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Partie I. L’italo-roman méridional

1.2. La romanisation de l’Italie et les régions du corpus 13

A la fin du IIIe siècle avant J.-C, les Etrusques, les Samnites, les Puniques de Sardaigne, les Gaulois de la plaine du Pô et les Grecs d’Italie méridionale, étaient tous soumis à une même domination : celle de Rome. Mais malgré cela, l’empire que Rome exerçait sur l’Italie entière n’avait pas encore fait disparaitre les différences culturelles, linguistiques et d’organisation sociale, qui distinguaient les divers peuples de la péninsule. Ceux qui se distinguaient le plus des autres étaient les peuples de la plaine du Pô, où les Gaulois, suite à une importante vague d’immigration celte au début du IVe siècle, représentaient le groupe dominant mais ils n’avaient pas encore réussi à éliminer les populations antérieures, ligures, vénètes ou étrusques. Les bandes gauloises se répandirent sur toute l’Italie et prirent Rome en 386.

La plupart des peuples du centre de la péninsule, en revanche, étaient inclus dans une koinè ethnique, constituée de Latins ou Italiques et parlant des langues ou vivant selon des règles voisines, et également culturelle sous l’effet d’une hellénisation agissant à des degrés différents dans l’ensemble de l’Italie.

Toute la chaîne des Apennins était occupée par les peuples Italiques qui parlaient des dialectes proches les uns des autres et qu’on peut distinguer en deux groupes : l’osque dans la partie méridionale et l’ombrien dans la partie septentrionale de l’Italie. Ils se distinguaient relativement peu des populations latines avec qui ils avaient en commun la même origine indo-européenne. De tous les peuples italiques, les Samnites étaient sans doute le plus important et ils occupaient la partie centrale des Apennins. Un début d’hellénisation s’était déjà manifesté parmi eux entre le IIIe et le IIe siècle, comme en témoigne la

13 Cfr. David (1997)

présence de divinités grecques ou l’adoption de modèles architecturaux de type grec.

Au fur et à mesure que l’on allait vers le sud, l’influence grecque se faisait plus forte. Toute la côte méridionale de l’Italie avait été occupée par des colonies grecques à partir du VIIIe siècle avant J.-C. En même temps, les peuples italiques aussi, et en particulier les Samnites, avaient tendance à se répandre vers le sud, en occupant les régions du sud-ouest, où le paysage humain était alors très diversifié grâce au mélange des différentes influences, grecque, osque et latine. Les régions les plus marquées étaient le Latium et la Campanie où les populations les plus anciennes avaient été les Ausones, appartenant au même groupe linguistique des Latins. Les cités grecques qui s’y trouvaient avaient été parmi les premières fondées : Cumes dès le VIIIe siècle, puis Naples et Pouzzoles. Entre le VIIe et le Ve siècle la Campanie avaient été dominée par les Etrusques qui fondèrent Capoue. A la fin du Ve siècle enfin, toute la région était passée sous la domination des Italiques ; Cumes et Capoue étaient devenues des villes osques tandis que Naples avait conservé son identité grecque.

La domination romaine se mit en place à la fin du IVe siècle, à l’occasion des guerres samnites dont la première fut provoquée par la menace de nouvelles incursions italiques envers Capoue, qui s’abandonna à la protection des romains. Toutes les villes de Campanie passèrent donc sous l’autorité de Rome, sauf Naples qui demeurait une alliée. A la fin du IIIe siècle, toute la Campanie était entièrement intégrée à l’état romain. Plus au sud, les Lucaniens et les Bruttiens, des peuples italiques, occupaient la Basilicate et la Calabre. Leur présence sur ce territoire était en réalité plus récente que celle de leurs voisins et surtout ils avaient subi des influences différentes. En effet, ils avaient été hellénisés au cours des siècles ; puis la Lucanie avait été samnitisée

au cours du IVe siècle sous l’effet des migrations venues du nord. Les Bruttiens en revanche étaient davantage imprégnés des traits culturels grecs.

Mais les Italiques ne s’étaient pas étendus jusqu’au sud-est de la péninsule. Les populations qui occupaient les Pouilles étaient probablement des Illyriens, des populations d’origine balkanique parlant une langue indoeuropéenne mais différente du grec, du latin et de l’osque. Dans une époque archaïque on les appelait Iapyges, puis Apuliens, et on les distinguait entre Dauniens au Nord, Peucétiens au centre, Messapiens et Salentins à l’extrémité de la péninsule. Ces peuples s’étaient hellénisés au cours des Ve et IVe siècles, au contact du monde grec, des cités italiotes14 et surtout de Tarente, qui rayonnait sur l’Italie méridionale, mais aussi sous l’influence de la Grèce septentrionale.

Les Dauniens, plus septentrionaux, subirent l’influence samnite et campanienne qui ne toucha pas, en revanche, les Pucetiens et les Messapiens, et furent donc plus rapidement soumis à la domination romaine (fin du IVe siècle). La conquête des deux autres peuples arriva entre 267 et 266, après la défaite de Tarente ; en 244 fut fondée sur leur territoire la colonie latine de Brindisi.

