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CHAPITRE 5. Retour à l'analyse des fonctions occupées par les

1. Présentation des cadres de discours (M Charolles, 1997) et considérations plus

1.5. Les séquences de cadres

Dans la mesure où ils constituent des blocs sémantiquement homogènes, les cadres peuvent jouer un rôle de premier plan dans la structuration du discours. Ils permettent en effet au locuteur de répartir les informations qu’il a à transmettre relativement à une série de critères qu’il spécifie au moyen des expressions introductrices de cadres. Chacune de ces expressions joue alors un rôle « d’index », invitant l’interprétant à ouvrir une sorte de fichier jusqu’à ce qu’un faisceau d’indices convergents l’amène à le refermer. Les cadres ainsi 156 Nous nous contentons ici de reprendre en l’étoffant un petit peu l’argumentation développée par M. Charolles dans son article (1997 : 27)

instanciés constituent des séquences. Il apparaît en particulier que certaines séquences de cadres sont étroitement liée au genre158 discursif. Ainsi un texte biographique structure-t-il protypiquement l’information au moyen de cadres temporels tandis qu’un texte injonctif -

instructionnel du type mode d’emploi recourra plus typiquement à des cadres instanciés par

des infinitives de but antéposées. Les deux exemples suivants illustrent respectivement chacun de ces cas :

(8) En 1907, Monsieur Abel ROSSIGNOL père crée à Voiron (Isère) une fabrique de canettes et d'articles en bois pour l’industrie textile et réalise sa première paire de skis en bois massif. En 1911, il organise dans son usine une branche de fabrication de skis, qui se distingue dans plusieurs concours par sa technique et également par ses résultats sportifs.

En 1955, alors que l’entreprise connaît des difficultés liées au déclin de l'industrie textile, Monsieur Laurent BOIX VIVES décide d’en assurer la reprise, il en prend la direction en 1956 et concentre toute l’activité sur le ski.

En 1959, le lancement d’un nouveau type de ski compétition, "l’Allais 60", vainqueur de la descente des Jeux Olympiques de 1960 (Squaw-Valley – Etats- Unis), confère une nouvelle et forte notoriété à ROSSIGNOL qui bénéficie dès lors d’une demande croissante en France et à l’étranger.

(…) (Web)

(9) Vous pouvez télécharger les sources et le programme sous forme d'un ficher tar ici -> bsp.tar Pour utiliser le programme tapez sur la ligne de commande : visu -obj filename.bsp. Après un court instant, le programme affichera le niveau correspondant au fichier .bsp. Pour selectionner159 sa direction il faut appuyer sur le bouton du centre et bouger la souris. Pour avancer il faut appuyer sur le bouton de droite de la souris. Pour afficher le niveau en fil de fer il faut appuyer sur la touche 'L' du clavier. Pour afficher le niveau en face pleine il faut appuyer sur le touche 'F' du clavier. Enfin, pour quitter le programme il faut appuyer sur la touche 'Q' du clavier. (Web)

Ce point met en lumière, nous semble-t-il, que toute étude approfondie sur tel ou tel genre de discours ( voir J.- M. Adam, 1999, 189), O. Ducrot & J.- M. Scheaffer, 1995, 606) ne saurait ignorer, parmi ses critères d’étude (et en particulier lorsqu’il s’agit de définir ce que

158 Pour une définition du « genre », voir J-M. Adam (1999 : 93-94) : « En résumé, les genres sont définissables comme des catégories : - pratiques-empiriques indispensables tant à la production qu’à la réception- interprétation ; - régulatrices des énoncés en discours et des pratiques socio-disursives des sujets (…) ; - prototypiques-stéréotypiques, c’est-à-dire définissables par des tendances ou des gradients de typicalité, par des faisceaux de régularités et des dominantes plutôt que par des critères très stricts ».

159 Dans le texte prélevé sur la Web, on trouvait : « Pour sélection sa direction … » Nous avons considéré qu’il s’agissait d’une coquille et avons restauré l’infinifitif.

J.-M. Adam (1999) nomme le « noyau normatif160 » du genre), la présence prototypique de tel ou tel type de cadre discours.

Enfin, de récents travaux (M. Charolles et B. Lamiroy (2001)) invitent à considérer que les configurations réalisées par ces structures cadratives séquentielles peuvent

différer selon les expressions introductrices de cadres mises en jeu. Ainsi, dans le cas des

adverbiaux spatiaux, temporels, praxéologiques notamment, une suite de cadres se réalise prototypiquement de la manière suivante (les cadres sont matérialisés par une ligne ; les acronymes «EIC » désignent les « expressions introductrices de cadres ») :

EIC1, p. q. r. EIC2, s. t. u. EIC3, v. w. x.

