• Aucun résultat trouvé

Le sacré : une notion éminemment géographique au cœur du sujet

Défense et illustration d’objets et de pratiques géographiques

Chapitre 2 : Religion et géographie : grammaire du sujet

1- Le sacré : une notion éminemment géographique au cœur du sujet

a) Le sacré : clé de voûte de l’aménagement du territoire ?

Le cas du sanctuaire de Notre-Dame de Guadalupe, aujourd’hui lieu de culte catholique mais ancien haut lieu de la religion aztèque a mis en évidence le fait que certains lieux sont retranchés de la géographie ordinaire en vertu d’un caractère sacré dont ils seraient revêtus. Cette notion de sacré est véritablement au cœur du sujet. Le sanctuaire, nous dit Le Robert, est le « lieu le plus saint d’un temple, interdit aux profanes ; édifice consacré aux cérémonies d’une religion, lieu saint ». La définition du terme « sanctuaire » venant le plus spontanément à l’esprit est bien « lieu sacré ».

Le terme de sacré est éminemment géographique. Pour preuve son étymologie : venant du latin sacer, il signifie originellement « ce qui est séparé ». Cette séparation s’inscrit nécessairement dans l’espace. Bien souvent, le sacré est lié à l’idée de religion. Encore une fois, il suffit de lire le premier sens du mot donné par Le Robert pour le constater :

C’est le sens étymologique du mot qui est ici retenu par le dictionnaire et les trois adjectifs utilisés pour le clarifier (« séparé, interdit et inviolable ») ont tous trois des implications spatiales. L’idée de rupture est contenue dans le concept de sacré. C’est d’ailleurs à partir de cette notion de rupture que travaille l’historien Mircea Eliade. Un de ses ouvrages majeurs, Le sacré et le profane, paru en 1957, s’ouvre par un chapitre traitant de « L’espace sacré et la sacralisation du Monde », dont la thèse est annoncée dès la première phrase :

On est bien loin ici des travaux de l’école de géographie classique. Ce n’est plus à l’aune de ses caractéristiques physiques que l’espace est étudié mais uniquement en regard de la culture qui y est surimposée. Ce qui provoque la « cassure » dans l’espace, c’est le sacré. Ce sacré est le produit d’une conception du monde portée par « l’homme religieux », quelle que soit sa religion. M. Eliade va encore plus loin en cherchant l’origine du sacré. Il développe ainsi le concept de « hiérophanie » de l’espace, un processus par lequel Dieu se manifeste aux hommes, conférant un caractère sacré à l’espace.

« Qui appartient à un domaine séparé, interdit et inviolable (par opposition à ce qui est profane) et fait l’objet d’un sentiment de révérence religieuse. » (Le Robert, 2014)

« Pour l’homme religieux, l’espace n’est pas homogène ; il présente des ruptures, des cassures : il y a des portions d’espace qualitativement différentes des autres. » (M. Eliade, 1957)

Ce ne sont ainsi pas les géographes qui, les premiers ont su s’intéresser à cette influence du sacré sur l’espace, pourtant intrinsèque à la définition même du terme. Plus que les religions, dont la géographie s’est très tôt emparée pour les cartographier, c’est bien davantage le sacré qui doit être, selon les termes d’Henri Chamussy, « la clé d’une entrée en géographie » (Chamussy, 1995 : 862). Influencé par les travaux de M. Eliade (1957), R. Caillois (1963) ou encore C. Raffestin (1985), le géographe grenoblois voit dans le sacré la matrice de l’organisation de l’espace. En effet, pour H. Chamussy, le sacré est le produit des croyances, des religions, des cultures et des idéologies qui sont elles-mêmes les manifestations de la vie sociale. Or c’est autour de cette vie sociale que s’organise l’espace.

C’est d’ailleurs sur cet aspect structurant que choisissent de retenir Yves Lacoste (2003) et Roger Brunet (2005) dans la définition du sacré qu’ils donnent dans leurs dictionnaires de géographie respectifs :

Tant pour Yves Lacoste que pour Roger Brunet, le sacré est ce qui organise l’espace. Or, Y. Lacoste montre que cette structuration se fait par le choix de l’emplacement des lieux saints, c’est-à-dire par les réseaux qui se tissent à la surface du globe, ceux-ci étant bien souvent orientés, au sens premier du terme soit « tournés vers l’Orient ». Bien que revenant à l’étymologie latine du mot, Y.