Dans les Iles dominaient enfin les populations punicisées de Sicile et de Sardaigne et les Grecs, dont la colonisation avait commencé, comme en Campanie, à partir du VIIIe siècle avant J.-C. Entre le VIIe et le Ve siècle, plusieurs cités avaient été fondées (Gela, Leontini, Catane en Sicile, Crotone, Métaponte, Tarente sur la côte méridionale), qui en avaient à leur tour fondé d’autres. Toutes ces cités gardaient leur identité profondément grecque, ainsi que leurs coûtumes et leur langue ; par conséquent, ces cités de Sicile ou de la Grande Grèce, participaient pleinement à la vie du reste du monde hellénique.

14 Terme indiquant une personne mi-grecque et mi-indigène.

Il y avait tout de même des tensions, dont les principales étaient : celle qui opposait les Grecs et les Carthaginois rivalisant pour la Sicile, celle entre les Grecs et les Italiques qui faisaient pression sur les cités de la Grande Grèce et qui avaient conquis Messine en 280 ; enfin celle qui divisait les Grecs mêmes, à l’intérieur des cités. Cela aboutissait à un affaiblissement politique constant et à la fin du IIIe siècle, la plupart des cités avaient perdu leur autonomie, soit parce qu’elles avaient été conquises par les Italiques ou les Carthaginois, soit parce qu’elles étaient soumises à l’autorité de Tarente ou Syracuse. Tarente était une très grande cité qui avait fini par dominer tout le monde grec d’Italie, en dominant ainsi toute l’Italie méridionale et pour cela elle était forcément en conflit avec Rome. Les guerres commencèrent en effet à la fin du IVe siècle au moment où les Romains s’allièrent avec d’autres cités de la Grande Grèce contre les Lucaniens. Tarente, abandonnée par Pyrrhus, roi d’Epire, se trouva isolée et fut obligée d’accepter une alliance avec Rome en 272.

Syracuse et la Sicile, en revanche, passèrent définitivement sous la domination romaine à partir de 227, en devenant une province administrée par des préteurs.

La conquête de la Sardaigne et de la Corse intervint entre 240 et 225 ; des populations puniques étaient ainsi intégrées à l’empire romain.

D’une région à l’autre de la péninsule italienne, les différences étaient encore très fortes même à la fin du IIIe siècle lorsque celle-ci et ses îles était passées sous la domination romaine. La diversité ethnique et linguistique était forte ; il faut distinguer l’Italie centrale, habitée par les Latins, les Etrusques et les Italiques relativement proches les uns des autres, des zones périphériques de la Sicile, de la Sardaigne et de la Cisalpine appartenant à d’autres ensembles culturels. Deux tendances historiques et unificatrices étaient malgré tout en

place : d’un côté la domination de Rome, commencée tout au long du IIIe siècle, de l’autre un processus d’hellénisation engagé depuis plus longtemps encore et qui était destiné à amener tous ces peuples, y compris les Romains, à partager les mêmes valeurs religieuses et culturelles.

Voici une grille chronologique qui permettra de mieux visualiser les périodes sus-énoncées :

PERIODE EVENEMENTS

Les colonies grecques occupent la côte méridionale de la péninsule

Les populations Samnites descendent vers le sud-ouest de l’Italie VIIIe

Fondation de Cumes, Naples et Pouzzoles par les Ausones

VIIe-Ve Domination de la Campanie par les Etrusques

Fin Ve

Domination de toute la Campanie par les Italiques : Cumes et Capoue deviennent des villes osques

Ve-IVe

Les Illyriens (Iapyges) occupant le sud-est de la péninsule s’hellénisent

Début de la romanisation Première guerre Samnite

Soumission de la Campanie à Rome, sauf Naples Fin IVe

Dauniens dominés par les Romains

Arrivée des Gaulois dans la plaine du Pô après une vague d’immigration celte

IVe

La Lucanie est samnitisée après une période d’hellénisation

(386 avant J-C)

Prise de Rome par les Gaulois

Romanisation de toute la Campanie

Fin de IIIe Les Italiques (Lucaniens et Bruttiens) occupent la Basilicate et la Calabre

Les Illyriens occupent le sud-est (les Pouilles) Début d’hellénisation parmi les Samnites descendant vers le

sud-IIIe-IIe ouest

(280 avant J-C) Les Italiques conquièrent Messine

(272 avant J-C) Soumissions de Tarente aux Romains

(267-266 avant J-C) Romanisation des Peucetiens et Messapiens après la défaite de Tarante

244 Fondation de la colonie latine de Brindisi

(240-225 avant J-C) Conquête de la Sardaigne et de la Corse (227 avant J-C) Soumission de Syracuse et de la Sicile aux Romains

Tableau 1: synthèse chronologique des événements.

Après ce survol historique du domaine italo-roman, nous allons voir à présent les particularités propres à chaque parler faisant partie de notre corpus.