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Chapitre 4 : Pilotage du progrès au sein d’une grande entreprise internationale multisite

14. La roadmap de management comme outil permettant le « passage de la stratégie à l’action » ?

Blanc et Monomakhoff (2008) positionnent le roadmapping de management comme un dispositif permettant de concourir à la réalisation des objectifs stratégiques. Ainsi, il fournit « un cadre formel détaillant les plans d’actions qui concourent à l’exécution d’une stratégie. Elle structure les actions, évalue le travail à fournir et identifie les indicateurs de pilotage ». Par formalisation, les auteurs entendent l’identification des actions à conduire, qu’elles soient de nature organisationnelle, technique, financière, humaine, etc. ; l’association des objectifs à atteindre aux actions et moyens nécessaires ; le séquençage des actions selon un ordre logique, tout en gardant une place aux actions fondamentales et structurantes qui garantissent la pérennité du plan ; l’homogénéisation des étapes du progrès en rendant plus aisé le pilotage du déploiement ; l’identification des meilleures pratiques du terrain et leur communication à tous les acteurs du plan, ce qui améliore d’autant l’efficacité de toute l’organisation ; une formalisation simplificatrice du travail des opérationnels, qui partiront alors d’un « modèle » pour établir leur propre plan de travail.

Pour ses inventeurs, « le roadmapping de management est une démarche qui redonne une dimension stratégique à l’amélioration des actes quotidiens et permet à chacun de concrétiser sa contribution ». Il repose ainsi sur plusieurs piliers :

 Un engagement de la direction générale : cet engagement consiste à « impliquer les managers opérationnels et fonctionnels pendant la première phase d’analyse du plan stratégique. Ensemble, ils élaborent une démarche analytique cohérente, afin d’atteindre les objectifs stratégiques attendus par la direction générale » ;

 Une communication et une formation mise en avant : chaque direction de l’organisation concourent à la communication sur la stratégie, les objectifs, les méthodes et les moyens. En outre, les actions de formation conduites par les directions fonctionnelles sont complémentaires de la conduite du changement menée par les directions opérationnelles ;

 Une conduite du changement : les unités opérationnelles n’ayant pas le même niveau de maturité, la structuration de la roadmap de management à 5 niveaux permet à chaque entité de progresser dans la déclinaison de la stratégie selon son rythme. Pour Monomakhoff (2008), la formalisation permet aussi d’intégrer immédiatement de nouveaux entrants (personnes ou entités) dans l’organisation ;

 Des mesures et des réactions : les indicateurs sont ici au centre du dispositif. En effet de la qualité de l’information reçue dépend la pertinence de la réaction du management. Le management dispose néanmoins d’une double visibilité : « D’une part, il suit la progression des résultats, et d’autre part il veille sur l’évolution des moyens mis en œuvre pour y parvenir » ;

 Une préparation de l’avenir : lorsque la direction générale s’oriente vers une nouvelle stratégie, les plans d’actions issus des précédentes stratégies continueront d’avancer. Selon Blanc et Monomakhoff (2008), la direction doit donc jouer sur deux registres : en même temps qu’elle focalise ses efforts sur certaines priorités, elle doit aussi mobiliser son énergie sur de nouveaux sujets dès qu’elle a atteint ses objectifs.

2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 Plan stratégique 1 Plan stratégique 2 Plan stratégique 3 Plan stratégique 4 Plan stratégique 5 Capitalisation Capitalisation Capitalisation Capitalisation Capitalisation Capitalisation métier Capitalisation métier Capitalisation fonctionnelle Capitalisation sur les plans stratégiques

Capitalisation à l’initiative des opérationnels

Figure 44 : Le savoir capitalisé fructifie encore, au-delà des plans stratégiques

A partir de ces piliers du roadmapping de management, Blanc et Monomakhoff (2008) formalisent une mise en œuvre de la méthode en 8 étapes allant de la formalisation de la stratégie qui est l’œuvre de la Direction Générale à l’appropriation par les opérateurs.

Figure 45 : Les huit étapes de mise en œuvre de la méthode roadmapping de management selon Blanc et Monomakhoff 2008

14.1.1 La formalisation de la stratégie

Pour Blanc et Monomakhoff (2008), les Directions générales fixent généralement les objectifs stratégiques et laissent aux opérationnels la liberté de choisir les moyens pour satisfaire ces objectifs. C’est pourquoi, de par leur formalisme, les roadmaps de management donnent aux opérationnels les moyens pour satisfaire les objectifs stratégiques. On peut dès lors éviter des critiques telles que « les objectifs sont inaccessibles » ou bien « vous n’êtes pas compétents ». La direction générale s’appuie sur la hiérarchie fonctionnelle pour proposer une démarche qui peut être amendée par les opérationnels.

