• Aucun résultat trouvé

Introduction

Nous avons vu au chapitre I que la déformation électromécanique dépend principalement de la résistance mécanique et de la permittivité du matériau. L’objectif d’amélioration des performances électromécaniques nécessite à priori d’augmenter la permittivité ou/et de diminuer la résistance mécanique.

Ce chapitre traite de la matrice polyuréthane PU, de sa complexité structurelle puisque constituée de plusieurs phases, ce qui influence fortement les propriétés finales du polymère en tant qu’actionneur flexible. Nous présenterons des exemples d’EAP électroniques utilisant des PUs.

La matrice polyuréthane élastomère employée en tant que matrice principale est un polyuréthane à base de polyéther Estane® 58888 NAT 021, Lubrizol. L’incorporation dans cette matrice de deux types de nanoparticules conductrices avec deux facteurs de formes différents, soit d'une part une poudre de nano-sphères (0D) de noir de carbone et d'autre part des fibres longues (1D) de nanotubes de carbone, devrait permettre d’augmenter la constante diélectrique et donc les performances électromécaniques finales des composites. Les principaux protocoles de préparation des échantillons et les techniques de caractérisation utilisées seront présentés dans ce chapitre.

Détaillons tout d’abord les symboles et acronymes que nous utiliserons concernant la séparation de phases du PU, dans un souci de clarté et de simplicité.

Abréviations Signification de l’acronyme en ce qui concerne le polyuréthane SS Segments souples, formés par le macrodiol (longue chaîne aliphatique)

DSS Domaines riches en segments souples

SR Segments rigides, formés par le diisocyanante et le diol allongeur de chaîne

DSR Domaines riches en segments rigides

Tg La première Tg du PU à température la plus basse correspond aux DSS mais un PU possède plusieurs Tg (il faut aussi considérer celle des DSR)

SS g

T La Tg des SS seuls dans le polymère pur

SR g

T La Tg des SR seuls dans le polymère pur

Tm La Tm est la température de fusion des DSR, se traduisant par des endothermes multiples à haute température

A. Matériaux

Nous avons choisi pour cette thèse une matrice élastomère électroactive de type électronique qui présente des caractéristiques intéressantes en vue de son intégration dans des systèmes micro-électromécaniques (MEMS). Les performances micro-électromécaniques seront évaluées sur la matrice pure et sur les composites obtenus après l’incorporation de nanoparticules conductrices.

A-1 La matrice Polyuréthane PU

Parmi les polymères électroactifs électroniques, l’élastomère PU est de plus en plus utilisé grâce aux caractéristiques intéressantes dépendantes des compositions initiales variées qui peuvent conduire à un élastomère très souple (dureté de 20A) ou un plastique très rigide (dureté de 75D). Au sein du laboratoire LGEF de l’INSA de Lyon, certains PUs ont été envisagés pour les applications en actionnement et en récupération d’énergie.

A-1.1 Généralités sur les élastomères PU

Les élastomères PU ont des avantages tels que des modules mécaniques variables, une haute résistance chimique et à l’abrasion, des propriétés mécaniques et élastiques réversibles à grande déformation et une bonne biocompatibilité avec le sang et les tissus.

Dès les années 1960 pendant l’essor des industries pétrochimiques, de nombreux PUs ont été fabriqués en masse et largement étudiés [Sch1960] [Ote1963]; des caractéristiques uniques ont été mises en évidence notamment pour les copolymères à blocs constitués de deux segments ayant chacun des caractéristiques très différentes (polarisabilité et solubilité). Le schéma de la Fig. II-1 présente deux segments intégrés dans la chaîne PU créant deux types de domaines : domaines riches en segments rigides (DSR) et domaines riches en segments souples (DSS).

Les propriétés intrinsèques d’un PU dépendent de plusieurs facteurs notamment la composition individuelle et la longueur des segments [Li1996] [Nak1996] [Eli2008], la séquence de la distribution de longueur de chaînes et la masse moléculaire du PU synthétisé, la nature chimique des unités composées [Che1983], les réticulations physiques entre chaînes et segments [Pai1975], la morphologie à l’état solide, le degré de cristallinité des deux segments [Li1996], mais également l’histoire thermique [Leu1986] [Kob1992] [Lai2006] et même la méthode de synthèse [Pet1991] [Pri2009]. Des variations compositionnelles et les conditions opératoires sont connues pour affecter le degré de séparation de phases, en créant des domaines de différents types, et donc affectent les propriétés globales [Mil1985].

