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En droit fiscal et douanier

Dans le document La monnaie comme objet de sûretés (Page 37-43)

Le domaine des finances publiques compte de nombreuses sûretés sur la monnaie, exigées soit au titre du droit fiscal soit au titre du droit douanier.

§ 1. Les comptables publics

29. L’article 60 de la loi de finances pour l’année 196339, toujours en vigueur et relatif à la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics , prévoit en son II qu’« avant d’être installés dans leur poste, les comptables publics sont tenus de constituer des garanties ». En effet, les comptables publics sont personnellement et

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Le « cautionnement » susceptible d’assortir le contrôle judiciaire figurait déjà dans le code d’instruction criminelle (articles 114 et 120 à 124) et dans l’ancienne version du code de procédure pénale (arti cles 145 à 149 anciens du code de procédure pénale).

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pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appart enant ou confiés aux différentes personnes morales de droit public, du maniement des fonds, de la conservation des pièces justificatives des opérations et des documents de comptabilité, ainsi que des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine. À titre de garantie de la bonne exécution de leurs obligations, ils doivent fournir des garanties, parmi lesquelles des sûretés sur de la monnaie, qualifiées, là encore improprement, de « cautionnements »40.

§ 2. Le versement d’espèces en garantie d’un sursis de paiement d’impositions

30. Quant aux contribuables qui sollicitent un sursis de paiement de leurs

impositions, ils doivent également fournir des garanties de la bonne exéc ution de leurs obligations fiscales, garanties qui peuvent prendre la forme de sûretés sur de la monnaie. L’article L. 277 du livre des procédures fiscales prévoit en effet que « le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s’il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes ». Mais lorsque cette réclamation porte sur un montant de droits qui excède un certain seuil, le contribuable doit constituer des garanties portant sur le montant des droits contestés41. Or en application de l’article R. 277-1 du livre des procédures fiscales, « ces garanties peuvent être constituées par un versement en espèces qui sera effectué à un compte d’attente au Trésor »42.

31. Nature du droit des autorités publiques sur les garanties d’un sursis de paiement d’impositions : propriété pleine et entière ou autre droit réel ? – La nature

de ce versement en espèces sur un compte d’attente au Trésor a été discutée dans un litige que la Cour de cassation a eu à trancher en 1998. Dans un arrêt en date du

40 Voir P. M. Gaudemet et J. Molinier, Finances publiques, t. I, Budget et Trésor, Montchrestien, 7e éd., 1996, n° 296,

pp. 366 et s.

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Article L. 277, alinéa 3, du livre des procédures fiscales.

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Article R. 277-1, alinéa 3, du livre des procédures fiscales. Le premier alinéa de ce texte précise qu’en cas de constitution de garanties dans le cadre d’un sursis de paiement d’impositions demandé par un contribuable, ce dernier dispose d’un délai de quinze jours pour faire connaître au comptable compétent les garanties qu’il s’engage à fournir.

27 octobre 1998, la Cour de cassation, statuant en sa chambre commerciale, a jugé qu’il ne s’agissait pas d’un gage43

.

31-1. Il peut être tentant de voir dans le versement en espèces affecté sur un

compte d’attente du Trésor en garantie de paiement d’impositions, une forme de droit de rétention conventionnel ou de convention de séquestre, il n’en reste pas moins que cette sûreté sur de la monnaie a tous les caractères d’un gage.

31-2. Le droit de rétention conventionnel n’est en effet qu’une forme de gage, à

ceci près qu’il ne confère pas de droit de préférence au rétenteur. Lorsque les parties conviennent qu’une chose remise par le débiteur au créancier pourra être retenue, « bloquée » par ce dernier jusqu’à complet paiement de sa créance alors même que celle-ci n’est née ni à l’occasion de la détention de la chose retenue (connexité matérielle) ni même dans le cadre d’un contrat impliquant la remise de la chose mais ayant un objet autre que la chose (connexité juridique ou intellect uelle), on se trouve bien en face d’un gage réduit à sa plus simple expression puisque le gage n’est dans son principe que la remise d’une chose à un créancier en garantie du paiement d’une créance.

31-3. Le séquestre est lui-même un « gage judiciaire », pour reprendre la formule

des professeurs Philippe Jestaz, Pierre Raynaud et Gabriel Marty44. C’est du moins ainsi que ces auteurs analysent l’ancien article 2075-1 du code civil, introduit par la loi n° 72-626 du 5 juillet 1972 instituant un juge de l’exécution et relative à la réforme de la procédure civile. Ce texte disposait que « le dépôt ou la consignation de sommes, effets ou valeurs, ordonné judiciairement à titre de garantie ou à titre conservatoire, emport[ait] affectation spéciale et privilège de l’[ancien] article 2073 » (italiques ajoutées). Et cet ancien article 2073 ajoutait que « le gage confér[ait] au créancier le droit de se faire payer sur la chose qui en est l’objet, par privilège et préférence aux autres créanciers »45.

