n'est alors qu'une variété d'effet de commerce:
celui qui le reçoit le considère comme
l'expression
d'une créance enmonnaie métallique. Il est repré¬
sentatif du métal dont il rend possible une utili¬
sation monétaire plus active. Il ne constitue pas
une véritable monnaie. Mais les choses ne chan¬
gent-elles pas lorsque, peu à peu,
le public prend
l'habitude de faire circuler le billet de banque, de
s'en servir pour l'extinction des dettes et le
paie¬
ment des marchandises? J'entends bien que, du point de vue du banquier, tant que
le billet
reste convertible, il constitue une virtualité de demandede métal, laquelle risque de se transformer en
demande effective dès que tels ou tels événements
se produisent. Mais du point de vue du public, petità petit le caractère de créancesur une somme
ou un poids déterminé de métal — que le billet présentait à l'origine et que juridiquement il n'a
pas perdu — s'estompe et passe à l'arrière-plan \
Ce qui compte pour le détenteur de billets à ce
moment, ce n'est plus la valeur du métal auquel il
donne droit, mais l'assurance qu'à l'aide de ce bil¬
let il pourra se libérer de sa dette ou acheter des
marchandises. Or ce pouvoir dépend du degré de
la confiance que le groupe social dont il fait partie
1 Quand on considère que ce qui importe dans une mon¬
naie de papier, c'est avant toutle gage sur lequel ellerepose,
on en arrive à considérer qu'il n'y a pas inflation lorsque
les billets sont couverts à 100 %. Telle était bien la concep¬
tion du Comité des experts qui a inspiré la loi du 7 août
1926. On se rappelle qu'une des dispositions fondamentales
de cette loi supprime toute limite à l'émission des billets lorsque ceux-ci sont la contre-partie d'achat de pièces d'or
et d'argentou de devises étrangères. (Cf. sur ce point l'étude
de M. Ch. Rist :La loi du 7 août 1926 et le mécanisme de la stabilisation française, dans le volume Essais sur quelques problèmes économiques et monétaires, pp. 82 et s.) Cepen¬
dant, l'application de la loi du 7 août 1936, à la fin de la période de stabilité defait quia précédé la réforme monétaire
du 25 juin 1928, lorsque les billets ainsi émis ne firent plus
retour intégralement à la Banque en vertu d'un circuit dont
le mécanisme a été maintes fois expliqué) a bien eu comme conséquence uninflation véritable, si du moins, comme nous le croyons, l'inflation doit se définir : «l'accroissement des
moyens monétaires sans augipentation parallèle de la masse des marchandises ». (Cf. G. Pirou, La Monnaie française depuis la guerre, Paris, Librairie du Recueil Sirey, 1936,
pp. 46-60.)
MONNAIE ET PSYCHOLOGIE SOCIALE 115 accorde au billet. Tant que cette confiance existe,
le billet peut remplir les fonctions de la monnaie,
y compris la troisième, celle d'accumulateur des valeurs. C'est un fait que beaucoup de gens épar¬
gnent et thésaurisent en billets. L'expérience d'avant-guerre est démonstrative à cet égard.
Naturellement, la convertibilité du billet est un des éléments composants de cette confiance. Mais il
n'est pas le seul. Et surtout, comme il s'agit ici
d'unphénomène de psychologie collective, onn'en peut rendre compte par une simple analyse ration¬
nelle et logique. En fait, la monnaie de papier a, pour le public qui s'en sert, une valeur en une
large mesure indépendante de la créance métal¬
lique qu'elle représente \
2° S'il en est ainsi, on ne peut creuser entre la
monnaie depapier convertibleet le papier-monnaie
un fossé infranchissable. Pourquoi le cours forcé est-il, en fait, relativement facile à édicter en cas de crise ou en temps de guerre, comme on l'a vu par exemple chez nous en août 1914? C'est
préci-1 M. Maurice Ansiauxaexcellemment décrit (Traité d'écono¬
mie politique, t. II, pp. 258-259) le processus par lequel la monnaie de papier entre dans les mœurs et devient une véri¬
tablemonnaie, à laquelle les populations s'habituent à un tel point que parfois elles refusent les espèces métalliques lors¬
qu'elles réapparaissent dans la circulation. Cetauteur est un de ceux qui, avant François Simiand, ont le mieux montré que l'aptitude des monnaies à remplir leurs fonctions repose
sur un «consensus des citoyens », lequel est un phénomène de psychologie collective (op. cit., p. 254).
