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En droit pénal

Dans le document La monnaie comme objet de sûretés (Page 34-37)

24. « Cautionnements » en droit de la presse. – En matière pénale, les remises

de sommes d’argent à titre de garantie sont utilisées depuis les temps les plus anciens, notamment pour garantir la bonne exécution par le condamné ou le prévenu des décisions de justice ou des mesures prononcées à son encontre.

Ainsi, jusqu’à la fin du XIXe siècle, des dispositions législatives ont imposé aux journaux et écrits périodiques qui étaient condamnés à des peines d’amendes et à des dommages-intérêts, de verser au Trésor public une somme d’argent qualifiée de « cautionnement » et destinée à garantir la bonne exécution des décisions de condamnation. Cette obligation, prévue par les lois des 9 juin 1819, 16 juillet 1850, 17 février 1852, et 6 juillet 1871, fut supprimée par l’article 5 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui a substitué au régime d’autorisation un régime de déclaration et qui prévoit que « tout journal ou écrit périodique peut être publié, sans autorisation préalable et sans dépôt de cautionnement ».

33 Article 314-1 du code pénal.

34 Article 544 du code civil : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu

qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».

35 Le professeur Pierre Crocq lui-même reconnaît que « le « cautionnement » réglementé par ces textes se situe à la limite du

domaine d’application des propriétés-garanties » (Propriété et garantie, LGDJ, 1995, Bibl. dr. priv., t. 248, préf. M. Gobert, p. 34, note n° 8).

25. « Cautionnements » dans le cadre d’un contrôle judiciaire. – Si le

« cautionnement » en droit de la presse n’est plus, le « cautionnement » prévu en matière de contrôle judiciaire reste bien en vigueur. L’article 138 du code de procédure pénale prévoit en son premier alinéa que « le contrôle judiciaire peut être ordonné par le juge d’instruction ou par le juge des libertés et de la détention si la personne mise en examen encourt une peine d’emprisonnement correctionnel ou une peine plus grave ». Le deuxième alinéa du même texte dispose que « ce contrôle astreint la personne concernée à se soumettre, selon la décision du juge d’instruction ou du juge des libertés et de la détention, à une ou plusieurs obligations », parmi lesquelles « 11° fournir un cautionnement dont le montant et les délais de versement, en une ou plusieurs fois, sont fixés par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention, compte tenu notamment des ressources et des charges de la personne mise en examen »36. Autrement dit, la procédure pénale aujourd’hui en vigueur prévoit encore la remise d’une somme d’argent aux autorités judiciaires, en garantie de la bonne exécution par la personne mise en examen des obligations mises à sa charge dans le cadre du contrôle judiciaire37.

Les articles 142 à 142-3 du code de procédure pénale détaillent le régime de cette sûreté sur la monnaie improprement qualifiée de « cautionnement ».

L’article 142 énonce ce qui est garanti par la remise de sommes d’argent. Il s’agit :

36 Le même dispositif est applicable aux personnes morales. L’article 706 -45 du code de procédure pénale dispose en effet que

« le juge d’instruction peut placer la personne morale sous contrôle judiciaire […] en la soumettant à une ou plusieurs des obligations » qu’il énumère. Parmi ces obligations figure le « dépôt d’un cautionnement dont le montant et les délais de versement, en une ou plusieurs fois, sont fixés par le juge d’instruction » (1°). On notera qu’outre cette sûreté sur la monnaie, le juge d’instruction peut également exiger la « constitution, dans un délai, pour une période et un montant [qu’il détermine], des sûretés personnelles ou réelles destinées à garantir les droits de la victime » (2°).

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La constitution d’une sûreté sur sommes d’argent, qualifiée tantôt de « cautionnement », tantôt de « consignation », peut également être exigée des parties civiles lors de leu r dépôt de plainte. L’article 88 du code de procédure pénale prévoit en effet que « le juge d’instruction constate, par ordonnance, le dépôt de la plainte », qu’« en fonction des ressources de la partie civile, il fixe le montant de la consignation que celle-ci doit, si elle n’a obtenu l’aide juridictionnelle, déposer au greffe et le délai dans lequel elle devra être faite sous peine de non-recevabilité de la plainte », et qu’« il peut dispenser de consignation la partie civile ». Cette consignation est destinée à garantir le paiement de l’amende civile, de 15 000 euros maximum, qui est susceptible d’être infligée à la partie civile lorsque l’information ouverte sur le fondement de sa plainte aboutit à un non -lieu et que le juge d’instruction, sur réquisitions du procureur de la République et par décision motivée, considère que la constitution de partie civile a été abusive ou dilatoire (article 177-2 du code de procédure pénale). Au sujet de cette « consignation », la Cour européenne des droits de l’Homme a jugé qu’elle ne pouvait être excessive, sous peine de priver les parties civiles en question du droit d’accès à un tribunal qui est garanti par l’article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Ainsi, dans l’affaire Aït Mouhoub contre France, la Cour de Strasbourg a jugé, le 28 octobre 1998, qu’était excessif le « cautionnement » de 160 000 francs demandé à une partie civile qui n’avait pas obtenu l’aide juridictionnelle et dont les revenus étaient estimés à zéro franc, d’autant que le défaut de versement de cette somme d’argent auprès du doyen des juges d’instruction était sanctionné par l’irrecevabilité de la plainte avec constitution de partie civile. Il s’agissait en l’espèce d’un obstacle matériel à l’exercice effectif du droit au juge.

