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Principaux changements organisationnels dans l’industrie du papier au

1.6 La réorganisation du travail dans le secteur des pâtes et papiers au Québec

1.6.4 Principaux changements organisationnels dans l’industrie du papier au

Dans cette section, nous présentons une synthèse des principaux changements intervenus dans les usines de papier selon les études sur la réorganisation du travail dans cette industrie, au Québec, depuis le début des années 1990. Les syndicats ont été contraints à accepter un décloisonnement des métiers, un aplanissement de la structure hiérarchique ainsi qu’une flexibilité organisationnelle et salariale. En contrepartie, l’employeur a aménagé des mesures de sécurité d’emploi ou de revenus pour atténuer les effets des changements organisationnels, notamment par le biais de préretraites. Les ententes de partenariat à la réorganisation du travail s’accompagnent généralement d’une demande de flexibilité fonctionnelle de la production et des métiers, et elles encouragent l’entraide entre les différents emplois. Dorénavant, les travailleurs des métiers et les opérateurs sont appelés à s’aider en cas de panne ou d’arrêt d’une machine, alors qu’auparavant, les opérateurs devaient attendre l’intervention des travailleurs des différents métiers concernés, qui procédaient à la réparation. Les syndicats ont accepté la fusion des métiers en échange d’un certain rapatriement des travaux effectués en sous-traitance. L’aplanissement des niveaux de supervision a contribué à l’enrichissement et à l’élargissement des tâches, mais Bourque (1999) a noté une intensification du travail suite au décloisonnement des métiers dans le secteur des pâtes et papiers.

À l’instar de la flexibilité fonctionnelle, la réorganisation du travail comprend souvent une flexibilité salariale. Aucun des cas étudiés par Bourque (1999) dans l’industrie du papier au Québec n’a enregistré une baisse de salaire au cours des années 1990, malgré les nombreux bouleversements qu’a subi ce secteur économique durant cette période. Par contre, les syndiqués ont accepté un gel de salaire en 1993, lors des négociations dans l’industrie du papier. De plus, certains employeurs ont instauré des programmes d’intéressement aux résultats ayant pour effet de rendre variable une partie de la rémunération. Dans la plupart des cas, ces programmes comportent deux volets : un volet de partage des bénéfices d’opération et un volet d’amélioration de la productivité. Les syndicats ont aussi négocié la mise en place de comités mixtes qui ont présidé à

l’implantation de différentes mesures de rémunération incitative. En outre, tous les syndicats du secteur du papier compris dans l’étude de Bourque (1999) ont négocié une entente sur la transparence économique et financière. En contrepartie de dispositions sur l’obligation de transmettre des informations financières aux syndicats, les employeurs ont obtenu des conventions collectives de plus longue durée que celles de la décennie précédente.

Comme nous l’avons souligné, les syndicats ont négocié des ententes de partenariat dans des contextes économiques difficiles, donc nous pouvons saisir l’importance des clauses de protection des emplois. Les clauses de protection des emplois se situent au cœur des ententes de participation syndicale à la gestion de l’organisation du travail. Les représentants syndicaux tentent d’avoir un certain contrôle de la sous-traitance, mais Bourque (1999) minimise l’impact de ces clauses de protection d’emplois, car dans certains cas, la convention collective limite la sous-traitance à des domaines spécifiques. Dans une entreprise étudiée, l’auteur note que les parties ont inclus dans la convention collective une disposition déclaratoire sur le caractère exceptionnel du recours à la sous-traitance. Il souligne également que les syndicats du secteur des pâtes et papiers ont négocié des mesures de sécurité d’emploi de portée beaucoup plus limitées que celles de la métallurgie. Par contre, les mesures de sécurité d’emploi incluses dans les conventions collectives de ce secteur sont plus homogènes que dans la métallurgie et elles sont souvent négociées en contrepartie du décloisonnement des métiers (Bourque, 1999).

Bourque, Hamel et Julien (1998) soulignent plusieurs facteurs de succès de la réorganisation du travail dans le cas de l’usine de papier de Donnacona :

« Les représentants patronaux et syndicaux interrogés dans le cadre de notre étude partagent l’avis que les principaux facteurs de succès de la réorganisation du travail à l’usine de Donaconna sont la coopération patronale-syndicale, la transparence de l’information, l’implication des travailleurs et des cadres, ainsi qu’une volonté commune de faire de l’usine de Donaconna une usine de classe mondiale. Les représentants du syndicat estiment de plus que l’implication active du syndicat ainsi que l’intervention à plusieurs reprises du service de médiation préventive du ministère du Travail du Québec ont également contribué au succès

du processus de changement. La direction de l’établissement considère de son côté que l’expertise et la vision stratégique de la compagnie Domtar a été un facteur déterminant de la mise en œuvre de la réorganisation du travail en 1991 (Bourque, Hamel et Julien, 1998 : 82). »

Les auteurs précisent que la participation syndicale à la gestion de l’organisation du travail aurait eu un impact positif sur la productivité et sur le développement continu des compétences. Par contre, cette réorganisation du travail s’est accompagnée d’une réduction de près de 20 % du personnel de l’usine. Néanmoins, les travailleurs et leurs représentants syndicaux ont, selon ces chercheurs, une volonté de participer conjointement aux décisions concernant la gestion de leurs milieux de travail.

Cette revue des principales études empiriques sur la participation syndicale à la réorganisation du travail et les innovations organisationnelles dans le secteur des pâtes et papier au Québec peut servir d’introduction au prochain chapitre consacré à la présentation de notre cadre conceptuel et opératoire de recherche, de notre hypothèse principale de recherche et de la méthodologie utilisée pour mener nos deux études de cas dans ce même secteur.