« Du latin sacer, sacré. Le domaine du sacré a aussi sa géographie. Celle-ci se marque pour la plupart des sociétés dans la localisation des temples, des églises, des pèlerinages et des lieux sacrés (des fontaines, les bois sacrés en Afrique). De surcroît, certaines orientations sont particulièrement valorisées : les églises sont orientées vers Jérusalem, et les mosquées vers La Mecque. Les sociétés extrême-orientales (Chine, Corée, Japon) ont un grand souci des axes magiques qui structureraient les paysages et les profondeurs terrestres, ce que la géomancie permet de repérer pour localiser au mieux les constructions humaines. » (Yves Lacoste, 2003)

« Qui est considéré comme relevant du domaine divin et non de la décision humaine ; indo-eur. : sak, idée de réservé, protégé, donc séparé, à part (saint en vient aussi) ; syn. : tabou, qui comporte la même idée d’interdit, voire de répulsion : sacra auri fames est « l’ignoble faim de l’or ». Le sacré est de toutes les sociétés et sert à la régulation sociale. Il est obligatoirement et étymologiquement associé à une notion de sacrifice, réel ou symbolique, simulé (dans les temples). Il a notamment pour effet de spécifier et d’isoler certains lieux, naturels ou construits : les bois sacrés (luc), les montagnes, sommets, sources, et fontaines « sacrés » abondent, ainsi que les villes ou quartiers de villes.

Des espaces sont délimités et tabous, même si la limite n’est pas matérielle : le cercle infranchissable de Romulus, la corde en Grèce antique. Sagres, point de départ des grandes explorations portugaises, à la pointe même de l’Europe, est le « rocher sacré ». « Avant de créer la société, le mythe construit le territoire. Il répartit les hommes dans l’espace, crée les noms d’hommes… et d’un même mouvement les enchaîne à des lieux. Toute une géographie sacrée en découle » (J. Bonnemaison, La Dernière île). V. haut lieu.

La sacralisation des terres par certaines sociétés pose localement de difficiles problèmes, notamment pour leur mise en valeur par des sociétés étrangères, comme les forages pétroliers en des lieux que les Aborigènes d’Australie, les Indiens d’Amérique et d’autres, tiennent pour sacrés. » (R. Brunet, 2005)

Lacoste ne reprend pas la notion de séparation contenue dans le terme quoiqu’il mette plutôt en avant des axes du sacré expliquant l’organisation des sociétés et leur répartition à la surface du globe. Son confrère, au contraire, insiste sur le caractère discriminant du sacré, rappelant qu’il a pour synonyme le mot « tabou ». Plus encore que la simple séparation, c’est l’interdit généré par le sacré qui structurerait le monde. Là où Yves Lacoste fait intervenir l’idée de religion (la plupart des lieux ou des axes sacrés qu’il cite sont liés à des systèmes de croyance), Roger Brunet reste, lui, plus général en parlant de « divin ». Le sacré pourrait donc s’appliquer à divers domaines et non uniquement au domaine religieux. Il est en tout cas pour les deux auteurs et quelles que soient leurs divergences, une émanation essentielle des sociétés par laquelle elles peuvent délimiter et organiser leur territoire. Ainsi, si l’absence de l’entrée « sacré » ne surprend pas dans le Dictionnaire de la

géographie de Pierre George et Fernand Verger, centré principalement sur les termes de géographie

physique, elle est remarquablement absente dans le Dictionnaire de la géographie et de l’espace des

sociétés dirigé par Jacques Lévy et Michel Lussault. Il faut ici consulter l’article « religion » pour voir

mentionné (une seule fois) le terme « sacré ».