- de la représentation de la personne mise en examen, du prévenu ou de l’accusé à tous les actes de la procédure, pour l’exécution du jugement et pour l’exécution des obligations qui sont susceptibles de lui avoir été imposées ;

- de la réparation des dommages causés par l’infraction, les éventuelles restitutions et le paiement de la dette alimentaire si le défaut de paiement de cette dette a motivé les poursuites ;

- du paiement des amendes ;

- de la garantie des droits des victimes qui, lorsque ces dernières ne sont pas encore identifiées ou qu’elles ne se sont pas encore constituées parties civiles, peut prendre la forme d’un versement à un bénéficiaire provisoire agissant pour le compte de ces victimes et, le cas échéant, au Trésor public.

26. Nature du droit des victimes et de l’État sur les « cautionnements » : propriété pleine et entière ou autre droit réel ? – L’article 142-1 prévoit que les

sommes d’argent remises à titre de garantie par la personne mise en examen peuvent être versées par provision aux victimes ou aux créanciers d’une dette alimentaire.

De prime abord, cette dernière disposition incline à penser que les sommes d’argent remises à titre de garantie ont été cédées en pleine propriét é puisqu’elles peuvent être versées par provision aux bénéficiaires alors que le constituant n’a pas encore fait l’objet d’une condamnation définitive passée en force de chose jugée.

27. Mais les articles 142-2 et 142-3 du code de procédure pénale, qui décrivent les

modalités de restitution au constituant des sommes d’argent par lui versées à titre de garantie, incitent à penser qu’au contraire, il n’y a dans le régime de cette sûreté sur la monnaie aucun transfert de propriété.

27-1. L’article 142-2 prévoit que la partie des sommes d’argent affectées à la

garantie de la représentation de la personne mise en examen, de l’exécution du jugement, et, le cas échéant, de l’exécution d’obligations mises à sa charge, est restituée si la personne mise en examen a satisfait aux obligations du contrôle judiciaire et s’est soumise à l’exécution du jugement ou si elle a fait l’objet d’une décision de non-lieu, de relaxe, d’acquittement ou d’exemption de peine. Ce n’est qu’en cas de défaut de représentation aux actes de la procédure, d’inexécution des obligations du contrôle judiciaire ou d’inexécution du jugement, que les sommes d’argent remises à titre de garantie sont « acquise[s] à l’État ». Autrement dit, jusqu’à la survenance d’un des trois événements précités, le constituant (personne mise en examen, prévenu ou accusé) est

réputé être resté propriétaire des sommes d’argent qu’il a remises à titre de garantie. La propriété de ces sommes n’est pas transférée aux autorités publiques lors de leur remise, c’est-à-dire lors de la constitution de la garantie, mais uniquement en cas de défaillance du constituant soit en amont du jugement (lors de la procédure), soit en aval du jugement (lors de son exécution).

27-2. L’article 142-3 prévoit quant à lui que la partie des sommes d’argent affectées

à la garantie des droits des victimes ou des créanciers d’une dette alimentaire est restituée au constituant en cas de non-lieu, d’absolution ou d’acquittement. Ce n’est qu’en cas de condamnation que le constituant en perd la propriété et que les sommes d’argent sont affectées au paiement des restitutions, des dommages causés par l’infraction, des éventuelles dettes alimentaires, et des amendes. Là encore, la propriété des sommes d’argent formant le « cautionnement » n’est pas transférée aux autorités publiques et aux éventuels bénéficiaires (victimes ou créanciers) lors de la constitution de la garantie mais seulement lors de l’exécution du jugement de condamnation.

28. Tout indique donc qu’en droit pénal, la remise de sommes d’argen t à titre de

garantie connue depuis 1808 sous le nom de « cautionnement »38 prend la forme d’un gage ou d’un nantissement, exclusif de tout transfert de propriété lors de sa constitution, et non celle d’une propriété-sûreté qui emporterait transfert d’une propriété pleine et entière.

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