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Quelques arguments pour et contre

3. L’altruisme psychologique

3.3. La controverse entre altruisme et égoïsme psychologiques

3.3.2. Quelques arguments pour et contre

Dans le cadre de la controverse entre l’égoïsme et l’altruisme psychologique la stratégie utilisée par les partisans de l’égoïsme psychologique est habituellement extrêmement simple : elle consiste à trouver une explication en termes de motivation égoïste pour chaque situation ou type de situation apparemment altruiste. Quant aux défenseurs de l’altruisme psychologique, leur argumentaire est généralement plus varié. Cette section est dédiée aux arguments susceptibles de décider lequel des deux camps peut l’emporter : elle se conclura cependant sur un match nul.

Un argument provenant du camp des défenseurs de l’altruisme est de dire que la thèse de l’égoïsme psychologique présente une image peu reluisante de la manière dont les êtres humains réfléchissent et orientent leurs actions (JOYCE 2006, p. 48 ; JAMIESON

2002). Par exemple, selon la version hédoniste de cette thèse, l’ensemble de nos choix relève d’une seule dimension de notre pensée : les considérations sur notre propre plaisir.176 Cette approche semble donc relever d’une conception bien cynique du comportement humain. Cet argument est toutefois assez faible puisqu’un partisan de l’égoïsme psychologique pourrait simplement rétorquer que la réalité ne correspond pas toujours à l’image que l’on s’en fait.

Une autre ligne d’attaque consiste à recourir à des données expérimentales pour faire pencher la balance d’un côté plutôt que de l’autre. A la section 2.3 nous avons vu que les êtres humains ne choisissent pas systématiquement les actions qui leur apportent un bénéfice. En faisant jouer des sujets humains à des variantes de différents jeux (dilemme du prisonnier, jeu du dictateur, jeu du bien commun) on constate que beaucoup de sujets coopèrent sachant parfaitement que l’action la plus avantageuse pour eux serait la défection (section 2.3.2); on constate aussi que les gens sont prêts à punir les opportunistes, à leurs propres frais et sans attente de bénéfices en retour (punition altruiste : section 2.3.4). Souvenons-nous également du jeu de la confiance où les sujets récompensent largement les actions coopératives (p. 117). De plus, une version légèrement modifiée de ce jeu a révélé des résultats encore plus étonnants. Dans cette

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« The fundamental problem with HE is that it does not adequately explain the actual choices that people make. It crudely conceptualizes people as simple, one-dimensional, decision-makers, seeking to realize only one value (pleasure). » (JAMIESON 2002, p. 707)

version, on ajoute un troisième joueur qui n’est en fait qu’un observateur auquel on donne une certaine somme de départ et qui peut, durant le jeu, punir les autres joueurs. Mais la punition comporte un coût et il est clair pour l’observateur qu’il n’obtiendra aucun gain quel que soit l’issue des interactions entre les autres joueurs. En bref, la seule chose que peut faire l’observateur est de dépenser son argent pour punir ou garder son argent en s’abstenant d’intervenir dans le jeu. En principe, si l’observateur était un individu égoïste et rationnel, il ne devrait punir personne pour garder jalousement son bien. Pourtant au cours des expériences qui ont été faites, il est apparu que deux tiers des observateurs punissent régulièrement les opportunistes (FEHR & FISCHBACHER

2004b).

Richard JOYCE (2006, p. 48) pense que des données empiriques de ce type

peuvent être utilisées en faveur de la thèse de l’altruisme psychologique. Pour tester cette hypothèse, demandons-nous quels pourraient être les ressorts psychologiques sous-jacents aux tendances à récompenser les actions coopératives et à punir les actions opportunistes. S’il s’agit de motivations altruistes, alors les sujets devraient être motivés à faire du bien aux autres joueurs. Ils pourraient se sentir bienveillants envers les autres joueurs, ce qui les motiverait à agir de manière coopérative et à punir les opportunistes afin qu’ils cessent de profiter de ceux qui coopèrent (la punition serait alors un bienfait indirect). Toutefois, cette interprétation peut être attaquée sur plusieurs fronts.

