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Les sûretés sur la monnaie garantissant les obligations de payer dans les systèmes de

Dans le document La monnaie comme objet de sûretés (Page 69-73)

financiers

74. Les transactions sur les marchés financiers s’effectuent en deux phases : une

phase de négociation correspondant à la conclusion de la transaction et une phase de compensation correspondant à l’exécution de la transaction. Dans la phase de négociation, l’investisseur (donneur d’ordres) transmet son ordre à un membre du marché qui recherche une contrepartie à cet ordre, rapproche ainsi offre et demande, et conclue la transaction avec un autre membre selon les règles établies par l’entreprise de marché gérant le marché concerné98 (« Euronext », par exemple). Dans la phase de compensation, la transaction est exécutée par la chambre de compensation 99 (« LCH Clearnet », par exemple) qui livre les titres ou règle les sommes dues auprès de ses adhérents, auxquels sont adossés les membres du marché ayant conclu la transaction, et qui, eux-mêmes, livrent les titres ou règlent les sommes dues auprès de l’investisseur100

.

La livraison des titres et le règlement des sommes dues interviennent donc dans la phase de compensation, c’est-à-dire d’exécution de la transaction. C’est dans cette phase de la transaction qu’il est recouru à des systèmes de règlement des sommes et de livraison des titres, qui sont couramment dénommés « systèmes de règlement-

lorsqu’il n’est pas le débiteur ainsi qu’au teneur de compte lorsque ce dernier n’est pas le créancier nanti ». Tout, dans le régime du nantissement de comptes-titres, suggère que le constituant reste propriétaire des titres et des sommes accessoirement inscrites sur le compte nanti jusqu’à la défaillance donnant lieu à la réalisation de la sûreté.

98

Une entreprise de marché est une entreprise commerciale dont l’activité principale est d’assurer le fonctionnement d’un marché financier. Cette société privée est dotée de pouvoirs importants ayant trait à des prérogatives de puissance publique. Il s’a git tout d’abord de pouvoirs généraux et impersonnels : l’entreprise de marché édicte et modifie les règles de négociation, sous le contrôle de l’Autorité des marchés financiers. Il s’agit ensuite de pouvoirs de décision à caratère individuel : c’est l’entreprise de marché qui décide d’admettre ou non un prestataire de services d’investissement en qualité de membre du marché et d’admettre ou non un titre aux négociations sur le marché qu’elle gère.

99

Une chambre de compensation est une entreprise commerciale qui doit nécessairement avoir été agréée comme établissement de crédit et fournir une garantie de bonne fin des opérations en cas de défaillance de l’un de ses adhérents. Cette entreprise a trois missions principales : enregistrer et surveiller les positions prises par les acteurs du marché, exiger des couvertures si nécessaire, et, le cas échéant, liquider d’office des positions. Comme l’entreprise de marché, elle est dotée de pouvoirs importants dont le caractère est à la fois général et individuel. Pour ce qui est de ses pouvoirs généraux et impersonnels, i ls consistent à édicter et modifier les règles de compensation, sous le contrôle de l’Autorité des marchés financiers. Pour ce qui est de ses pouvoirs de décision à caractère individuel, ils résident dans la possibilité qu’elle a d’une part d’admettre ou non u n prestataire de services d’investissement comme adhérent, et d’autre part, de liquider d’office les positions de l’adhérent.

100

Il est possible pour un prestataire de services d’investissement agissant comme intermédiaire de marché d’être à la fois membre de marché et adhérent à la chambre de compensation, dans quel cas il n’a pas besoin d’être adossé à un adhérent à la chambre de compensation. Lorsque ce n’est pas le cas, le membre de marché est tenu de conclure avec un adhérent à la chambre de compensation une convention, soumise à l’approbation de la chambre de compensation, qui prévoit que l’adhérent se substitue au membre de marché dans la phase de compensation des transactions.

livraison », et gérés par un dépositaire central (« Euroclear » en France) qui tient et mouvemente les comptes de titres, les comptes d’espèces étant quant à eux tenus et mouvementés par la Banque de France.

Au début des années 1980, il existait vingt trois filières de règleme nt-livraison. En 1986, la société interprofessionnelle pour la compensation des va leurs mobilières (SICOVAM) a créé un système de règlement-livraison unique pour les valeurs mobilières appelé « Relite ». En 1995, un accord intervenu entre la SICOVAM et la Banque de France a permis de créer un autre système de règlement -livraison à grande vitesse appelé « Relite Grande Vitesse » ou « RGV ». Un troisième système, « Relite plus », est venu s’ajouter en 1998 aux deux précédents. Et en 2001, un seul et unique système a été mis en place : « Relite Grande Vitesse 2 » ou « RGV2 », auquel la Banque de France participe comme agent de règlement.

