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Chapitre 3 : Comportement structurel des gridshells, un focus sur instabilités et robustesse

3.4 Robustesse et ductilité du gridshell

Il a été montré dans la partie précédente que le flambement du gridshell doit être évité à tout prix sous peine de risquer un effondrement rapide de la structure, ce qui a été fait pour les réalisations Solidays et Créteil. Dans cette partie, le gridshell est placé sous un cas de chargement ultime (un ELU de vent, le chargement le plus dimensionnant pour cette structure). Sous ce chargement, qui ne provoque pas de flambement de coque, une situation accidentelle défavorable est simulée de manière à connaître la réponse du gridshell à une telle situation. Nous insistons sur le fait que le gridshell ne se trouve pas dans une configuration flambée. Une étude numérique a été réalisée pour prouver cela. La figure 3.8 présente les résultats de cette étude : sur cette figure, le chargement ELU considéré est repéré par la ligne pointillée verticale. Nous avons multiplié ce chargement par un coefficient α de manière à pouvoir situer l’apparition du flambement par rapport à l’ELU. On observe que le chargement nécessaire pour faire flamber le gridshell vaut environ 1,5 fois le chargement de l’ELU.

Ainsi, sous le chargement ELU, a priori, la probabilité qu’un élément casse tout seul est quasiment nulle. Il faut donc se placer dans le cas d’une situation accidentelle pour amorcer des ruptures d’éléments, afin d’observer le comportement de la structure endommagée. Enfin, pour que la situation simulée soit la plus défavorable possible, ce sont les éléments les plus chargés qui sont cassés, tour à tour.

111 Figure 3.8 - Positionnement du flambement par rapport à l’ELU de vent considéré On remarque que le flambement se produit lorsque le chargement vaut environ 1,5 fois l’ELU le plus dimensionnant. Le gridshell ne sera donc a priori jamais soumis à un chargement suffisamment important pour qu’il y a ait un flambement local.

Dans cette étude, il est important de prendre en compte la dispersion des résistances des éléments car, dans la position déformée, des éléments voisins appartenant à un même lit de barres ont des courbures très proches et donc des contraintes très voisines. Cependant, si par exemple, les résistances de deux éléments voisins diffèrent de 5 %, alors que leurs courbures diffèrent de 1 %, ce sera l’élément dont la résistance est la moins élevée qui sera cassé en premier, tandis que l’autre élément conservera encore une petite marge avant rupture. Il est donc important de comparer les rapports jk définis à l’aide de la relation (3.3) comme le rapport de la contrainte maximale l5mnk sur la valeur de résistance tirée selon la loi de probabilité définie dans la partie 3.1, (Rk, k étant l’élément considéré.

op = 1D> p

Qp

(3.3)

La répartition des contraintes dans les éléments du gridshell, sous ELU, est cartographiée sur la figure 3.9. Comme expliqué précédemment, ces contraintes sont quasiment identiques aux contraintes évaluées après mise en forme, mais sans chargement. La contrainte maximale relevée vaut alors 167 MPa, ce qui est assez loin des valeurs de résistances admissibles [177 MPa – 211 MPa]. Cela montre à nouveau que les éléments ne peuvent a priori pas casser de manière spontanée. Il faut donc faire intervenir un opérateur pour casser les éléments les plus chargés de manière à simuler la situation accidentelle envisagée.

Figure 3.9 - Contraintes dans le gridshell, sous l’ELU de vent considéré

Les éléments en GFRP sont fragiles, et leur rupture a été étudiée au laboratoire. Les conclusions sont que lorsqu’un élément casse, il se forme une sorte de rotule capable de reprendre seulement des efforts en traction, mais de manière limitée.

Pour simplifier la simulation tout en restant conservatif, les éléments endommagés sont cassés en deux parties égales et ne participent plus au comportement mécanique du gridshell.

Un premier élément est ainsi cassé par l’opérateur. S’ensuit une nouvelle étape de relaxation dynamique pour obtenir la nouvelle forme du gridshell ainsi que les nouvelles contraintes. On ne remarque, après cette première étape, rien de critique. Puis un nouvel élément, devenu le plus chargé est cassé à son tour. Comme les changements sur la cartographie des contraintes sont très minimes, nous décidons de doubler le nombre d’éléments à casser, à chaque étape. Durant les étapes qui suivent, on observe à certains moments des concentrations de contraintes minimes. Cependant, il suffit alors de quelques étapes supplémentaires pour que les éléments les plus fortement contraints soient cassés et que les concentrations de contrainte disparaissent. Par exemple, à la fin de la 7ème étape, 64 éléments sont cassés et on observe que trois éléments

sont soumis à des contraintes plus élevées que les autres (figure 3.10).