Un défenseur de l’égoïsme psychologique pourrait rétorquer que malgré les apparences, la tendance à coopérer et à récompenser les actes de confiance s’avère en fin de compte égoïste du point de vue de la motivation. Pour soutenir cette thèse, il pourrait évoquer les travaux de James RILLING et collègues (2002). Dans des études sur les bases neuronales sous-jacentes aux comportements coopératifs, ces chercheurs ont trouvé que les gens collaborent parce qu’ils se sentent bien en le faisant. Dans une expérience sur le dilemme du prisonnier, le cerveau des sujets humains a été scanné au cours du jeu. Les résultats montrent que certaines zones du cerveau composées de neurones qui répondent à la dopamine (molécule qui joue un rôle dans le comportement relié à la dépendance) étaient fortement activées lors des séries de coopération mutuelle. Et cette réaction de plaisir neuronal était nettement moins élevée lorsque les participantes savaient qu’elles jouaient contre un ordinateur. Ainsi la perspective d’une alliance avec un autre être humain est source de plaisir. Selon les expérimentateurs, cette activation de neurones liés à la sensation de plaisir soutiendrait les relations sociales coopératives ; cette récompense pour une action coopérative serait un excellent

moyen d’inhiber les pulsions qui poussent à la défection. Toutefois, il n’est pas certain que ces résultats parlent réellement en faveur de la thèse de l’égoïsme psychologique. En effet, même si l’on a pu montrer que la récompense est liée aux actes coopératifs, il n’a pas été prouvé que l’anticipation de la récompense cause les choix coopératifs. Il se pourrait que la réaction neuronale soit simplement un effet secondaire, un épiphénomène des interactions coopératives sans influence d’une motivation sous- jacente (tout comme le plaisir de manger une pomme découle du fait de manger la pomme).

Le défenseur de l’égoïsme psychologique pourrait alors se référer à un récent article de Kevin HALEY et Daniel FESSLER (2005) qui montre que les gens sont

largement influencés dans leurs choix coopératifs par certaines croyances intuitives liées aux rapports sociaux. Les expérimentateurs ont manipulé de manière subtile les paramètres du jeu en faisant apparaître des yeux stylisés sur les écrans d’ordinateur utilisés par une partie des sujets de l’expérience. Il se trouve que cette infime différence dans les conditions de jeu a largement influencé le taux de coopération des sujets. Il semblerait que les yeux stylisés soient perçus comme un indice de contrôle social qui incite à agir de manière pro-sociale par peur d’être puni. Ce genre de résultats remet en question les conditions d’expérimentation généralement utilisées pour tester les tendances comportementales des êtres humains en situation d’interaction sociale. Il se pourrait bien que les résultats de toutes ces expériences soient biaisés par des paramètres auxquels les expérimentateurs n’ont pas pensé. Par exemple il est probable que même sous condition d’anonymat total, les sujets ne parviennent pas à se défaire de l’impression d’être contrôlés si bien qu’ils sont poussés à agir de manière pro-sociale par crainte irraisonnée de la punition. Voilà qui ébranle un peu plus la thèse de l’altruisme psychologique. Cependant il ne s’agit ici que d’une hypothèse dont il n’est pas évident de prouver la pertinence. Personne ne niera que la pression du contrôle social pousse les gens à coopérer mais cela n’empêche pas que les expériences menées de manière précautionneuse (précisément celles qui évitent d’intégrer tout indice de contrôle social) permettent réellement de mettre en évidence des motivations de nature altruiste ou du moins pro-sociales chez les êtres humains (voir aussi FEHR & ROCKENBACH 2003).177

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Pour une controverse similaire relative à la motivation sous-jacente aux comportements réciproques indirects, voir LEIMAR et HAMMERSTEIN (2001) pour qui les individus agissent sous l’influence d’une

