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Des lieux devenus incontournables dans le discours touristique

Défense et illustration d’objets et de pratiques géographiques

3- Des lieux devenus incontournables dans le discours touristique

Ce caractère hybride du sanctuaire, à la fois haut-lieu religieux et haut-lieu politique, se retrouve dans les discours tenus sur le site. Etant donné l’importance historique du lieu, c’est tout naturellement qu’il a été intégré dans le discours touristique « classique » concernant le Mexique, qu’il soit destiné aux visiteurs nationaux ou internationaux. Une étude de l’offre touristique française concernant le Mexique permet de constater que sur les 68 séjours touristiques (hors séjours balnéaires à Cancún) proposés par 20 agences de voyage, 57 prévoient la visite du sanctuaire de Notre-Dame de Guadalupe (Chevrier, 2010). Certains séjours balnéaires comprenant un vol à l’arrivée ou au départ de Mexico proposent également la visite. Le discours de toutes ces agences est standardisé : le visiteur comprend qu’il s’agit du principal lieu de pèlerinage du Mexique et du continent américain. Dans les descriptifs les plus détaillés, le récit des apparitions est brièvement et approximativement rapporté. L’accent est mis sur les « incessants pèlerinages » ou encore sur « le pèlerinage constant auquel ont assisté pendant des siècles des paysans, des ouvriers, des employés, des familles de toute classe sociale pour vénérer la Vierge de la Guadeloupe » (site internet de

Promovacances)9. Beaucoup insistent sur les pratiques rituelles des pèlerins mexicains, notamment celle de parcourir une certaine distance à genoux jusqu’à la tilma. Le choix d’intégrer un lieu de pèlerinage dans l’offre touristique montre bien que ce sanctuaire n’est plus uniquement considéré comme un lieu de culte. Il ferait ainsi partie de ce qui fait l’essence de la culture mexicaine et serait un gage d’authenticité, valeur devenue clé dans l’offre touristique. Le Guide du Routard va même plus loin dans ce sens en affirmant aux visiteurs : « Vous côtoierez le Mexique profond, au milieu des danses préhispaniques, des processions et des messes qui sont célébrées en permanence durant toute la journée »10. En soi, des processions et des messes n’ont rien de bien exotique : il y en a dans toutes les paroisses du monde. Pourtant, elles sont élevées ici au rang de curiosité immanquable qui permettrait de saisir quelque chose de l’essence du peuple mexicain. Ce qui est banal et parfois méprisé en France devient, au Mexique, exceptionnel et essentiel, comme si le déplacement dans l’espace modifiait les perceptions et représentations des visiteurs. Est-ce lié au lieu ou aux pratiques

qui se déroulent dans ce lieu, ou simplement à la distance parcourue jusqu’au lieu ?

Le cas du sanctuaire de Notre-Dame de Guadalupe est exemplaire de celui d’un lieu de pèlerinage mis en tourisme. A tel point que l’étude de l’offre de pèlerinages organisés par certaines agences françaises ou certains diocèses montre que celle-ci présente de nombreuses similitudes avec les circuits touristiques précédemment cités (Chevrier, 2010). Le pèlerinage est, en Europe, une

9 Site internet de l’agence Promovacances, http://www.promovacances.com/circuit-mexique/les-incontournables-du-mexique-1132.html#fp-comprend, consulté le 23/09/2015

