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La sélection génétique de groupe

2. L’altruisme évolutionnaire

2.2. L’altruisme évolutionnaire dans le monde animal

2.2.4. La sélection génétique de groupe

La théorie de la sélection de groupe a déjà été thématisée par Charles DARWIN

pour expliquer l’évolution des comportements altruistes.103 Elle a connu ensuite une longue période faste avant d’être critiquée dès les années 1960 par les défenseurs du point de vue du gène. Sous le coup de ces critiques, elle s’est effondrée avant de renaître sous la plume d’auteurs contemporains. C’est ce chemin mouvementé que nous allons retracer ici. Mais avant cela, quelques remarques préliminaires s’imposent.

De manière générale, la théorie de la sélection de groupe tient compte du fait que les espèces se déploient en groupes et qu’au cours du processus de sélection naturelle, il y a survie de certains et disparition des autres. Lorsqu’elle est appliquée à la question de l’évolution des comportements altruistes, cette théorie fonctionne de la manière suivante : bien que sur le plan individuel l’altruisme soit désavantageux (en termes de fitness), il s’avère bénéfique sur le plan du groupe ; les individus altruistes fournissent un avantage sélectif au groupe auquel ils appartiennent et puisque les groupes composés d’altruistes ont plus de chances d’être sélectionnés que ceux qui n’en comptent pas, ils sélectionneront dans leur sillage leurs membres altruistes.

A première vue, l’analyse paraît simple mais elle s’accompagne en réalité d’un certain nombre de problèmes d’interprétation. En voici deux. Le premier concerne la façon de concevoir le groupe. Un gène ou un individu sont des entités bien pratiques ; il n’y a pas moyen de se tromper sur l’objet désigné. Par contre, un groupe est quelque chose de plus flou. Certains diront que c’est une tribu, une population, une bande ou un clan qui peut avoir une durée de vie bien supérieure aux individus qui le composent (DARWIN 2000/1871 ; WYNNE-EDWARDS 1986 ; LORENZ 1977/1963). D’autres diront qu’un groupe est constitué d’individus qui interagissent et influencent mutuellement leur fitness par rapport à un trait particulier (par exemple l’altruisme) ; le groupe disparaît (mais pas les individus qui le composent) lorsque les individus n’ont plus l’occasion d’interagir par le biais de ce trait. (D. WILSON 1975 ; SOBER &D. WILSON

2003/1998, pp. 92-98)

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Darwin a utilisé l’idée de sélection de groupe (community selection) pour rendre compte du comportement altruiste humain dans La filiation de l’homme (2000/1871).

Le second problème d’interprétation concerne la manière d’envisager les mécanismes au moyen desquels la sélection de groupe est susceptible d’opérer : tantôt il s’agit de conflits directs entre groupes (DARWIN 2000/1871) ; tantôt il s’agit d’une compétition indirecte par le biais de la croissance et de la division de groupes (quand un groupe devient trop grand, il se divise) (HALDANE 1932) ; tantôt il s’agit d’un mécanisme savant de dissolution, mélange et recomposition périodique des groupes (SOBER &D.WILSON 2003/1998 ; voir sections 2.2.4.iii et 2.2.4.iv).

Ainsi, lorsqu’il s’agit de juger de la pertinence de la théorie de la sélection de groupe, il ne faut jamais perdre de vue qu’il en existe différentes conceptions possibles, selon la manière dont on conçoit le groupe et les mécanismes sous-jacents à ce type de sélection.

i. Les premières théories de la sélection de groupe

C’est dans La Filiation de l’homme, que DARWIN avance l’hypothèse de la

sélection de groupe pour résoudre le paradoxe de l’altruisme. On s’en souvient, le père de la théorie de l’évolution avait observé certains traits véritablement altruistes dans la nature qui semblaient se soustraire à la logique de sa théorie de sélection naturelle ; par exemple, il avait observé le fait que certaines abeilles meurent après avoir piqué un intrus approchant leur ruche. Or, selon sa théorie de la sélection naturelle, un tel trait ne peut pas avoir été sélectionné ; il aurait dû être éliminé au même titre que tous les autres traits nuisibles aux individus qui les possèdent. Pour échapper au paradoxe, DARWIN a imaginé une solution mettant en jeu le niveau du groupe : il commence par remarquer que beaucoup de comportements altruistes, bien que nuisibles aux individus qui les exercent, ne sont pas pour autant inutiles au niveau du groupe ; ensuite, il observe que les groupes, tout comme les individus, sont en compétition constante dans la nature ; il en déduit qu’un trait bénéfique pour un groupe peut logiquement avoir été sélectionné en dépit du coût qu’il engendre pour l’individu qui le porte.104

