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Chapitre 2 : Gridshells en matériaux composites conçus et élaborés par le laboratoire Navier

2.3 La Cathédrale éphémère de Créteil

2.3.7 Chiffres et les informations clés

Client Diocèse de Créteil

Conception et fabrication Société TESS / Laboratoire Navier (Ecole des Ponts ParisTech) Dates de service Février 2013 - Février 2015

Dimensions Surface utile : 350 m² ; Volume : 1600 m3

Longueur : 29m ; Largeur : 17m ; Hauteur : 7m. Capacité d’accueil 360 places assises / 500 personnes debout

Structure 2000 m de tubes pultrudés / 1295 connexions / 130 raboutages Membrane 600 m² de membrane enduite de PVC / 600 kg

Poids 5 kg/m²

Coût estimé 1100 €/m² environ

Figure 2.65 - Chiffres et informations clés pour le gridshell de Créteil

2.3.8 Retour d’expérience

2.3.8.1 Ruptures de tubes

Depuis que le gridshell est érigé, deux ruptures de tube ont été observées. Ces ruptures ne se sont pas produites juste après le déploiement de la structure mais se sont produites au cours du premier été durant lequel la température à l’intérieur de la structure a été très élevée.

En effet au début de l’été 2013 aucun système de ventilation n’avait été mis en place car on ne s’attendait pas à une telle élévation de température, à l’intérieur de la structure. Par ailleurs,

cette période a été très chaude (plus de 35°C à l’ombre). La membrane PVC absorbant fortement le rayonnement solaire, un fort effet de serre s’est fait sentir à l’intérieur de la structure.

Aucune mesure de température n’a été faite sous la voute du gridshell, mais compte tenu des effets combinés de la stratification thermique et de l’absorption du rayonnement de la membrane PVC, on peut supposer, sans trop prendre de risque, que la température une dizaine de centimètres au-dessous de la voute devait atteindre facilement les 50°C.

A de telles températures, la matrice polymère des tubes n’a plus les mêmes propriétés mécaniques et l’endommagement des fibres devient plus probable. En particulier, dans la zone en compression d’une poutre en flexion, les fibres peuvent localement flamber et s’endommager, ce qui peut engendrer à plus ou moins long terme la rupture de la poutre (figure 2.66).

Figure 2.66 - Rupture de tube dans la nappe inférieure

Pour ne pas risquer d’autres ruptures pouvant mettre en danger la certification de la structure, un système de ventilation a alors été mis en place rapidement. A partir de ce moment, plus aucune rupture ne fut observée, ni durant la fin de cet été, ni durant l’été suivant, ni à aucun autre moment. La ventilation était alors activée automatiquement pour empêcher de trop fortes montées en température, même lorsque le gridshell était inoccupé. Il est également possible que les tubes cassés présentaient des faiblesses.

Du fait du fort état de contrainte des poutres endommagées, toute réparation a été impossible. Les poutres endommagées sont donc parfaitement visibles de l’intérieur (figure 2.66).

A l’avenir, pour s’affranchir de ce genre de ruptures, on pourrait envisager prendre une marge plus importante lors de la conception, ce qui reviendrait à augmenter un peu plus les coefficients de sécurité utilisés. Une solution consisterait à utiliser des joncs composites (plein), de diamètre extérieur plus faible que celui des tubes, mais de raideur en flexion équivalente. On aurait alors une solution aussi bonne mécaniquement, plus sûre du point de vue des endommagements possibles, mais en contrepartie plus lourde. En effet, les joncs seraient alors plus lourds que les tubes de raideur en flexion équivalente.

97 maitrisé comparé à celui de Solidays qui aurait probablement eu bien du mal à rester érigé durant deux années complètes. Plusieurs points ont été nettement améliorés sur le projet de la cathédrale éphémère de Créteil.

Si l’on considère les ancrages de la structure et de la membrane, la dalle en béton s’impose comme une évidence. Les platines d’acier vissées dans la dalle remplissent parfaitement leur rôle et permettent d’ancrer la structure de manière fiable.