démarche de plus en plus commercialisée. La multiplication, depuis la seconde moitié du XXe siècle, des agences de pèlerinage, en est la preuve. Ce ne sont plus seulement les responsables religieux (services diocésains, prêtres de paroisses) qui se chargent d’organiser des pèlerinages mais aussi des entreprises privées. Cette diversification de l’offre existe aussi au Mexique : certaines compagnies de car proposent des pèlerinages, mais le phénomène est ici moins ancien et l’on note surtout des différences notables dans les programmes proposés. En effet, tandis que les compagnies de car mexicaines proposant des pèlerinages ne prévoient pas d’autre activité que la visite des sanctuaires et les offices (exactement comme le font les institutions religieuses proposant des pèlerinages), les agences de pèlerinage françaises proposent un circuit qui permettra au pèlerin de visiter le Mexique tout comme s’il partait en séjour touristique. La présence au sanctuaire de Guadalupe ne représente en fait qu’une toute petite partie du temps passé dans le pays. Dans le programme proposé au pèlerin se retrouvent souvent des conseils ou des propositions qui sont faites aux touristes « déguster la tequila », se baigner…). Dans les deux cas est prévue la visite des sites « incontournables » du Mexique. Bien sûr, dans le cas du pèlerinage, ce qui change est le discours tenu par le guide. Ainsi, tandis qu’une visite du site archéologique de Teotihuacan sera pour les touristes l’occasion de découvrir la civilisation aztèque, on attirera davantage l’attention des pèlerins sur la religion aztèque et la révolution qu’a été pour eux l’irruption du christianisme. Cette visite, a

priori sans rapport avec le pèlerinage, sera en fait l’occasion d’une catéchèse qui ramènera les

pèlerins à la figure de la Vierge de Guadalupe apparue justement à un Indien converti. La conception du pèlerinage n’est assurément pas identique en France et au Mexique.

Il va de soi que la grande distance parcourue par les pèlerins européens pour se rendre au sanctuaire de Guadalupe entre ligne de compte. Le pèlerinage entre dans une logique de rentabilité : quitte à traverser l’Atlantique, il serait dommage de repartir en n’ayant vu qu’un seul lieu, aussi sacré soit-il. Se rendre au sanctuaire est bien le but premier des visiteurs mais il n’est pas le seul. Il est fort probable qu’il en irait de même pour des pèlerins mexicains venant à Lourdes, par exemple mais, contrairement à la France, peu nombreuses sont les agences de pèlerinage au Mexique et peu nombreux sont les diocèses qui proposent des pèlerinages outre-Atlantique. Etant donné le niveau de vie de la population mexicaine, le coût de tels voyages est bien trop prohibitif. Néanmoins, durant mes deux séjours au Mexique dans le cadre de mon Master (2010, 2011), en interrogeant les différentes personnes rencontrées sur place, j’ai pu constater que les grands sanctuaires faisaient partie des sites que souhaiteraient visiter une partie des Mexicains s’ils avaient l’occasion de se rendre en Europe. Lourdes, notamment, fait partie des sites très souvent cités, et pas uniquement par curiosité : c’est un véritable désir de prier la Vierge de Lourdes qui suscite l’envie de se rendre au sanctuaire. Bien entendu, quelques conversations informelles ne sauraient tenir lieu de vérité générale mais il me paraît significatif que le sanctuaire de Lourdes soit présent dans l’imaginaire

collectif mexicain. Il est beaucoup plus rare qu’un Français évoque spontanément tel ou tel sanctuaire comme lieu dans lequel il rêverait de se rendre.

Il ressort de cela que si le sanctuaire de Guadalupe est considéré comme un lieu touristique, c’est essentiellement par les ressortissants étrangers venus découvrir le Mexique, ceux-ci étant principalement des occidentaux, originaires de pays où la sécularisation de la société est relativement avancée. Pour les Mexicains, le sanctuaire reste un lieu de pèlerinage : certains habitants des Etats les plus pauvres et les plus éloignés font parfois de grands sacrifices afin de pouvoir s’y rendre. C’est pour beaucoup la première fois qu’ils entrent dans la capitale fédérale et pourtant, une fois leur pèlerinage terminé, ils en repartent sans avoir rien vu d’autre que la colline du Tepeyac. Pour eux en effet, profiter de leur présence à Mexico pour faire du tourisme serait une trahison envers la Vierge qu’ils sont venus prier : pèlerinage et loisir ne peuvent pas être confondus.

Ces deux conceptions radicalement différentes du même acte de foi – le pèlerinage – posent concrètement la question de l’impact du phénomène de sécularisation de la société sur la pratique

de l’espace sacré et par conséquent sur cet espace lui-même.