La théorie de la sélection de groupe était bien acceptée et fréquemment utilisée par les biologistes entre les années 1930 et 1960. Certains l’utilisaient parallèlement à la

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DARWIN ne fait pas usage du langage qui j’ai utilisé ici pour présenter sa théorie ; il parle de « communauté », « tribu » et « sélection tribale ». Notons également qu’avec cette théorie, il contredit certains de ses écrits antérieurs. Pour davantage de détails à ce sujet, voir GAYON 1998, chap. 2.

théorie de la sélection traditionnelle, privilégiant selon les cas celle qui leur semblait la plus apte à expliquer leur objet de recherche ; ils faisaient appel à la théorie traditionnelle de la sélection pour expliquer des traits comme les dents longues, ou la résistance à certaines maladies, alors qu’ils s’appuyaient sur la théorie de la sélection de groupe pour expliquer d’autres phénomènes, tels que l’ordre dans lequel les membres d’un groupe ont accès à la nourriture (WYNNE-EDWARDS 1962). Par exemple, Konrad LORENZ (1977/1963) avait noté qu’entre individus d’une même espèce, les animaux ont tendance à refuser le combat pour ménager leurs congénères. Selon lui, cette retenue était un trait sélectionné en raison du bénéfice qu’il apportait au groupe.

La popularité de la théorie de la sélection de groupe tient probablement au fait que, contrairement à leurs successeurs, ces biologistes réfléchissaient plutôt en termes qualitatifs que quantitatifs ; ils n’avaient pas coutume d’élaborer ou d’utiliser des systèmes mathématiques complexes pour étayer leurs théories (à l’exception notoire de Sewall WRIGHT 1945).

ii. La disgrâce de la sélection de groupe

Dans le courant des années 60, l’hypothèse de la sélection de groupe devint la cible d’attaques répétées. La cause de ce rejet massif est sans conteste l’émergence de la perspective du gène (section 1.1.2) ; selon ses défenseurs, les traits n’évoluent pas parce qu’ils aident le groupe, ni parce qu’ils augmentent le bénéfice individuel mais parce qu’ils favorisent la réplication des gènes qui induisent ces traits. Citons DAWKINS pour une critique récurrente contre la théorie de la sélection de groupe :

« S’il existe un seul rebelle égoïste prêt à exploiter l’altruisme du reste du groupe, alors, par définition, ce sera lui qui aura le plus de chances de survie et d’avoir des enfants. Chacun de ses enfants aura tendance à hériter de cet égoïsme. Après plusieurs générations de cette sélection naturelle, le « groupe altruiste » sera dépassé par le nombre d’individus égoïstes et ne pourra plus se démarquer du groupe égoïste. » (DAWKINS 1996/1976, p. 25)105

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En réalité, cet argument n’exclut pas la possibilité théorique de la sélection de groupe. Même les défenseurs les plus acharnés de la perspective du gène admettent ce point (MAYNARD SMITH 1964 ; George WILLIAMS 1966). Ils soutiennent en revanche qu’elle apparaît extrêmement rarement dans la réalité et qu’elle est tout simplement inutile pour expliquer les phénomènes naturels. Ils ajoutent que la

Voilà une répétition de la formulation du paradoxe de l’altruisme. L’argument est de taille et les défenseurs de la sélection de groupe ne deviendront crédibles qu’à condition d’affiner leur théorie et de montrer qu’une sélection en défaveur de l’altruisme à l’intérieur de chaque groupe n’est pas suffisante pour compenser le mouvement inverse qui s’effectue au niveau de la sélection de groupe. Pour ce faire, il faudra qu’à l’image de leurs opposants, ils s’initient aux calculs de la théorie des jeux et se lancent dans la modélisation de situations d’interaction. Il faudra également qu’ils tiennent compte des théories de la sélection de parentèle et de la réciprocité ; théories d’autant plus « dangereuses » qu’elles ont largement contribué au discrédit de la sélection de groupe en parvenant à résoudre précisément les dilemmes qui avaient poussé DARWIN, LORENZ et d’autres à émettre l’hypothèse de la sélection de groupe.

