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Chapitre 1 : Contexte historique et conception des gridshells

1.5 Conception numérique itérative des gridshells

La conception des gridshells étant assez complexe, il apparaît important de résumer le procédé à l’aide d’un schéma. Evidemment, ce schéma est indicatif et n’a pas la prétention de représenter tous les allers-retours à faire entre les diverses étapes de la conception. Pour résumer :

— l’architecte propose une forme que l’ingénieur modélise sous forme de courbes de base dans un logiciel de dessin interactif. A partir des courbes de base diverses surfaces sont proposées. Un tri peut être réalisé pour ne conserver que quelques surfaces fidèles à la proposition de l’architecte.

35 paramètres de construction (géométrie des poutres, forme de la surface…).

— Lorsqu’un couple forme / géométrie de poutre intéressant semble avoir été trouvé, il faut choisir un maillage satisfaisant. A l’aide de la méthode du compas, un grand nombre de maillages peut être envisagé. Un bon maillage peut également être obtenu à l’aide d’une optimisation du maillage par un algorithme génétique [BOUHAYA10]. Dans cette

thèse, Lina Bouhaya présente un algorithme génétique qui permet de faire une sélection de maillages par une fonction coût représentative du critère que l’on cherche à optimiser. Les meilleurs maillages sont ainsi croisés entre eux jusqu’à ce que la population obtenue n’évolue plus et donc que la fonction coût soit optimisée. Dans le cas des gridshells, la fonction coût à minimiser peut être par exemple la courbure maximale observée sur l’ensemble des éléments de la structure. Cependant, le point de vue architectural peut également jouer et, dans certains cas, on peut souhaiter privilégier un maillage qui fait apparaître, une zone où le maillage est symétrique ou antisymétrique.

— Enfin, il ne faut pas oublier de rajouter les considérations mécaniques. Ce sont elles qui vont permettre de valider le gridshell si le comportement de celui-ci est convenable pour chaque combinaison de sollicitations à considérer. En outre, ce sont ces considérations mécaniques qui vont permettre de déterminer la géométrie finale du gridshell. C’est à partir de cette forme obtenue numériquement que la géométrie de la membrane sera déduite.

Par chance, les gridshells ont un comportement assez prévisible : en effet, on montre que pour l’opération de form-finding, le comportement en flexion conditionne très bien ce type de structures et que la contribution de l’effort normal dans les éléments des gridshells est très faible. On peut alors raisonner de la manière suivante : les contraintes au sein des poutres sont liées à la flexion, c'est-à-dire à la courbure des poutres constitutives.

On montre également que, si le gridshell a été bien conçu, la courbure des poutres évolue très peu lorsque les chargements de vent ou de neige sont considérés. En particulier cette évolution a été chiffrée à moins de 6 % pour le cas du gridshell élaboré pour le festival Solidays [BAVEREL12]. Ainsi, la considération de la seule structure relaxée, puis triangulée, donne déjà,

sans considération de chargement, une bonne indication des niveaux de contrainte au sein des poutres.

En réalité, le procédé est un peu plus compliqué que cela. En effet, la grille obtenue par la méthode du compas est relaxée mécaniquement ce qui fournit la géométrie d’équilibre. Cependant, avant de faire l’étude complète des chargements, il est fondamental de rajouter les éléments de triangulation. Ces poutres sont, en pratique sur chantier, mises une à une, et l’ordre de la mise en place et de la fixation de ces poutres sur le gridshell peut avoir de très mineures répercutions sur la forme finale. En revanche, comme cela a déjà été expliqué, le rôle rigidifiant de la triangulation est primordial. Il permet de donner sa raideur de coque de la structure en

empêchant tous les quadrangles de se déformer. En pratique, la raideur de la structure est alors multipliée par d’un facteur important (30 sans difficulté).

Une fois la triangulation ajoutée, la validation complète de la structure est réalisée en prenant en compte les chargements standards de neige et de vent. Dans le cas où la structure est validée, il ne reste qu’à convaincre les organismes de certification de la pertinence de la modélisation, avec l’appui des essais en laboratoire. Dans le cas contraire, il faut à nouveau itérer. Cette itération peut se faire en modifiant la géométrie de la surface, la géométrie des sections des poutres à utiliser et/ou le choix du maillage. Eventuellement, le pas de maillage peut aussi être ajusté.