32. Le gage que constitue le versement d’espèces est organisé de telle façon que

les sommes d’argent remises à titre de garantie ne soient pas confondues avec celles dont peut par ailleurs disposer le Trésor. C’est sur un compte d’attente, c’est-à-dire sur un compte spécial, que sont versées les sommes d’argent du contribuable : celles-ci

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Cass. com. 27 octobre 1998, D. Affaires 1999, p. 170 ; JCP G 1999, I, p. 158, n° 13, obs. Ph. Delebecque ; D. 1999, somm. p. 244, obs. M. – N. Jobard-Bachellier.

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Ph. Jestaz, P. Raynaud et G. Marty, Les sûretés, la publicité foncière, Sirey, 2e éd., 1987, p. 51, n° 64.

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C’est désormais l’article 2350 du code civil qui prévoit que « le dépôt ou la consignation de sommes, effets ou valeurs, ordonné judiciairement à titre de garantie ou à titre conservatoire, emporte affectation spéciale et droit de préférence au sens de l ’article 2333. »

restent donc isolées des autres sommes maniées par l’administration fiscale. Rien n’est dit dans les textes législatifs et réglementaires d’un quelconque transfert au Trésor de la propriété des sommes remises à titre de garantie. Il semble qu’il faille donc là aussi s’interdire d’analyser cette sûreté sur de la monnaie comme étant constitutive d’une cession en pleine propriété à titre de garantie.

§ 3. Les consignations garantissant des dettes douanières

33. Garanties des dettes douanières en droit européen. – Le règlement (CEE)

n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire comporte un titre VII relatif à la dette douanière, dont le chapitre premier traite de la garantie du montant de cette dette. L’article 189 prévoit que « lorsque, en application de la réglementation douanière, les autorités douanières exigent la constitution d’une garantie en vue d’assurer le paiement d’une dette douanière, cette garantie doit être fournie par le débiteur ou la personne susceptible de le devenir » et l’article 193 ajoute que « la garantie peut être constituée : - soit par un dépôt en espèces, - soit par une caution ». Autrement dit, les sûretés sur de la monnaie sont, avec le cautionnement au sens strict, les seules sûretés admises par le droit communautaire pour garantir des dettes douanières.

34. L’article 194 du code des douanes communautaire détaille le régime

d’affectation de la monnaie à la garantie des dettes douanières. Le dépôt en espèces doit être effectué dans la monnaie de l’État membre dans lequel la garantie est exigée, et il doit être constitué conformément aux règles définies par cet État membre. Contrairement à ce que pourrait laisser croire la qualification de « dépôt en espèces », la monnaie susceptible d’être affectée en garantie n’est pas uniquement fiduciaire (pièces et billets). L’article 194 assimile en effet au dépôt en espèces la remise d’un chèque dont le paiement est garanti par l’organisme sur lequel il est tiré (chèque dit « de banque », constituant de la monnaie scripturale), ainsi que la remise de tout autre titre ayant un pouvoir libératoire dès lors qu’il est reconnu par les autorités douanières du pays membre.

35. La garantie des dettes douanières par des sûretés sur de la monnaie est appelée à

se pérenniser puisque le code des douanes communautaire modernisé 46 reprend l’essentiel du dispositif existant en le complétant. L’article 56 dudit code prévoit que les autorités douanières peuvent exiger la constitution d’une garantie en vue d’assurer le paiement du montant de droits à l’importation ou à l’exportation correspondant à une dette douanière née ou susceptible de naître47. Lorsque la constitution d’une garantie est exigée par les autorités douanières, cette garantie doit être fournie par le débiteur ou la personne susceptible de le devenir, mais peut aussi l’être par un tiers48

. L’article 59 du même code prévoit que la garantie peut être constituée :

- soit par le dépôt d’espèces ou de tout autre moyen de paiement reconnu par les autorités douanières comme équivalent à un dépôt en espèces, effectué en euro ou dans la monnaie de l’État membre dans lequel la garantie est exigée ;

- soit par l’engagement d’une caution ;

- soit par un autre type de garantie fournissant une assurance équivalente au montant des droits à l’importation ou à l’exportation correspondant à la dette douanière et, le cas échéant, aux autres impositions.

Les sûretés sur la monnaie sous forme de dépôt en espèces ou assimilé restent donc des sûretés privilégiées pour garantir le paiement de dettes douanières.

36. Rien n’est dit du régime du dépôt en espèces garantissant des dettes

douanières, si ce n’est qu’il « doit être constitué d’une façon conforme aux dispositions de l’État membre dans lequel la garantie est exigée »49. Rien n’est dit d’un éventuel transfert aux autorités douanières de la propriété des sommes remises à titre de g arantie. L’article 65, relatif à la libération de la garantie, est rédigé de telle sorte qu’il ne permet ni d’affirmer ni d’infirmer que la propriété des sommes affectées en garantie est cédée aux autorités douanières lors de la constitution de la sûreté. En effet, il n’y est fait mention ni d’une « restitution » ni d’un transfert de propriété du créancier au constituant, mais seulement de « libération » de la garantie50.