Figure 3.10 - Contraintes dans le gridshell après 64 ruptures d’élément

Pour comprendre ce qu’il se passe, nous avons décidé de nous remettre à casser un faible nombre d’éléments à chaque nouvelle étape, à partir de la situation présentée sur la figure 3.10.

113 Une étude du gridshell sous poids propre montre que le gridshell conserve une certaine intégrité (figure 3.11). En revanche, des déplacements importants sont déjà observables sur la structure. En effet, sur la figure 3.12 où le déplacement maximal S1D> a été reporté en fonction du nombre d’éléments cassés q, on constate que certains nœuds se sont déplacés d’environ 80 cm à la fin de l’expérience. Sachant que la membrane couvrant le gridshell est une membrane très peu extensible, il est très probable que des plis se forment assez rapidement, et rendent encore plus facile la détection d’un tel problème, avant évacuation de la structure.

Figure 3.11 - Contraintes dans le gridshell après ruptures, sous poids propre Après 71 ruptures, le gridshell est étudié sous chargement de poids propre. Les contraintes au sein de la structure endommagée ne sont pas critiques.

Figure 3.12 - Déplacement maximal en fonction du nombre d’éléments cassés Le déplacement maximal S1D> (mm) est reporté en fonction du nombre d’éléments cassés, q, sous le chargement ELU considéré. On remarque que pour un faible nombre d’éléments cassés (moins de 5), le déplacement maximal est très faible et reste voisin du déplacement maximal lié au chargement ELU. Un déplacement nul correspond au gridshell non chargé. On note que le chargement de l’ELU considéré induit un déplacement maximal de 7 cm.

Figure 3.13 - Cartographie des éléments cassés et zones de ruines

Les 71 éléments cassés sont reportés sur l’illustration de gauche. Sur celle de droite, on observe les zones de ruine, localisées près des portes.

Durant la procédure où on a cassé 71 éléments (figure 3.13, gauche), on observe que la structure a fortement été endommagée au niveau de deux zones de faiblesse situées au niveau des portes (figure 3.13, droite). En effet, à ces endroits, le contour du gridshell ne repose sur aucun appui et de fait, tout se passe comme si on avait une zone trouée du gridshell, dans lesquelles il se produit des concentrations de contraintes.

Des déplacements importants sont relevés et un grand nombre d’éléments sont cassés, ce qui rend détectable l’endommagement de la structure, et permet de lancer son évacuation. Pourtant, à ce stade, la structure ne risque pas de s’effondrer et garde une raideur convenable [TAYEB13].

Une certaine robustesse de la structure est donc mise en évidence. On parle ici de pseudo- ductilité de la structure car le GFRP constituant la structure présente un comportement élastique fragile.

Ce comportement très favorable du gridshell est lié au fait que la contrainte au sein des éléments est faible, et liée principalement à l’étape de mise en forme. En effet, l’ajout du chargement (ici l’ELU de vent) ne rajoute que très peu de contraintes par rapport aux contraintes de mise en forme. Par conséquent, lorsqu’un élément casse, la surcharge à reprendre par les éléments voisins n’augmente pas significativement leur niveau de contrainte (qui était relativement faible). C’est donc grâce à la forte redondance de la structure que les redistributions de contraintes ne sont pas problématiques.

En outre, c’est également la redondance de la structure qui lui permet de subir un bon nombre d’accidents tout en conservant une bonne raideur et une bonne résistance.

Enfin, on rappelle que, durant la procédure, certains éléments ont été cassés par l’opérateur alors qu’ils étaient soumis à des contraintes inférieures à leur résistance admissible. D’autres éléments, peu nombreux, ont été cassés alors qu’ils étaient soumis à des contraintes un peu supérieures à leur contrainte admissible. La résistance moyenne réelle des éléments de poutre valant 480 MPa, on peut supposer que les ruptures « naturelles » ne se sont pas produites instantanément, ce qui laisse encore davantage de temps pour l’évacuation.

Il est utile de remarquer qu’étant donné la souplesse des éléments du gridshell, les imperfections géométriques liées au montage n’ont pas d’influence sur le comportement du gridshell. En particulier, elles n’ont pas d’influence sur sa robustesse.

115 différences avec le gridshell de Solidays est qu’il a été construit avec des portes métalliques rigides sur lesquelles les éléments de la structure viennent s’articuler. Il serait intéressant de refaire cette étude de ductilité sur ce gridshell, de manière à comprendre l’influence de la disparition des zones de faiblesse du gridshell de Solidays, situées au niveau des portes (figure 3.14).

Figure 3.14 - Vues Intérieures de la cathédrale éphémère de Créteil.