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1 L'exception constituée par l'expérience anglaise de 1931

tient à des causes particulières qui ont été bien mises en

lumièrepar M. RobertWolff (Liaison entre prix et monnaie,

dans la Revue d'Economie politique, novembre-décembre

1934).

FRANÇAISE 1936-1938

ou semi-rigides, et elle favorise illégitimement les spéculateurs débrouillards. Ceux-ci ne se garent pas seulement contre la perteinfligée à l'ensemble

de la nation. Ils réalisent encore un profit net dans

la mesure où, la hausse des prix demeurant infé¬

rieure à la chute de la monnaie, le dénouement de la spéculation met à leur disposition un pouvoir d'achat accru. Par exemple, le Français qui exporta ses capitaux au début de i936, lorsque la

livre valait environ 75 francs, et qui les rapatrie

au cours de 177-178, obtient un bénéfice non seu¬

lement en valeur nominale, mais aussi en pouvoir

d'achat réel, les prix n'ayant pas, entre temps,

monté autant que la monnaie a baissé.

II. Economiquement, les manipulations mo¬

nétaires sont souvent indispensables, pour obtenir

un allégement des dettes et un abaissement des

prix de revient que l'on ne pouvait réaliser par des

moyens plus directs \ Envisagée sous cet angle,

la dévaluation complète la déflation, bien plutôt qu'elle ne s'y oppose comme tendraient à le faire croire les polémiques politiques. Il est toujours

honnête derecourir d'abord à la déflation et

d'ob-1 Opérée trop tardivement, et assortie de modalités tech¬

niques défectueuses, la dévaluation d'octobre 1936 n'a pas déterminé de reprise économique véritable et durable. Mais le marasme de l'économie française en 1937 eût sans doute été plus accentué encore, si la dévaluation n'avait pas, en

quelque mesure, contre-balancé l'effet des lois sociales de mai-juin 1936 sur lesprix derevient.

FRANC (( ÉLASTIQUE » ET (( FLOTTANT )) 61 tenir d'elle le maximum des résultats qui peuvent

être atteints sans troubles sociaux. Il est parfois

nécessaire de la compléter parla dévaluation si les

effets de la déflation apparaissent insuffisants.

III. Psychologiquement, les avantages de faci¬

lité qu'apporte la dévaluation, par rapport à des techniques d'assainissement économique et finan¬

cier plus franches mais plus sévères, proviennent

de ce que la masse du public comprend mal le

mécanisme dont elle subit les effets. Le public

s'attache plus aux valeurs nominales qu'aux va¬

leurs réelles. Habitué à une monnaie nationale stable, il ne s'aperçoit pas immédiatement que

cette stabilité a disparu.

Pour ces deux motifs, le public ne « réalise » pas tout de suite la perte de pouvoir d'achat que la dévaluation lui inflige. N'en ayant pas con¬

science, iln'agitpas pour essayerde s'en protéger.

Maiscette illusionet cetteignorance ne durent pas

indéfiniment. Et c'est pourquoi, à mesure que les expériences de dévaluation se multiplient, elles perdent leur vertu première.

D'une part, les titulaires de revenus fixes ou

semi-rigides comprennent que l'important n'est

pas le montant nominal du revenu, mais le niveau

de vie qu'il assure. Ils réclament donc

l'échelle

mobile des salaires et des traitements. Or, sion la

leur accorde, s'évanouissent en grande partie les

FRANÇAISE 1936-1938

avantages économiques et financiers que la déva¬

luation apportait à l'industrie et à l'Etat.

D'autre part, quand les possesseurs de monnaie

et de capitaux, alertés par le préjudice que leur

ont fait subir des manipulations antérieures, s'ef¬

forcent de seprotéger massivement contre d'autres manipulations menaçantes, et qu'à cette fin ils

transformentleur avoirs enmonnaies ou endevises

étrangères, ils infligent, à l'Etat et à l'économie nationale, une telle perte de substance, qu'elle

annihile et dépasse les bénéfices de la manipulation

monétaire.

Il n'y a plus alors d'autre issue qu'un change¬

ment complet de politique: ou bien la substitution

de la contrainte à la liberté (c'est-à-dire l'instau¬

ration du contrôle des changes et du blocage des prix), ou bien la renonciation à toute dévaluation ultérieure, le renversement du climat psycholo¬

gique, l'orientation vers un retour à la stabilité

monétaire.

Présentement, en France, nous sommes à cette croisée des chemins \

1 L'évolution économique et monétaire de la France au cours des deux dernières années a donné lieu à une abon¬

dante littérature, qu'il convient de n'utiliser qu'avec beau¬

coup de précaution.

Sur l'ensemble de l'expérience, on pourra consulter : pour sa défense : xxx, L'expérience Blum, Editions du Sagittaire, 1937; Léon Blum, L'exercice du pouvoir, Editions de la N.R.F., 1937; et les articles de M. Jules Moch dans Le Populaire. 2°pour sacritique : René Théry : Un an d'audaces

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et de contradictions, Librairie générale, 1937; P.-B. Yigheux,

De la monnaie à l'économie française, Librairie générale, 1938; A. Piettre, La Politique du pouvoir d'achat devant les faits, Librairie de Médicis, 1938; F. Legtjeu, Le Déséquilibre financier, Editions «A l'Etoile», 1938; xxx, L'Expérience

économique du front populaire, supplément au Bulletin quotidien de la Société d'Etudes et d'Informations écono¬

miques, du 21 juin 1938; M. Kalecki, The Lessons of the

Blum Experiment, Economie Journal, mars 1938; Robert

Marjolin, Reflections on the Blum Experiment, Economica,

mai 1938.

Sur la réforme de la Banque de France, cf. A. Dauphin-Meunier, La Banque de France, Editions de la N.R.F., 1937;

H. Biard, Le nouveau statut de la Banque de France, Thèse

Paris, 1937; M. Dufaur, La nouvelle organisation de la

Banque de France, Thèse Toulouse, 1937; H. Girard-Blanc,

LaBanque de France et laréforme de laloi du 2Jjjuillet 1936,

Thèse Grenoble, 1937.

Sur la dévaluation de 1936, cf. P. Belgrand, De la déva¬

luation de 1928 à la dévaluation de 1936, Thèse Paris, 1937;

A. Latapie-Gapderroque, Le mouvement des prix en France

et la dévaluation, Thèse Paris, 1937; Olivier Wormser, Déflation et dévaluation, Thèse Paris, 1938 (publiée dans la

collection aEtudes économiques », Librairie du Recueil Sirey, 1938, t. V, avec préface de Gaétan Pirou).

Le quatrième train de décrets-lois du gouvernement

Daladier (Journal Officiel du 29 juin) introduit dans notre

système monétaire la politique du marché ouvert «open market policy». Cf. à cet égard les commentaires du Temps

dans ses numérosdu jeudi 30 juin et dulundi 4 juillet 1938.

DEUXIÈME PARTIE

La piastre et le franc