "EAPs électroniques"

Au contraire des précédents, les polymères électroniques sont des "polymères solides" (généralement élastomères, c'est-à-dire à température de transition vitreuse nettement inférieure à la température d'utilisation), souvent disposés en sandwich entre deux électrodes et activés par un champ électrique externe. Ils présentent l'avantage de forte déformation et une réponse rapide. Par contre, le champ électrique requis pour ces performances d’actionnement est élevé et proche du seuil de claquage diélectrique ou de décomposition de la matrice polymère. Cet inconvénient conduit donc à développer d'autres solutions, par exemple des composites polymères présentant un rapport déformation sur champ électrique élevé.

Avant de préciser les différents mécanismes physiques à l'origine du couplage électromécanique dans les polymères, nous allons donner quelques exemples. Néanmoins, deux comportements différents se rencontrent communément : les matériaux dont la dépendance de la déformation avec le champ électrique est linéaire, et ceux dont cette dépendance est quadratique (les termes d'électrostriction et d’électrostatique sont plutôt réservés à cette catégorie).

La première catégorie regroupe les matériaux à comportement ferroélectrique. Ceux-ci supposent que le matériau soit homogène et cristallin. En général, les polymères sont au mieux semicristallins (ou sinon totalement amorphes), et dans ce cas seules certaines phases cristallines ont un comportement ferroélectrique. Les polymères ferroélectriques sont donc des polymères semicristallins qui contiennent des unités dipolaires dans leurs chaînes polymères capables d’être polarisés. Un exemple très connu est le PVDF, poly(vinylidène difluoride) étiré. On vérifie bien que sa déformation est linéaire avec l’application du champ électrique (comportement piézoélectrique).

La deuxième catégorie regroupe l'ensemble des autres mécanismes de déformation. Après la découverte de l’effet piézoélectrique dans certains polymères, de nombreux polymères ont été testés [Fuk2000] [Koc2009] [Li2009] et ont montré une réponse électromécanique quelques fois plus importante mais non-linéaire avec le champ électrique. C'est le cas des "élastomères diélectriques" montés entre des électrodes collées à leur surface et des polymères électrostrictifs, comme nous allons le voir plus loin.

« Les élastomères diélectriques » sont une sous-famille des polymères électroactifs électroniques, généralement isolants, constitués de caoutchouc très flexibles et capables de changer de dimension lorsque la sollicitation électrique est exercée. Grâce à leur faible rigidité, ce type de polymère peut donc être utilisé pour induire une grande déformation mais avec une force faible d’actionnement.

Figure I-2 : Film base silicone. Le champ électrique est appliqué perpendiculairement au plan du film (a) sans champ électrique, (b) avec champ électrique ; l’actionneur répond en diminuant son épaisseur

et en augmentant sa surface [Pel1998].

La déformation d’un élastomère diélectrique, pour lequel l’action piézoélectrique est négligeable, est typiquement proportionnelle au carré de l’amplitude du champ électrique (quadratique). On utilise souvent des élastomères à base silicone, pour leur excellente stabilité physicochimique et leur très faible conductivité Quelques exemples sont présentés dans la Fig. I-3.

Figure I-3 : Déformation en épaisseur sous champ électrique de trois silicones (Y /

ε

r') à électrodes souples, SR5 (0,35 MPa / 3,25), SF5 (0,43 MPa / 3,73), et SVF5 (0,56 MPa / 3,68) [Zha2005].

La réponse résulte essentiellement de l’interaction des charges électrostatiques aux électrodes, souvent appelée "la contrainte de Maxwell". Ce type de polymère EAP est aussi appelé en anglais "electrostatically stricted polymer" ou ESSP.

Parmi les polymères diélectriques, certains acrylates [Ma2004], les élastomères silicones [Pel2000], et certains polyuréthanes [Ma1994] [Zha1997] sont des élastomères très utilisés et sont disponibles au niveau industriel sous différents grades. Il s'agit toujours de matériaux très mous. Un fort champ électrique (proche du champ de claquage ou de la rigidité diélectrique) doit être appliqué

sur les élastomères diélectriques pour créer une grande déformation. Celle-ci résulte de l'attraction des deux électrodes l'une vers l'autre.

Comme on le verra plus loin, la constante diélectrique du polymère est un paramètre clé (tout comme bien sûr, son module mécanique). D'autre part, il apparait que les polymères présentant la plus forte activité électromécanique sont inhomogènes (polyphasés)1.

Depuis plusieurs années, on s'intéresse à des copolymères ayant une faible température de transition vitreuse, présentant quelques fois une faible cristallinité. De plus on a cherché aussi à utiliser des chaînes polymères présentant des dipôles électriques soit permanents, soit induits par l'application d'un champ électrique. En fait, au contraire des ESSP, ces matériaux présentent de manière intrinsèque un grand couplage électromécanique sous champ électrique faible que celui exigé pour l’attraction électrostatique : ils n'ont théoriquement pas besoin d'électrodes pour se déformer. Dans la suite, nous réserverons le terme d'électrostrictif pour qualifier ces matériaux.

Dans cette catégorie de polymères, on trouve certains polyuréthanes qui font l'objet de beaucoup d'études pour les utiliser comme actionneur.

A-2 Conclusion

Nous avons présenté les deux familles des polymères électroactifs : les EAP électroniques (principalement élastomères) et ioniques (sous forme de gel). Trois contributions électromécaniques sont à l'origine de leur comportement : la piézoélectricité, l’électrostriction, et l’attraction électrostatique. Dépendant des propriétés intrinsèques des matériaux et des niveaux de champ électrique, certaines contributions auront un rôle prépondérant dans l’actionnement électromécanique qu’il faudra étudier au cas par cas.