4- Une étonnante diversité des pratiques spatiales

Ne connaissant des pèlerinages que ce que j’avais pu pratiquer moi-même ou ce que d’autres Français m’en avaient rapporté, mes deux séjours au Mexique ont d’abord été pour moi l’occasion de prendre conscience de la vision inconsciemment européo-centrée du monde dont le chercheur est porteur. Pour moi, le pèlerinage était partout identique à ce qu’on pouvait vivre à Lourdes ou à Pontmain : des démarches religieuses plus ou moins ritualisées dans l’espace du sanctuaire (passer à la grotte de Lourdes, assister à la Messe, brûler un cierge ou autres démarches spécifiques à l’histoire du lieu), associées à des moments de détente (promenades dans la ville ou le village, pause à la terrasse d’un café, excursion dans les environs pour visiter un ou deux autres sites, pas nécessairement religieux). Le tout ayant lieu, bien entendu, en période de congés.

La réalité que j’ai découverte au Mexique était toute différente et bien plus contrastée. L’élément le plus immédiatement marquant lorsqu’on passe les grilles du sanctuaire de Guadalupe est la très grande hétérogénéité des visiteurs. Hétérogénéité des origines géographiques, d’une part, puisque le sanctuaire de Guadalupe est un des lieux les plus visités du monde ; hétérogénéité sociale d’autre part. En effet, au cours de mes enquêtes, j’ai eu affaire à divers types de population : tant les plus défavorisés (un couple de Mexicains venu d’un Etat rural que j’ai voulu interroger n’a ainsi pas pu remplir le questionnaire car ils ne savaient ni lire, ni écrire) que les plus aisés. Tout le monde fréquente les sanctuaires : les plus pauvres comme les plus riches, et quelle que soit la classe sociale des visiteurs, tous partagent le même espace. Si ce mélange des populations vaut également pour les

sanctuaires européens, à Mexico, le très grand nombre de visiteurs et le va-et-vient ininterrompu des pèlerins permettent d’observer cette diversité avec plus d’acuité que dans beaucoup d’autres sanctuaires. D’autant plus que les écarts de richesse et de développement y sont encore plus importants qu’en Europe.

Ce qui paraît plus surprenant à des yeux européens habitués malgré tout à un certain conformisme, tant dans l’espace public que dans l’espace sacré, est la diversité des pratiques de l’espace qui se côtoient. Elles peuvent dans un premier temps être divisées entre deux catégories : celles des visiteurs qui parcourent l’espace et celles des visiteurs qui investissent l’espace. Certains visiteurs passent à travers le lieu, d’autres se l’approprient. Observer les pratiquants permet de distinguer une grande variété au sein même de ces deux catégories. Je me propose donc de partir, dans cette sous-partie, de l’étude de neuf photographies prises sur au sanctuaire de Guadalupe en 2010 et 2011. J’ai cependant fait le choix de placer ces photographies en annexe et non dans le corps de la thèse, pour qu’elles puissent être consultables en parallèle du texte, dans un plus grand format. Elles sont regroupées en annexe 1.

a) Les sanctuaires : des espaces parcourus

Individuellement

Parmi les images d’Epinal du visiteur de sanctuaires, on compte celle du pèlerin s’avançant vers le lieu saint à genoux, en prière. A Guadalupe, ceux-ci sont nombreux, comme en témoigne, en annexe 1, la photographie 1. Au premier plan, constituant le centre de cette photographie, on observe un couple de Mexicains se tenant par la main. L’homme avance à genoux sur l’esplanade, à découvert et en plein soleil, la tête baissée dans une attitude de pénitence ou de supplication. Son poing serré montre sa détermination. Il semble avoir les yeux fermés, signe d’abandon et d’humilité, s’en remettant à la femme qui le guide et totalement indifférent aux regards extérieurs. Rien n’indique depuis combien de temps il avance de la sorte. La femme qui l’accompagne le tient fermement par la main. Elle a la tête légèrement courbée et les yeux baissés mais il est difficile de savoir si elle regarde l’homme qui l’accompagne ou le sol. C’est toutefois plus probablement le sol qui est l’objet de son attention : elle s’assure que la voie est dégagée de tout obstacle pour son compagnon. Tous deux avancent à petits pas sans attention aucune pour les autres visiteurs ou pour le lieu lui-même. Le couple avance résolument, les yeux baissés, en direction de la Nouvelle Basilique de Guadalupe, où se trouve l’image miraculeuse de la Vierge. Il vient d’arriver de l’extérieur du sanctuaire. Le cas exposé par cette première photographie est celui d’un couple venu indépendamment de tout groupe et visiblement habitué aux lieux. Le but de la démarche est très certainement une demande ou une action de grâce (le fait de faire la démarche à genoux et les fleurs