Quant à la barre de rive, deux solutions ont été proposées : la barre de rive en jonc pultrudé, ou celle en acier cintré utilisée pour les portes et ouvertures. Ces deux solutions sont pertinentes et remplissent parfaitement le cahier des charges de la rive. Pour une utilisation à long terme, on privilégierait une solution en métal, plus à même de résister aux diverses sollicitations, en particulier au vandalisme.

Au niveau des raboutages, une solution technique pertinente a été développée. Cette solution lourde et peu esthétique n’est pourtant pas satisfaisante dans une perspective de développement commercial des gridshells.

Finalement le niveau de confort proposé par le gridshell de Créteil est vraiment très bon comparé à celui de Solidays, puisqu’il offre un certain nombre de nouveautés en laissant en particulier entrer la lumière du jour, en étant fermé hermétiquement et en étant doté d’un système de chauffage, d’éclairage et de sonorisation.

2.3.8.3 Quelques pistes pour le futur

Nous l’avons vu, un projet d’aussi grande envergure est toujours très intéressant à analyser et permet de faire avancer la technologie de manière importante.

Si l’on revient sur les raboutages, on conclut que la solution utilisée n’est pas satisfaisante du point de vue de la praticité et de l’esthétisme. Il est à noter en particulier que la mise en place des manchons, leur collage et leur goupillage a été très fastidieux. Finalement, le résultat esthétique est très moyen, et le poids des raboutages dénote avec la structure légère. Comme cela a été expliqué, la meilleure solution consisterait à produire les poutres sur place, en longueur suffisante pour ne pas avoir à faire de raboutages. Cette solution peut être envisagée pour les gridshells à gros budgets. Si cette solution n’est pas intéressante économiquement, il faut revoir les raboutages, au même titre que les connexions. La piste des raboutages en matériaux composites est intéressante mais nécessiterait de faire des campagnes de certification, ce qui nécessite un fort investissement, aussi bien en temps, qu’en moyens numériques et d’essai.

Si l’on considère à présent l’élément de base des gridshells, c’est-à-dire les poutres constitutives, on se rend compte que si la courbure est ‘trop élevée’, les risques de rupture sont importants. Si la courbure est plus modérée, les risques d’endommagement sont bien moindres sauf si par exemple la température d’utilisation devient trop importante (comme ce fut le cas pour la cathédrale éphémère de Créteil). Les gridshells de Solidays et de Créteil nous ont permis d’appréhender les coefficients de sécurité à utiliser pour ce type de structure. Notre expérience

est maintenant importante et peut être utilisée précieusement en complément des recommandations données par les guides de construction comme l’Eurocomp.

Du fait de la relaxation observée au sein des poutres des gridshells, le risque d’endommagement au sein des poutres ne s’accroit pas nécessairement au fil du temps. En particulier, nous arrivons à la conclusion que pour le type de poutres utilisées (poutres pultrudées de section tubulaire), les coefficients de sécurité fournis par les guides de construction sont un peu trop faibles. Les phénomènes de relaxation (et de fluage) sont par ailleurs étudiés sur ce genre de matériaux composites, au laboratoire Navier. Les résultats sont tout à fait encourageants et on pourrait bientôt envisager de concevoir des gridshells composites pour des durées d’utilisation de l’ordre de la dizaine d’années.

Revenons à présent à l’étape la plus critique pour le développement des gridshells : la triangulation. A ce jour aucune solution ne remplit parfaitement l’objectif de rigidification des quadrangles de la grille primaire, tout en bénéficiant d’une mise en place facile et rapide. Cet aspect est à travailler en priorité si l’on veut pouvoir positionner les gridshells en composites sur le marché des structures éphémères. La solution de placer une triangulation coulissante lors du déploiement est toujours envisageable mais nécessite d’être testée à l’échelle 1, car les frottements et les excentricités jouent un rôle important et sont très difficiles à simuler numériquement.

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Chapitre 3 : Comportement structurel des