Figure II-1 : Schéma représentant (a) la structure d’une chaîne PU segmentée en copolymère à blocs, souple et rigide, et (b) la séparation en deux domaines de phases dans la totalité du matériau polymère

[Pet1991].

A température ambiante, au dessus de la température de transition vitreuse (Tg) des SS, ceux-ci bougent facilement et les PUs se comportent comme du caoutchouc avec des propriétés élastomères. Par contre, en dessous de Tg et de Tm (température de fusion des SR), ces derniers assurent la stabilité dimensionnelle du PU [Kou1970].

A-1.2 Synthèse de l’élastomère polyuréthane

La structure du polymère dépend fortement de la méthode de synthèse, des constituants initiaux et de leur réactivité. L’élastomère PU consiste en trois composants : un diisocyanate, un diol présentant une longue chaîne aliphatique (polyéther ou polyester en général) qui est appelée également « polyol » et un diol allongeur de chaîne. Plus précisément les groupes chimiques fonctionnels, diisocyanate et allongeur de chaîne s’arrangent en SR, tandis que la longue chaîne de diol constitue les SS au sein du PU. La synthèse peut s’effectuer de deux manières : la technique dite "de prépolymère" ou la méthode directe, Fig. II-2. La technique de prépolymère en deux étapes est en général utilisée pour synthétiser le PU segmenté car celle-ci facilite le contrôle de la distribution des segments rigides.

Figure II-2 : Schéma représentant les processus courants pour synthétiser l’élastomère PU : la technique directe et la technique "des prépolymères" (Figure créée à partir de [Pet1991]).

La fraction massique de SR dans le PU synthétisé peut être calculée à partir du nombre de moles des composants initiaux :

( 1) (% ) 100 ( 1) DI DO DI DO SS n M nM SR m n M nM M + + = × + + + II -1

où n est le nombre de moles du diol et

M

i est la masse molaire des composants : Segments Rigides (SR), Segments Souples (SS) dont le diol à chaîne longue ou macrodiol, diol (DO) allongeur de chaîne, et diisocyanate (DI) [Kor2006].

Les conditions opératoires affectent énormément la structure et la masse moléculaire du PU segmenté. Comme les composants du diisocyanate et du polyol sont immiscibles en général, la réaction s’effectue à l’interface. Cette incompatibilité conduit à une hétérogénéité structurelle, un changement de la longueur moyenne des segments rigides, une modification de la séparation de phases pendant le processus, et une diminution de la solubilité dans le solvant [Lym1960] [Xu1983] [Che1983] [Xu1987] [Pet1991].

A-1.3 Morphologie et Relation propriété-structure du polyuréthane segmenté

La séparation de phases joue un rôle très important affectant fortement les propriétés finales des produits. Le contrôle et l’optimisation de la morphologie sont donc essentiels. Une connaissance approfondie est cruciale pour comprendre la relation propriété-structure. La complexité du copolymère à blocs PU qui s’organise en phases hétérogènes vient de la présence de liaisons hydrogènes

uréthane-uréthane et uréthane-uréthane-éther, de la cristallisation, de l’association secondaire de phases partiellement démixées, et de la sensibilité thermique des phases.

Dans une première étape, la morphologie du PU est contrôlée par la nature chimique des éléments initiaux, la masse molaire et la distribution des segments, la réticulation, et le degré de ramification. Dans la deuxième étape, la morphologie est contrôlée par l’orientation des chaînes en trois dimensions et la cristallinité selon les conditions de mise en œuvre.