En revanche, il apparaît que les infinitives de but antéposées par exemple possèdent des caractéristiques spécifiques qui pèsent sur l’enchaînement des cadres qu’elles peuvent instancier. Ainsi, dans l’exemple extrait du Web reproduit ci-dessus, on peut remarquer que les cadres instanciés par les infinitives de but (cadres matérialisés par un trait ci-dessous) ne se succèdent pas tous immédiatement :

(9) Vous pouvez télécharger les sources et le programme sous forme d'un ficher tar

ici -> bsp.tar Pour utiliser le programme tapez sur la ligne de commande : visu - obj filename.bsp Après un court instant, le programme affichera le niveau correspondant au fichier .bsp. Pour selectionner161 sa direction il faut appuyer sur le bouton du centre et bouger la souris. Pour avancer il faut appuyer sur le bouton de droite de la souris. Pour afficher le niveau en fil de fer il faut appuyer sur la touche 'L' du clavier. Pour afficher le niveau en face pleine il faut appuyer sur le touche 'F' du clavier. Enfin, pour quitter le programme il faut appuyer sur la touche 'Q' du clavier. (Web)

Entre le premier et le second cadre figure une phrase que nous avons graissée : « Après un court instant, le programme affichera le niveau correspondant au fichier .bsp. » ; celle-ci exprime le résultat de l’action dénotée (sur le mode injonctif) par le segment propositionnel « tapez sur la ligne de commande : visu -obj filename.bsp » , action dont le but visé est par ailleurs explicité par l’infinitif antéposé. Par conséquent, le cadre ici instancié par

160 « Les genres possèdent (…) un noyau normatif relativement stable et contraignant pour l’énonciateur », « (une) zone normative, représentée par les constantes de plus haute fréquence ». (1999, 93)

l’infinitive de but se trouve emboîté à l’intérieur d’une structure plus étendue que constitue le scénario162 « But – Moyen – Résultat » (M. Charolles & B. Lamiroy, Ibid, 408 – 415). Entre les deux premier cadres de cet extrait, l’enchaînement a donc lieu non pas de

cadre à cadre mais de scénario à cadre :

Vous pouvez télécharger les sources et le programme sous forme d'un ficher tar ici -> bsp.tar

Pour utiliser le programme tapez sur la ligne de commande : visu -obj filename.bsp Après un court instant, le programme affichera le niveau correspondant au fichier .bsp. Pour selectionner163 sa direction il faut appuyer sur le bouton du centre et bouger la souris. Pour avancer il faut appuyer sur le bouton de droite de la souris. (…)

Bien entendu, on peut aussi trouver des enchaînements de scénario à scénario : en voici un exemple tiré du Corpus « La Recherche » :

(10) Pour percer ensuite l'énigme de la fabrication des objets bitumineux de Suse, il

était essentiel de sonder minutieusement les échantillons archéologiques afin d'extraire toutes les informations qu'ils recelaient. Au microscope optique, les échantillons paraissent très hétérogènes. Le microscope électronique à balayage révéla un mélange de petits grains de calcite, avec parfois des éléments plus gros, par exemple des fragments de carbonate de un à trois millimètres de diamètre. Ainsi les bitumes et les mastics bitumineux de Suse ont été préparés à partir d'une poudre de carbonate (généralement de la calcite), à laquelle des argiles, du sable et du bitume ont été ajoutés.

La partie organique du matériau est composée de trois types principaux d'ingrédients: le bitume, des fibres végétales (paille, roseaux, etc.) et des débris végétaux carbonisés (cendres...). Pour démontrer que les objets en mastic de bitume ont été chauffés, les géochimistes de Pau ont cherché à reproduire expérimentalement le mastic de Suse. Ils ont utilisé des mélanges modèles qu'ils ont chauffés à diverses températures. A mesure qu'ils augmentaient la température de chauffage, la réflectance des échantillons augmentait. Elle atteignait celle du mastic de bitume à des températures voisines de 250°C, températures que l'on atteint dans les fours traditionnels de boulanger. Ainsi les artisans asphalteurs semblent avoir procédé de la façon suivante: : de l'asphalte aussi pur que possible était fondu à 1 60°C, puis on y ajoutait des minéraux (sable, calcite,

161 Dans le texte prélevé sur la Web, on trouvait : « Pour sélection sa direction … » Nous avons considéré qu’il s’agissait d’une coquille et avons restauré l’infinifitif.