75. Aux termes de l’article L. 330-1 du code monétaire et financier, « un système

de règlements interbancaires ou de règlement et de livraison d’instruments financiers s’entend d’une procédure nationale ou internationale organisant les relations entre trois participants au moins, sans compter le gestionnaire du système […] ni d’éventuels participants indirects […] permettant conformément à des règles communes et des procédures normalisées […] l’exécution à titre habituel, par compensation ou non, de paiements ainsi que, pour ce qui concerne les systèmes de règlement et de livraison d’instruments financiers, la livraison d’instruments financiers entre lesdits participants ».

Les participants au système « de règlement-livraison » sont les acteurs intervenant d’une façon générale sur les marchés financiers : établissements de crédit, entreprises d’investissement, institutions financières telles que la Banque de France ou la Caisse des dépôts et consignations, adhérents d’une chambre de compensation, dépositaires centraux.

Les systèmes « de règlement-livraison » doivent soit avoir été institués par une autorité publique, soit être régis par une convention type ou par une convention -cadre respectant les principaux généraux d’une convention-cadre de place101.

101

La directive 98/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 1998 conc ernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres fixe un certain nombre de règles en matière de gestio n des systèmes « de règlement-livraison ». Ces règles ont été reprises par Euroclear France et s’organisent autour de trois principes directeurs. Le premier exige que le règlement des sommes dues et les livraisons de titres interviennent de façon corrélative et simultanée, sans aucun décalage. Le second est que le règlement des sommes et la l ivraison des titres interviennent dans un délai bref de façon à ce que les transactions soient autant que possible exécutées en temps réel. Enfin, les règlements de sommes d ues et les livraisons de titres doivent être irrévocables, et notamment insusceptib les d’être remis en cause par une procédure

76. Or l’article L. 330-2 du code monétaire et financier dispose que les règles de

fonctionnement, la convention-cadre ou la convention type régissant un système « de règlement-livraison », « peuvent exiger des institutions participant, directement ou indirectement, à un tel système ou à un système lié par un accord d’interopérabilité, des garanties constituées […] ou l’affectation spéciale des valeurs, titres, effets, créances ou

sommes d’argent pour satisfaire aux obligations de paiement découlant de la

participation à un tel système ou à un système lié par un accord d’interopérabilité » (italiques ajoutées). Autrement dit, la constitution de sûretés sur la monnaie garantissant les obligations de payer imposées par la participation à un système de règlement-livraison est une faculté susceptible d’être érigée en obligation par les règles régissant un système de règlement-livraison.

77. Hormis le fait qu’elles fassent l’objet d’une « affectation spéciale », rien n’est

dit du régime d’affectation en garantie des sommes d’argent. La définition de ce régime est laissée aux « règles de fonctionnement, [à] la convention -cadre ou [à] la convention type [qui] précisent les modalités de constitution, d’affectation, de réalisation ou d’utilisation des biens ou droits constitués en garantie »102

. Il convient donc de se référer à ces textes pour savoir si les sûretés sur sommes d’argent garantissant les obligations de paiement dans les systèmes de règlement-livraison sont, ou non, translatives de propriété lors de leur constitution, et si elles doivent donc être analysées comme étant des gages, des nantissements, ou des cessions fiduciaires103.

78. Néanmoins, la loi détaille quelques éléments de régime en neutralisant les

règles des procédures collectives et des procédures civiles d’exécution ainsi que de toutes procédures judiciaires ou amiables équivalentes régies par des ordres juridiques étrangers. Ainsi, « aucun créancier d’une institution participant, directement ou indirectement, à un tel système, ou selon le cas, du tiers qui a constitué les garanties dans le système, du gestionnaire du système lui-même, ou du gestionnaire d’un système

collective affectant un membre de marché, un adhérent ou un donneur d’ordres. Si un adhérent à la chambre de compensation est dans l’incapacité de livrer les titres ou de régler les sommes dues, sa position est m ise « en suspens » et susceptible d’être liquidée par la chambre de compensation qui procèdera elle -même à livraison de titres ou au règlement des sommes dues, en infligeant le cas échéant une amende à l’adhérent défaillant.

102

Article L. 330-2, II, du code monétaire et financier.

