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Chapitre 2 : Gridshells en matériaux composites conçus et élaborés par le laboratoire Navier

2.1 Introduction, présentation, choix généraux

2.1.1 Coefficients de sécurité et guides de construction

Etant donné la quasi-absence du composite dans le secteur de la construction (hors renforcement d’ouvrages), il n’existe pas d’Eurocode relatif à la construction composite. Il existe cependant des guides pour la construction en composite. L’Eurocomp [Eurocomp96] et le Fiberline [FIBERLINE02] en font partie et fournissent de précieuses indications en vue de la

construction en composite. Fiberline étant un producteur de profilés pultrudés, leur guide est un digest de l’Eurocomp applicable à leurs produits. Nous verrons par la suite que c’est précisément ce type de poutres pultrudées qui sont utilisées dans les gridshells en matériaux composites que conçoit et fabrique le laboratoire Navier.

Il apparaît que le coefficient de sécurité global à prendre en compte, 01, doit tenir compte de tous les aspects qui peuvent apporter de la variabilité au système. Le coefficient à utiliser s’apparente donc au produit de coefficients de sécurité partiels (associés à chacun des aspects, et étant tous supérieurs ou égaux à 1). En pratique, pour les poutres que nous étudions, il y a trois coefficients de sécurité partiels à considérer, 01, , 01,% et 01,2, comme présenté dans la relation (2.1).

43 pratique d’étudier toutes les sources de variabilité sur l’objet considéré, une poutre en matériaux composites pultrudée dans notre cas.

Le premier coefficient partiel 01, est associé au matériau lui-même. Ce coefficient caractérise le matériau et le procédé de fabrication utilisé. Dans le cas de poutres issues de la pultrusion, ce coefficient est faible et vaut 1,15. Ce coefficient est en général assez proche de 1 pour tous les procédés de fabrication industriels, c’est pourquoi il ne me parait pas pertinent de détailler les différentes valeurs prises par ce coefficient.

Le second coefficient partiel 01,% caractérise le post-traitement de la poutre. Dans le cas étudié, le post-traitement des poutres est entièrement réalisé sur le site de fabrication. Tous les paramètres sont ainsi bien maitrisés, c’est pourquoi ce coefficient est également faible. Dans le cas qui nous intéresse, il vaut 1,1. Ce coefficient partiel étant généralement proche de 1. Il n’est pas pertinent de détailler les différentes valeurs prises par ce coefficient.

Le troisième coefficient partiel, 01,2, est relatif à la variabilité du matériau en fonction de la température et des chargements. En effet, la température a en particulier une influence sur la raideur et la résistance des poutres, tandis que les chargements ont une influence par l’intermédiaire des phénomènes de relaxation, fluage et fatigue. Ces phénomènes sont étudiés en détail dans [KOTELNIKOVA12]. Ils sont expliqués ci-dessous :

Phénomènes de relaxation : ces phénomènes sont observés lorsqu’un matériau est maintenu sous contraintes dans une géométrie donnée. On observe alors en général une diminution de l’état de contrainte au sein du matériau.

Phénomènes de fluage : ces phénomènes sont observés lorsqu’un matériau est maintenu sous contraintes par un chargement imposé. On observe alors en général une modification de l’état de déformation du matériau.

Phénomènes de fatigue : ces phénomènes sont observés lorsqu’un matériau est soumis à des chargements périodiques. Ces phénomènes cycliques peuvent, en fonction de l’état de contrainte générer de l’endommagement au sein du matériau.

Ce coefficient dépend donc des temps caractéristiques relatifs aux chargements les plus importants. Dans le cas particulier des gridshells, le chargement de flexion est permanent. Les pieds des poutres du gridshell étant fixés, le phénomène principal est un phénomène de relaxation. En outre, le chargement de flexion est très important par rapport aux autres chargements (poids propre, vent, neige…) [BAVEREL12]. Il faut donc considérer que le

chargement principal est un chargement à long terme.