14.1.2 La formalisation des roadmaps de management

Comme nous l’avons vu ci-dessus, les roadmaps de management sont structurées par axes et par thèmes. La liste des thèmes doit être exhaustive pour couvrir un objectif donné. La non exhaustivité des thèmes peut entraîner un allongement des délais ou des surcoûts dans les dernières phases des plans d’actions.

L’axe étape permet à l’organisation de déployer méthodiquement la stratégie. Il s’agit pour Blanc et Monomakhoff (2008) « de procéder par étapes, comme il convient d’établir les fondations d’une maison avant de la construire »… Plus l’horizon de la stratégie est distant de

la réalité de l’organisation, plus il y aura d’étapes à décrire, l’atteinte de chacune préparant la suivante ».

Une fois les objectifs stratégiques définis par la direction générale, les directions fonctionnelles, après avoir décidé de l’opportunité de créer une roadmap de management, désigne un rédacteur qui doit appartenir à l’organisation en charge du sujet traité par la roadmap.

Ainsi, pour une roadmap « processus », le rédacteur doit être nommé par les directions fonctionnelles ; pour une roadmap « solution », une direction opérationnelle devra prendre en charge la rédaction. Quant aux roadmaps « excellence », étant donné la teneur de celles-ci (adossées à des projets d’envergure) pour lesquels la direction générale désigne un chef de projet, ce chef de projet fera office de rédacteur de la roadmap.

Cette phase de rédaction et de publication sur quelques « pilotes » d’expérimentation dure entre 4 et 6 mois.

Après le choix du rédacteur, il s’agit pour celui-ci de s’organiser pour rédiger une roadmap de management qui permettra d’atteindre les objectifs du plan stratégique. Les règles de rédaction sont celles-ci :

 Définir le périmètre couvert ;

 Identifier les objectifs à atteindre et les indicateurs de performance ;  Identifier le type de la roadmap ;

 Définir la signification de chaque niveau ;

Figure 46 : Les acteurs du cycle de vie d’une roadmap de management selon Blanc et

14.1.3 . La définition des objectifs

Les priorités de l’organisation permettent au management de fixer le niveau des exigences à atteindre et les délais. Ainsi en fonction de la maturité des entités, les niveaux d’exigences pourront être très ambitieux ou non. Les objectifs sont déclinés et communiqués par les responsables opérationnels même si la hiérarchie fonctionnelle peut donner des orientations, elle ne doit en aucun cas se substituer pas à la hiérarchie opérationnelle. En effet, « l’exécution d’un plan d’action doit servir à l’atteinte d’un objectif opérationnel. L’un ne va pas sans l’autre. Or, les fonctionnels n’ont pas la responsabilité ni le pouvoir de fixer des objectifs opérationnels ».

14.1.4 . La responsabilisation des fonctionnels

Pour Blanc et Monomakhoff (2008), « chaque niveau hiérarchique assure la responsabilité des actions de communication et de formation. Ces actions sont adaptées à la responsabilité exercée par le niveau hiérarchique concerné ». La direction générale quant à elle doit communiquer sur la stratégie et ces ajustements éventuels. Les managers et les responsables fonctionnels doivent expliquer le contenu des roadmaps qu’ils ont formalisé.

Direction générale Direction fonctionnelle et rédacteur de la roadmap

Définit les objectifs stratégiques. Fixe les objectifs.

Définit les plans prioritaires.

Structure les plans prioritaires à l’aide de roadmaps.

Fournit les modèles d’exigences. Capitalise l’expérience.

Suit la qualité des roadmaps.

Hiérarchie opérationnelle Hiérarchie fonctionnelle

Précise les objectifs, affecte les budgets.

Suit l’avancement des indicateurs de l’activité.

Relaie l’information.

Filtre des demandes d’améliorations. Suit l’avancement du progrès. Lance les audits.

Manager opérationnel Manager fonctionnel

Garantit la cohérence des objectifs et des moyens.

Gère les priorités.

Assure la formation. Supporte le déploiement.

Opérationnel

Exécute les plans d’actions. Rédige des feed back

Tableau 40 : Le partage des responsabilités des acteurs de la roadmap selon Blanc et Monomakhoff (2008)

14.1.5 . L’appropriation de la stratégie par les opérationnels

Avec le déploiement, l’opérationnel dispose d’une obligation de résultats (atteindre les objectifs) mais aussi d’une obligation de moyens. La direction générale fixe les objectifs et délais pour chaque plan d’action stratégique. Les opérationnels s’assurent de leur côté que les entités ont les ressources nécessaires pour atteindre les objectifs dans les délais. La hiérarchie opérationnelle peut aussi fixer des dates objectives d’atteinte des niveaux intermédiaires pour sécuriser le délai final.

