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Chapitre 1 : L’approche basée sur les ressources comme réponse aux enjeux désertés par le paradigme

4. Les critiques de l’approche basée sur les ressources :

Bien que l’approche basée sur les ressources soit récente, plusieurs critiques ont été formulées à son encontre :

 L’approche basée sur les ressources ne prend en compte qu’une minorité de ressources, c’est à dire les ressources de valeur, rares et difficiles à imiter ou à substituer. Les ressources qui satisfont ces critères sont très rares et sont qualifiées par Montgomery (1996) comme étant des « joyaux de la couronne ». L’approche basée sur les ressources fait donc fi des ressources que l’on peut qualifier de normales, celles qui permettent à l’entreprise d’avoir des performances normales. Le pendant de cette critique est la non prise en compte des ressources qui ont un impact négatif sur la performance de l’entreprise ;

 L’approche basée sur les ressources se nourrit d’un certain nombre de termes et de concepts vagues dont les définitions ne font pas l’unanimité (Foss 1998, Williamson 1999, Fahy 2000, Priem et Butler 2001). Ainsi selon les auteurs et les courants, on se focalisera sur les ressources stratégiques de l’entreprise (strategic firm resources de Barney 1986), sur les compétences essentielles (core competencies de Prahalad et Hamel 1990), sur les capacités corporate (corporate capabilities de Nohria et Eccles 1991), sur les capacités organisationnelles (organizational capabilities de stalk et al 1992), sur les capacités dynamiques (dynamics capabilities de Teece et Pisano 1994). On trouve aussi dans la littérature de l’approche basée sur les ressources des expressions comme « capacités intégrées » (« combinative capabilities » de Kogut et Zander 1992), « core compétences dynamiques » (« dynamic core competencies » de Lei et al 1996), « compétences architecturales » (« architectural competence » de Henderson et Cockburn 1994), « compétences dynamiques » (« dynamic competency » de Bogner et al 1999), « compétences organisationnelles » (« organizational competencies » de Wilcox King et al 2001).

Expressions et mots clés utilisés

dans l'ABR Traduction anglaise Principaux auteurs

Ressources stratégiques de

l’entreprise Strategic firm resources Barney 1986

Compétences essentielles Core competencies Prahalad et Hamel 1990 Capacités corporate Corporate capabilities Nohria et Eccles 1991 Capacités organisationnelles Organizational capabilities Stalk et al 1992 Capacités dynamiques Dynamics capabilities Teece et Pisano 1994 Capacités intégrées Combinative capabilities Kogut et Zander 1992 Core compétences dynamiques Dynamic core competencies Lei et al 1996

Compétences architecturales Architectural competence Henderson et Cockburn 1994

Compétences dynamiques Dynamic competency Bogner et al 1999 Compétences organisationnelles Organizational competencies Wilkox King et al 2001

Tableau 8 : Approche basée sur les ressources : pluralité des termes utilisés.

Comme nous venons de le voir ci-dessus, la pluralité des termes et l’absence de consensus sur la définition de ces termes sont autant de limites à l’approche basée sur les ressources. Certains auteurs comme Bontis (1999) vont même jusqu’à expliquer cette profusion de termes par la quête de reconnaissance de certains auteurs qui créent ou utilisent de nouvelles expressions uniquement pour se différencier des autres. L’absence de définitions figées dans l’approche basée sur les ressources devient ainsi un frein à l’opérationnalisation de celle-ci (Caloghirou et al 2004). Il en résulte une quasi impossibilité de vérifier empiriquement les principaux postulats de cette approche (Foss 1999, Priem et Butler 2001). Pour Marchesnay (2002) cette confusion des définitions de la ressource, ce positionnement des chercheurs de l’approche basée sur les ressources sous la bannière déterministe (core compétences par exemple) ou volontariste (distinctive compétences) font perdre de vue le fait que cette théorie était à l’origine conçue par et pour les économistes industriels pour expliquer la compétitivité « des firmes » à l’intérieur d’une industrie.

 L’approche basée sur les ressources vue comme une approche tautologique : cette critique est une des plus fortes adressée à l’approche basée sur les ressources. Des débats ont opposés Barney à Priem et Butler dans Academy of Management Review. La position de Priem et Butler (2001) est celle-ci : on cherche les explications de l’avantage concurrentiel durable à l’intérieur de l’entreprise elle-même. Cet avantage concurrentiel durable n’existe que lorsqu’il y a des ressources rares, inimitables,

créatrice de valeur, difficilement substituables. Pour les auteurs, cette explication est vague et correspond simplement à dire que l’entreprise a un avantage concurrentiel si elle a un avantage concurrentiel ;

 Parallèlement à la critique précédente, les facteurs exogènes qui ont un impact sur les ressources ne sont pas pris en compte dans l’approche de Barney. En effet, Barney part d’une hypothèse « héroïque » comme quoi la firme impose sa compétence pour avoir un avantage durable (Marchesnay 2002). Ainsi cette approche qui se voulait dynamique n’est ni plus ni moins qu’une approche quasiment immobile.

Barney (2001) réagit à ces critiques notamment celle du caractère tautologique de l’approche en précisant que le paramétrage des éléments de la théorie et les études empiriques qui confirmeront ou infirmeront ces paramètres sont décisifs.

Il juge que la théorie et notamment, la notion de ressource, peut être importante dans un processus de benchmarking pour analyser sa situation concurrentielle.

Barney admet néanmoins qu’une ressource ne peut pas engendrer mécaniquement un avantage concurrentiel et ajoute que la définition précise de ce qu’est une ressource n’est pas chose aisée à cause de l’ambiguïté causale. En effet, même les dirigeants d’entreprise ont du mal à analyser de manière très précise les sources de leur avantage concurrentiel. Ceci est un moindre mal étant donné que s’ils en étaient capables, leurs concurrents pourraient aussi le faire. Barney admet donc que l’approche basée sur les ressources est toujours à construire et nécessiterait aussi des recherches empiriques. Le caractère tautologique de l’approche basée sur les ressources, l’absence de prise en compte dans l’approche de l’environnement du moins dans sa version originelle, le manque d’études empiriques seraient-ils des freins à son actionnabilité ?