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1. Les origines d’assiko

1.2 L’assiko camerounais

Aucune étude n’existe visant directement l’assiko camerounais et très peu portent concrètement sur son développement dans ce pays. On peut quand même constater que son développement s’est effectué de la ville côtière de Douala vers l’intérieur. Dans son étude sur la musique camerounaise populaire, le makossa, Noah note que l’assiko est un style qui se trouve « dans les régions littorales, du Centre, du sud et même du nord-ouest du Cameroun, en expliquant que « sa polymorphie est due au fait qu’à chaque région correspond une forme particulière d’assiko, c’est-à-dire un rythme, une démarche harmonique et mélodique, et une orchestration spécifique » (2010: 27-28). Il note aussi ses origines parmi le peuple côtiers Sawa, qui comprennent « tous les habitants de la région côtière et les peuples qui s’y sont installés avant eux (Bassa, Bakoko et d’autres avec qui il se sont complètement interpénétrés) » (ibid: 25), et qu’entre ces ethnies, « les références culturelles sont les mêmes ». Il explique que « sur le plan linguistique, les similarités prononcées par rapport aux autres langues bantoues font dire aux linguistes qu‘ils appartiennent pour la plupart à la même classe linguistique, un lignage commun et de très anciens liens de parenté » (ibid: 26). Il explique aussi la grande influence culturelle du peuple Sawa qui a non seulement contribué à plusieurs influences sur le plan linguistique, lexical, du vocabulaire, mais également musical, ce qui est particulièrement évident dans les styles de bolobo (ou bolbo) et ambassebé qui se trouvent aussi chez les Bassa.

Parmi les Bassa de l’intérieur, le guitariste Olivier Clovis de la région du Sanaga Maritime démontre une relation de l’assiko à plusieurs styles populaires précédents, expliquant qu’ « avant, l’assiko il y avait le bekele, il y avait le sekele, il y avait la

maroungo, le makouné »4 (Bonga, 2012 : 5:47). La source la plus révélatrice se trouve dans un documentaire affiché sur l’Internet, qui semble avoir été produit en 2012 pour un       

programme culturel au Cameroun. Il présente des entrevues avec des joueurs d’assiko et érudits bassa. Il présente son évolution en termes de rassemblement progressif de plusieurs styles répandus qui se trouvaient à l’époque parmi plusieurs ethnies connexes de la région. Une interview avec le prof. Bitjala Kody permet de détailler ce propos :

C’est simplement que les Douala, les Bassas, les Beti et autres, comme j’ai dit, à l'origine ont le rythme comme l’ambassebé, comme le makossa, comme l'assiko, et pourtant la « bottle dance », qui utilise cette bouteille au départ, qui ont partagé le même pas de danse qui s'est progressivement diversifié et qui a donné naissance, à mon avis, aux rythmes que nous connaissons aujourd'hui qui sont l'assiko, proprement dit. Même les Eton ont ce même rythme d'assiko, et très bien. À l'origine, c'est toujours avec cette même bouteille. Apparemment, c'est ce rythme de la bouteille qui rythme également les pieds et qui a donné naissance à cette danse qui s'est décalée sur toute la côte, et même à l'intérieur chez les Eton. (ibid ; 2:03)

D’ailleurs, dans une communication directe, le musicien Zagor Essouma, un Eton (sous groupe des Beti), affirme cette vue d’ethnie apparentée et connexe comme source de ce style partagé, et les localise dans les pratiques traditionnelles :

Ce qu’il faut comprendre, c’est que tous les rythmes d’Afrique centrale, notamment du Cameroun, qui sont modernisés, viennent des danses, des pratiques traditionnelles et ces pratiques traditionnelles se faisaient avec des instruments traditionnels, tels que le nkuu. D’autres étaient exclusivement chantées et on commençait à mettre des instruments, et ainsi de suite. Donc, l’assiko Eton vient d’une danse traditionnelle. Tous les peuples qui sont au centre du Cameroun, ont un seul ancêtre commun, donc ils ont pratiquement les mêmes traditions. Il y a un ancêtre commun ; il a eu une famille et chacun de ces enfants a grandi et a pris un territoire, et l’autre est parti et ils se sont éloignés. Avec le temps, en s’éloignant, il garde une racine commune, mais il y a comme une mutation, il y a des choses qui changent. L’assiko, notamment est une des preuves formelles qui prouve que les Eton et les Bassa ont vraiment un ancêtre commun. Ça veut dire qu’ils sont des peuples vraiment proches. Même au niveau linguistique, il y a des mots, des phrases qui se ressemblent. (Communication personnelle, Novembre 2015, Montréal)

Zagor et Atna expliquent que dans chaque cas respectif, l’assiko était joué originalement sur le xylophone et a reçu son nom après l’introduction de la guitare. Noah décrit « une assiko, hard, musclé, rapide et saccadé » des Eton et des Bassa (en le contrastant avec une assiko plus lente des Bulu), ou « la guitare solo est très prépondérante ainsi que la percussion ». Il note enfin que « la guitare solo joue divers rôles d’accompagnement et de chorus successifs intercalés de chants » (ibid: 28).

À travers des développements dans le domaine de la technologie qui soutenait la diffusion de la musique pendant l’ère d’indépendance au Cameroun, la forme d’assiko

s’est concrétisée. Elle fut largement attribuée aux Bassa. Durant cette période, les Camerounais qui commençaient à se déplacer en plus grand nombre vers les centres urbains qui ont gardé le goût pour des formes traditionnelles (Nyamnjoh, Fokwang ; 2005). Dans le documentaire sur assiko, on met l’emphase sur la place de cette musique dans la continuité de la culture Bassa. Selon le narrateur, « chez les Bassa, l'assiko reste aujourd’hui une affaire des ancêtres, car ce n'est pas donné à tout le monde de jouer l'assiko, vous êtes choisi…mystiquement pour pratiquer cette gymnastique des sens ». On entend ensuite, dans le même programme, une interview menée avec une mbombog qui place l’assiko dans la continuité du lignage Bassa à travers le temps, en le décrivant comme « un don qui part d’une essence ; un don qui part d'une ligne quelconque ; toute chose a une ligne, c'est pour ça que les jeunes qui chantent l'assiko aujourd’hui, ils sont dans la lignée, qu'on appelle le mbog matouk, c’est-à-dire ils émettent des chants signifiant l'effet naturel ». Donc, pour les garants de la culture Bassa, les significations de cette musique semblent avoir survécu leurs adaptations aux instruments électriques qui étaient attribués largement aux innovations de Jean Bikoko dans les années soixante.