14.1.6 . La mesure du progrès

La méthode propose un système de mesure reposant sur deux points :

 Un système de mesure rapproche les résultats opérationnels et l’avancement des plans de progrès. Le management peut ainsi optimiser en permanence les objectifs et les moyens ;

 Un système de mesure homogène pour tous les niveaux hiérarchiques, garantissant que tous les acteurs de l’organisation parlent le même langage et sont alertés par les mêmes chiffres.

En outre, chaque responsable de roadmap de management est en mesure de dire ou il se situe sur la roadmap. C’est ce que Blanc et Monomakhoff (2008) appelle « autoévaluation » c'est-à-

dire le fait que chaque responsable opérationnel d’une roadmap puisse indiquer lui-même son niveau d’avancement.

La mesure du progrès s’appuie dès lors sur deux notes calculées automatiquement pour chaque roadmap :

 La couverture : elle mesure le pourcentage d’avancement de la roadmap par rapport à l’objectif maximal. Elle divise le nombre d’exigences terminées par le nombre total d’exigences attendues sur les cinq niveaux. La couverture maximale possible est 100%.

 Le niveau : il mesure le positionnement d’une roadmap par rapport aux niveaux d’exigence. C’est un chiffre décimal de 0 à 5. Il indique d’une part le premier niveau pour lequel toutes les exigences sont terminées (chiffre entier), et d’autre part le pourcentage d’exigences du niveau en cours qui sont terminées (chiffre décimal). La note maximale possible est 5.

14.1.7 . Les audits

Pour Blanc et Monomakhoff (2008), les audits « sont intégrés dans la démarche 5 STEPS de façon à ce qu’il n’y ait ni ambiguïté ni redondance. L’audit n’est pas ressenti comme une sanction mais plutôt comme un acte d’explications et de formation. Les résultats sont immédiatement communiqués aux opérationnels et des plans d’actions dédiés peuvent rapidement s’ensuivre ». Il s’agit donc d’une autoprogression auditée.

La méthode propose des audits par niveau car il ne sert à rien d’auditer le niveau 5 si l’entité déclare ne pas l’avoir atteint. Les audits servent à s’assurer que les autoévaluations correspondent à la réalité opérationnelle. Ainsi, l’audit est « une opportunité pour l’organisation de vérifier que l’entité a bien compris la signification des exigences attendues sur leur forme, mais aussi sur leur fond ».

14.1.8 . L’amélioration continue

Le dispositif intègre selon Blanc et Monomakhoff (2008) un processus d’amélioration continue, simple, organisé et puissant qui permet : à chacun de contribuer au progrès ; à des groupes d’experts de partager l’information sur des thèmes communs ; à l’organisation de continuer à capitaliser sur les résultats des stratégies (procédures, standards, etc.), et cela, bien après leur déploiement.

 Les corrections : elles concernent des modifications de forme (libellés, précisions, explications, etc.). Une correction ne doit pas avoir d’impact sur le sens d’une exigence ;

 Les versions : lorsque le sens d’une exigence évolue ou doit évoluer, à la suite ou avec des modifications multiples sur ses livrables ou son libellé, il convient de produire une nouvelle version de la roadmap. Cependant le niveau d’exigence sur la roadmap reste identique ;

 Les générations : une nouvelle génération correspond à un changement de niveau d’exigence et/ou de pratiques sur le sujet de la roadmap.

Figure 47 : L’amélioration continue du contenu des roadmaps de management selon Blanc et Monomakhoff (2008)

Nous avons voulu, dans cette partie, décrire la mécanique du roadmapping de management telle qu’elle est conçue et formulée par son inventeur. L’objectif de la méthode est de permettre le déploiement de la stratégie ou du moins des objectifs stratégiques. Il s’agit en effet de structurer le passage des objectifs stratégiques aux actions permettant de satisfaire ces objectifs. La méthode fournit un formalisme et une philosophie sensés aider la direction à décliner les objectifs stratégiques en plans d’action, à suivre le déploiement de ces plans d’action dans l’organisation, à aider les opérationnels à autoprogresser. Pour Blanc et Monomakhoff (2008), le roadmapping de management est un dispositif qui permet de palier les difficultés de déploiement des objectifs stratégiques formalisés par les directions générales. Au-delà d’une obligation de résultat, la méthode veut fournir les moyens pour atteindre les objectifs stratégiques.

Chapitre 5 : Pourquoi le dispositif déployé chez Valeo peut être qualifié d’outil