• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 : Recension des écrits

1.2 Problématique

L’agent d’intervention est un acteur nécessaire au sein de l’organisation du Centre jeunesse de Montréal – Institut universitaire (CJM-IU). Le rôle des agents d’intervention est essentiellement (Centre jeunesse de l’Estrie, 2012) d’offrir du support aux éducateurs dans le vécu partagé avec les jeunes. Cela peut se faire par la présence d’un agent sur l’unité de vie, endroit où les jeunes placés dans un centre de réadaptation (CR) habitent. Par contre, mon expérience d’intervenante m’a souvent démontré qu’il peut être nécessaire de sortir le jeune qui se trouve dans une situation de crise de son unité afin qu’il cesse ses comportements perturbateurs et se calme dans un milieu plus apaisant. Lorsque l’on parle de comportements perturbateurs, il s’agit de comportements dangereux, récurrents ou persistants qui ont un impact négatif sur la majorité du groupe de jeunes, sur les éducateurs et pour lui-même. Ce sont les agents d’intervention qui interviennent physiquement et qui fouillent les adolescents, lorsque cela s’avère nécessaire. Ils font donc généralement affaire avec les jeunes dans les moments où ces derniers ne vont pas bien et se mettent dans des situations de compromission ou de danger envers eux-mêmes et pour les autres.

Peu de documentation directe existe au sujet de l’agent d’intervention. Il est donc difficile, à partir des écrits, de reconstituer l’histoire et de voir l’évolution de cet acteur sans aller questionner les autres acteurs du milieu, tels que les éducateurs. Les agents travaillent de plus en plus en collaboration avec les intervenants : c’est-à-dire, les autres agents d’intervention et les éducateurs.

L’éducateur a un rôle d’accompagnement auprès des jeunes. Il est celui qui s’occupe de la réadaptation de ces derniers. Il utilise des outils offerts par le centre jeunesse (CJ) pour lequel il travaille afin de tenter de changer la trajectoire des jeunes clients de l’institution (CJM-IU, 2012). L’approche peut différer d’un CJ à l’autre, mais le travail reste le même. Il est important de s’attarder au rôle de l’éducateur puisqu’à l’intérieur

des CR, les éducateurs et les agents d’intervention doivent accompagner ensemble le jeune dans son quotidien, selon son besoin du moment. Ainsi, en donnant des détails sur le rôle de l’éducateur, il est possible de comprendre une partie de la réalité de l’agent d’intervention. Prenons ici le temps de relater les grandes lignes de l’histoire de l’éducateur.

Avant mai 1993, les CJ comme nous les connaissons aujourd’hui n’existaient pas (ACJQ, 2013). Au début, on parlait davantage d’écoles de réforme ou d’école d’industrie, puis de centres pour les jeunes gérés de manière indépendante : c’est-à-dire par des administrateurs privés. Souvent, le mandat était remis aux communautés religieuses. Ces communautés étaient donc responsables des écoles de réforme et d’industrie (Lacasse, 1989). Éventuellement, la religion a été presque complètement séparée de l’État et le contrôle des écoles de réforme est tranquillement passé aux mains d’employés laïques de l’État. Les écoles de réforme sont devenues des centres d’accueil : l’ancêtre des centres de réadaptation (Lemay, 1992). La profession d’éducateur s’est alors développée pour remplacer le clergé, puis avec le temps, elle s’est raffinée. Effectivement, des programmes en éducation ont vu le jour dans les écoles ou encore, les programmes existants se sont ajustés à la nouvelle réalité. Les conditions de travail pour les éducateurs n’étaient pas les mêmes que maintenant. Il y avait peu de limites : l’éducateur pouvait décider d’utiliser des méthodes abusives comme de très longs retraits et des isolements. De l’autre côté du continuum, il pouvait également décider d’amener un jeune chez lui à Noël ou d’amener son groupe profiter de sa piscine privée durant l’été (Lacasse, 1989). Cela perdura jusqu’à ce que les gens se plaignent des mauvais traitements, jusqu’à ce que les employés se plaignent des conditions. Un problème devenait évident : les jeunes ne recevaient pas toujours le meilleur traitement possible, selon le centre où ils étaient et les éducateurs qui les encadraient.

