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Ces divergences, ces flottements, ces

contradic¬

tions même, s'éclaireront si l'on replace le débat

monétaire dans le cadre général de l'économie

indochinoise et si, avant d'aborder l'examen des

données actuelles du problème, on procède à un rapide rappel des phases récentes

de

son

histoire.

I

Les phases antérieures du problème monétaire

indochinois 1

Sans remonter très loin dans le passé, et à nous

en tenir aux événements postérieurs à

1914,

on doit, dans l'histoire de la piastre, distinguer

deux

périodes tout à fait différentes. De 1914

à 1930,

1 Pourl'histoire de la piastrede1914 à 1930, cf. l'intéressante

thèse de M. Thiollier, La Grande Aventure de la piastre indochinoise, Saint-Etienne, 1930; l'enquête de M. Gerville-Réache, La Stabilisation de la piastre indochinoise, Editions

de la Dépêche coloniale, Paris, 1928; la thèse de M. J.-H.

Adam, L'Argent-métal et la Question monétaire indochinoise,

Paris, 1922; l'article de M. B. Nogaro, Le problème monétaire

de l'Indochine française (Revue économique internationale, 1922).

Pour la période antérieure à 1914, cf. la thèse de M.

Dé-TrEux, La Question monétaire en Indochine, Paris, 1907 et

l'article de M. B. Nogaro, La réforme monétaire enIndochine (Revue économique internationale, juin 1909).

1936-1938

lapiastre est indépendante du franc. Depuis 1930,

elle est rattachée à notre monnaie par un lien fixe.

Recherchons successivement, pour chacune de ces périodes, comment le système a fonctionné.

A. La piastre instable (1914-1930)

Telle que la définissait un décret du 8 juillet 1895, la piastre était une pièce d'argent de

27 grammes au titre de 900/1.000. Sa valeur, par

rapport à notre franc, allait donc nécessairement

varier en fonction de deux éléments : 1° la valeur de l'argent-métal; 2° la valeur du franc. Précisé¬

ment, au cours de cette période (et en conséquence

desperturbations causées par la guerremondiale),

cours del'argent et cours du franc ont été soumis

à de très amples fluctuations. Il en est résulté que le rapport entre la piastre et le franc a beaucoup varié, ces variationss'expliquant toujours par l'ac¬

tion combinée des deux causes que nous venons

d'indiquer.

1° De 1914 à 1920, c'est l'ascension de la pias¬

tre. Elle valait 2 fr. 25 le 1er août 1914. Elle vaut 13 fr. 50 le 13 février 1920. Cettemontée doit être attribuée principalement à la hausse des cours de l'argent-métal pendant les années de guerre, à laquelle s'ajoute, après 1918, l'action de la baisse

du franc.

LA PIASTRE ET LE FRANC 69 2° Entre 1920 et 1924, chute de la piastre. Son

tauxest, à cette époque, fixé par un arrêté du gou¬

verneur général, mais l'intervention administra¬

tive se borne à constater officiellement la valeur naturelle de lapiastretellequ'elle résulte des divers

facteurs qui la déterminent. En 1920, 1921, 1922,

la valeur de la piastre ainsi fixée est en fléchisse¬

ment continu, en raison de la chute, alors très profonde, des cours del'argent-métal. De

16

fr.

50

en février 1920, la piastre tombe ainsi à 8 francs

en mai de la même année, à 6 fr. 75 en février de

l'année suivante, à 6 fr. 71 (en moyenne) au long

de l'année 1922. En fin de période, la piastre

remonte parce que le franc, de son côté, fléchit.

Nous latrouvons ainsià 8fr. 46 (valeur moyenne)

en 1923, à 10 fr. 07 en 1924.

3° Commence alors une troisième phase, qui va de 1924 à 1926, et qui est marquée par une nou¬

velle ascension de la piastre. Elle atteint son maxi¬

mum en juillet 1926 : à cette date, la piastre vaut

27 fr. 50. La cause essentielle de la montée, c'est

cette fois la chute du franc. La baisse des cours de l'argent-métal, qui seconstate à ce moment,

n'est

pas assez forte pour neutraliser l'action

de l'autre

facteur; elle réussit cependant à mettre un certain

freinà la hausse. Aussi biennefaut-il pas selaisser tromper par les apparences. A

27

fr.