b) Se saisir du sacré par la religion : une entrée géographique pertinente

Cette primauté donnée à la religion au détriment du sacré dans l’ouvrage de J. Lévy et M. Lussault n’est pas anodine et nous dit malgré tout quelque chose du sacré. En effet, il est tacite ici que la religion est définie par rapport au sacré, montrant bien les implications réciproques entre les deux notions. La religion apparaît d’ailleurs en filigrane dans les définitions d’Y. Lacoste et de R. Brunet : Y. Lacoste prend l’exemple des églises et des mosquées, R. Brunet prend celui des cultes de l’Antiquité et des croyances aborigènes. A contrario de ce que propose H. Chamussy, plus que le sacré, c’est la religion qui a d’abord été privilégiée par les géographes comme objet d’étude. Le terme « religion » est d’ailleurs le seul qui figure unanimement dans tous les principaux dictionnaires de géographie. Y. Lacoste en résume bien l’intérêt géographique : les religions « apparaissent dans une grande mesure comme le fondement des grandes civilisations » (Lacoste, 2003 :329), ces mêmes civilisations qui structurent l’espace. Ce sont principalement les religions qu’étudient les géographes, c’est-à-dire des systèmes de croyances donnant lieu à des organisations particulières du territoire et non la religion, qu’ils peinent même à définir. Bien qu’Yves Lacoste souligne le caractère fondateur des religions, l’intérêt que leur porte la géographie est finalement très récent.

Ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale qu’un géographe s’intéresse à la religion comme objet d’étude. En 1948, Pierre Deffontaines publie Géographie et religions, un livre somme de 439 pages qui articule les religions avec les différents domaines étudiés en géographie. Sortant d’une géographie religieuse au service des croyances pratiquée jusqu’alors, Pierre Deffontaines inaugure,

en France, la géographie des religions c’est-à-dire une étude réalisée « avec une méthode scientifique, décrivant et quantifiant les phénomènes pour mieux les expliquer » (F. Venon, 2011 : 8). Ainsi, les cinq parties du livre présentent successivement « religion et géographie de l’habitation » (1), « religion et peuplement » (2), « religion et géographie de l’exploitation » (3), « religion et circulation » (4) et « religion et genres de vie » (5). Ce qui intéresse l’auteur, plus que d’aborder frontalement la religion en tant que telle, c’est l’étude des répercussions des faits religieux dans le paysage, d’où la volonté d’utiliser les « faits essentiels » de la géographie humaine dégagés par Jean Brunhes en 1910 en observant ce que la religion y apporte. Si la recherche de scientificité rapproche P. Deffontaines de Montesquieu, sa démonstration s’inscrit à rebours de la théorie des climats du marquis de la Brède14. La religion devient ici un facteur d’explication. L’idée de cet ouvrage est née du constat que le « facteur esprit est peu exploré en géographie » (P. Deffontaines, 1948) et l’auteur y définit la religion comme :

Le fait qu’il fasse intervenir dans sa définition la notion de surnaturel l’oppose à Emile Durkheim, un des fondateurs de la sociologie des religions, qui refuse sciemment d’en faire un critère de définition, jugeant que cela empêche de dissocier la religion de la magie. Au moment où P. Deffontaines écrit, géographie et sociologie sont deux disciplines bien distinctes. La définition donnée par le géographe est peut-être influencée par sa propre expérience des pratiques religieuses. Il appartient à un milieu catholique et a longtemps enseigné à l’université catholique de Lille dont il fut le fondateur de la chaire de géographie en 1924. E. Durkheim, pour sa part, vient d’une famille de religion juive, ne confessait aucune foi et attribuait à la religion une fonction d’attestation de l’ordre social, ce qui éclaire également son choix de définition. Sociologie des religions et géographie religieuse n’ont pas les mêmes fondations. Pierre Deffontaines ne dissocie pas ses convictions de son travail de chercheur mais il accepte de les passer au crible des méthodes scientifiques. Pour lui, « la géographie religieuse se trouve la géographie la plus spécifiquement humaine et représente ainsi comprise une indispensable section de la géographie humaine » (P. Deffontaines, 1948). En 1948, cette affirmation n’est pas rien. Elle sonne comme la volonté d’un tournant dans l’étude du territoire : celui qui consisterait à sortir d’une géographie descriptive et naturaliste où les

14 Montesquieu peut en quelque sorte être considéré comme un précurseur dans l’étude géographique des religions. A travers la théorie des climats, il explique que la prédominance de telle ou telle religion dans les différentes régions du monde est liée aux conditions climatiques et géographiques qui sont plus ou moins favorables à l’édiction de certaines lois religieuses et fait du climat un facteur explicatif de l’expansion de telle ou telle religion. Il ne se pose certes pas en géographe mais se sert de données géographiques pour expliquer la mise en place de lois civiles et religieuses (cf. P. Bourdieu, 1980).

