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Les impacts du travail en équipe sur l’organisation et les relations du travail

1.2 Les équipes de travail

1.2.6 Les impacts du travail en équipe sur l’organisation et les relations du travail

Ces nouvelles formes d’organisation du travail peuvent améliorer le climat de travail et réduire le nombre de conflits à l’intérieur de l’organisation. L’objectif n’est toutefois pas d’éliminer les conflits de travail. Ainsi, Cohen-Rosenthal et Burton (1987) soulignent le rôle positif des conflits dans les relations de travail. En effet, les conflits permettent l’explosion d’idées divergentes et constructives dont l’employeur doit profiter à bon escient. Les équipes de travail peuvent permettre de revaloriser les objectifs de la qualité, augmenter la motivation et le moral des employés, accélérer le processus d’identification à l’entreprise ou bien aider à hausser la satisfaction au travail (Cohen- Rosenthal et Burton (1987). Il y a peu d’études concluantes sur les impacts des équipes semi-autonomes de travail sur cette dimension. Certains auteurs affirment que l’expérience des ESA a bouleversé l’organisation du travail de plusieurs industries canadiennes. Rankin (1990) illustre le cas de Shell à Sarnia, alors que Brossard et Simard (1990) ont brossé le tableau des ESA dans l’entrepôt des produits congelés de Steinberg. Nonobstant ces objectifs secondaires, l’objectif principal demeure l’amélioration de la productivité.

Le modèle socio-technique se veut aussi une solution à certains problèmes de recrutement et de rétention du personnel. Par contre, le recrutement devient plus complexe, car il exige de choisir des personnes qui auront des habiletés relationnelles compatibles avec les équipes autonomes de travail. Enfin le système socio-technique peut réduire l’absentéisme et le taux de roulement au moyen d’une plus grande satisfaction du personnel. Le travail en équipe signifie un progrès vers la démocratie du travail, l’accession à de nouveaux droits, l’exercice de nouvelles responsabilités, l’expérimentation de formes inédites de coopération et de solidarité, et l’amélioration de la qualité des services (CSN 1995). Les travailleurs sont d’autant plus satisfaits qu’ils gagnent en autonomie, qu’ils jouissent d’une sécurité d’emploi et d’une garantie de partage de certains gains.

Le travail en équipe peut, dans certains cas, s’avérer néfaste pour les employés. Certains chercheurs ont noté une hausse de l’absentéisme et du taux de roulement suite à

l’implantation d’équipes semi-autonomes de travail (Cordery et al., 1991 ). La pression des pairs pour se surpasser peut provoquer certains désordres psychologiques chez les individus (dépression, insatisfaction, stress, fatigue chronique, etc.) (Lévesque, Bouteiller, Gérin-Lajoie, 1997). La pression des pairs peut s’avérer plus stressante chez certains employés que la pression bureaucratique (Bélanger, 2001). Suite à cette pression incessante des pairs, plusieurs conflits interpersonnels peuvent surgir. Le débat devient très rapidement émotif, car le rendement au travail dépend de la productivité de tous les coéquipiers. Cette pression par les collègues de travail peut s’amplifier lors de l’instauration d’un système de rémunération basé sur les réussites de l’équipe de travail. Tout comme l’illustrent Lévesque, Bouteiller, Gérin-Lajoie (1997) l’intensification du travail au moyen de la réduction des temps mort peut menacer la santé des travailleurs œuvrant dans des équipes de travail.

Les chefs d’équipes sont souvent pris entre l’arbre et l’écorce, et ils gèrent les conflits entre les membres de la direction et les membres de leur équipe, le travail en équipe concernant habituellement une minorité de salariés (Applebaum et Batt, 1994, Lévesque, Bouteiller, Gérin-Lajoie, 1997). Certaines frustrations peuvent découler du traitement privilégié que reçoivent les travailleurs faisant partie des équipes de travail, et elles peuvent affaiblir la solidarité syndicale. Ainsi, les travailleurs à l’extérieur de ces équipes autonomes ou semi-autonomes de travail sont souvent exclus de nombreux programmes de formation qui s’adressent aux membres des équipes de travail. Les relations entre les membres des équipes de travail et les autres salariés peuvent également alimenter les tensions internes, conduisant parfois à une remise en cause de l’appui syndical au travail en équipe

Wells (1993) conclut, après l’étude de cas bien documentés de coopération patronale-syndicale, que ces nouvelles approches de relations du travail renforcent le pouvoir de l’employeur (Wells, 1993 : 79). Certains auteurs considèrent que le travail en équipe alimente le patriotisme d’entreprise qui mine la solidarité syndicale et menace à long terme l’existence même des syndicats (Parker et Slaughter, 1988 ; Wells, 1993). Il n’est pas rare de voir les syndiqués se doter de systèmes de contrôle et d’adopter des

règles plus contraignantes à l’égard des membres des équipes de travail que celles de la direction. Bélanger (2001 : 160) écrit à ce sujet : « Dans un article de synthèse, Graham Sewell (Sewell, 1998) met en lumière le fait que, dans certains types de production, une telle pression des pairs jumelée à l’application des technologies de l’information peut conduire à une forme avancée de surveillance et de contrôle social. »

Nous pouvons donc conclure que l’implantation d’équipes de travail se traduit habituellement par une réduction et par un décloisonnement des classes d’emplois, par une formation et du perfectionnement offert à tous les employés, par une structure salariale incitative à l’acquisition de nouvelles compétences, par un réseau de communication dynamique et plus informel, par un recrutement planifié pour une gestion prévisionnelle de la main-d’œuvre ainsi que par une augmentation des responsabilités des salariés. L’autonomie est la caractéristique définissant les différentes topologies des équipes de travail : équipe autonome de travail, équipe semi-autonome ou équipe supervisée. Pour nombre d’auteurs, le travail en équipe constitue une voie de dépassement du modèle tayloriste d’organisation du travail qui impose une décision rigide entre conceptions ainsi qu’une organisation du travail confinant les salariés à des tâches restreintes et répétitives (Applebaum et Batt, 1994 ; Cohen-Rosenthal et Burton, 1993 ; Rankin, 1990). Dans la prochaine section, nous présenterons les motivations qui nous poussent à étudier simultanément ces deux phénomènes.