46

Règlement (CE) n° 450/2008 du Parlement européen et du Conseil, d u 23 avril 2008, établissant le code des douanes communautaire (codes des douanes modernisé).

47 Le deuxième alinéa de l’article 56 du code des douanes communautaire modernisé ajoute que « lorsque les dispositions

pertinentes le prévoient, la garantie exigée peut également couvrir d’autres impositions prévues par d’autres dispositions pertinentes ».

48 Article 56.3 du code des douanes communautaire modernisé. 49

Article 59. 2 du code des douanes communautaire modernisé.

50

L’article 65. 1 du code des douanes communautaire modernisé prévoit que « les autorités douanières libèrent immédiatement la garantie dès que la dette douanière pour laquelle elle a été constituée ou que l’obligation de payer d’autres impositions est éteinte ou n’est plus susceptible de prendre naissance » (italiques ajoutées), et l’article 65. 2 du même code ajoute que « lorsque la dette douanière ou l’obligation de payer d’autres impositions est partiellement éteinte ou n’est plus susceptible de prendre naissa nce

37. Garantie des dettes douanières en droit interne. – En droit interne, le code

des douanes prévoit, à de nombreuses reprises, le recours à des sûretés sur la monnaie pour la garantie du paiement de droits et taxes.

37-1. Ainsi, l’article 120 dudit code prévoit que les marchandises transportées

sous douane ou placées sous un régime douanier suspensif de droits, taxes ou prohibitions, doivent êtres couvertes par un « acquit-à-caution » qui comporte soit la constitution d’une caution soit la consignation des droits et taxes.

37-2. L’article 326 du même code prévoit que, lorsqu’à l’occasion de la

constatation d’une infraction douanière, des marchandises non prohibées et des moyens de transport sont saisis, il peut être offert mainlevée des moyens de transport saisis à la condition que soit fournie soit une caution soit la consignation de l eur valeur – ces conditions étant levées quand le propriétaire des moyens de transport ayant servi à véhiculer et/ou à dissimuler la marchandise frauduleuse est un tiers de bonne foi. Le 3° de l’article 369 du code des douanes ajoute qu’eu égard à l’ampleur et à la gravité de l’infraction commise ainsi qu’à la personnalité de son auteur, le tribunal peut également donner mainlevée des marchandises non prohibées qui ont été saisies, avant de juger définitivement le tout, moyennant caution solvable ou consignation de la valeur51.

37-3. Le cautionnement ou la consignation de sommes d’argent (consignation qui

n’est qu’une forme de gage comme le suggère la rédaction de l’ancien article 2075 -1 du code civil52) sont également les sûretés privilégiées pour la mainl evée des moyens de transport et des marchandises litigieuses non passibles de confiscation en cas de constatation d’une infraction douanière flagrante. L’article 378 du code des douanes prévoit en effet qu’en cas de flagrance, les marchandises frauduleuses et les moyens de transport insusceptibles de confiscation peuvent être retenus, pour sûreté des pénalités encourues, « jusqu’à ce qu’il soit fourni caution ou versé consignation du montant desdites pénalités ».

que pour une partie du montant qui a été garanti, la garantie constituée est libérée dans une proportion correspondante, à la demande de la personne concernée, à moins que le montant en jeu ne le justifie pas ».

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Voir aussi l’article 441 du code des douanes relatif aux pouvoirs de la commission de conciliation et d’expertise douanière qui peut offrir « mainlevée des marchandises litigieuses non prohibées sous caution solvable ou sous consignation d’une somme qui peut s’élever au double du montant des droits et taxes présumés compromis » (deuxième alinéa).

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Ancien article 2075-1 du code civil : « le dépôt ou la consignation de sommes, effets ou valeurs, ordonné judiciairement à titre de garantie ou à titre conservatoire, emporte affectation spéciale et privilège de l’article 2073 [c’est-à-dire privilège du créancier gagiste] » (italiques ajoutées).

37-4. De la même façon qu’un contribuable peut demander le sursis de paiement

d’impositions dont il conteste le montant ou le bien-fondé, à condition d’affecter en garantie de ce paiement des sommes d’argent versées sur un compte d’attente au Trésor, de même, en cas de constestation d’impositions douanières, le redevable qui en formule la demande dans sa contestation, peut être autorisé à différer le paiement de sa dette douanière jusqu’à l’issue du litige, en application de l’article 348 du code des douanes. Dans une telle hypothèse, « le sursis de paiement est accordé au redevable si la contestation est accompagnée de garanties destinées à assurer le recouvrement de la créance contestée », et ces garanties prennent notamment la forme d’une caution ou d’une consignation53

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