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DE LA NATURE INCORPORELLE DE LA MONNAIE

Dans le document La monnaie comme objet de sûretés (Page 112-117)

116. Renouvellement du débat sur la nature corporelle ou incorporelle de la monnaie à la suite de la réforme du droit des sûretés de 2006. – C’est un vieux et

vaste débat doctrinal que de savoir si la monnaie est un bien corporel et/ou incorporel. Mais ce débat est loin d’être dépourvu d’intérêt et d’actualité, en particulier depuis la réforme du droit des sûretés opérée par l’ordonnance n°2006-346 du 23 mars 20061

, et depuis l’introduction dans notre droit de la fiducie-sûreté2

qui peut notamment porter sur des sommes d’argent, comme le suggère implicitement l’article 2372-3, alinéa 3, du code civil.

En effet, en redéfinissant les notions de « gage » et de « nantissement », et en réservant la première aux seuls meubles corporels3, et la seconde aux seuls meubles incorporels4, l’ordonnance du 23 mars 2006 a reposé avec acuité la question de savoir si la monnaie est un bien exclusivement corporel, ou tantôt corporel (sous sa forme fiduciaire : pièces, billets de banque5), tantôt incorporel (sous sa forme scripturale : comptes bancaires soit courants et non bloqués, soit spéciaux et bloqués), ou encore exclusivement incorporel6.

117. Utilité de la détermination de la nature de la monnaie. – Dans la mesure

où les sûretés sur la monnaie sont « d’usage commun », leur qualification et la définition de leur régime « appelle[nt], par conséquent, une urgente détermination »7. En effet, ce régime peut aujourd’hui être considéré comme étant ou bien celui de la fiducie-sûreté (avec transfert de propriété dès la constitution de la sûreté), ou bien celui du gage, ou

1 D. R. Martin, « Du gage-espèces », D. 2007, pp. 2556 et s. 2

Loi n° 2007-211 du 19 février 2007 instituant la fiducie, complétée par l’ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009 portant diverses mesures relatives à la fiducie, et par la loi n° 2009 -526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures.

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Code civil, livre IV, chapitre II : « Du gage de meubles corporels », article 2333, alinéa 1er : « Le gage est une convention par laquelle le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers sur un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers corporels, présents ou futurs » (italiques ajoutées).

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Code civil, livre IV, chapitre III : « Du nantissement de meubles incorporels », article 2355, alinéa 1er : « Le nantissement est l’affectation en garantie d’une obligation, d’un bien meuble incorporel ou d’un ensemble de biens meubles incorporels, présents ou futurs » (italiques ajoutées).

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Contrairement à une idée très répandue, la monnaie fiduciaire s’entend non seulement de la monnaie -papier, mais aussi de la monnaie métallique. Voir : G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 9e éd., 2011, pp.662-663 : la monnaie fiduciaire y est définie comme le « moyen de paiement constitué par des billets de banque ou des pièces métalliques ».

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D. R. Martin, « Du gage-espèces », D. 2007, pp. 2556 et s : « le nouveau droit des sûretés mobilières a l’avantage de poser, comme jamais, la question d’une prétendue différence de nature de la monnaie selon qu’on la considère dans sa forme fiduciair e ou scripturale. Alors que, dans le premier cas, chacun lui reconnaît un e nature corporelle […], on tient généralement pour “ improbable ” qu’on puisse y voir jamais, dans le second, une “ chose corporelle ”. »

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bien celui du nantissement. Si on considère que la monnaie fiduciaire est un bien corporel, les sûretés sur monnaie fiduciaire peuvent être soumises, depuis 2006, au régime du gage, et, depuis 2009, à celui de la fiducie-sûreté. Au sein du régime du gage, si les sommes d’argent formant l’assiette de la sûreté ne sont pas individualisées, faute d’obligation mise à la charge du créancier de les tenir « séparées des choses de même nature qui lui appartiennent »8, la remise de monnaie fiduciaire par le constituant emporte transfert de propriété au profit du créancier gagiste dès la constitution de la sûreté. Si on considère que la monnaie scripturale est un bien incorporel, alors, outre celle de la fiducie-sûreté, s’offre l’option suivante :