1936-1938
sèment que l'inconvertibilité modifie peu les habi¬
tudes du public, lequel, n'étant plus accoutumé à
transformer ses billets en métal, n'est point très choqué qu'on lui en retire la possibilité. Cela ne
veutpas dire que l'attribution du cours forcé àune monnaie est indifférente. Les facilités mêmes
qu'elle apporte à l'Etat risquent d'entraîner un
surcroît de ses émissions, et ce risque aura souvent
pour effet d'ébranler la confiance collective \ Mais,
1 Un accroissement de la quantité de billets exerce sur les prix undouble effet: 1° un effetpsychologique, du faitque la confiance du public dans le pouvoir d'achat actuel et futur
des billets risque de se trouver ébranlé; 2° un effet que l'on appelle parfois mécanique ou mathématique tenant à ce que
l'augmentation du nombre des billets, si elle ne s'accom¬
pagne pas d'un accroissement parallèle de la masse des mar¬
chandises, entraînera — toutes choses égales d'ailleurs — une diminution de laquote-partà laquelle chaque billet don¬
nera droit sur l'ensemble des marchandises. Pour dissocier
ces deux effets, il suffit d'imaginer que les pouvoirs publics
ou l'institut d'émission se livrent à des émissions clandes¬
tines et que le secret en soit très bien gardé. Le public igno¬
rant ces émissions, l'effet psychologique ne se produira pas.
Pourtant, la multiplication du nombre des billets lancés dans la circulation augmentera la capacité d'achat nominale de
ceux qui les recevront. Disposant d'un revenu plus élevé, ils
se porteront acheteurs de marchandises plus nombreuses,
et cette concurrence des acheteurs entraînera nécessairement
une hausse des prix. Il n'est peut-être pas sans inconvénient de se servir, pour caractériser ce mécanisme, des qualificatifs de mécanique ou de mathématique, car l'enchaînement des faits, seproduisant au travers des variations durevenu et des dispositions des consommateurs à l'achat, ne présentera pas
un caractère automatique, ni une instantanéité ou une pro¬
portionnalité rigoureuse. Néanmoins, les deux effets doivent êtresoigneusement distingués. La comparaison de la monnaie
avec une sorte de «bon d'achat» (que rejette
catégorique-MONNAIE ET PSYCHOLOGIE SOCIALE 117 là encore, il s'agit d'enchaînements qui compor¬
tent nécessairement un anneau de psychologie col¬
lective. Le cours forcé, mesure purement juri¬
dique, n'a d'action que si, et dans la mesure où,
cette décision juridique déclenche à sa suite des phénomènes proprement économiques, d'ordre quantitatif ou qualitatif. Et ce déclenchement n'est
pas inéluctable. Au xixe siècle on a vu des gouvernants ne pas abuser du cours forcé pour émettre des quantités excessives de billets : quand
le public, dans le pays et au dehors, s'en rendait compte, la confiance subsistait; le papier-monnaie gardait approximativement sa valeur d'antan et continuait de remplir les mêmes fonctions que la
monnaie convertible \ Or il suffirait que cela se
fût produit une seule fois pour que nous puis¬
sions affirmer qu'entre le papier-monnaie et la
monnaie convertible il n'y a pas de différence de nature, non plus qu'entre le billet de banque et la
monnaie métallique. Dans tous les cas, le fonde¬
ment dela valeurdelamonnaie, ainsi que son apti¬
tudeàremplir ses fonctions, résulte de la confiance
du groupe social qui s'en sert, et cette confiance
est fonction d'éléments divers, quinesont pastous
ment M. Rist) paraît tout de même utile pour la compré¬
hension d'un certain nombre de phénomènes monétaires.
(Cf. W. Oualid, Leçons sur la monnaie et les problèmes monétaires, pp. 167-168.)