En fin de compte, pour ce qui est des motivations sous-jacentes à la tendance à coopérer, nous nous trouvons devant un match nul. Voyons ce qu’il en est de la punition altruiste ; relève-t-elle d’une motivation à rendre justice aux individus lésés ? Cette idée semble en réalité assez peu convaincante car il existe des interprétations concurrentes nettement plus plausibles. James FOWLER et ses collègues par exemple, pensent que la punition est causée par un sens de l’équité possédé par tous les êtres humains (2004 ; FOWLER et al. 2005). Ce sens de l’équité pousserait les sujets à punir les inégalités, c’est-à-dire les individus dont le gain est disproportionné par rapport à celui des autres. Une autre solution (d’ailleurs compatible avec la précédente) a été proposée par Ernst FEHR et Simon GÄCHTER (2004). Selon eux les êtres humains possèdent certaines

normes sociales profondément ancrées dans leur esprit. La colère qui mène à la punition serait déclenchée lorsque les sujets prennent conscience que ces normes ne sont pas respectées. Une de ces normes pourrait être celle qui prône l’équité mais il en existe une autre qui paraît être encore plus puissante : il s’agit de la norme de réciprocité. L’idée est que si une personne s’engage dans la coopération, les autres doivent rendre la pareille (voir aussi BOWLES &GINTIS 2004). Si ces explications en termes de sens de

l’équité ou norme de réciprocité sont correctes, alors on ne peut plus parler de motivation altruiste ; il s’agirait plutôt de motivation normative, au sens où c’est la prise de conscience d’une divergence entre la situation et la norme qui induit la motivation à punir.178 A la rigueur, on pourrait même dire que la motivation provient d’une anticipation du plaisir de punir. C’est du moins ce que semble suggérer l’expérience suivante. Dominique DE QUERVAIN et collègues (2004) ont mené une expérience sur les réactions neuronales provoquées par la condition d’être victime d’un acte d’opportunisme. Dans le cadre d’un jeu de la confiance, les cerveaux des sujets auxquels on attribuait le rôle des premiers joueurs (les trusters) ont été scannés durant

motivation égoïste (maintenir une bonne réputation) ; pour la position opposée selon laquelle les individus sont motivés par une tendance à rechercher l’équité ou à punir les opportunistes, voir NOWAK & SIGMUND (1998) MILINSKI et al. (2001 ; 2002), WEDEKIND & MILINSKI (2000). MILINSKI et collègues rétorquent à LEIMAR et HAMMERSTEIN, que leur modèle théorique présuppose des capacités mentales que les êtres humains ne possèdent pas (mémoire prodigieuse, omniscience) et produisent des données empiriques qui semblent contredire la position de leurs contradicteurs (MILINSKI et al. 2001).

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Notons que cette interprétation infirme la thèse de l’égoïsme psychologique qui affirme que toute motivation est égoïste. On ne peut en revanche pas l’utiliser en faveur de la thèse de l’altruisme psychologique.

l’expérience. La focale était portée sur la partie du cerveau activée lorsque les sujets étaient victimes d’abus de confiance de la part des autres joueurs. En cas d’opportunisme de la part du deuxième joueur (c’est-à-dire s’il garde la totalité de la somme pour lui), le premier joueur avait la possibilité de punir soit de manière symbolique soit réellement ; dans le deuxième cas, la punition était coûteuse pour les deux partis. Les résultats montrent que lorsque le sujet choisit de punir réellement l’opportuniste, une zone subcorticale de son cerveau (appelée le « striatum ») est activée. Or des recherches antérieures ont montré que cette région du cerveau est activée lorsque l’on obtient une récompense et induit une expérience affective agréable. Il apparaît donc que les sujets obtiennent un sentiment de satisfaction lorsqu’ils punissent les opportunistes, c’est-à-dire lorsqu’ils prennent leur revanche. Mais ce n’est pas tout. La même expérience montre que le taux d’activation du striatum est corrélé avec le degré de punition ; plus le striatum est activé, plus grande est la somme investie par le punisseur pour se venger de l’opportuniste. Il semblerait donc que les sujets soient motivés à punir parce qu’ils anticipent une satisfaction due à la revanche. Plus l’anticipation est grande, plus ils sont disposés à payer de leur personne pour se venger.179 Notons toutefois que cette expérience met en jeu des actes punitifs résultants du fait d’avoir été abusé par un autre joueur ; l’aspect de la vengeance entre donc en jeu. Il n’est pas certain que l’on obtienne des résultats similaires lorsque le punisseur est une tierce personne qui n’a pas elle-même été lésée (comme dans le cas de la variante du jeu de la confiance avec observateur).