- soit elle est un bien incorporel autre qu’une créance – dans quel cas l’ordonnance de 2006 a supprimé une bonne partie des problèmes en appliquant au nantissement de biens incorporels autres que des créances le régime du gage, par renvoi de l’article 2355, alinéa 5, du code civil9, et en aménageant notamment la possibilité d’un transfert de propriété ab initio lorsque la sûreté est constituée de sommes inscrites en compte et non individualisées au sein du patrimoine du créancier ;

- soit elle est un bien incorporel constitutif d’une créance – dans quel cas l’ordonnance de 2006 a prévu un régime propre sans transfert de la propriété du bien nanti lors de la constitution de la sûreté.

La remise de monnaie scripturale au créancier peut donc, selon qu’elle est considérée (ou non) comme étant une créance, emporter (ou non) transfert de propriété lors de la constitution de la sûreté.

118. Qui plus est, au stade du transfert de propriété lors de la réalisation de la

sûreté, alors que le créancier gagiste tenu de maintenir la monnaie fiduciaire qu’il a reçue en gage séparée « des choses de même nature qui lui appartiennent » (article 2344, alinéa 1er, du code civil) devra, pour se l’approprier, soit « faire ordonner en justice que le bien lui demeurera en paiement » (article 2347 du code civil), soit conclure un pacte commissoire10, le créancier nanti pourra, si l’on en croit l’article 2364, alinéa 1er, du code civil, procéder directement à l’imputation des « sommes payées au titre de la

8 Article 2344, alinéa 1er, du code civil. 9

Article 2355, alinéa 5, du code civil : « celui [le nantissement conventionnel] qui porte sur d’autres meubles incorporels [que des créances] est soumis, à défaut de dispositions spéciales, aux règles prévues pour le gage de meubles corporels ».

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Sans toutefois procéder à l’évaluation à dire d’expert prévue par l’article 2348 du code civil – qui n’aurait aucun sens pour la monnaie dont la liquidité est « congénitale », comme l’écrit le doyen Jean Carbonnier (Droit civil, vol. II, Les biens, les

créance nantie » sur la créance garantie, lorsque celle-ci est échue11. Autrement dit, lorsque créance garantie et créance nantie sont échues, l’article 2364, alinéa 1er

, du code civil inscrit dans tout nantissement de créance un pacte commissoire « légal »… et limite l’utilité du pacte commissoire « conventionnel » de l’article 2365, alinéa 1er

, du code civil au seul cas où la créance garantie est échue et que la créance nantie ne l’est pas.

119. Prétendre déterminer la nature corporelle ou incorporelle de la monnaie,

c’est donc moins évoluer dans un paradis des concepts que tenter de répondre à des questions techniques très concrètes12. Or il nous semble que la distinction de deux régimes de sûretés selon la nature corporelle ou incorporelle du bien affecté en garantie invite à remettre en cause la summa divisio jusque là communément admise en doctrine selon laquelle un même bien (la monnaie) peut être tantôt corporel (si elle se présente sous forme de billets de banque et de pièces métalliques), tantôt incorporel (si elle se présente sous forme d’écritures comptables)13

. Une telle summa divisio ressortit à ces aberrations surannées14 du droit civil français qui, par exemple, vont conduire à considérer que les pigeons qui sont dans les colombiers sont des immeubles (par destination)15, tandis que ceux qui évoluent en liberté sont des meubles – encore que, dans cet exemple, les pigeons peuvent s’estimer heureux de conserver un corps qu’ils soient, ou non, en liberté. La monnaie que nous utilisons chaque jour n’a pas autant de