« L’ensemble des actes des hommes par lesquels se témoignent et se manifestent leurs rapports et dépendances avec des puissances extra-terrestres ou plutôt supranaturelles »

phénomènes sont abordés du point de vue parfaitement neutre de l’observateur extérieur pour entrer dans une géographie se centrant sur les sociétés. Si l’auteur est convaincu que la géographie religieuse est « la plus spécifiquement humaine », c’est bien parce que le rapport au sacré est une caractéristique fondamentale de l’être humain et qu’il se répercute par conséquent sur la manière dont celui-ci occupe l’espace. Peut-être faut-il par exemple chercher, dans le fait que le sommet des montagnes soit inoccupé, quelque chose de plus qu’une seule contrainte topographique : le fait que dans de nombreux systèmes de croyance, le sommet des montagnes est la maison des divinités. Cela revient à ne plus seulement étudier les faits concrets mais bien les représentations que se font les sociétés de leur territoire.

Le titre de l’ouvrage annonce déjà une partie du programme du géographe : il s’agit d’étudier les liens entre géographie et religions et non pas de faire une géographie des religions. Pierre Deffontaines ne revendique pas non plus pour ses travaux une place dans le champ de la géographie culturelle pourtant en pleine expansion outre-Atlantique. Il se contente de livrer sa propre analyse d’un objet qui, visiblement, le passionne. Contrairement à Montesquieu, ce n’est pas la manière dont les faits géographiques influent sur les religions qui est ici étudiée mais la manière dont la religion oriente la construction du territoire. Objectif qui se ressent notamment à travers les illustrations choisies. Pour une étude géographique à l’échelle mondiale, les cartes sont paradoxalement peu nombreuses. Seules deux sont présentées, placées hors-texte et centrées sur la France. Elles permettent d’observer, pour l’une, les villes de pèlerinage et pour l’autre, les routes de Saint-Jacques-de-Compostelle. C’est bien un phénomène ayant une forte emprise territoriale (le pèlerinage) qui est ici cartographié, le but étant de montrer la structuration de l’espace qu’il induit. Les autres illustrations sont des planches de photographies ainsi qu’une planche de croquis montrant l’organisation spatiale des villes. Celles-ci permettent d’apprécier à l’échelle locale l’emprise qu’a la religion sur le territoire, les édifices religieux constituant généralement le centre, voire l’origine de l’établissement humain.

Pierre Deffontaines en vient alors à poser la question du déterminisme religieux. Les exemples sont bien connus : le choix de nombreux sites d’implantation humaine pour des raisons religieuses, l’importance donnée à la culture de la vigne dans le monde occidental ou encore le développement de la pêche au Moyen Âge (le poisson devant être consommé les jours « maigres »). L’ouvrage, en soulevant cette question du déterminisme, ouvre la voie à une prise en compte plus systématique des faits religieux dans les études géographiques. L’ampleur du travail accompli par P. Deffontaines a été saluée par la communauté géographique et a, dans une certaine mesure, rencontré quelque écho : les manuels scolaires n’ignorent plus totalement le fait religieux. Ainsi, le manuel Nathan de Seconde de 1961, rédigé par Marianne Ozouf et Philippe Pinchemel, consacrait un paragraphe aux « religions dans le monde » dans le chapitre portant sur « Composition et répartition de la

population humaine ». Ce paragraphe, largement fondé sur la manière classique de traiter la religion en géographie, est tout de même imprégné des travaux de P. Deffontaines. Si la religion est toujours envisagée essentiellement comme un facteur de différenciation entre les hommes, au même titre que leur « race » (sic) et leur langue, il est aussi admis et enseigné, comme s’est attaché à le démontrer P. Deffontaines, qu’elle influe sur l’aménagement du territoire par les sociétés. Un sous-paragraphe intitulé « Religion et géographie » le résume ainsi :

Ce sont bien ici les « faits essentiels » de la géographie qui sont mis en rapport avec un nouveau paramètre : la religion. Le fait de reconnaître que les comportements culturels ont un impact sur l’organisation de l’espace est un premier pas de distanciation vis-à-vis de la géographie classique pour laquelle le social ne pouvait être un facteur d’explication.

