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Chapitre 4 : Le processus d’embauche et les conditions de travail de l’agent

4.2 Les conditions de travail

4.2.1 Le salaire

Les agents d’intervention mentionnent qu’ils trouvent que le salaire qu’ils obtiennent n’est pas suffisant par rapport au travail qu’ils effectuent.

« On est pas assez payés. Pour la job qu’on fait, pour le surplus de travail qu’il (le CJM-IU) nous donne... On devrait être plus payés. Je ne demande pas le même salaire qu’un éducateur, mais… Mais au fur et à mesure que les années avancent, il nous demande plus de choses, sans nécessairement ajuster notre salaire. Et ça, ça irrite beaucoup de gars. » — Agent 1

Un chef de permanence corrobore leurs propos en exprimant que, selon lui, les agents devraient être mieux payés pour le travail qu’ils font. Il explique toutefois que pour les agents embauchés par le CJM-IU, le salaire est fixé par le gouvernement et que l’organisation n’a aucune influence sur cela. Quant aux agents qui travaillent sur le MSA, leur salaire est celui fixé par les agences de sécurité.

Au niveau monétaire, les agents d’intervention se comparent aussi avec les agents d’intervention dans les hôpitaux, comme à l’Institut Philippe-Pinel, un hôpital, spécialisé en psychiatrie légale, et avec les agents correctionnels. Ils trouvent que les tâches qu’ils effectuent sont plus nombreuses et exigent davantage d’investissement puisqu’ils doivent entrer en relation avec la clientèle plus que les agents des autres milieux. Ils sont, selon eux, moins rémunérés que ces derniers. Afin de voir si leur perception était fondée, les sites web des différents établissements ont été consultés. Il s’avère que, mis à part le Service Correctionnel du Québec, où le salaire maximum est bien plus élevé, les autres salaires sont comparables. Ce sont les agents engagés par la firme de sécurité GARDA qui ont le moins bon salaire. Les salaires de base se situent entre 17$ (GARDA) et 19,22$ (centre jeunesse) de l’heure. À l’institut Philippe-Pinel, le salaire de base d’un agent d’intervention est de 17,27$. Dans les services correctionnels, au Québec, le salaire de base d’un agent est de 19,25$. Toutefois, ce dernier atteint un plateau beaucoup plus élevé que les autres : 26,94$. Le tableau 4.1 fait état des chiffres.

Tableau 4.1 Comparaison du salaire de l’agent d’intervention dans divers établissements

Nom de l’établissement Salaire horaire de base Salaire horaire maximum

Prime incluse

Centre jeunesse 19,22$ 21,74$ Non

GARDA 17$ 17$ Oui

Service correctionnel québécois

19,25$ 26,94$ Ne sait pas

Institut Philippe-Pinel 17,27$ 21,65$ Non

Le salaire est un enjeu important du fait que cela aide à la rétention des employés et, par conséquent, à la stabilité des équipes d’agents d’intervention. Cette stabilité et continuité des employés sont importantes dans un souci d’offrir des services sécuritaires aux jeunes en centre de réadaptation. La sécurité des agents dépend de leurs collègues de travail. En sachant avec qui ils travaillent, des éléments importants se développent tels le lien de confiance, les habitudes de travail et la complicité. En étant conscients que l’autre personne connaît son travail, les interventions difficiles se font de manière beaucoup plus sécuritaire.

« Mon collègue avec qui je travaille 99 % du temps euh… Avec lui, ça se fait tout seul, c’est instinctif maintenant. Ça fait des années que je travaille avec lui. On a même plus besoin de se regarder que… on sait que c’est safe… » — Agent 6

Toutefois, cette stabilité dans les équipes de travail est difficile à obtenir puisqu’en raison de la perception qu’ils ont de leur salaire, le travail d’agent d’intervention est perçu comme un travail de transition.

« Il n’y a pas grand agents qui vont rester là toute leur carrière. Je pense qu’un moment donné, ça devient lourd… » — Agent 6 « Est-ce que je ferais ça toute ma vie? Non. Non. Côté salaire, encore une fois. Tsé je sens que je peux être… que je peux faire d’autres choses. » — Agent 3

En effet, beaucoup d’agents travaillent pour le CJM-IU pendant qu’ils complètent leur scolarité pour devenir pompiers, policiers, éducateurs ou encore pour changer complètement de domaine d’emploi. Cette réalité fait en sorte que les équipes ne sont pas stables.

Les agents ont toutefois la nette impression que même si plusieurs employés quittent, cela n’a pas d’impact pour l’institution qui les remplace rapidement.

« Sauf que la réalité est que… Écoute, ils ont un bassin qui est énorme. Alors aussitôt qu’il manque quelqu’un écoute, ils appellent la liste de rappel, puis… Ça se fait remplacer. » — Agent 2

Les agents ont l’impression que l’employeur n’a pas à cœur de les garder au sein de l’institution. Ce constat que font les agents est particulier, puisque de l’autre côté, les chefs disent qu’il y a un désir de les garder puisque lorsqu’ils ont de bons agents, les campus des divers CR fonctionnent mieux.

« Si je travaille souvent avec les 30 mêmes gars, et que c’est quasiment tout le temps les mêmes, là-dedans, là, il y a une chimie qui se déroule. Toute se fait bien. C’est une vraie danse là. C’est de toute beauté à voir aller. C’est automatique. C’est clean, ça roule » -Chef de permanence 1

Leur implication compte pour beaucoup puisqu’ils amènent de nouvelles idées, s’impliquent dans le milieu et avec les jeunes.

« Ils sont capables d’apporter de l’eau au moulin. Les agents sont proactifs, ils vont proposer des choses. » - Chef de permanence 2

En somme, les agents d’intervention ont l’impression que leur salaire est trop bas et disent que cela est un enjeu dans la rétention du personnel. Toutefois, en comparant avec les salaires des agents ailleurs, la conclusion est que, à quelques exceptions près, les salaires sont comparables. Il y a également une dualité au niveau de la perception des agents au sein de l’organisme. Les chefs de permanence sont d’avis qu’il faut assurer un maintien dans les équipes d’agents alors que les agents ont l’impression que l’établissement ne les reconnaît pas à leur juste valeur.