apportées par la femme sont des marqueurs du motif de la visite). Pour ce couple, ce n’est pas tant le lieu en lui-même qui importe mais justement la façon de s’y rendre, le parcours jusqu’à ce qui est considéré comme le cœur du sanctuaire (l’image de la Vierge) est la seule chose qui importe vraiment. Ce type de pratique a un sens fort qui souligne la sacralité que revêt l’espace pour ce couple.

Cette démarche rituelle de mortification semble s’opposer radicalement à d’autres pratiques largement observées (annexe 1, photographie 2). Au premier plan de la photographie 2, un homme prend une photographie. Il porte un jean confortable, un léger pull rayé et des baskets. Son sac à dos en toile bien rempli et son sac banane, ainsi que son teint blanc permettent de déduire qu’il s’agit d’un touriste de passage au sanctuaire de Guadalupe. Il est probablement originaire d’Amérique du Nord ou d’Europe bien qu’aucun détail ne permette de l’affirmer avec certitude. Sa panoplie de visiteur (chaussures, sacs, appareil photographique sophistiqué) est composée d’objets de bonne facture et de marques, ce qui signifie que cette personne a très certainement un niveau de vie correct et appartient probablement au moins à la classe moyenne de son pays. Contrairement aux pèlerins de la photographie 1 qui se dirigent résolument vers la Nouvelle Basilique, le photographe lui tourne totalement le dos et photographie quelque chose qui soit est de grandes dimensions, soit se situe en hauteur. Etant donné son orientation, on peut penser qu’il photographie la colline du Tepeyac que l’on voit derrière l’Ancienne Basilique. Concentré sur ce qu’il photographie, il est indifférent à ce qui l’entoure. Il est impossible de savoir s’il compte se diriger ensuite vers un autre lieu du sanctuaire. Va-t-il aller voir ce qu’il vient d’immortaliser sur la photographie ou repartira-t-il du sanctuaire sans l’avoir vu de près ?

Questions soulevées par ces pratiques individuelles

o L’importance du contexte culturel et le rôle de la sécularisation

La comparaison de ces deux premières manières de parcourir l’espace confirme quelques points déjà mentionnés mais soulève surtout un certain nombre de questions : Le nombre de personnes présentes sur la première photographie alors qu’il s’agit pourtant d’un jour de semaine qui n’est marqué par aucune célébration particulière, ainsi que les trajectoires toutes différentes des visiteurs, montre que le sanctuaire de Guadalupe connaît un incessant va-et-vient. Rien que ce même jour, entre 10h56 et 11h03, j’ai pu compter, à la porte principale du sanctuaire, 149 entrées. Si probablement la totalité des visiteurs présents sur la photographie 1 sont des Mexicains, le photographe de la photographie 2 est un visiteur étranger. Il est équipé comme un touriste venu de loin (sac à dos de toile et sac banane) et qui a prévu de faire du chemin dans sa journée. Le sanctuaire est pour lui un lieu étranger dont il veut garder un souvenir (d’où l’appareil photo) ou