C’est également une première occasion de réfléchir à la nécessité de l’interdisciplinarité. En effet, dans son ouvrage, P. Deffontaines se heurte à la difficulté de savoir ce qui relève ou non du seul champ de la géographie. Un compte-rendu de son livre par Pierre Marthleot, publié dans les Annales

de Géographie en 1951 lance cette petite pique au géographe : « Il arrive, du reste, que les faits

rassemblés soient d’inégale importance ; parmi eux, beaucoup de rites curieux, que l’ethnologue recueille, collectionne, pour préparer de féconds rapprochements. Mais le géographe ? A-t-il forcément à y voir ? ». Lorsqu’il recense une multitude de pratiques religieuses ayant cours dans divers pays du monde, P. Deffontaines ne fait pas simplement œuvre de géographe mais également d’anthropologue et d’ethnologue. Mais est-il véritablement possible de comprendre les répercussions physiques d’un fait religieux sans d’abord s’attacher à mettre en évidence son caractère social ?

c) Le sacré, approprié et matérialisé par les religions

Que ce soit chez Pierre Deffontaines en 1948, dans le manuel destiné aux élèves de seconde en 1961 ou dans les dictionnaires de géographie d’aujourd’hui, le glissement est presque instantané de la religion aux religions particulières. Selon Roger Brunet (2005) :

« Les religions engendrent des comportements qui peuvent avoir des répercussions géographiques. Leur action se manifeste dans des domaines très variés : habitat, villes, démographie, agriculture, élevage, industrie, circulation, commerce… »

« Elles ont en tout cas une place éminente dans l’étude de la géographie du Monde, par leurs rivalités et leurs affrontements, qui vont jusqu’aux guerres ; par les nombreux objets rituels, les temples, au sens général du terme, qu’elles parsèment à la surface du globe, par les lieux qu’elles déclarent saints ou sacrés et les pèlerinages qui s’y font, par les biens mobiliers ou immobiliers dont elles disposent (…). »

Ainsi, le sacré, bien que notion universelle, est pourtant compartimenté : à chaque religion ses espaces sacrés. Deux des grandes religions monothéistes, le judaïsme et l’islam sont d’ailleurs structurées autour de lieux sacrés bien précis. En ce qui concerne le judaïsme, Le géographe Jean-Luc Piveteau (1995 : 240) le résume ainsi :

Cette citation, relevée par Marc Levatois dans son ouvrage L’Espace du sacré. Géographie

intérieure du culte catholique (2012), fait écho à ce que met en évidence H. Chamussy dans

l’Encyclopédie de la géographie : le sacré a bien un rôle matriciel dans l’espace. Cependant ce rôle ne se perçoit qu’à partir du moment où le sacré passe au filtre d’un système de croyances : c’est alors qu’il est cristallisé en certains lieux. L’islam, de ce point de vue, est peut-être la religion la plus « territorialisée ». Tout y découle du Coran, ce livre sacré donnant des indications qui doivent être suivies à la lettre par les croyants. Or, dans le Coran, un verset énonce : « Là sont des signes évidents, parmi lesquels l’endroit où Abraham s’est tenu debout ; et quiconque y entre est en sécurité. Et c’est un devoir envers Dieu pour les gens qui ont les moyens d’aller faire le pèlerinage de la Maison. Et quiconque ne croit pas… Dieu se passe largement des mondes » (Sourate 3, verset 97). Le pèlerinage à La Mecque, sanctuaire construit, selon la tradition musulmane, par Abraham et Ismaël, devient ainsi une obligation pour tout musulman et la cité de La Mecque se transforme de ce fait en centre du monde musulman, le monde entier ayant vocation à devenir Dar al-islam, c’est-à-dire « Terre d’islam ».

La religion catholique, qui est au centre de cette étude, laisse également une grande part au