11 Article 2364, alinéa 1er, du code civil : « les sommes payées au titre de la créance nantie s’imputent sur la créance garantie

lorsqu’elle est échue ». Mais on peut se demander si une telle disposition n’entre pas en contradiction avec celles de l’alinéa 1er

de l’article 2365 du code civil, qui dispose qu’« en cas de défaillance de son débiteur, le créancier nanti peut se faire attribuer, par le juge ou dans les conditions prévues par la convention, la créance donnée en nantissement ainsi que tous les droits qui s’y attachent ». Si l’on applique l’article 2365, alinéa 1er, du code civil, le créancier bénéficiaire d’une sûreté sur monnaie scripturale

est dans la même situation que le créancier bénéficiaire d’une sûreté sur monnaie fiduciaire « individualisée », c’est-à-dire non confondue avec la monnaie fiduciaire présente dans son patrimoine. Si l’on applique l’article 2364 , alinéa 1er, du code civil, le

premier (qui n’a besoin ni d’attribution judiciaire ni de pacte commissoire) est dans une situation différe nte du second (qui doit recourir soit à l’attribution judiciaire soit au pacte commissoire).

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R. Libchaber, « Gage sur sommes d’argent », étude 269, Droit des sûretés, coll. Lamy Droit civil, 2002 : « Quoiqu’il vise cette abstraction que sont les unités monétaires, le gage s’établira donc tantôt sur des biens corporels, billets de banque et plus rarement pièces de monnaie, tantôt sur des biens incorporels – les unités monétaires scripturales. Le gage de sommes d’argent est donc par nature à cheval sur la coupure entre les biens corporels et les biens incorporels, dont on sait qu’elle est très loin d’être indifférente au régime de la sûreté ».

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Cette summa divisio est bien résumée par N. Catala, dans sa thèse intitulée La nature juridique du payement, Bibl. dr. priv., t. 25, LGDJ, 1961, préf. J. Carbonnier, p. 149 : « lorsqu’elle [la monnaie] est représentée dans le patrimoine par des instruments

monétaires traditionnels, pièces ou billets, celui qui les détient exerce à leur égard son droit de propriété co mme il le ferait à

l’égard d’un bien corporel et fongible. Mais les unités monétaires idéales ne revêtent pas toujours une forme tangible. Elles peuvent n’avoir qu’une existence immatérielle. Le droit du propriétaire s’exerce alors d’une façon beaucoup plu s abstraite. Tant qu’elle n’est pas utilisée, cette monnaie scripturale n’est matérialisée que par les écritures d’une banque ou de l’administration postale. C’est seulement pour être aliénée qu’elle s’incarne en signe tangible, chèque ou ordre de virement . Mais ce signe ne constitue pas une monnaie absolue : il ne vaut pas par lui-même, mais par la créance qu’il représente ».

14 Aberration qui suscite la perplexité du professeur R. Libchaber : « les auteurs se satisfont de la disparité juridique d’objets

dont l’usage est similaire » (Recherches sur la monnaie en droit privé, Bibl. dr. priv., t. 225, LGDJ, 1992, préf. P. Mayer, p. 70), et la véhémence du professeur D.R. Martin : « de là qu’une même chose – l’argent – sans changer de nature, ne serait pas éga le à elle-même dans l’une ou l’autre de ses modalités de représentation ! Faudra-t-il subir longtemps encore une telle incongruité qui confine à l’incohérence ? » (D.R. Martin, « Du gage-espèces », D. 2007, pp. 2556 et s.).

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chance. Mais c’est surtout aux créanciers bénéficiaires de sûretés sur de la monnaie que ces incertitudes conceptuelles peuvent nuire : devra-t-il suivre le régime du gage, celui du nantissement ou celui de la fiducie-sûreté pour garantir sa créance ? Y aura-t-il transfert de la propriété des sommes inscrites en compte dès la constitution de la sûreté ou seulement lors de sa réalisation ?

120. Aussi est-ce la raison pour laquelle il nous a paru nécessaire, avant

d’entamer une étude plus approfondie des sûretés sur sommes d’argent, de réfléchir à la nature de l’objet de ces sûretés, et, par conséquent, de déterminer si la monnaie est un bien corporel ou incorporel – toute solution mixte devant, selon nous, être exclue. Une telle étude s’impose d’autant plus que la monnaie est, pour reprendre la formule du professeur Libchaber, « l’inconnue du droit »16. En effet, le code civil ne donne aucune réponse à la question. La monnaie y apparaît rarement – si ce n’est sous les appellations d’« argent », aux articles 132617