En 1993, une fusion a eu lieu et les centres pour les jeunes se sont regroupés en une seule association. L’Association des centres jeunesse du Québec (ACJQ) a alors été mise sur pied. Le problème de la disparité du travail des éducateurs a donc été évalué. Des chercheurs (professeurs, étudiants, etc.) se sont penchés sur la question des services offerts aux jeunes. Les rôles de l’éducateur et des travailleurs sociaux ont été mis sous

la loupe puisque, étant aux premières lignes, c’est eux qui étaient visés par les changements et par la mise sur pied de différents moyens pour améliorer la prestation de services. Plusieurs recherches ont été effectuées afin de comprendre qui étaient les éducateurs, quelles étaient leurs responsabilités vis-à-vis les jeunes et quels rôles ils jouaient. Ainsi, il était possible de répertorier les interventions qui fonctionnaient et celles qui fonctionnaient moins.

Avec le temps, les façons de faire ont été modifiées et le travail des intervenants a été encadré. Une certaine uniformité et un plus grand professionnalisme se sont ensuite installés chez les éducateurs à travers tous les CJ de la province. Les méthodes se sont raffinées. Les recherches (ACJQ, 2014; OPPQ, 2011; Desrosiers et Lemonde, 2000) se sont poursuivies et les recommandations des chercheurs ont été et sont encore prises en compte. Les jeunes ont commencé à recevoir des traitements plus équivalents, d’un endroit à l’autre. Certes, il reste beaucoup de travail à faire, mais les avancées ne peuvent être niées.

Pendant tout ce temps où l’on se penchait sur le rôle de l’éducateur, cet intervenant de première ligne, on laissait de côté le rôle d’un autre acteur qui, lui aussi était très présent : l’agent d’intervention.

Les agents d’intervention soutenaient et soutiennent encore les éducateurs en arrêtant les jeunes lorsque nécessaire : que l’on parle d’arrêt physique des comportements ou d’arrêt d’agir par un retrait. Ce sont les agents d’intervention qui s’occupent de la surveillance des jeunes lorsque ces derniers sont retirés de leur milieu de vie. Ils s’occupent, avant toute chose, des aspects touchant la sécurité du milieu. Ils sont davantage perçus comme des acteurs de soutien. Ils restent inconnus des médias et de la population. Effectivement, l’agent d’intervention est plutôt vu comme un « subalterne » des éducateurs : son rôle n’étant pas d’aider les jeunes, mais de soutenir les éducateurs dans leur travail. C’est, du moins, ce qu’il est possible de constater en parlant avec les acteurs du milieu puisque, comme l’agent est absent de la littérature, il n’y a rien de répertorié à son sujet.

Aujourd’hui, lorsqu’on entend parler du travail des agents sur les réseaux sociaux, dans des films, notamment 10 ½, où dans différents documentaires, ce ne sont pas

nécessairement des points positifs qui ressortent. Le documentaire Voleurs d’enfance (2005) de Paul Arcand, portant sur les manques dans l’intervention auprès des jeunes, en est la preuve. Dans ce documentaire, les agents ne sont pas directement représentés puisqu’ils ne sont pas considérés comme les décideurs. Toutefois, lorsqu’une attention particulière est portée, il est possible de s’apercevoir qu’à quelques reprises dans le documentaire, des visites sont faites dans les locaux dont s’occupent les agents. Le sujet de la contention, majoritairement appliquée par les agents d’intervention, y est également abordé. À un moment, un responsable mentionne que les jeunes en crise sont surveillés par les agents d’intervention. Malgré le fait qu’ils ne soient que des acteurs cachés du documentaire, ils ont été directement touchés par les changements apportés dans le milieu suite au soulèvement des questions amené par ce documentaire.

Encore aujourd’hui, il n’y a pratiquement aucun travail empirique sur les agents d’intervention. Par contre, leur profession a également été appelée à changer. Effectivement, lorsque les paramètres de la pratique des éducateurs changent, ceux des agents d’intervention changent aussi.

Comme mentionné dans les lignes précédentes, l’exemple le plus flagrant provient des changements à la loi à la suite aux questionnements soulevés par le documentaire de Paul Arcand en 2005 : Voleurs d’enfance. Ce documentaire a créé un émoi dans la population et des modifications à la LPJ ont été apportées puisque le gouvernement s’est penché sur plusieurs problématiques soulevées dans le film. Par exemple, les mesures d’isolement ont été redéfinies afin d’éviter les abus. Les portes ne pouvaient plus être barrées à moins d’avoir une bonne raison de le faire et cela devait maintenant être fait dans un court laps de temps, toujours avec l’autorisation d’un supérieur, qui se penchait sur la situation. Avec cette évolution des paramètres sécuritaires, il y a eu un impact direct sur les agents d’intervention et leur nombre s’est vu augmenté dans plusieurs CJ.