50

en

1926,

la piastre vaut réellement beaucoup

moins qu'à

FRANÇAISE 1936-1938

16 fr. 50 en 1920, puisque, entre temps, le franc

qu'on l'évalue parrapport à l'or ou par rapport

aux grandes monnaies étrangères a très forte¬

ment baissé;

Reste, pour en avoir terminé avec cette pre¬

mière période, à indiquer que, de 1927 à 1930, la piastre à nouveau est en baisse : elle oscille autour

de 13 francsen 1927-1928, autour de 10 francs en 1929 et au début de 1930. Nous retrouvons une

fois encore ici l'action combinée de nos deux

causes fondamentales. La piastre baisse parce que remonte lefranc; unefois quele francest stabilisé,

elle continue de fléchir parce que baisse

l'argent-métal. Il est, au surplus, assez curieux de noter

que, en valeur réelle, elle seretrouveen 1930 assez

proche du niveau de 1914, puisque 10francs

Poin-caréfont approximativement2francs de germinal,

et que, on se le rappelle, la piastre était à 2 fr. 25

au début de la Grande Guerre.

B. La piastre stabilisée (depuis 1930)

La réforme opérée par le décret du 31 mai 1930

qui s'est borné à transformer en état de droit

une stabilité de fait pratiquée depuis plusieurs

mois définit la piastre par unpoids de 655 mil¬

ligrammes d'or. Et comme le franc de 1928 cor¬

respondait à un poids d'or de 65,5 milligrammes,

ilenrésulte quela piastre vautdésormais 10 francs.

LA PIASTRE ET LE FRANC 71 En fait, au cours des années 1930-1936, elle oscil¬

lera autour de ce niveau de 10 francs sans jamais

s'en éloigner très sensiblement, les «points d'or»

mettant obstacle à un écart accentué. On a beau¬

coup discuté, à l'époque, le choix de ce taux de

stabilisation. Généralement on le considéra, en

Indochine, comme trop faible. Une stabilisation à

12 fr. 50 paraissait alors plus rationnelle à beau¬

coup. Et il semble que le ministre des Finances,

M. F. Piétri, se soit décidé pour le taux de

10 francs, à raison surtout de sa commodité pra¬

tique.

Seulement, la survenue de grands événements économiques et monétaires dans le monde devait singulièrement compliquer les choses et fausser

les

perspectives. Ce fut d'abord la

généralisation de

la crise mondiale qui, on le sait, a ses origines en 1929, mais qui n'a vraiment atteint la France

et par répercussion l'Indochine que

dans le

second semestre de 1930. Ce furent ensuite les dévaluations anglo-saxonnes qui devaient, de pro¬

cheen proche, entraînerun abaissement

du niveau

des monnaies de la plupart des grands pays du monde, et en particulier des principales

monnaies

extrême-orientales liées plus ou moins étroitement

à la livre sterling.

Il est incontestable que l'Indochine, de 1930 à

FRANÇAISE 1936-1938

1933, a connu de très grosses difficultés écono¬

miques, d'autant plus malaisément supportées qu'elles faisaient contraste avec l'euphorie des

années de prospérité qui avaient précédé 1930. Ce changement de climat économique coïncidait avec le changement de régime monétaire. Il est naturel

que l'opinion publique ait établi unlien dé cause à effet entre ceci et cela, que l'on ait très générale¬

ment rendu la stabilisation de la piastre respon¬

sable du marasme économique1. Pour être équi¬

table, il faut ne pas oublier que, dans une large

mesure, ce marasmeest sans doute imputable à la dépression mondiale. Toutefois, le fait pour l'In¬

dochine d'avoir conservé une monnaie forte, alors

que ses voisins d'Extrême-Orient se servaient de

monnaies affaiblies par la dévaluation, a certaine¬

mentcontribué, dans une mesure non négligeable,

à accentuer les difficultés se débattait l'écono¬

mie indochinoise. Les exportations d'Indochine

vers l'Extrême-Orient en furent extrêmement

gênées. En France, durant le second semestre de 1926, l'industriel qui produisait pour uneclientèle britannique se trouvait victime de ce qu'un certain prix de vente en livres sterling sur le marché bri¬

tannique lui donnait droit à un nombre de francs qui allait en s'amenuisant à mesure que le franc