1 Cf. sur ce point l'ouvrage classique de Subercazeaux, Le Papier-monnaie, Marcel Giard, éditeur.
rationnels et logiques. On a souvent souligné le
rôle que jouent, en matière monétaire, les faits de
coutume et d'imitation, et même, à l'origine de monnaie, les croyances religieuses et les pratiques magiques \ Une interprétation réaliste de la mon¬
naie n'en peut pas faire abstraction.
Parmi les faits monétaires de la période
d'après-guerre, aucun ne me paraît à cet égard plus
démonstratif que l'histoire du renten-mark.
Lorsque cette nouvelle monnaie fut inventée, les
métallistes ne manquèrent pas de s'en gausser.
M. Jules Decamps — qui était alors directeur des
Etudes économiques à la Banque de France —- lui
consacra un article dans la Revue de Paris2, où il exposait péremptoirement que le renten-mark
«commençait à dévaler la pente de la déprécia¬
tion ». Il ajoutait : « Nous serions bien surpris si
le renten-markaidait, si peu que ce soit, auredres¬
sement de la situation monétaire » (pp. 902 et 913). Cependant, le renten-mark a parfaitement rempli sa tâche. Il ne s'est pas déprécié comme le mark-papier, parceque les grandes puissances éco¬
nomiques du Reich — plus fortes à cette époque
1 Cf. le mémoire de F. Simiand, La monnaie, réalité sociale (Annales sociologiques, série D), et les observations de
M. M. Mauss au cours de la discussion.
3 Numéro du 15 décembre 1923. De même les experts du Comité Dawesse déclarèrentsceptiques surles possibilités de
fonctionnement du renten-mark : ils auraient voulu qu'on lui substituât, conformément aux conceptions classiques, un billet de banque garanti et convertible.
MONNAIE ET PSYCHOLOGIE SOCIALE 119 quelegouvernementlui-même — sesont opposées
à ce que l'on en émît des quantité excessives. Cela
suffit1. Et sans doute ensuite le mark-or fut sub¬
stitué au renten-mark. Revanche du métallisme,
dira-t-on! Comme on le verra plus bas, nous
sommes loin de nier qu'une monnaie assise sur
l'or présente généralement, — surtout au sortir
d'une période troublée, — plus de solidité et de
stabilité qu'une monnaie détachée de l'or. Mais il
suffit que des monnaies inconvertibles aient, en
fait, été stables pour qu'il soit établi que le fonde¬
ment de valeur de la monnaie n'est pas nécessai¬
rement dans le métal2, et qu'il n'y a pas de
dif-1 Cf. à cet égard la magistrale étude de Bresciani-Turoni,
Le vicende del marco tedesco (Annali di Economia, Milan, 1931, pp. 447-461). Cet auteur montrebien que la limitation
delaquantité fut, pourla tenue du renten-mark, unélément d'importance «primaire et fondamentale». Dans le même sens, B. Griziotti, L'Evolution monétaire dans le monde depuis la guerre de 191U, p. 77; A. Fourgeaud, La Déprécia¬
tionet la Revalorisation du markallemand. Payot. L'interpré¬
tation de ces divers auteurs ne me semble pas s'accorder avec ce que M. Ch. Rist dit de la réforme monétaire allemande à laquelle il consacre (p. 41) les lignes suivantes : «Le renten-mark n'a été stable que parce que le mark contre lequel il était échangeable avait lui-même été stabilisé suivant les méthodes ordinaires. »
2 IIva sans dire que reconnaître l'importance des éléments psychologiques dans la nature de la monnaie ne dispense
aucunement d'étudier, de manière précise et positive, les élé¬
ments divers qui influent sur sa valeur interne et externe.
Nous avons signalé ci-dessus que, indépendamment de
toute appréciation purement psychologique, la quantité de la monnaie a, sur son pouvoir d'achat, une répercussion
certaine. En ce qui concerne la valeur d'une monnaie par
férence de nature entre la monnaie métallique, le
billet de banque, le papier-monnaie : dans tous les
cas, c'est sur une analyse positive des sentiments
du public, des comportements du groupe social, qu'il convient de fonder l'explication des phéno¬
mènes monétaires.
