nauxetéviterl'éparpillement. Par ailleurs,
critique
1 Charles Rist, Histoire des doctrines relatives au crédit
et à la monnaie depuis John Law jusqu'à nos jours. Un vol.
in-8° de 471 pages, Paris, Librairie du Recueil Sirey, 1938.
FRANÇAISE 1936-1938
très original, il soumet à une revision attentive les appréciations traditionnelles. Il faitune place à tel
écrivain comme Fullarton, jusqu'alors peu connu, et réhabilite ou met en vedette des hommes aux¬
quels on n'accordait généralement qu'une place de
second plan, tels Tooke ou Thornton, tandis qu'à
l'inverse il déboulonne de son piédestal David
Ricardo. Ces divers jugements sont formulés avec une vigueur nerveuse qui tient le lecteur en
haleine. L'ensemble de l'ouvrage est animé d'un
mouvement et d'une vie que l'on rencontre rare¬
ment chez les historiens des doctrines.
*
* *
Cependant, aucun de ses lecteurs ne me démen¬
tira si j'affirme que l'intérêt principal dh livre de
M. Ch. Rist est moins dans son exposé critique
des idées d'autrui que dans les vues personnelles qu'il y a, en quelque sorte, accrochées et qui nous font connaître, d'une manière à la fois plus com¬
plèteetplus systématique que sesprécédents écrits,
la position deM. Ch. Rist surles grands problèmes
monétaires. On se prend parfois à regretter que cette partie de l'ouvrage s'insère et s'engrène dans l'autre, au lieu d'être traitée à titre principal, et
que M. Rist nous dise ce qu'il pense de la monnaie
à l'occasion et en fonction de ce qu'en pensaient
les écrivains du xvnf ou de la première moitié du
MONNAIE ET PSYCHOLOGIE SOCIALE 105 xixe siècle. Mais sans doute, quand il a choisi cette méthode, M. Rist axait-il un dessein arrêté. Appa¬
remment, il aentendu nous faire saisirque les dis¬
cussions d'aujourd'hui ne sont pas substantielle¬
mentdifférentes de celles d'hier, et quela monnaie actuelle, en dépit de la nouveauté de certaines de
ses modalités, garde la même nature, les mêmes fonctions, le même rôle quela monnaie des siècles passés. Pour lui, l'opposition de doctrines qui sépare de nos jours métallistes et nominalistes,
libéraux et dirigistes, continue le conflit qui, dès
le xvnf siècle, mettait aux prises, en matière mo¬
nétaire, les réalistes et les utopistes. On ne risque
pas de beaucoup se tromper en supposant que M. Ch. Rist a entrepris l'analyse approfondie des
anciennes discussions dans le désir d'en tirer des arguments en faveur de ce qu'il croit être la vérité
monétaire. C'est cequi nous autorise à faire porter
de préférence notre examen sur cette partie con-structive et positive, éparse tout au long des sept premiers chapitres, et qui brusquement prend dans
le huitième, à notre grande satisfaction, la pre¬
mière place. En réalité, elle forme le support de
tout l'ouvrage, de la première à la dernière ligne.
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1° S'il fallait, dans les divers thèmes qui domi¬
nent la conception monétaire de M. Rist, indiquer
FRANÇAISE 1936-1938
celui auquel il attache le plus de prix, il convien¬
drait de donner la palme à son analyse des trois fonctions de la monnaie. La plupart des commen¬
tateurs en aperçoivent deux : celle d'intermédiaire
des échanges, celle de mesure des valeurs. Pour
M. Rist, il en existe une troisième, que l'on passe généralement sous silence1, et qui, à son avis, est de beaucoup la plus importante, celle de conserva¬
teurdes valeurs au cours du temps. La monnaie est
un pont entre le présent et le futur. Elle permet à
ses détenteurs de s'assurer contre les incertitudes de l'avenir. Historiquement, cette fonction a pré¬
cédé les deux autres. Les métaux précieux ont été
mis en réserve par les classes riches et commer¬
çantes avant de servir d'intermédiaire dans les
1 Pour n'avoir pas à y revenir ultérieurement, signalons
tout de suite que beaucoup d'auteurs reconnaissent expressé¬
ment cette troisième fonction de la monnaie. Par exemple, M. B. Nogaro, dans ses Eléments d'économie politique (pp. 79-80), énumérant les fonctions de la monnaie, après avoir noté : 1° qu'elle sert d'intermédiaire dans les échanges;
2° qu'elle est la commune mesure des valeurs, ajoute qu'elle
est aussi « un accumulateur de valeur, autrement dit un instrument d'épargne ». M. H. Truchy, Cours d'économie politique (t. Ier, p. 113), reconnaît à la monnaie quatre fonc¬
tions dont la troisième est « d'emmagasiner et de conserver la valeur pourle jour oùon en aurabesoin». Formulepresque identique dans Charles Gide, Cours d'économie politique (t. Ier, p. 413). M. L. Batjdin, dans son récent petit livre La Monnaie : ce que tout le monde devrait en savoir, s'exprime ainsi : « Mesure de la valeur ou dénominateur commun, moyen d'échange, réservoir de valeur ou instrument d'épargne, telles sont les trois fonctions de la monnaie. »
(P. 9.)
MONNAIE ET PSYCHOLOGIE SOCIALE 107
échanges. Bien plus, une monnaie inapte à la troi¬
sième fonction ne tarde pas à ne plus pouvoir remplir les deux autres. Du fait
qu'elle substitue
au troc la vente et l'achat, la monnaie remplace
une opération accomplie en un moment donné
du
temps par deux opérations que séparera un inter¬
valle plus ou moins long. Pour que le vendeur
d'une marchandise accepte en paiement une mon¬
naie, il ne suffit donc pas qu'il sache qu'à cet
instant elle pourrait lui procurer, par échange,
d'autres biens; ilfautencore qu'ilescompte qu'elle gardera cette faculté le jour, plus ou moins loin¬
tain, où il complétera par un achat sa vente d'au¬
jourd'hui. Ainsi, les deux fonctions sont «
aussi
inséparables l'une de l'autre que l'envers etl'en¬
droit d'une médaille ».
2° Pour ce qui est des formes de la monnaie,
très généralement on en distingue trois : a)
la
monnaie métallique; b) la monnaie de papier (avec ou sans cours forcé) ; c) la monnaie scrip¬
turale. A cette classification, M. Rist en préfère
une toute différente, et il ne s'agit pas ici d'une simple question determinologie ou de
vocabulaire.
Pour lui, il n'existe que deux monnaies : a) la
monnaie métallique; b) le papier-monnaie
(c'est-à-dire la monnaie de papier inconvertible). En
d'autres termes, ni le billet de banque, ni la mon¬