1 Cf. A. Touzet, L'Economie indochinoise et laGrande Crise universelle, Paris, 1934.

LA PIASTRE ET LE FRANC 73 se revalorisait \ De même le riziculteur indochi-nois, lorsque, en 1931 ou 1932, il produisait pour le marché chinois et vendait sur ce marché à un

prix libellé en dollars de Hongkong ou de Shan¬

ghaï, recevait en contre-partie de cette vente un nombre de piastres d'autant plus faible que la

valeur de la piastre était plus élevée comparative¬

ment aux monnaies chinoises. Cette recette, une fois traduite en piastres, n'arrivait plus à couvrir

le montant des frais de son exploitation. D'autre part, le maintien de la piastre à sa valeur-or de 1930, en dépit de la crise économique, se tradui¬

sait par un fléchissement des prix intérieurs qui devait, à sontour, entraînerune baisse des salaires,

donc une diminution des revenus d'une fraction

importante de la population. Et ce fléchissement

entravait grandement l'importation de marchan¬

dises européennes que la population indochinoise, amputéedans son pouvoir d'achatréel, n'était plus

en mesure d'acquérir. Si l'on se reporte au très

intéressant volume publié par la Statistique géné¬

rale de l'Indochine sous le titre : Indices écono¬

miques Indochinois2, onprendra unevue vraiment

saisissante de la crise qui s'est abattue sur la colo¬

nie de 1929 à 1935. On noteraen particulier, entre

1929 et 1933, la diminution des importations, le

1 Cf. sur ce point Gaétan Pirou, La Monnaie française depuis la guerre, Librairie du Recueil Sirey, 1936, pp. 43-44.

2 Hanoï, 1937.

française 1936-1938

fléchissement des prix, la chute des salaires, l'ef¬

fondrement des cours des valeurs mobilières. Tou¬

tefois, une lecture attentive montre que, pour

plusieurs de ces indices, la chute a commencé dès 1929, et que le retournement dans un sens favo¬

rable s'effectueàpartir de 1934-1935, cequi donne

à penser que la cause principale du marasme

indo-chinois doit être plutôt recherchée du côté de la dépression économique mondiale que du côté du régime monétaire.

La crise s'étantatténuée sans qu'il aitété touché

au statut de la piastre, la stabilisation à 10 francs

n'aurait sans doute pas été mise sérieusement en question si, au cours des années 1936-1937, des

événements d'ordre monétaire et économique ne s'étaient produits en France, qui allaient avoir

leurs répercussions en Indochine et introduire,

dans le problème des relations entre la piastre et le franc, des données et des perspectives nouvelles qu'il nous faut maintenant examiner.

II

Les aspects actuels duproblème monétaire

indochinois

A. Les données nouvelles

Les événements monétaires qui se sont déroulés

en Franceen 1936 et 1937 onteu unerépercussion

LA PIASTRE ET LE FRANC 75

automatique sur la valeur de la piastre. Celle-ci

demeure stabilisée à 10 francs. Elle suit donc les vicissitudes auxquelles le franc est soumis. Deux

dates doivent être ici particulièrement retenues : Un décret du 2octobre 1936 (promulgué à la

colonie le 15 octobre) coupele lien rigide qui exis¬

tait, depuis 1930, entre la piastre et un poids défini

d'or. C'est la pure et simple conséquence de la

réforme opérée, quelques jours auparavant (le

1er octobre 1936) en ce qui concerne le franc. Au

franc de 1928, défini par un poids d'or, la loi française dtu 1er octobre 1936 a substitué un franc amoindri et assoupli, dont la valeur peut

varier entre un maximum de 49 milligrammes et

un minimum de 43. Le décret du 2 octobre trans¬

posece système en ce qui concernela piastre, dont

la valeur pourra fluctuer entre les deux limites de

490 et 430 milligrammes

2° En juillet 1937, les nouvelles mesures adop¬

tées à l'égard du franc (qui suppriment la

limite

inférieure de 43 milligrammeset font du franc une

1 II ya lieu icide faire observer que le lien entre la piastre

et le franc est plus rigide depuis le 2 octobre 1936 qu'il ne l'était auparavant. De 1930à 1936, la piastre étant définiepar

un poids d'or, savaleur pouvait osciller entre les deux« gold

points», c'est-à-dire de 3 % environ. Depuis octobre 1936,

ces oscillations sont supprimées, et le taux de conversion est

fixé immuablement à 10 francs pour une piastre. Cf. sur ce point le rapport de M. Paul Reynaud sur le budget des colo¬

nies pourl'exercice 1938 (Doc. pari., Chambre, 1937, 2857).