3° Les grands théoriciens qui, depuis des siè¬
cles, ont réfléchi sur la nature de la monnaie, ont
souvent axé leurs réflexions autour de la question: la monnaie est-elle une marchandise «comme les autres»? M. Rist remarque avec raison (p. 326)
que cette formule n'est pas très heureuse, car il
n y a pas de marchandise «comme les autres », vu que chaque marchandise «a ses caractéristiques particulières, répond à des besoins spéciaux et à
une demande limitée sur le marché». Quant au fond du problème, la position de M. Rist est for¬
tement influencée : a) par ses préférences, sur le plan de la politique économique, pour une mon¬
naie à valeur intrinsèque; b) par le fait que, dans
rapport auxautres monnaies, c'est-à-dire lecours du change,
on n'est pas quitte lorsqu'on a dit qu'il reflète les apprécia¬
tions des vendeurs et des acheteurs des diverses monnaies.
Là encore, il est bien évident que des éléments purement techniques ou économiques, tels que l'état de la balance
commerciale et de la balance des comptes ou la disparité des prix, jouent leur rôle. Parmi les auteurs français récents,
M. A. Aftalion, dans des ouvrages justement réputés, a ana¬
lysé avec beaucoup de netteté le jeu respectif de ces divers
facteurs (cf. surtout Monnaie, Prix et Change, 1927; L'Equi¬
libre dans les relations économiques internationales, 1937;
L'Or et laMonnaie, 1938).
MONNAIE ET PSYCHOLOGIE SOCIALE 121 le passé, la qualité de marchandise attachée au métal précieux a grandement contribué à l'accré¬
diter comme monnaie. Pour M. Rist, la monnaie
doit être constituée par un bien « désiré pour
lui-même et tirant une valeur propre de cette de¬
mande ». Ici encore, on accordera volontiers qu'une monnaie de ce genre aura chance d'être plus solide qu'une monnaie sans valeur intrin¬
sèque. Pourtant, il paraît établi en fait : a) que des
monnaiesquinesont pas des marchandises peuvent remplir leur fonction tant que la confiance collec¬
tive dans leuracceptabilité générale existe; b) qu'il
y a tout de même une différence fondamentale
entre la marchandise et la monnaie, différence
tenant à ce que, dans la marchandise, ce qui im¬
porte essentiellement, c'est l'aptitude à satisfaire
un besoin, tandis que ce qui importe dans la mon¬
naie, c'est l'aptitude à être échangée ultérieure¬
ment. Sur ce point, M. Nogaro1 me paraît avoir
1 B. Nogaro, La Monnaie et les Phénomènes monétaires contemporains (2e éd., pp. 386, 387). «Ce qu'entrevoit le répétiteur qui se fait payer une leçon vingt francs, c'est qu'elle représente deux modestes repas ou un chapeau ou tout un ensemble de choses que nous pouvons avoir pour 20 francs... Ce qu'entrevoit un petit commerçant qui a fait
50 francs de bénéfices dans sa journée, c'est la possibilité,
avec cette somme, de nourrir sa famille pendant quelques jours ou de payer une certaine fraction de loyer, etc. Finale¬
ment, ce qui importe à celui qui reçoit une certaine somme
d'argent..., ce n'est pas d'avoir droit à une certaine quantité de métal précieux, dont il ne saurait que faire s'il devait l'utiliser directement..., c'est l'assurance qu'il obtiendra dans la suite... la somme de marchandises de son choix à laquelle
FRANÇAISE 1936-1938
apporté des formules très exactes et heureusement nuancées, car il ne conteste pas que la qualité de
marchandisepuisse conférer àune monnaie detrès notables avantages, mais enmêmetemps il montre que le concept de monnaie se distingue essentiel¬
lement du concept de marchandise1. Ici encore,
reportons-nous à la psychologie du public. Même
aux époques de monnaie convertible, un billet de
100 francs n'évoque point pour son détenteur un
poids de métal et l'usage qu'on en pourrait tirer,
mais bien plutôt l'ensemble des satisfactions di¬
verses que, sur le marché, le billet de 100 francs
lui permettra d'obtenir. C'est en cela que la mon¬
naie, même métallique, est justement comparée
à une sorte de bon d'achat donnant droit à une
certaine valeur de marchandises au choix du dé¬
tenteur de cette monnaie. Et il ne paraît pas
dou-lui donne droit cette monnaie abstraitement considérée. »
Dans ledéveloppement qui suit, M. Nogaro montreque, avant la guerre, le public acceptait le billet de banque, non parce qu'il le savait convertible en espèces, mais parce qu'il était convaincu que ce billet lui vaudrait, par échange,
une certaine quantité de marchandises. M. Nogaro ajoute que le professionnel, le banquier, avaient, eux, le souci de la convertibilité. Nous retrouvons ici l'opposition des deux points de vue. Il est manifeste que M. Rist voit les choses plutôt sous l'angle professionnel et bancaire, tandis que M. Nogaro décrit le comportement du public qui se sert de la monnaie.