HAMILTON (1964) n’a-t-il pas donné une explication convaincante des comportements étonnants des abeilles, rendant du même coup superflue l’explication imaginée par DARWIN ? MAYNARD SMITH (1982) a fait de même avec le refus, souvent observé chez les animaux, de combattre contre des individus de la même espèce. Il a développé un jeu itératif dans lequel il s’agit d’obtenir une ressource et où deux stratégies s’opposent : une stratégie qui induit un comportement agressif jusqu’à la victoire ou la mort (appelée « faucon ») et une stratégie de retraite face à l’imminence d’un combat (appelée « colombe »). Il a pu montrer qu’une longue série de confrontations (organisées selon le modèle de la sélection naturelle) entre des individus arborant ces deux stratégies aboutit généralement à un équilibre évolutionnairement stable composé d’une majorité de colombes. Ainsi, il n’est pas nécessaire, comme le pensait LORENZ (1977/1963), de

recourir au mécanisme de la sélection de groupe pour expliquer l’évolution de comportements non agressifs. Ce que Lorenz expliquait en termes de bien pour l’espèce, MAYNARD SMITH peut le traduire en termes d’avantage individuel : le refus de

combattre de la colombe n’a pas évolué parce qu’il bénéficie au groupe, mais parce que les colombes elles-mêmes tirent un avantage à ne pas se battre jusqu’à la mort. Une fois de plus, ce qui était considéré comme altruiste devient égoïste.

perspective du gène est bien plus élégante et économique du fait qu’elle permet de focaliser l’attention sur un seul niveau de sélection.

iii. La théorie de la sélection à multiples niveaux : une réhabilitation de la théorie de la sélection de groupe

Il aura ensuite fallu attendre plusieurs décennies pour que la théorie de la sélection de groupe reprenne son envol. Le modèle de sélection de groupe qui sera présenté en détails dans cette section a été élaboré par David Sloan WILSON. Quoique déjà formulé dans les années 1970 (D. WILSON 1975), ce modèle a gagné en popularité avec la parution, en 1998, de Unto Others, un ouvrage écrit en collaboration avec le philosophe des sciences Elliott SOBER. Selon les auteurs de ce livre, non seulement la théorie de la sélection de groupe se défend, mais en plus il s’agit d’un excellent outil théorique pour expliquer la sélection de comportements altruistes.

Selon eux, c’est une erreur de calculer les avantages sélectifs uniquement au niveau des gènes car ce ne sont pas les seuls bénéficiaires ou victimes de la sélection naturelle ; les organismes individuels et les groupes le sont également. Ainsi, si l’on veut appréhender rigoureusement le phénomène de la sélection naturelle, il faut tenir compte de trois niveaux de sélection : celui du gène, celui de l’individu et celui du groupe.106 Au fond, c’est une manière de réhabiliter la sélection de groupe tout en préservant les acquis obtenus par les penseurs des trente ou quarante dernières années.

Pour illustrer l’erreur commise par les défenseurs de la perspective unique du gène, SOBER et D. WILSON présentent le « paradoxe de Simpson » (qui, en réalité n’est

pas un paradoxe). Il s’agit d’un modèle mathématique tiré d’une situation réelle.

Une université est accusée de discrimination sexuelle car la proportion d'hommes admis est de 14 %, alors que la proportion de femmes admises n'est que de 12 %. On mène une enquête, dont les résultats montrent que dans chaque faculté considérée indépendamment (mettons qu'il y en ait deux : Lettres et Électronique), la proportion de femmes reçues est plus élevée que la proportion d'hommes reçus (même si la proportion globale est effectivement plus élevée chez les hommes que chez les femmes).

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Notons que cette idée n’est pas neuve. En 1970 déjà George PRICE et Richard LEWONTIN défendaient la hiérarchie de sélection.