témoigner qu’il l’a visité. Il s’affirme ostensiblement comme touriste tandis que le couple de la photographie 1, en tenue de tous les jours et sans bagage particulier (sacs à dos, valises…), vient clairement dans le cadre d’une démarche de pèlerinage. Le sanctuaire semble pour eux faire partie des lieux du quotidien. Ce sont ici majoritairement les Mexicains et Latino-Américains qui viennent en pèlerinage et les étrangers (principalement d’Amérique du Nord et d’Europe occidentale) qui viennent en touristes. Ce clivage des pratiques correspond à place différente que tient la religion dans les sociétés correspondantes : le catholicisme imprègne encore largement la culture mexicaine et latino-américaine tandis que l’Amérique du Nord et l’Europe de l’Ouest sont beaucoup plus sécularisées. Peut-on identifier des catégories de représentations entre Mexicains et étrangers ? Croyants et non-croyants ? Cela revient à questionner le rôle de la proximité culturelle et physique

avec le lieu de pèlerinage dans la construction des représentations du lieu en question. Y aurait-il

une sécularisation progressive des sociétés ? Est-ce un processus qui touche nécessairement toutes les sociétés quoique de manière décalée, ou certaines sociétés résistent-elles à la sécularisation ? Les

pratiques observées dans les lieux de pèlerinage, traduisant le rapport au sacré, permettent-elles d’évaluer le degré de sécularisation d’une société ? La sécularisation des pratiques d’un lieu entraîne-t-elle la sécularisation du lieu ?

o La question de l’authenticité

L’homme au premier plan de la photographie 1 accomplit une pratique rituelle très caractéristique et très visible qui n’étonne absolument pas les autres visiteurs mexicains (qui ne semblent même pas s’en apercevoir). En revanche, cela ne se voit pas sur la photographie 1 telle qu’elle est prise mais bien souvent, lorsque des visiteurs étrangers croisent d’autres visiteurs accomplissant ce genre de pratiques rituelles, eux sont surpris et s’arrêtent pour regarder voire photographier ces pèlerins. De même à l’intérieur des églises. Le fait de voir des prêtres célébrer une messe ou un office ou de voir des fidèles absorbés dans leur prière est souvent requis par les visiteurs. Un sanctuaire sans fidèle, sans prêtre ou sans pratique rituelle pourrait-il être mis en tourisme ? Est-ce le lieu seul qui attire les visiteurs ou ne sont-ce pas aussi les pratiques rituelles

que ce lieu induit ? N’est-ce pas la pratique rituelle qui différencie les lieux de pèlerinage catholiques

vivants d’aujourd’hui et les sanctuaires grecs ou romains voire certains sanctuaires catholiques tombés dans l’oubli du fait que le saint qui y était vénéré est « passé de mode » ? La comparaison est très certainement osée mais cela évoque la différence entre un zoo et un musée de taxidermie. Cela va-t-il de pair avec la tendance actuelle à tout « mettre en scène » ? On peut penser à la reconstitution de villages gaulois ou médiévaux avec des personnes pratiquants les métiers de l’époque, costumés, etc. Les pratiques rituelles spontanées des pèlerins au sanctuaire de Guadalupe font en tout cas partie intégrante des éléments de description du sanctuaire qui sont donnés par la

plupart des guides touristiques concernant le lieu11. Ce type de pratiques rituelles ne s’observe que dans les lieux de pèlerinage : ce qui paraîtrait totalement décalé dans l’espace public profane paraît ici tout-à-fait normal voire banal, marquant un phénomène d’inversion. Ce qui est anormal dans l’espace public devient la norme dans l’espace sacré, tandis que ce que qui normal dans l’espace public devient anormal dans l’espace sacré. Ces nouveaux codes suivis non par des acteurs mais par visiteurs « ordinaires » seraient alors gages de l’authenticité du lieu, valeur phare des brochures touristiques.

o L’importance de la familiarité

Dans les deux cas traités, les visiteurs venus individuellement sont en quelque sorte livrés à eux-mêmes dans l’espace du sanctuaire. Ils choisissent librement les endroits où ils vont se rendre. A partir des observations réalisées pendant mes quelques mois de présence quotidienne au sanctuaire, j’ai pu synthétiser les itinéraires de ces visiteurs de la manière suivante (M.-H. Chevrier, 2010) :