1 Cf. L. Baudin, op. cit., p. 302 : « L'expression monnaie-marchandise renferme une contradiction puisque la cou¬
tume revêt d'une valeur additionnelle toute marchandise consacrée par elle comme moyen d'échange. »
MONNAIE ETPSYCHOLOGIE SOCIALE 123 teux que celui-ci apprécie la monnaie non en fonc¬
tion de la valeur intrinsèque que peut-être cette
monnaie représente en tant que marchandise, mais
enfonction de l'utilité et de la valeur des marchan¬
dises qu'aujourd'hui et plus tard ce bon lui per¬
mettra d'acquérir. La valeur du bon dépend essen¬
tiellement de son acceptabilité générale dans le
groupe social dont l'individu fait partie.
Quant à laquestion de savoir si, commele disent
les adversaires de la théorie de la monnaie-mar¬
chandise, ce ne serait pas l'usage monétaire qui
soutiendrait la valeur du lingot, M. Rist, qui a bien
senti la force de l'argument, y répond avec beau¬
coup de subtilité. A supposer que l'on démonétise l'or, nous dit-il, le public continuerait cependant
àle considérer commeun objet précieuxtantqu'on
nelui aurait pas démontré que l'or n'est «ni beau
ni durable, ni inaltérable» (p. 334), et M. Rist ajoute que si l'Angleterre ou les Etats-Unis ven¬
daient leurs stocks de métal, les prix de l'or en dollars ou en sterling, après avoir temporairement fléchi, remonteraient bientôt « par la demande
accrue d'or que cette baisse susciterait en d'autres
pays et parl'inquiétude que la crainte d'instabilité
de ces monnaies (dollars ou sterling) provoque¬
rait». Maisn'y a-t-il pasici mélange de deux argu¬
ments très différents? Tout le monde accordera
qu'une réforme monétaire limitée à un ou deux
pays, et dont on craindrait qu'elle ne soit pas
FRANÇAISE 1936-1938
durable, ne suffirait pas à retirer à l'or son pres¬
tige. On continuerait à l'acheteret à le thésauriser
tant qu'il lui resterait, dans le présent et dans
l'avenir éventuel, un débouché monétaire. Si au contraire, par hypothèse, un régime monétaire
non fondé sur l'or s'installait, de manière qui paraisse permanente, dans l'ensemble des grands
pays du monde — et c'est cette hypothèse qu'il
faut faire sil'on veutimaginer un instant que l'or perde son débouché monétaire — le métal aurait
beau demeurer, entant quelingot, « beau, durable
et inaltérable», sa valeur n'en diminuerait pas moins en raison de l'afflux d'or sur le marché des
lingots et du caractère limité des débouchés extra¬
monétaires de l'or. Gela ne suffit-il pas à établir qu'il y a une large part d'illusion dans la notion
de valeur intrinsèque de la monnaie métallique à
notre époqueP Au surplus, nous n'en tirerons pas
un argument contre la monnaiemétallique puisque
nous soutenons que la valeur de toute monnaie se
fonde sur un sentiment collectif, et qu'en cette
matière l'illusion subjective est une réalité souvent plus importante que la vérité objective1.
1 A propos de la formule célèbre de François Simiand :
«L'or est la première des monnaies fiduciaires»; M. Ch. Rist
«L'or est la première des monnaies fiduciaires»; M. Ch. Rist