Nombre de postulants de sexe masculin Nombre de postulants de sexe féminin Nombre de postulants admis de sexe masculin Nombre de postulants admis de sexe féminin Pourcentage de postulants admis de sexe masculin Pourcentage de postulants admis de sexe féminin Lettres 10 100 1 11 10% 11% Electronique 40 10 6 2 15% 20% Total 50 110 7 13 14% 12%

En examinant les chiffres du tableau (tiré de DE SOUSA 2004, pp. 109), on constate

qu’il y a beaucoup plus de femmes qui postulent en Lettres qu’en Electronique (et inversement pour les hommes) et que la sélection est plus dure en Lettres qu’en Electronique. C’est en vertu de ces deux facteurs que la proportion de femmes admises est globalement inférieure à celle des hommes, alors même que dans chaque faculté considérée isolément, la proportion de femmes admises est supérieure à celle des hommes.

SOBER et D. WILSON proposent cet exemple contre-intuitif en guise d’analogie à

ce qui se passe dans le phénomène de la sélection naturelle ; ils veulent montrer que la sélection est un phénomène complexe qui opère à plusieurs niveaux (par exemple à l’intérieur de chaque groupe et entre différents groupes). C’est pourquoi, en opposition à la perspective du gène, ils prennent le parti de réfléchir en termes de sélection à multiples niveaux, les trois niveaux étant celui des gènes, des individus et des groupes.

Voyons comment fonctionne cette sélection à multiples niveaux dans le cas de l’évolution de l’altruisme. Pour SOBER et D. WILSON, le phénomène décrit par le paradoxe de Simpson apporte un élément décisif à la résolution du paradoxe de l’altruisme : nous avons vu que ce dernier réside dans le fait que les altruistes sont condamnés à avoir une fitness perpétuellement inférieure à celle des non-altruistes avec lesquels ils cohabitent, si bien que le trait de l’altruisme semble être tragiquement voué à l’extinction au sein du groupe. Cependant, nous font remarquer les auteurs, plus la proportion d’altruistes dans un groupe est élevée, plus la fitness globale des individus qui le composent (altruistes comme non-altruistes) est élevée. Ainsi, il semble probable que l’altruisme ait pu évoluer en raison des bénéfices qu’il apporte à son groupe en dépit du fait que la proportion d’altruistes face aux non-altruistes diminue dans chaque

groupe considéré individuellement.107 Le schéma ci-dessous (inspiré de SOBER et D. WILSON 2003/1998, p. 24) illustre cette idée.

Imaginons une population asexuée composée d’individus altruistes et d’individus non altruistes. Cette population est divisée en deux groupes de 100 membres chacun (ce qui correspond aux deux petits cercles du haut). Les altruistes composent 20 % du groupe A et 80% du groupe B. Ainsi, la proportion d’altruistes de la population globale est de 50%. A la génération suivante (qui correspond aux deux grands cercles du bas), la fréquence d’altruistes décroît dans chacun des deux groupes par rapport à la fréquence des non-altruistes (passage de 20% à 18.4% dans le groupe A et de 80% à 78.7% dans le groupe B). Par contre, le groupe B (composé d’une majorité d’altruistes) se porte mieux que le groupe A ; il est devenu plus grand (il compte 1'320 individus contre 1’080 pour

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Parallèlement, dans le paradoxe de Simpson, en dépit du fait que les hommes soient discriminés par la politique d’admission de chaque faculté considérée, ils finissent par être admis en plus grand nombre que les femmes. Cela tient au fait qu’ils ont majoritairement « parié » pour la faculté la moins sélective.

Altruistes : 20 % Groupe A Total d’individus : 100 Groupe B Total d’individus : 100 Egoïstes : 20 % Altruistes : 80 % Egoïstes : 80 % Proportion totale d’altruistes : 50% Proportion totale d’égoïstes : 50% Proportion totale d’altruistes : 51.6 % Proportion totale d’égoïstes : 48.4 % Groupe A Total d’individus : 1080 Groupe B Total d’individus : 1320 Première génération Deuxième génération Altruistes : 18.4 % Altruistes : 78.7 % Egoïstes : 81.6 % Egoïstes : 21.3 %

le groupe A). Résultat : la proportion d’altruistes de la population globale a légèrement augmenté : elle est passée de 50% à 51.6%.

