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2.2 Méthodologie de la recherche

2.2.2 Sélection des cas

Secteur industriel

Nous avons choisi les cas en fonction des variables de contrôle, que nous avons expliquées précédemment. Tout d’abord, nous avons choisi d’étudier le secteur des pâtes et papiers, car il est certainement un des chefs de file en matière de coopération patronale-syndicale et d’innovations organisationnelles. Ainsi, plusieurs auteurs ont étudié l’émergence des nouvelles formes d’organisation du travail dans ce secteur (Bourque et Rioux, 1994 ; Bourque, Hamel et Julien, 1998 ; Lapointe et Malo, 2000 ; Lapointe 1999 ; Lachance et Lapointe 1999 ; Bourque 1999 ; Bourque et Rioux, 2001. Niepce et Molleman (1998) soulignent l’importance d’étudier des contextes de travail dans lesquels les tâches ne sont pas routinières, afin d’avoir des équipes autonomes de travail : « In this regard, it is obvious why self management is often associated with creative and non routine work, dynamic environments, and custom or continuous process technologies (Manz, 1992) (Niepce et Molleman, 1998 : 277). » L’industrie des pâtes et papiers est un secteur dans lequel des entreprises ont implanté de nouvelles formes d’organisation du travail. C’est une industrie de type « process », et la documentation sur le sujet confirme que ce type d’industrie favorise l’émergence d’équipes autonomes de travail issues du modèle socio-technique.

Technologie

Les usines de pâtes et papiers sont généralement divisées en deux secteurs, soit la production de pâtes et la fabrication du papier.

« Le secteur des pâtes regroupe les départements de la réception des matières premières (copeaux), le blanchiment, le décantage, la pâte thermomécanique (PTM) et la centrale thermique. Les principales opérations de ces départements sont d’alimenter l’usine en copeaux, de préparer et raffiner les matières premières, de tamiser, épurer, décanter et contrôler la qualité de la pâte ; la centrale thermique assure le chauffage de l’usine et la production de la vapeur pour les machines à papier (Bourque, Hamel et Julien, 1998 : 73). »

Nous avons choisi de comparer le fonctionnement des équipes de travail de deux unités de production de PTM, parce que le procédé de pâte thermomécanique est relativement

récent, et que son niveau d’avancement technologique se situe au-dessus de la moyenne de l’industrie. L’implantation de cette nouvelle technologie dans les deux usines a été réalisée dans la décennie précédant notre étude. Cette technologie de type « process » fait souvent appel à des équipes semi-autonomes inspirées du modèle socio-technique. Enfin, plusieurs employeurs profitent de la modernisation technologique pour implanter une philosophie de gestion plus participative qui implique de nouvelles formes d’organisation du travail. L’employeur peut cependant faire participer le syndicat dès l’installation de cette nouvelle technologie, attendre que la phase de l’implantation soit terminée pour inviter le syndicat à participer à la gestion de l’organisation du travail, ou le tenir à l’écart de la gestion des changements organisationnels. Les positions syndicales par rapport aux nouvelles formes d’organisation du travail peuvent prendre des colorations très différentes selon ces différents scénarios (Lapointe et Paquet, 1994 ; Lapointe et Bélanger, 1996).

Affiliation syndicale

Dans le cadre de cette recherche, nous voulons effectuer une étude empirique portant sur deux syndicats affiliés à la Fédération des travailleurs du papier et de la forêt (FTPF-CSN). La FTPF-CSN demeure un chef de file dans les innovations organisationnelles telles les équipes autonomes de travail au sein de la CSN (Bourque, 1999). La participation de cette centrale syndicale à la gestion de l’organisation du travail n’est pas homogène dans les différents secteurs d’activité : « La formalisation des structures de participation syndicale à la gestion de l’organisation du travail est cependant plus poussée dans le secteur du papier où la négociation collective est davantage centralisée que dans la métallurgie (Bourque, 1999 : 147). »

L’appartenance de la FTPF et de ses syndicats affiliés à la Confédération des Syndicats Nationaux (CSN) influence à plusieurs égards leurs orientations et leurs actions. La CSN inspire d’abord les syndicats locaux en leur communiquant sa philosophie d’action, en vue d’orienter leurs objectifs ainsi que leurs priorités d’action (Lapointe et Paquet 1994). La CSN influence également les grandes lignes de pensée des fédérations professionnelles qui lui sont affiliées. Cependant, ce sont les syndicats locaux qui

disposent du pouvoir et de l’autonomie d’action au sein de la CSN (Bourque et Rioux 2001). La CSN compte neuf fédérations professionnelles. « La fédération rassemble les syndicats d’un même secteur d’activités ou de secteurs d’activités connexes.2 » Une fédération constitue un « lieu de solidarité et regroupe un ensemble de moyens et d’expertises considérables pour les syndicats quant à l’élaboration de politiques de négociation et à l’approbation des conventions collectives3 ». Par exemple, la fédération fournit une expertise considérable par l’apport d’analyses financières et économiques. De plus, la fédération peut fournir au besoin des études comparatives afin de dresser un portrait global du secteur économique. Au sein de la CSN, les travailleurs des industries du papier et de la forêt sont regroupés dans la FTPF, qui réunit environ 12 000 membres, dont la moitié vient du secteur du papier.