Le rôle de l’agent d’intervention n’est pas décrit de la même manière d’un CJ à l’autre (CJM-IU, 2012; Centre jeunesse de l’Estrie, 2012). Parfois, on parle même de « gardiens de sécurité » plutôt que d’agent d’intervention. Dans certains endroits, comme au centre jeunesse de la Montérégie, les agents sont en uniforme et doivent

avoir le minimum de contact avec les jeunes : comme des gardiens. Dans d’autres, comme au CJM-IU, les interactions avec les jeunes sont permises, voire même encouragées.

Parfois, les agents d’intervention sont envoyés dans les CR par des agences de sécurité qui travaillent comme contractuel pour les différents CJ. C’est le cas au Mont St- Antoine (MSA), où les agents d’intervention sont des employés de la firme de sécurité GARDA. Ils n’ont, à ce moment-là, pas accès aux mêmes conditions de travail ni aux outils de supervision et de formation que les autres, qui sont eux des employés directs du CJ.

Selon les observations faites dans le cadre de mon travail avant d’entamer cette recherche, une chose est certaine, le travail de l’agent d’intervention à travers la province n’est pas uniforme d’un CJ à un autre. C’est dans cette optique qu’il devient nécessaire de se pencher sur le rôle de cet acteur. Cela permettrait de viser de meilleures pratiques.

Des recherches devraient être mises en place afin de tracer un portrait du rôle de l’agent d’intervention. Mieux connaître le rôle qu’il occupe au sein des différents CJ de la province serait un bon point de départ. Se pencher sur les attentes du milieu envers l’agent d’intervention serait également très intéressant. De ce fait, des recommandations pourraient être faites dans le but d’améliorer les pratiques.

Il est important de comprendre que pour assurer une qualité de service optimale auprès de la clientèle des CR, il faut regarder le rôle de tous les acteurs du milieu.

Le fait de se poser des questions sur le rôle de l’éducateur a fait avancer les pratiques (ACJQ, 2014; OPPQ, 2011; Desrosiers et Lemonde, 2000), mais il faut garder à l’esprit que l’éducateur travaille en équipe avec l’agent. Pour promouvoir la meilleure collaboration possible, il ne faut pas se limiter à l’optimisation d’un seul acteur. Il faut aller optimiser le rôle de chacun pour, en même temps, augmenter l’efficacité du travail d’équipe.

Tout cela s’inscrit dans une optique d’offrir les meilleurs services possible aux jeunes placés dans les CR à travers le Québec.

1.3 Questions de recherche

L’intérêt d’une recherche portant sur les agents d’intervention a été brièvement abordé précédemment. Lorsqu’on décide de faire un travail sur un sujet précis, c’est parce qu’à la base, nous aimerions trouver des réponses à certaines questions. C’est le cas pour le présent projet de recherche. Voici donc une brève présentation des questions qui se trouvent derrière l’intérêt pour ce projet.

Est-ce que l’agent d’intervention est présent dans les centres de réadaptation en support au travail des éducateurs ou pour offrir des alternatives aux jeunes? Dans une organisation où tout est centré sur le développement et la sécurité des jeunes, l’hypothèse est que les agents d’intervention sont présents pour répondre aux besoins de ces derniers. Cela semble aller de soi. Toutefois, est-ce vraiment le cas? La véritable question, ici, est de savoir à quel moment est-ce que l’agent d’intervention apparaît dans le processus de réadaptation du jeune. Fait-on appel à ce dernier lorsque les éducateurs se trouvent à bout de ressources et sans idées pour accompagner le jeune de manière objective dans les difficultés quotidiennes qu’il vit? Cela voudrait entre autres dire que les éducateurs délégueraient une part du travail aux agents d’intervention lorsqu’ils sont à bout de souffle plutôt que de le faire en fonction des besoins du jeune. Cela signifierait également que les centres de réadaptation (CR) devraient remettre en question les méthodes qu’ils utilisent auprès des jeunes ainsi que les moyens qu’ils ont pour répondre aux besoins de ces derniers. Lorsque l’on s’attarde au peu de documentation qui explique le rôle de l’agent d’intervention à travers l’histoire, il est possible de percevoir un peu de cela. En effet, historiquement, les agents d’intervention venaient rapidement arrêter les jeunes de manière à supporter le travail des intervenants et l’on discutait du besoin du jeune par la suite.

Toutefois, dans la documentation actuelle du CJM-IU, ce n’est plus ce qui semble être préconisé (MSA, 2013 et Ladouceur, 2012). L’augmentation du nombre de mesures