Pour rendre ce modèle plus parlant, accompagnons-le d’une histoire : SOBER et D. WILSON (2003/1998) reprennent un exemple inventé par MAYNARD SMITH (1964), intitulé le « modèle des bottes de foin ».108 Il envisage une race de souris vivant sur plusieurs générations en petits groupes entièrement isolés dans des bottes de foin. Parmi ces souris, certaines sont altruistes et d’autres non. Les altruistes perdent beaucoup de temps à épouiller leurs congénères (leur épargnant ainsi un bon nombre de maladies), comportement qui permet d’augmenter sensiblement la fitness moyenne du groupe. Au bout d’un certain nombre de générations,109 les groupes se dissolvent (une fois par année, toutes les souris sortent en même temps des différentes bottes de foins) pour ensuite former de nouveaux groupes. Chaque groupe de départ est fondé par une seule souris femelle portante qui peut donner naissance à des souriceaux altruistes ou à des petits qui ne le sont pas. Ainsi, les individus au sein des groupes sont tous apparentés lors de la première génération ; les degrés de parenté s’estompent ensuite rapidement.110 SOBER et D. WILSON pensent que si on attribue des valeurs réalistes aux fréquences de

reproduction ainsi qu’aux coûts et gains liés aux comportements altruistes, la simulation de la sélection naturelle donnera les résultats suivants : A partir de la deuxième génération, la fréquence des altruistes baisse à l’intérieur de chaque groupe, sans pour autant causer la disparition de tous les altruistes avant la fin du cycle. Les groupes comprenant des altruistes se portent mieux (puisque leurs membres souffrent moins de maladie) que les groupes n’en comprenant pas. A la fin du cycle, lorsque les individus de tous les groupes se rassemblent en un même lieu, il est tout à fait réaliste d’imaginer que la proportion d’altruistes soit supérieure à celle du brassage de population antérieure au cycle ; c’est le cas si l’effet de sélection de groupe (favorable à l’altruisme) était suffisamment puissant pour compenser l’effet de sélection individuelle (défavorable aux

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MAYNARD SMITH, un défenseur de l’approche par le gène, a élaboré ce modèle précisément pour montrer que la sélection de groupe est uniquement possible dans des conditions extrêmement difficiles à réaliser si bien qu’il est très rare de la rencontrer dans le monde animal…

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Dans la réalité, les souris femelles atteignent leur maturité sexuelle à 1½ mois, la durée de gestation est d’environ 3 semaines et la période de reproduction s’étend sur toute l’année.

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Cette affirmation que le degré de parenté s’estompe est trompeuse ; si au début du cycle, il n’y a que deux parents, en fin de compte ce seront toujours les mêmes gènes qui seront recombinés dans la botte de foin. Cette critique sera reprise plus loin (p. 108).

altruistes) à l’intérieur de chaque groupe.

Il convient tout de même de remarquer que le calcul de la proportion globale d’altruistes et de non-altruistes se justifie uniquement si les groupes se désintègrent effectivement et que leurs populations respectives se mélangent dans le même bassin de population ; si ce n’est pas le cas, dans chaque groupe et au fil des générations, la sélection naturelle se chargera de la disparition des altruistes. Ainsi, le modèle proposé parSOBER et D. WILSON se différencie nettement de ceux des premiers défenseurs de la théorie de la sélection de groupe (DARWIN y compris) : il n’y a pas lieu ici de concevoir la sélection au sens d’un conflit direct entre différents groupes.

iv. De la théorie à la vie réelle : l’altruisme des mutants de la petite douve

Pour que la théorie de la sélection de groupe présentée par SOBER et D. WILSON

puisse rendre compte de l’évolution de l’altruisme évolutionnaire, il faut que la formation et désintégration périodique des groupes qu’elle postule apparaisse effectivement dans la nature.

Comme exemple SOBER et D. WILSON (2003/1998) proposent celui du ver du

cerveau (brain worm). Le Dicrocoelium dendriticum ou « petite douve » est un ver parasite qui commence et termine son cycle dans le foie d’un bovidé. Le cycle débute par une expulsion des œufs du ver parasite hors de la vache, via les excréments. Les œufs sont ensuite ingurgités par des escargots friands d’excréments. Pour faciliter la démonstration, SOBER et D. WILSON supposent que chaque escargot qui se nourrit des excréments du bovidé ingurgite invariablement 5 œufs. Ces 5 œufs (ou plutôt leurs