Outre le rôle crucial des fédérations dans la réorganisation du travail, les représentants syndicaux locaux élus par l’assemblée générale ont la responsabilité de faire suivre les demandes effectuées par leurs membres. Les représentants syndicaux négocient les conditions de leurs membres et ils sont imputables de leurs décisions. Les conseillers syndicaux de la FTPF jouent un rôle de conseil auprès du président du syndicat et des autres représentants de l’organisation syndicale locale. Bourque et Rioux (2001) expliquent les rôles des différents intervenants dans le milieu du papier :

« Les représentants élus par les membres du syndicat local sont les principaux intervenants dans les relations avec leur employeur, mais la négociation collective dans cette industrie caractérisée par une grande homogénéité aux plans des technologies et de la main-d’œuvre nécessite une coordination qui est normalement assumée par la fédération (Bourque et Rioux, 2001: 344). »

Le conseiller syndical permet d’établir le lien entre la centrale et les syndicats locaux. La Fédération des travailleurs du papier et de la forêt (FTPF-CSN) a accepté d’initier le processus de la réorganisation du travail, mais à certaines conditions :

« Les orientations de la FTPF à cet égard vont dans le sens de l’implication syndicale dans l’organisation du travail lorsque l’indépendance et l’autonomie d’action des syndicats sont assurés par des ententes formelles prévoyant

2 http:// www.csn.qc.ca 3 Idem

notamment par la mise en place de comités conjoints dotés de pouvoirs décisionnels (FTPF 1993) (Bourque et Rioux, 2001 : 339). »

Cette fédération est munie d’une structure de coordination des négociations qui permet une diffusion plus efficace des nouveaux acquis et des réponses syndicales aux nouvelles tactiques utilisées par l’employeur (Bourque et Rioux, 2001).

Avant 1990, les négociations dans le secteur du papier au Canada et au Québec étaient très centralisées, sous l’égide du Syndicat des communications, de l’énergie et du papier (SCEP), qui regroupe des unités syndicales locales à l’échelle du pays, tandis que les membres de la FTPF se trouvent presque seulement au Québec. Le SCEP était le leader dans la négociation de l’entente-type (pattern) tant dans l’Ouest du Canada que dans la région Est, qui regroupe les provinces maritimes, le Québec et l’Ontario, et il négociait les règlements salariaux dans l’industrie canadienne du papier. Bourque, Hamel et Julien (1998) constatent à cet égard :

« Il faut souligner au passage que les négociations concernant les salaires et les avantages sociaux des syndicats affiliés à la FTPF de la CSN sont largement dépendantes des résultats de la négociation entre le Syndicat des communications, de l’énergie et du papier (SCEP) qui représente la majorité des salariés de l’industrie du papier au Québec et au Canada (Bourque, Hamel et Julien, 1998 : 73). »

À chaque ronde de négociation, le SCEP négocie avec une entreprise ciblée l’accord type sur les salaires, qui est par la suite étendu aux grandes entreprises du secteur et intégré aux conventions collectives des syndicats affiliés à la CSN. L’orientation proactive de la FTPF ainsi que le pouvoir de négociation de la SCEP ont favorisé une certaine homogénéité dans les revendications syndicales. Cette uniformité des revendications du SCEP a facilité le suivi et le contrôle plus efficace des concessions de leurs syndicats.

Lors de la ronde de négociations de 1993 dans l’industrie canadienne du papier, les employeurs ont fait pression pour allonger la durée de la convention collective (Bourque et Rioux 2001). L’allongement de la durée des conventions collectives et la volonté d’implanter une organisation de travail décentralisée ont provoqué la fin de la

synchronisation des négociations dans l’industrie du papier au Québec. Une entente de paix industrielle implique une renonciation à la grève et au lock-out durant la durée de la convention collective. L’instabilité économique, la crainte de perdre leurs emplois et la participation des travailleurs à la réorganisation du travail sont des facteurs ayant limité la capacité de la FTPF à coordonner les négociations locales. Avec la réorganisation du travail, les employeurs cherchent à négocier avec les syndicats une plus grande flexibilité fonctionnelle au niveau de chaque établissement, afin d’obtenir des avantages concurrentiels, ce qui veut dire une décentralisation des négociations collectives. Bourque et Rioux (2001) soulignent les facteurs ayant favorisé la décentralisation de la négociation dans l’industrie du papier au Canada et au Québec :

« Les études à ce sujet soulignent deux facteurs essentiels qui ont contribué à la décentralisation de la négociation collective : la volonté patronale d’échapper aux contraintes de la régulation sectorielle des salaires et des conditions de travail, et l’importance croissante des enjeux liés à l’organisation du travail pour améliorer la productivité (Bourque et Rioux, 2001 : 353). »

Ainsi, une compétition sur les salaires et sur les conditions de travail a vu le jour entre les différentes usines du secteur des pâtes et papiers, tant à l’échelle canadienne qu’au niveau international.

La région

Nous avons sélectionné pour notre étude deux établissements du même employeur dans la région du Saguenay-Lac St-Jean, car c’était la seule région québécoise où l’on pouvait comparer deux usines de papier ayant une technologie semblable et une même affiliation syndicale.