La phase de construction est également modélisée, mais elle est beaucoup moins critique en général. En effet, si l’on s’intéresse aux coefficients de sécurité, on se rend compte que la précontrainte permanente du gridshell joue un rôle important du point de vue du coefficient de sécurité à utiliser pour le calcul de la structure. En revanche, durant les phases que l’on peut qualifier de ‘court terme’, comme la phase de déploiement par exemple, les poutres peuvent subir des chargements bien plus importants. L’utilisation des coefficients de sécurité est présentée en détail dans la partie 2.1.1. En particulier, le coefficient de sécurité partiel 01,2

passe de 1,1 à 2,8 entre un chargement court terme et un chargement long terme. Le déploiement du gridshell durant environ une demi-heure, la structure n’est pas mise en danger si elle est correctement élinguée.

Le schéma de la figure 1.14 représente ainsi les grandes étapes de la conception d’un gridshell. Il faut bien garder à l’esprit que la conception d’un gridshell telle qu’elle est présentée ici, se fait de manière itérative, et qu’elle pourrait s’avérer compliquée pour quelqu’un ne disposant pas d’expérience en la matière.

37 Figure 1.14 - Schéma résumé de la conception d’un gridshell

Après que l’architecte ait proposé une forme, l’ingénieur modélise cette forme et fait une analyse de courbure qui permet d’avoir une idée de l’adéquation géométrie/poutres. Une fois la forme choisie, plusieurs maillages sont générés à l’aide de la méthode du compas. Le maillage qui parait le plus satisfaisant est conservé. Enfin, une validation basée sur des considérations mécanique est réalisée. Cette procédure est très itérative. Cependant, dans un souci de lisibilité du schéma, nous avons choisi de ne pas symboliser les nombreux allers-retours entre les diverses étapes.

Dans ce chapitre, nous avons vu le contexte dans lequel s’inscrivait la recherche sur les gridshells – à savoir – une recherche sur des structures légères, optimisées mécaniquement et présentant des caractéristiques architecturales intéressantes. Le concept de gridshell a ensuite été présenté, avec pour illustration quelques importants gridshells, celui de Mannheim ayant été précurseur, et celui élaboré en matériaux composites de la cathédrale de Créteil pouvant être considéré comme le futur pour les gridshells. L’objet d’étude est donc un objet tridimensionnel formé à partir d’une résille plane sans résistance au cisaillement, mise en forme puis rigidifiée par blocage du degré de cisaillement des divers quadrangles. La partie suivante a permis de justifier l’intérêt que peut présenter l’utilisation de matériaux composites, principalement pour des raisons d’optimisation du comportement mécanique, ainsi que pour la faible dispersion des propriétés des produits industriels utilisés.

Le chapitre 2 présentera les réalisations Navier, des premiers prototypes aux deux derniers gridshells les plus aboutis, auxquels j’ai pu participer. Ces derniers gridshells, élaborés en matériaux composites, ont été réalisés en 2011 à l’occasion du festival Solidays (figure 1.15, gauche) et en 2013 pour le remplacement provisoire jusqu’en 2015 de la Cathédrale de Créteil (figure 1.15, droite). Ce chapitre 2 précisera les choix de conception et de constructions qui ont été faits pour ces gridshells. Il détaillera en particulier le choix des poutres constitutives. L’interprétation des guides de construction sera également expliquée. Les modifications allant

dans le sens du confort et de la sécurité des occupants seront aussi présentées, tout comme les enseignements tirés de la réalisation de ces projets.

Figure 1.15 - Gridshells de Solidays (gauche) et de Créteil (droite)

Principaux gridshells en matériaux composites conçus et fabriqués par le laboratoire Navier. Ces deux gridshells ont reçu une certification leur permettant de recevoir du public.

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Chapitre 2 : Gridshells en matériaux