, 189518 et 190519 ; d’« argent comptant », aux articles 53320, 53621 et 147122 ; ou encore de « deniers », à l’article 2374, 1°, 2° et 5°. On trouve également les formules lapidaires de « somme »23 ou de « somme monnayée »24. L’article 1905 ne fait rien d’autre que de classer implicitement l’« argent » parmi les meubles. L’article 533, non sans contradiction avec la précédente disposition, exclut qu e l’on entende par « meuble », l’« argent comptant » (autrement dit la monnaie fiduciaire) qu’il range au demeurant avec les « dettes actives » (c’est-à-dire des biens incorporels constitutifs de créances). De même, l’article 1471 distingue les « meubles » de l’ « argent comptant ». L’article 536, sur lequel on sera appelé à revenir, semble également ranger l’« argent comptant » avec les « dettes actives » et « autres droits »

16 R. Libchaber, Recherches sur la monnaie en droit privé, op. cit., pp. 1 et 2 : « le droit bavarde autour de la monnaie sans

jamais la saisir ».

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Article 1326 du code civil : « l’acte juridique par lequel une seule partie s’engage envers une aut re à lui payer une somme

d’argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet

engagement ainsi que la mention écrite par lui-même de la somme ou de la quantité en tout es lettres et en chiffres » (italiques ajoutées).

18

L’article 1895 du code civil est relatif au prêt de consommation et dispose que « l’obligation qui résulte d’un prêt en argent n’est toujours que de la somme numérique énoncée au contrat » (italiques ajoutées).

19

L’article 1905 du code civil est relatif au prêt à intérêts et dispose qu’« il est permis de stipuler des intérêts pour un simple prêt soit d’argent, soit de denrées, ou autres choses mobilières » (italiques ajoutées).

20 Article 533 du code civil : « Le mot meuble, employé seul dans les dispositions de la loi ou de l’homme, sans autre addition ni

désignation, ne comprend pas l’argent comptant, les pierreries, les dettes actives, les livres, les médailles, les instruments des sciences, des arts et métiers, le linge de corps, les chevaux, équipages, armes, grains, vins, foins et autres denrées ; il ne comprend pas aussi ce qui fait l’objet d’un commerce » (italiques ajoutées).

21

Article 536 du code civil : « La vente ou le don d’une maison, avec tout ce qui s’y trouve, ne comprend pas l’argent comptant, ni les dettes actives et autres droits dont les titres peuvent être déposés dans la maison ; tous les autres effets mobiliers y sont compris ».

22

Article 1471 du code civil : « Les prélèvements s’exercent d’abord sur l’argent comptant, ensuite sur les meubles, et subsidiairement sur les immeubles de la communauté » etc.

23

Articles 1153 et 1469 du code civil.

24

Article 1932 du code civil qui dispose, au sujet du contrat de dépôt, que « le dépôt des sommes monnayées doit être rendu dans les mêmes espèces qu’il a été fait » (italiques ajoutées).

(c’est-à-dire des biens incorporels). L’article 2374, relatif aux privilèges immobiliers spéciaux, évoque à plusieurs reprises le « prêteur de deniers », les « deniers » fournis pour l’acquisition d’un immeuble, et « ceux qui ont prêté les deniers pour payer ou rembourser les ouvriers ». Cet examen rapide des quelques rares dispositions du code civil mentionnant la monnaie tend donc, à première vue, à ranger la monnaie plutôt du côté des « dettes actives », et des « droits », c’est-à-dire du côté des biens incorporels, que du côté des choses dont la valeur réside tout entière dans leur matérialité, autrement dit du côté des biens corporels. Ce constat est corroboré par le questionnement du doyen Jean Carbonnier qui écrit au sujet des pièces métalliques et des billets de banque qu’ « apparemment, ce sont des choses, et classiquement le droit les fait entrer dans les classifications ordinaires des biens », mais qu’ « il faut se demander, pourtant, si leur fonction monétaire n’imprime pas à leur statut une originalité qu’accentue, pour le billet de banque, le caractère de créance qui fut le sien au temps jadis »25.