Quoi qu’il en soit, il semblerait que la punition est loin d’être motivée par la prise en compte du bien-être et des intérêts d’autres joueurs. Mais cela n’invalide pas la thèse de l’altruisme psychologique. On peut tout à fait concéder que la motivation à la punition n’est pas de nature altruiste et ajouter que nous sommes motivés de manière altruiste pour réaliser d’autres actions.

En définitive, il semblerait que les données empiriques issues de la psychologie et de l’économie expérimentale ne peuvent être utilisées de manière convaincante ni en faveur de la thèse de l’altruisme psychologique ni en faveur de la thèse opposée (du moins dans l’état actuel de la recherche). Comme le fait justement remarquer Dale

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On trouve également cette ligne d’argumentation chez Michael PRICE, Leda COSMIDES et John TOOBY (2002).

JAMIESON (2002), il semblerait que l’on ne pourra jamais, sur la base d’approches expérimentales, être certain qu’une action particulière a été causée par une motivation altruiste ou égoïste.

Voyons s’il est possible de trouver un meilleur argumentaire chez les philosophes. Au cours de l’histoire de la philosophie, un bon nombre d’arguments ont été proposés pour contrer la thèse de l’égoïsme psychologique. Le plus fameux est dû à Joseph BUTLER (1991/1726, § 415) et porte sur la nature des désirs180 qui motivent les sujets à agir de manière altruiste (ou du moins apparemment altruiste). BUTLER affirme que ces désirs ne sont pas de nature hédoniste, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas dirigés vers notre propre plaisir. La prémisse de l’argument consiste à dire qu’un désir pour un objet extérieur doit être antérieur à la sensation de plaisir (laquelle découle de l’obtention de l’objet) ; dit autrement, une condition préalable pour éprouver du plaisir est d’avoir un désir orienté vers un objet. Par exemple, nous pouvons prendre du plaisir à manger une pomme uniquement si nous avons au préalable formé le désir de manger une pomme. Il s’ensuit que l’on ne peut pas dire avec l’égoïste psychologique que tout désir pour un objet est causé par un désir hédoniste préalable (en l’occurrence le désir du plaisir que cet objet est censé causer). Cet argument a fait école et on en retrouve diverses variantes dans les écrits de philosophes contemporains (BROAD 1930 ; FEINBERG 1984 ; NAGEL

1970).

Les tenants de la thèse de l’égoïsme psychologique pourraient toutefois rétorquer que l’hédonisme psychologique peut tout à fait s’accommoder de la prémisse de l’argument de BUTLER.Ils peuvent admettre que la condition nécessaire pour obtenir du plaisir est d’avoir eu au préalable un désir pour l’objet qui cause du plaisir. L’important est de savoir ce qui cause le désir pour l’objet et l’hédoniste pourrait affirmer qu’un désir pour un objet extérieur (par exemple une pomme) peut être suscité par le désir d’éprouver du plaisir (à supposer que l’on pense qu’il est plaisant de manger une pomme). En d’autres termes l’hédoniste peut accepter l’existence de désirs pour des objets externes181 tout en affirmant que tous ces désirs sont eux-mêmes causés par un

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Nous verrons plus que loin que penser la controverse entre l’altruisme et l’égoïsme psychologique en termes de désir est fourvoyante.