FRANÇAISE 1936-1938

monnaie flottante) sont également étendues à la piastre. Aussi, en même temps que le franc voit sa valeur diminuer progressivement sur la cote des changes, la piastre, qui demeure immuablement

stabilisée à 10 francs, suit lamême courbe. Durant l'année 1937, la livre sterling ne subit pas de fluc¬

tuations très appréciables. Il en est de même de la plupart des grandes monnaies d'Extrême-Orient qui nous y reviendrons sont, en fait, à peu

près stabilisées par rapport à la livre. La répercus¬

sion des modifications monétaires françaises sur la piastre est donc très nette. Stabilisée en fonction du franc, qui lui-même se déprécie par rapport

à la livre, la piastre est dans la situation d'une monnaie qui, vis-à-vis de ses voisines d'Extrême-Orient, s'affaiblit peu à peu.

Fin 1935, une piastre était à la cote des changes l'équivalent de deux dollars de Hongkong environ.

Fin 1937, les deux monnaies sont presque à parité (une piastre vaut 1,2 dollar de Hongkong).

Si maintenant du terrain monétaire nous pas¬

sons au domaine économique et financier, ce n'est plusunparallélisme entre l'Indochineet la France,

mais plutôt une opposition que nous apercevons.

Tandis que la France, au cours des deux dernières années, connaît de grosses difficultés financières

et commerciales, que son budget est en déséqui¬

libre et sa balance des comptes en déficit,

l'Indo-LA PIASTRE ET LE FRANC 77 chine présente un bilan beaucoup plus favorable.

La crise économique en Indochine a pris fin en

1934-1935. Depuis lors, on constate une très nette

reprise; elle n'a pas sans doute l'ampleur excessive

de la période désordonnée antérieure à 1930, mais

cette modération même est de bon augure. La

balance du commerce est en excédent. Quant à la

situation budgétaire, elle a été rétablie par l'effet

de la politique de déflation menée vers 1932 par le gouverneur général Pasquier. Cette politique

a valu à son instigateur une solide impopularité.

Elle a infligé aux fonctionnaires des réductions de traitement sévères. Mais du moins, ayantété pour¬

suivie avec une rigueur inflexible et pendant un

temps suffisant, elle donne maintenant ses fruits.

De leur côté, le retournement de la tendance éco¬

nomique et le mouvement de hausse des prix se sont traduits par un accroissement du montant des

recettes fiscales, qui a contribué à rendre aisé le rééquilibre des finances publiques.

Ce rapide rappel des données de fait qui enca¬

drent en quelque sorte le problème monétaire va

nous aider à mieux comprendre les arguments invoqués de part et d'autre au cours des récentes polémiques.

B. La thèse du décrochement 1

Ce n'est pas en Indochine qu'il faut aller cher¬

cher les protagonistes de la campagne en faveur

d'une piastre autonome. Cette campagne semble

avoir été menée et alimentée à l'origine par les producteurs français qui exportent en Indochine

des marchandises métropolitaines. Les commer¬

çants indochinois, qui vendent dans la colonie des produits d'importation française et qui par

conséquent sont les intermédiaires entre les pro¬

ducteurs français et les acheteurs indochinois

ont naturellement emboîté le pas, puisqu'ils ont,

en l'espèce, les mêmes intérêts que leurs fournis¬

seurs. Il est clair, en effet, que tous ceux qui sont placés en un point quelconque de cette chaîne, qui part du producteur français et aboutit au consom¬

mateur indochinois, ont intérêt à ce que la piastre

soit une monnaie forte par rapport au franc. Si,

pour faciliter le raisonnement, nous assimilons

l'ensemble de la chaîne à une seule entreprise,

nous voyons que cette entreprise produit enfrancs

et vend en piastres, et que ses bénéfices auront

1 Les meilleurs exposés de cette thèse se trouvent dans les rapports de MM. Ardin (Chambre de commerce de Saigon)

et Albert Joseph (Chambre de commerce d'Hanoï), repro¬

duits, en même temps que divers autres documents, dans

une brochure (tirée au ronéo) de 36 pages, intitulée : Le Régime monétaire indochinois. La Piastre ou le Franc.