A-1.3.1 Segments souples (SS)

Le macrodiol de chaîne longue aliphatique joue le rôle du segment souple qui contrôle en général les propriétés à basse température du PU notamment les propriétés mécaniques. La structure, la masse molaire, et l’isotropie de phase orientée influent aussi sur les propriétés du PU. Dans la plupart des PUs commerciaux, le polyol utilisé est soit un polyéther soit un polyester pour synthétiser des PUs segmentés et a une masse molaire pouvant varier dans une grande gamme: 500 à 5000 g/mol. Les PUs à base de polyéther montrent un plus haut degré de séparation de phase que ceux à base de polyester, compte tenu de la plus grande incompatibilité du polyéther avec le diisocyanate [Che1982]. Velankar et Cooper ont trouvé par analyses DSC (Differential scanning calorimetry) et SAXS (Small angle x-ray scattering), que des PUs synthétisés à partir de polyester de masse molaire faible comprise entre 830 et 1250 g/mol ne conduisent pas à une séparation de phases [Vel1998]. Par contre, dans le cas d’un polyester à haute masse molaire comprise entre 2000 et 3000 g/mol, les PUs synthétisés présentent effectivement une séparation de phases. En outre, la longueur de chaîne du polyol influe sur le temps de relaxation et la viscosité.

A-1.3.2 Segments rigides (SR)

Formés par des diisocyanates et des allongeurs de chaîne, les SR constituent des phases non-résilientes à température ambiante: soit cristallines, semicristallines ou vitreuses, qui jouent le rôle d’agent réticulant dans la matrice de SS. Les domaines riches en SR (DSR) ont des tailles de l’ordre de quelques nm à quelques dizaines de nm [Lai2004]. La forte polarité due aux liaisons hydrogène conduit à une forte interaction physique intermoléculaire.

Les composants utilisés comme allongeur de chaîne peuvent conduire à différentes interactions intermoléculaires et ont donc un rôle sur la morphologie des PUs. Blackwell et al. ont étudié des systèmes de PUs avec plusieurs types d’allongeur de chaîne et ont trouvé que les SR du 4,4’-méthylènebis (phényl isocyanate) (MDI) et du 1,4-butane diol (BDO) sont les plus cristallisables [Bla1981] en raison de leur structure symétrique affectant fortement la cristallinité des SR, comme le montre la Fig. II-3 (b).

Figure II-3 : Illustration schématique des chaînes et des liaisons hydrogènes de (a) uréthane (Figure adoptée de [Pet1991] selon l’originale de [Col1988]), et

(b) de SR de MDI-BDO assemblés en forme de « V », (Figure modifiée par [Pet1991] selon l’originale de [Bla1982]).

A-1.3.3 Liaisons hydrogène

Elle est la plus forte liaison physique secondaire, formée entre un donneur protonique et un accepteur protonique. Dans un PU, l’unité uréthane est constituée du groupe N-H jouant le rôle de donneur protonique et du groupe C=O jouant le rôle d’accepteur protonique, comme l’illustre la Fig. II-3(a). De plus, au sein des SS, le -O- dans un polyéther ou le C=O dans un polyester peuvent fonctionner également comme un accepteur secondaire.

De manière générale, la séparation de phase est liée à l’interaction moléculaire entre les uréthanes. On fait l’hypothèse que si la liaison hydrogène n’existe que dans le DSR, la séparation de phase se produit complètement. Par contre en réalité, les chaînes forment des liaisons hydrogène également entre l’uréthane et l’éther ou l’ester, l’interaction interphase augmente et donc la composition des phases évolue. Dans ce cas, la spectrométrie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR) peut être une analyse sensible pour caractériser les liaisons hydrogènes [Hwa1984b].

Hwang et ses collègues ont synthétisé des molécules MDI-BDO de différentes longueurs, sans SS, pour faire varier le niveau de séparation de phases des PUs [Hwa1984b]. Lorsqu'on augmente la

(a)

longueur des chaînes, la diffraction des rayons-X (WAXS) montre que la cristallinité des SR diminue et l’analyse FTIR confirme que l'intensité des liaisons hydrogène diminue.

Par ailleurs, Born et ses collaborateurs ont montré que suivant l'allongeur de chaine (diol) utilisé, la compacité du cristal est plus ou moins grande. Les SR contenant un nombre pair de CH2 sont plus compacts que les autres (voir Fig. II-4). De même, la température de transition vitreuse de la phase amorphe de ces composés est plus élevée que dans le cas d'un nombre impair de CH2

[Bor1982]. La réticulation par les liaisons hydrogène est donc plus efficace dans le premier cas (nombre pair de CH2), ce qui influence toutes les propriétés physiques.

Figure II-4 : Influence des liaisons hydrogènes entre SR contenant différents allongeurs de