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En principe l’hédoniste psychologique peut même admettre qu’une condition nécessaire pour avoir du plaisir est d’avoir eu au préalable un désir pour l’objet qui cause du plaisir. Notons cependant que cette affirmation peut être remise en cause pour d’autres raisons. Comme le fait remarquer Elliott SOBER, il y a des choses qui causent du plaisir sans que l’on ait eu un désir préalable pour l’objet lui-même ; l’odeur

désir hédoniste : celui d’obtenir du plaisir par le biais de l’obtention de l’objet. Nous aurions ainsi une chaîne causale du type

(a) Désir pour le plaisir Æ (b) Désir pour un objet extérieur Æ (c) Obtention de l’objet extérieur Æ (d) Plaisir

où (b) ne peut pas être produit sans (a).182 D’autre part, pour se munir contre une série d’objections relatives à la plausibilité de sa position, le défenseur de l’égoïsme psychologique peut recourir à l’idée que (a) ne doit pas forcément être conscient. Cela lui permet d’affirmer par exemple que pour pouvoir être motivé à agir, le sujet doit se trouver dans un état d’inconfort (par exemple avoir faim ou être mal à l’aise à la vue de la souffrance d’autrui) qui lui fait concevoir un désir conscient ou inconscient de se débarrasser de cet état, c’est-à-dire un désir de type (a). Ou alors le sujet peut anticiper qu’en agissant d’une certaine manière (par exemple manger une pomme juteuse ou faire une bonne action), il obtiendra un sentiment agréable, et c’est (a) le désir conscient ou non d’éprouver le sentiment agréable qui le poussera à forger un désir de type (b) qui consiste par exemple à vouloir manger une pomme ou aider son voisin.183

Cet argument de l’inconscient est extrêmement puissant. Il permet de répondre à peu près toutes les tentatives philosophiques en faveur de l’altruisme psychologique. Considérons un autre exemple. Francis HUTCHESON a imaginé une expérience de pensée

destinée à prouver l’existence de choix altruistes. « Supposons (…) que la Divinité déclare à un honnête homme qu’il va soudain l’anéantir mais, qu’à l’instant de sa mort, le choix lui soit laissé de rendre à l’avenir ses amis, ses enfants ou son pays heureux ou malheureux, alors qu’il ne pourra ressentir lui-même ni plaisir ni peine de leur état » (1991/1726, p. 152). Selon Hutcheson, dans de telles circonstances, la plupart d’entre

d’une fleur par exemple (1992 ; SOBER &D.WILSON 2003/1998, chap. 9 ; voir aussi PLATON, Philèbe, 51c-52b).

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Pour les détails de cet argument, voir SOBER 1992 ; SOBER &D.WILSON 2003/1998, chap. 9.Ces auteurs pensent que ni les expériences menées par les psychologues, ni les arguments philosophiques ne permettent de rejeter la thèse de l’égoïsme psychologique. Pour défendre la thèse de l’altruisme psychologique, ils proposent un argument évolutionnaire (2003/1998, chap. 10) qui sera mentionné plus loin (section 3.4.4).

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Une analyse phénoménologique de nos motivations par exemple montrerait que, par les moyens de l’introspection, nous ne pouvons souvent pas imaginer l’existence d’un désir de type (a) préalable à nos désirs de type (b).

nous choisirait la première option et seule l’existence de motifs altruistes permet d’expliquer un tel choix. L’élément clé de l’argument est le recours à l’introspection ; nous ne pouvons pas imaginer d’autres motifs qu’altruistes pour expliquer le choix de cet homme, ou le choix similaire que nous ferions si nous étions à sa place. Mais à nouveau, un partisan de l’égoïsme psychologique pourrait invoquer l’inconscient en rétorquant que l’introspection ne nous donne pas forcément accès à nos motifs les plus profonds. Il se pourrait bien que ces derniers consistent en un espoir irrationnel d’être récompensé dans l’au-delà ; dans ce cas, l’introspection nous tromperait sur nos réels motifs et la thèse égoïste demeure plausible.

Pour les partisans de l’égoïsme, le recours à l’inconscient comporte l’avantage d’immuniser leur interprétation contre les critiques (puisque, précisément, l’inconscient est insondable). Il y a cependant un revers à la médaille : l’inconscient implique que l’on ne peut rien prouver et il n’y a aucune raison de principe de favoriser la thèse de l’égoïsme psychologique ou la thèse opposée. En définitive, il semblerait que, sur le plan descriptif du moins, nous nous trouvions dans une impasse et que cette controverse demeurera à jamais irrésolue.