LA PIASTRE ET LE FRANC 79 chance d'être d'autant plus substantiels que ses recettes en piastres représenteront un montant de

francsplus élevé. Imaginons quela piastre, aujour¬

d'hui stabilisée à 10 francs, soit demain décrochée

et monte à 15 francs. Notre entreprise verra ses recettes en francs augmenter de 50 %, à supposer

qu'elle maintienne sans modification ses prix en

piastres. Et si elles les abaisse, l'accroissement de débit qui résultera sans doute de ce fléchissement

lui permettra, en étalant ses frais généraux sur un

plus grand nombre d'unités, d'améliorer aussi son bilan. On s'explique donc l'attitude adoptée par les producteursfrançais exportateursen Indochine,

ét par les commerçants indochinois importateurs

de produits métropolitains.

Mais naturellement il nesuffisait pas, pour obte¬

nir le décrochement, d'invoquer la considération

de ces intérêts particuliers. Il convenait encore de soutenir, et de tenterde démontrer, que le système

de la piastre autonome est conforme à la raison

ainsi qu'aux intérêts généraux de la colonie. On s'y est appliqué en invoquant divers arguments, qui n'ont été, à la vérité, présentés nulle part de façontrès systématique, mais dont on peut dresser

le schéma de la manière suivante :

Permettre à la piastre de suivre librement ses destinées sans la lier à celles du franc, c'est, dit-on

FRANÇAISE 1936-1938

d'abord, traduire sur le plan monétaire le fait que les deux économies, la française et l'indochinoise,

sont actuellement dans des situations très diffé¬

rentes. Le niveau de la monnaie d'un pays exprime

en quelque sorte d'une manière synthétique l'opi¬

nion que l'on se fait, dans le monde, de son état présent et de ses perspectives d'avenir. Le franc

est menacé et déprécié parce que l'économie de la

France reste déprimée et atone, parce que sa pro¬

duction n'a pas connu de véritable reprise, parce

que l'état précaire de ses finances publiques laisse planer la redoutable menace d'un recours à l'in¬

flation. L'Indochine, toutau contraire, ala chance

d'un budget en équilibre, d'une économie pros¬

père, d'une balancefavorable. N'est-il pas absurde

de condamner samonnaie à épouser fidèlement les

variations de la monnaie française? N'est-il pas

plus rationnel de lui restituer l'indépendance, et de lui permettre de prendre, à la cote des changes,

une valeur qui reflétera l'appréciation réfléchie de

la situation locale?

2° Le décrochement de lapiastre serait en outre, déclare-t-on, favorable auxintérêts de la masse des

consommateurs \ Ceux-ci sont évidemment vic¬

times de ladépréciation du franctant quela piastre

lui est liée, puisque l'affaiblissement de la piastre

1 C'est sur cet argument qu'insistent de préférence les journaux annamites, lorsqu'ils font campagne en faveur du

•décrochement.

LA PIASTRE ET LE FRANC 81 entraîne inévitablement la hausse des prix. De fait, depuis un an, on a pu constater en Indochine un accroissement très notable du coût de la vie, assez

comparable dans son ampleur à celui que nous

avons subi en France \ Il en résulte une contrac¬

tion du revenu réel des masses et de leur pouvoir

d'achat -— pour autant du moins qu'elles n'ob¬

tiennent pas un relèvement proportionnel de leurs gains monétaires. Or, en Indochine, par suite du

caractère très coutumier de la vie sociale, par suite

aussi de l'absence de toute organisation syndicale puissante, les relèvements de salaires sont difficiles

à obtenir et ne peuvent suivre que de très loin la

hausse du coût de la vie. Particulièrement touchés vont êtreles ouvriers agricoles, lorsqu'ils reçoivent

une rémunération exclusivement ou principale¬

ment en monnaie. Cette rémunération a toujours

été modeste. Elle leurpermettaittoutjuste de vivre lorsque le prix des denrées essentielles à leur ali¬

mentation (c'est-à-dire surtout le riz) était à un certain niveau. Si les cours du riz montent sensi¬

blement, comme ils l'ont fait déjà depuis un an, et si les salaires ne s'élèvent pas parallèlement, les

blement, comme ils l'ont fait déjà depuis un an, et si les salaires ne s'élèvent pas parallèlement, les