121. Défense d’une théorie de la nature incorporelle de la monnaie sous toutes ses formes (métallique, papier et scripturale). – Non seulement il ne faut pas

se contenter d’éluder le problème en se bornant à constater, au sujet des classifications biens corporels/biens incorporels, que « la monnaie constitue une richesse qui a une nature particulière et échappe à ces classifications »26, mais il faut même dépasser ce qui, chez le doyen Jean Carbonnier, est resté à l’état d’intuition, car il résulte de l’examen d’arguments à la fois historiques, ethnographiques, économiques, philosophiques et juridiques que, contrairement à ce qu’avancent certains27

, la monnaie est un bien incorporel, sous quelque forme qu’elle se présente : monnaie « sonnante et trébuchante », monnaie-papier ou monnaie-signe. En effet, si, comme l’écrit M. Hannes Westendorf28, citant les professeurs Nicole Catala et Joseph Hamel, « tous les instruments en circulation ont le caractère d’une monnaie absolue, et sont détac hés d’un support quelconque de métal précieux, actuel ou virtuel, d’où ils tireraient leur

25

J. Carbonnier, Droit civil, vol. II, Les biens, les obligations, Coll. Quadrige, PUF, 19e éd., 2004, n° 686, p. 1556.

26

Ph. Malaurie, L. Aynès, Les biens, Coll. Droit civil, Defrénois, 5e éd., 2013, n° 104, p. 24.

27 Et notamment D. R. Martin, « De la monnaie », Mélanges Blaise, Economica, 1995, pp. 333 et s. ; « De la nature corporelle

des valeurs mobilières (et autres droits scripturaux) », D. 1996, chron. pp. 47 et s. ; « Le gage d’actifs scripturaux », D. 1996, chron. pp. 263 et s. ; « L’inscription en compte d’actifs scripturaux », D. 1998, chron. pp. 15 et s. ; « De la revendication de sommes d’argent », D. 2002, chron. pp. 3279 et s. ; « Du corporel », D. 2004, chron. pp. 2285 et s. ; « Du gage-espèces », D. 2007, pp. 2556 et s.

28

H. Westendorf, « Les sûretés ayant pour objet des sommes d’argent », Annales du droit luxembourgeois, vol. 13, 2003, éd. Bruylant, Bruxelles, 2004, p. 467, citant N. Catala, La nature juridique du payement, Bibl. dr. priv., t. 25, LGDJ, 1961, préf. J. Carbonnier, n°64, p. 126, et J. Hamel, « Réflexions sur la théorie juridique de la monnaie », Mélanges Sugiyama, 1940, p. 88.

valeur », si « le trait fondamental des instruments monétaires est l’indépendance de leur valeur par rapport au signe qui les représente », et si « leur valeur réelle est entièrement distincte des propriétés physiques du titre qui les constitue », c’est que leur valeur – autrement dit ce qui fait de la chose un bien – réside dans autre chose que leur corporalité, et, par conséquent, qu’elle réside nécessairement dans une incorporalité. Car à partir du moment où un bien corporel est une chose dont la valeur réside dans sa matérialité, c’est-à-dire dans ce qui est tangible, dans ce que l’on touche, et à partir du moment où la valeur de la monnaie ne réside ni dans les pi èces, ni dans les billets (inconvertibles en or), ni dans des écritures comptables (immatérielles), c’est -à-dire dans rien de ce que l’on touche, comment peut-on soutenir que la monnaie est un bien corporel ? Toute la valeur de la monnaie réside dans les droits que les choses corporelles (pièces, billets, et, selon le professeur Didier-René Martin, écritures comptables) représentent, c’est-à-dire dans des biens incorporels, car il n’est pas de droit qui ne soit pas incorporel. C’est la nature de ce « droit », de cette incorporalité qu’il reste à déterminer.

Il nous a semblé préférable d’envisager d’abord le cas de la monnaie scripturale (chapitre I) – dont la nature incorporelle est majoritairement admise par la doctrine – avant de nous attacher à montrer pourquoi la monnaie fiduciaire est, elle aussi, un bien incorporel (chapitre II).

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