162 M. Charolles & B. Lamiroy nomment « scénario » des « structures conceptuelles » ou « schèmes conceptuels

correspondant à des structures événementielles stéréotypiques » (417). Le schème But – Moyen – Résultat – en

constitue un.

163 Dans le texte prélevé sur la Web, on trouvait : « Pour sélection sa direction … » Nous avons considéré qu’il s’agissait d’une coquille et avons restauré l’infinifitif.

argile, gypse) et une charge végétale. Les mélanges bitumineux pouvaient en outre être moulés et recuits à des températures supérieures, atteignant 250°C pour fabriquer le mastic de bitume. Les blocs étaient alors utilisés par les sculpteurs comme matière première pour réaliser les objets aujourd'hui présents au Louvre. Si la Suze est inimitable, le mastic du même nom, lui, l’est. (Fin de

l’article)

Nous avons encadré les phrases intégrées sous le cadre instancié par chacune des deux infinitives de but antéposées et fait figurer en gras le résultat des scénarios « But – Moyen –

Résultat ». Que constate-t-on ? D’abord la présence d’un enchaînement de scénario à scénario

(et non de cadre à cadre). Cette succession est due au fait que l’un des résultats (la composition de la partie organique du matériaux) obtenu par la première expérimentation (observation au microscope électronique) suscite un nouveau problème : la présence de débris végétaux carbonisés (cendres etc.) indiquerait-elle que les objets en mastic de bitume ont été chauffés ? Dès lors, la seconde infinitive « Pour démontrer que les objets en mastic de bitume ont été chauffés », qui ouvre le second cadre et le second scénario, fait à la fois le lien avec le cotexte amont (fonction procédurale 164) en explicitant le problème implicite contenu dans la dernière phrase du « scénario » (1), et annonce un développement nouveau : la mise en place des moyens destinés à vérifier l’hypothèse explicitée dans l’infinitive (fonction idéationnelle). Autre point à souligner : l’alinéa sépare la dernière phrase du scénario (1) pour la placer dans le second paragraphe où figure le scénario (2). On rappellera ici que le découpage en paragraphes constitue une structure supplémentaire qui vient s’ajouter aux deux précédentes (cadres et scénarios)165. Or il apparaît que dans son découpage en alinéas, le producteur du texte a préféré séparer un des éléments du scénario (1) du paragraphe dans lequel il est exposé pour le placer dans le paragraphe suivant : preuve que la relation de connexion166 qui lie le

résultat au reste du scénario (1) a été sentie comme moins forte que celle qui lie l’infinitive

antéposée au problème (semi-activé dans le cotexte amont) qu’elle explicite.

164 Les deux fonctions « procédurale » et « idéationnelle » des infinitives de but ont été mises en évidence par S. Thompson dans une étude sur l’anglais que présentent en détail M. Charolles & B. Lamiroy dans leur article (Ibid., 396-397)

165 On retrouve ici la cohabitation entre différentes unités d’organisation textuelle dont M. Charolles (1988a, 3- 13) montre qu’elles sont en constante interaction les unes avec les autres

166 Sur la nature connexionnelle des relations (référentielles et rhétoriques) qui lient les états de choses dénotés dans les « résultats » à ceux dénotés dans les « buts » et les « moyens » , voir M. Charolles & B. Lamiroy, Ibid., p 407.

Paragraphe 1

Pour percer ensuite ……… Cadre 1

Scénario 1

Paragraphe 2

Scénario 2

Pour démontrer ……… Cadre 2

Pour conclure, les cadres de discours apparaissent comme un dispositif de cohésion

discursive permettant de regrouper et de classifier des informations nouvelles au sein de blocs sémantiquement homogènes relativement au critère spécifié par les expressions qui les instancient. Ces expressions introductrices possèdent certaines caractéristiques très spécifiques :

- elles sont associées – via des taxinomies préconstruites plus ou moins figées – à un paradigme (plus ou moins fermé) d’autres expressions introductives avec lesquelles elles contrastent ;

- elles appellent, du fait de leur pouvoir contrastif et paradigmatisant, un ensemble d’univers parents auxquels peuvent ensuite être unifiés d’autres cadres arrivants, cadres avec lesquels le cadre inaugural constitue une séquence.

- Enfin, ces expressions introductrices possèdent un pouvoir intégrateur important. En d’autres termes, elles peuvent étendre leur portée très au-delà de leur proposition d’accueil.

Cette notion de portée ne va pas de soi : comme le souligne H. Nølke, « (…) si tout le monde parle de la portée, il semble que peu de gens s’efforcent d’en fournir une définition linguistique. » (1994, 99) Afin d’éviter cet écueil, nous allons tenter de la cerner le plus clairement possible.