103 Lorsque les instruments financiers, effets, créances, ou sommes d’argent remis ou constitués en garantie pour satisfaire aux

obligations de paiement découlant de la participation au système de règlement -livraison sont émis sur le fondement d’un droit étranger et qu’ils sont inscrits dans un registre, sur un compte, auprès d’un dépositaire central ou d’un système de dépôt centralisé, qui sont régis par un droit étranger, l’article L. 330-2, IV, du code monétaire et financier prévoit alors que « les droits du bénéficiaire de ladite garantie, ou celui de tout mandataire, agent ou tiers agissant pour leur compte sont déterminés par la loi applicable au lieu de ladite inscription ».

lié par un accord d’interopérabilité, ne peut se prévaloir d’un droit quelconque su r ces garanties », même sur le fondement du droit des procédures collectives ou du droit des procédures civiles d’exécution104

.

79. Nature du droit du gestionnaire d’un système de « règlement-livraison » sur les sommes d’argent affectées en garantie dans le cadre d’un tel système : pleine propriété ou autre droit réel ? – Selon M. Hannes Westendorf, les sûretés garantissant

les obligations de payer dans les systèmes de paiement, de règlement et de livraison d’instruments financiers sont des « remises en pleine propriété à titre de garantie de valeurs, titres, effets, créances ou sommes d’argent » (italiques ajoutées)105

.

79-1. Rien n’est moins sûr, car, dans son ancienne rédaction, l’article L. 330 -2 du

code monétaire et financier parlait de « remises de valeurs, titres, effets, créances ou sommes d’argent » et prenait soin de préciser que ces remises étaient « effectuées en

pleine propriété, à titre de garantie » et qu’elles étaient « opposables aux tiers sans

formalités ». Or ce n’est sans doute pas un hasard si la réécriture de cette disposition du code monétaire et financier a conduit à substituer à la qualification claire de « remises effectuées en pleine propriété », celle, beaucoup plus floue, d’« affectation spéciale ».

Le caractère « spécial » de cette affectation peut notamment s’entendre de l’inscription des valeurs, titres, effets, créances ou sommes d’argent sur un compte spécial destiné à isoler ces actifs et à les individualiser de façon à ce que le constituant de la garantie ne soit pas considéré comme ayant perdu le droit de propriété qu’il a sur eux.

79-2. Au surplus, en raisonnant par analogie, on peut d’autant plus légitimement

douter du caractère translatif de propriété de « l’affectation spéciale » de sommes d’argent en garantie des obligations de payer imposées par la participation à un système de règlement-livraison, que les juges du droit ont estimé, dans une célèbre affaire « Tuffier », qu’en dehors de toute fonction de garantie, la remise de valeurs mobilières par un donneur d’ordres à un intermédiaire habilité, en vue de la conclusion d’une transaction, n’opérait pas transfert de la propriété desdites valeurs mobilières106

. Ce qui

104

Article L. 330-2, III, du code monétaire et financier.

105 H. Westendorf, « Les sûretés ayant pour objet des sommes d’argent », Annales du droit luxembourgeois, vol. 13, 2003,

éd. Bruylant, Bruxelles, 2004, p. 460.

106

Cass. crim. 30 mai 1996 (Bull. crim. n° 224 ; Revue des Sociétés 1996, p. 806, note B. Bouloc ; RTD civ. 1998, p. 137, note F. Zenati-Castaing ; Banque et droit, 1996, n° 48, p. 30, note F. Peltier et H. de Vauplane ; Bull. Joly Bourse 1996, p. 597, note P. Le Cannu). Il s’agissait d’une société de bourse qui avait été mise en redressement jud iciaire et dont les dirigeants étaient poursuivis sur le terrain pénal pour avoir détourné des titres qui leur avaient été remis par des investisseurs (donneurs d’o rdres) et pour s’être ainsi rendus coupables du délit d’abus de confiance. Les dirigeants so utinrent que le contrat en vertu duquel les titres leur avaient été remis était un contrat de dépôt irrégulier, qu’ils avaient donc acquis la propriété des titres en rai son de leur confusion dans leur patrimoine et que les actes de disposition qu’ils avaient effectués sur ces titres ne pouvaient donc leur être

vaut pour la remise de valeurs mobilières, devrait, en toute logique, valoir pour d’autres biens fongibles (tels que les sommes d’argent), que la remise ait ou non une fonction de garantie.

Dans le document La monnaie comme objet de sûretés (Page 69-73)