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1. Les Bassa de Cameroun

1.3 Ruben Um Nyobe et l'Union des Populations de Cameroun

Tel que Joseph (1974) le fit remarquer, la résistance des Bassa au régime Colonial français a été engendrée par l'insuffisance des investissements dans l'infrastructure des régions jumelées, et la présence de plusieurs écoles missionnaires. L'évangélisation des Bassa avait pour but d'imprégner la population indigène avec une conscience de la responsabilité de l'individu pour sa propre vie, son devoir envers sa communauté et à Dieu. Ceci laissa les Bassa avec un sens fort du droit à l'autodétermination sociale et politique, ce qui représentait une menace pour le contrôle de l'État. On en a tout d'abord obtenu la preuve par le soulèvement en Duala, mené par le pasteur de la Native Baptist

Church, Lotin Same. Sa position contre l'administration française a eu un impact

significatif sur la population bassa de villes, puis sur son arrière-pays. Le pouvoir colonial fut donc l’un des plus grands défis de l'autorité politique bassa, menée par l’Union des Populations du Cameroun (U.P.C).

Fondée en 1948, l'UPC devint la branche camerounaise du Rassemblement démocratique

africain (RDA), le Parti interterritoriale d'Afrique française lié au Parti communiste français. Tandis qu’après 1950, les autres sections de la RDA avaient choisi de garder le

silence sur la question de l'indépendance, la section camerounaise tenait aux valeurs de la RDA d’avant 1950 et à leur désir d'élections démocratiques dans leur pays.

Les actions de l'UPC furent renforcées par le soutien de la population locale, ainsi qu'une aide syndicale forte. l'UPC a pu compter parmi ses partisans les Bamiléké, qui militaient déjà pour la réforme politique dans leur territoire. On y retrouvait également une nouvelle population d’ouvriers migrants, dont la croissance rapide inonda Douala, la capitale se retrouvant alors dans une situation de chômage chronique. La plus grande base de soutien de l’UPC fut parmi les Bassa de l'arrière-pays de Douala. C'est là que les politiques économiques et éducatives de l'administration coloniale et les missionnaires créèrent des conditions parfaites pour contester le contrôle français. La zone était au centre des activités économiques coloniales lesquelles ont principalement profité aux intérêts européens, laissant la majorité des paysans bassas désespérément pauvres, tandis que le zèle éducatif des diverses missions dans la région avait créé une classe hautement instruite de chefs potentiels.

Le chef de l'UPC et maquis subséquent fut Ruben Um Nyobe7, un Bassa du village de Boumnyeble8

Nyong et de la région de Kellé, à 70km de Yaoundé. Nyombé a fondé le parti en 1948 et plaida pour la réunification avec le Cameroun britannique ainsi que pour l'indépendance du contrôle français sous le régime de tutelle des Nations Unies. Nyombe créa un vaste réseau de comités locaux. Sa popularité alarma les Français qui, sous prétexte de limiter la propagation du communisme, lancèrent une campagne de répression pour tenter de dissimuler la popularité de l'UPC qui s’agissait de « physical itimidation, unwaranted search an seizures, harrasing arrests » ainsi que « the massive falisfication of... élections » (Joseph 1974: 432). L’autorité française a tenté de saper l'influence du

7 Joseph le décrit comme étant « undoubtedly one of the most brilliant political thinkers and organizers to emerge after the Second World War in Africa. Had he survived to lead his country to independence, he would most certainly be ranked today on the same level as Julius Nyerere, and the late Kwame Nkhrumah and Patrice Lumumba » (1974 : 430)

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au milieu des années 50, soutenant des groupes anti-insurrectionnels dans leurs attaques contre l'UPC et Nyombé.

En 1955, l'UPC fut interdit et une série de premiers ministres furent élus parmi les groupes anti UPC. Cependant, l'UPC a commandé un maquis, localisé dans la forêt de la Nyong et Kellé qui pratiquait le sabotage et l'assassinat. Malgré des tactiques violentes, Nyombé a maintenu sa préoccupation principale de négocier avec les Français pour rétablir le statut juridique de l'UPC.

En fin de compte, l'action militaire du maquis a provoqué les Français et le premier ministre camerounais à commander l'assassinat de Nyombé. Ce dernier a été découvert mort. Son corps fut exposé dans son village en guise de message aux maquisards vivants encore dans la clandestinité. Malgré la cession ou l'élimination de la plupart des rebelles UPC bassas, la résistance continua chez le Bamileke. La dissolution de la tutelle camerounaise par les Nations Unies, sans la tenue de nouvelles élections, fût une mesure sans précédent. Par la suite, les forces françaises ont pu supprimer André-Marie Mbida, leur choix modéré, lequel était un premier ministre antinationaliste, pour le remplacer par une figure encore plus populaire, celle de Ahmadou Ahidjo. Tous actes pouvant mettre en danger l'unité de l'État camerounais fut décris comme illégal et les Français étaient maintenant libres d’éponger toute résistance sous prétexte d'avoir aidé leurs alliers. Ainsi donc, comme le souligne Joseph :

The modern political state of Cameroun has arisen not so much as the realization of a national con- sciousness uniting diverse peoples into one movement against the colonial power-as was the case in most African countries-but out of the suppression of such a movement. In short, it was on the basis of struggling against the most politicized sections of its own population that the independent Cameroun state established its authority. (1974 : 447)