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Chapitre 4 Discussion

4.2 La sécrétion d’insuline chez les femmes avec la FK

L’amélioration des modes de vie et des traitements pharmacologiques a permis le prolongement graduel de l’espérance de vie des patients avec actuellement un âge médian de survie de 50,9 années chez la population canadienne atteinte de FK (8). Par contre, il est bien documenté que les femmes atteintes de la FK ont un risque plus élevé de mortalité que les hommes avec une différence d’environ 7 ans sur l’âge médian de survie (276). Malheureusement, aucun trait pathophysiologique comme les infections pulmonaires, le statut nutritionnel et l’apport énergétique ne semble expliquer cette différence entre le sexe (268). En surplus, les femmes sont plus à risque de développer la complication secondaire la plus fréquente, le DAFK (146). Principalement causé par la diminution très tôt dans la vie d’une hormone anabolique et hypoglycémiante qui est l’insuline, le DAFK pourrait expliquer cette différence entre les sexes (277). Pour essayer de comprendre cette différence, notre deuxième objectif était de comparer l’homéostasie insulinémique durant l’HGPO entre les deux sexes (Article 2). Pour ce, nous avons étudié un total de 123 hommes et 107 femmes adultes atteints de la FK avec aucun diabète connu provenant de la cohorte MCFC. Notre hypothèse était que les femmes présenteraient un taux d’insuline plus faible que les hommes, ce qui aurait constitué une explication plausible à la plus grande fréquence de DAFK et au plus faible poids qui est lui- même assoicié à une plus faible fonction pulmonaire.

hypothèse. D’ailleurs, cette différence a persisté lorsque nous avons stratifié nos groupes par génotype, présence d’insuffisance pancréatique exocrine ou par statut de tolérance au glucose ainsi qu’après un suivi d’environ 20 mois. Nous avons aussi documenté que la sécrétion d’insuline totale durant l’HGPO ne diffèrait pas entre les femmes avec ou sans la FK. Par contre, les hommes atteints de la FK sécrétaient beaucoup moins d’insuline que les hommes sains. Cependant, les femmes atteintes de FK, malgré les niveaux similaires de la sécrétion d’insuline totale à ceux des femmes en santé non-FK, présentaient une homéostasie insulinémique qualitative modifiée.

Il est bien connu que l’écart associé au risque de décès entre les hommes et les femmes n’apparaît pas avant la puberté (154). Ainsi, nous suggérons que cette sécrétion d’insuline plus importante chez les femmes comparée aux hommes avec la FK pourrait être expliquée par l’effet des hormones sexuelles. Par example, l’estrogène peut augmenter l’expression et la sécrétion de l’insuline ainsi que les niveaux d’insuline dans le pancréas (278, 279). De plus, la protéine CFTR joue un rôle dans la production des hormones sexuelles féminines par les ovaires (280). Cette dernière observation suggère deux mécanismes opposés dans les ovaires qui pourraient influencer la sécrétion d’insuline chez les femmes atteintes de la FK dont 1) des niveaux bas d’estrogène mèneraient à la diminution de la sécrétion d’insuline (281) et 2) une résistance à l’insuline légère telle que celle observée dans la FK provoquerait une hyperinsulinémie (282). Selon nos résultats, le deuxième mécanisme serait plus probable dans notre cohorte de FK. Puisque les femmes atteintes de la FK présentent généralement une adiposité plus élevée que les hommes (283), ceci pourrait aussi expliquer cette hausse de la sécrétion d’insuline et la baisse de la sensibilité d’insuline. L’idéal serait de vérifier s’il existe une association entre l’homéostasie insulinémique et les concentrations plasmatiques d’hormones sexuelles.

Des études ont déjà démontré, dans une population non atteinte de la FK, que les femmes avaient généralement une glycémie à jeun légèrement plus faible que les hommes (284). Une glycémie à jeun élevée chez les hommes comparé aux femmes peut être expliquée soit par 1) une augmentation de la production endogène de glucose lorsqu’à jeun (285) ou 2) l’effet négatif de l’estrogène sur la néoglucogénèse (286). Nous avons aussi rapporté cette observation dans notre cohorte de FK ainsi que chez nos groupes de sujets sains (Article 2). Ces niveaux bas de la glycémie à jeun chez les femmes comparées aux hommes, mais en présence d’une insulinémie à

jeun similaire, pourraient être liés à des mécanismes impliqués dans la régulation du glucose hépatique, tels que les acides gras libres (287). Pour répondre à cette question, il sera important de mesurer les niveaux plasmatiques d’acides gras libres dans notre cohorte et aussi de mesurer les principales hormones impliquées dans la régulation de la glycémie soit le glucagon et les incrétines. Enfin, il sera important d’évaluer s’il existe des différences entre les sexes pour la clairance de l’insuline.

Un bon marqueur de la dysfonction des cellules β du pancréas serait la diminution de la première phase de sécrétion d’insuline durant l’HGPO. En effet, cette dysfonction a été identifée chez des individus avec une glycémie normale mais avec des antécédents familiaux de diabète (288) ainsi que chez des individus avec une intolérance au glucose (289). Ceci suggère qu’une diminution de la première phase d’insuline durant l’HGPO serait un bon prédicateur d’un éventuel dévelopement du diabète (290). Nous avons observé, malgré les niveaux similaires de la sécrétion d’insuline totale, que les femmes atteintes de la FK avaient une diminution de la première phase d’insuline comparée aux femmes saines (Article 2). Il est donc important de souligner que ces anomalies quantitives de la sécrétion de l’insuline observées chez les femmes atteintes de la FK les exposent probablement à un risque ultérieur élevé de dysglycémie.

Enfin, il est possible que notre groupe, qui est limité pour l’inclusion des patients âgés de 18 ans et plus sans DAFK connu, puisse présenter un biais de sélection. Ainsi, les patientes les plus malades pourraient avoir dévelopées le DAFK plus tôt et/ou présentées une mortalité précoce. Les femmes que nous avons étudiées deviennent alors un large sous-groupe mais en moyenne moins malade que la population FK féminine totale. L’exploration des différences reliées au sexe dans une cohorte plus jeune permettra en grande partie de répondre à ce possible biais d’inclusion.