Le coefficient 01,2 tient compte d’une température appelée température de déformation thermique (heat deformation temperature, HDT). Cette température est définie de la manière suivante : c’est la température à partir de laquelle le polymère se déforme pour un chargement spécifié. Les températures d’exploitation sont également pertinentes.

Les valeurs prises par le coefficient 01,2 sont résumées dans la figure 2.1 ci-dessous. Pour le cas des gridshells que le laboratoire Navier réalise, la température d’exploitation à considérer varie entre -20°C et 40°C. La température de déformation thermique de la résine polyester

utilisée est comprise entre 80 et 90°C. De plus, comme expliqué précédemment, les chargements de flexion à considérer pour le dimensionnement sont permanents et entrent donc dans la catégorie des chargements à long terme. Le coefficient 01,2à considérer vaut donc 2,8.

Température d’exploitation (°C) Température de déformation thermique (°C) 01,2 Chargement à court terme Chargement à long terme 25 - 50 55 - 80 1.2 3.0 80 - 90 1.1 2.8 > 90 1.0 2.5 0 - 25 55 - 75 1.1 2.7 70 - 80 1.0 2.6 > 80 1.0 2.5

Figure 2.1 - Tableau de valeur du coefficient de sécurité 45,6

Parmi les coefficients de sécurité partiels proposés par le Fiberline [FIBERLINE02], le coefficient 01,2 est le coefficient ayant le plus d’influence dans le cas de poutres fléchies de manière permanentes et réalisées via un procédé industriel. En particulier, ce coefficient de sécurité partiel tient compte des effets de la température sur la matrice polymère, et des temps caractéristiques des sollicitations.

Dans le cas des gridshells réalisés à partir de poutres pultrudées et conçus pour être utilisés durant plusieurs années, le coefficient de sécurité global à utiliser, 01, vaudrait donc 3,54.

Ce coefficient de sécurité correspond, pour ce type de poutres, à une utilisation des poutres ne dépassant pas 28 % de la contrainte à rupture. Par exemple, pour des poutres ayant une contrainte à rupture de 400 MPa, cela revient à autoriser uniquement les flexions permanentes pour lesquelles les contraintes sont inférieures à 113 MPa.

Pour le déploiement d’un gridshell, qui dure généralement moins d’une heure, il est possible de dépasser cette valeur de contrainte comme le sous-entend le tableau 2.12. Il faut toutefois noter que l’expression « court terme » n’est pas vraiment définie, mais que grâce aux tests de relaxation réalisés en laboratoire et présentés dans la section suivante, la rupture en relaxation est assez bien appréhendée.

Autre exemple : pour le gridshell construit pour Solidays (et érigé durant une quinzaine de jour), il a été convenu avec le bureau de contrôle et le BVCTS (bureau de vérification des chapiteaux, tentes et structures) que le coefficient 01,2 pouvait être pris égal à 1,85, en tant que structure soumise à des « chargements à moyen terme ». Alors, la valeur du coefficient global 01 à utiliser pour la conception valait 2,35.

L’utilisation de ces coefficients de sécurité permet de réduire considérablement le risque d’endommagement macroscopique à long terme. Typiquement, les phénomènes de rupture progressive des fibres au sein du matériau peuvent conduire à des endommagements

45 En particulier, ces coefficients de sécurité permettent de prendre en compte les éventuels endommagements liés aux phénomènes de relaxation, fluage et fatigue. Les phénomènes de relaxation et de fluage sont liés à la viscoélasticité du matériau. Dans le cas de matériaux composites réalisés à partir d’une matrice polymère, les effets viscoélastiques sont importants et ces phénomènes peuvent conduire à de l’endommagement.

Ainsi les coefficients de sécurité permettent de prendre en compte ces phénomènes. Nous verrons cependant dans le chapitre 3 que, dans le cas où la structure aurait mal été conçue ou mal dimensionnée, la rupture d’un certain nombre d’éléments ne conduit pas à la ruine totale du gridshell. Nous verrons que ce caractère robuste de la structure lui est conféré par l’importante redondance de ses éléments structurels.